Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20010927

Dossier : IMM-1855-00

Référence neutre : 2001 CFPI 1057

Ottawa (Ontario), le 27 septembre 2001

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE JOHN A. O'KEEFE

ENTRE :

ATTILA BUJDOSO

ILONA BUJDOSO

MELINDA BUJDOSO

demandeurs

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE O'KEEFE

[1]                 Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de l'article 82.1 de la Loi sur l'immigration, L.R.C., ch. I-2, relativement à la décision par laquelle, le 29 février 2000, deux commissaires de la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) ont refusé de reconnaître le statut de réfugié au sens de la Convention aux demandeurs.


[2]                 Les demandeurs demandent à la Cour de rendre une ordonnance annulant la décision de la Commission et renvoyant l'affaire pour qu'elle fasse l'objet d'une nouvelle audience.

Les faits

[3]                 Les demandeurs, un homme, son épouse et une personne à charge mineure (au moment de la demande), sont des citoyens de la Hongrie. Ils sont arrivés au Canada en provenance de leur pays le 13 octobre 1998 et ont revendiqué le statut de réfugié. Ils prétendaient craindre avec raison d'être persécutés en Hongrie parce qu'ils sont d'origine rome.

[4]                 La revendication du statut de réfugié des demandeurs a été entendue le 28 septembre 1999, et la Commission a rendu sa décision en date du 29 février 2000.

Question en litige

[5]                 La Commission a-t-elle commis une erreur susceptible de contrôle?


Disposition législative applicable

[6]                 Le paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, précitée, définit l'expression « réfugié au sens de la Convention » de la manière suivante :

« réfugié au sens de la Convention » Toute personne :

a) qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

(i) soit se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(ii) soit, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ou, en raison de cette crainte, ne veut y retourner;

b) qui n'a pas perdu son statut de réfugié au sens de la Convention en application du paragraphe (2).

Sont exclues de la présente définition les personnes soustraites à l'application de la Convention par les sections E ou F de l'article premier de celle-ci dont le texte est reproduit à l'annexe de la présente loi.

"Convention refugee" means any person who

(a) by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

(i) is outside the country of the person's nationality and is unable or, by reason of that fear, is unwilling to avail himself of the protection of that country, or

(ii) not having a country of nationality, is outside the country of the person's former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, is unwilling to return to that country, and

(b) has not ceased to be a Convention refugee by virtue of subsection (2),

but does not include any person to whom the Convention does not apply pursuant to section E or F of Article 1 thereof, which sections are set out in the schedule to this Act;

Analyse et décision


[7]                 Les demandeurs ont fait valoir que la Commission a commis différentes erreurs susceptibles de contrôle relativement à leurs demandes, par exemple en considérant que la demanderesse Melinda Bujdoso avait embelli sa preuve, en imposant une norme de preuve trop élevée en ce qui concerne leurs revendications, en particulier celle d'Ilona Bujdoso, en imposant une norme trop élevée au regard de la protection de l'État et en ne tenant pas compte d'éléments de preuve pertinents concernant des personnes placées dans une situation similaire.

[8]                 J'ai examiné le témoignage de la demanderesse mineure, Melinda Bujdoso, et je suis d'avis que rien ne justifiait réellement que la Commission conclue que ce témoin n'était pas crédible. La Commission en est arrivée à cette conclusion parce qu'elle avait l'impression que cette demanderesse avait enjolivé son témoignage car elle avait mentionné plusieurs incidents au cours desquels elle avait été attaquée dans sa déposition écrite, alors qu'elle n'avait parlé que d'un seul incident dans l'exposé circonstancié contenu dans son FRP. Après avoir examiné le reste de son témoignage, je crois que la Commission a commis une erreur en concluant que ce témoin n'était pas crédible.

[9]                 La Commission ayant ajouté foi aux témoignages des autres revendicateurs, la Cour n'a qu'à décider si la crainte de persécution des demandeurs est bien fondée. Les demandeurs ont indiqué dans leur témoignage qu'ils ne s'étaient pas adressés à la police en Hongrie parce qu'ils croyaient que celle-ci ne les aiderait pas vu qu'ils sont des Roms.


[10]            La Commission a indiqué qu'elle préférait la preuve documentaire à celle des demandeurs pour ce qui était de la protection de l'État. Elle a cité des extraits des documents produits en preuve traitant des efforts faits par les autorités hongroises pour améliorer les rapports entre les Roms et la police, mais n'a pas fait référence aux documents qui parlaient des relations toujours difficiles entre la police et la population rome. Par exemple, la Commission a renvoyé au Hungary Country Report on Human Rights Practices for 1998 du Département d'État américain pour démontrer que seulement deux agressions commises par des skinheads avaient été signalées en 1998. La phrase qui précède cette donnée dans le rapport et le reste du paragraphe mentionnent cependant ce qui suit :

[TRADUCTION] Une grande partie de la population continue d'avoir des préjugés contre les Roms. Ces derniers sont souvent maltraités par la police (voir le point 1.c). Le comité d'Helsinki a consigné deux agressions par des skinheads au cours de l'année (l'une contre un groupe de Roms et l'autre contre un étudiant asiatique). Selon des reportages parus dans les médias, quatre skinheads s'en sont pris à un Soudanais à Budapest en décembre. Ils ont été arrêtés et une enquête a été entreprise. Des étrangers de couleur ont dit avoir été harcelés par la police et par les autorités aux postes de contrôle frontaliers. La Martin Luther King Organization (MLKO), qui s'intéresse aux agressions commises contre des non-Blancs, a consigné deux incidents semblables en 1998, ce qui représente une diminution du nombre d'agressions. Les sources du MLKO croient cependant que de nombreux incidents ne sont pas signalés.

Le point 1.c se lit comme suit :

[TRADUCTION] Torture et autres traitements ou peines cruels, inhumains ou dégradants


Aucun cas de torture n'a été signalé. Les mauvais traitements de la police continuent, notamment le harcèlement, l'emploi d'une force excessive et le passage à tabac de suspects. La police continue aussi à harceler et à maltraiter les Roms et les ressortissants étrangers. Cent quatorze policiers ont fait l'objet d'accusations de voies de fait en 1997. Ce nombre était légèrement plus élevé pour la première moitié de 1998, où 60 policiers ont été accusés de voies de fait. De 10 à 15 p. 100 des cas se soldent par une poursuite et une condamnation. Des amendes, des périodes de probation et des peines avec sursis, entre autres, sont infligées. En 1997, la cour du district central de Budapest a condamné quatre policiers à des emprisonnements variant d'un an et demi à deux ans pour avoir battu très violemment un détenu lors de son interrogatoire. La cour d'appel a suspendu les peines, et trois des quatre policiers ont repris leur travail. Selon un rapport du comité d'Helsinki hongrois, les personnes détenues par la police se plaignent de mauvais traitements, mais très peu d'entre elles déposent des plaintes officielles parce qu'elles ne s'attendent pas à des résultats positifs et craignent que leur plainte puisse nuire à leur cas.

. . .

La police et le ministère de l'Intérieur ont entrepris de modifier l'image autoritaire de la police, et les organisations de défense des droits de la personne indiquent que la police offre généralement une plus grande collaboration aux organismes externes de surveillance de la conduite policière. La modicité des salaires et le manque de ressources physiques nuisent cependant à ces efforts. Une étude réalisée en 1997 par le bureau de l'ombudsman, qui enquête sur des violations constitutionnelles commises dans le secteur public, a condamné le travail des policiers, mais a indiqué que cela n'était pas surprenant étant donné les faibles salaires qu'on leur verse et leurs mauvaises conditions de travail. L'ombudsman a constaté que les conditions de travail de la grande majorité des policiers étaient inadéquates.

Les policiers harcèlent souvent les résidents en leur infligeant des amendes discutables pour de fausses violations du code de la route afin de se faire un peu d'argent en plus de leur salaire. Les policiers ont montré de l'indifférence envers les étrangers victimes de crimes de rue.

Il n'est pas nécessaire que la Commission fasse référence à chaque élément de preuve qu'elle a pris en considération. Je suis d'avis cependant qu'elle aurait dû préciser qu'elle avait examiné cet aspect de la preuve documentaire parce qu'il concerne directement la question de savoir si les demandeurs auraient pu obtenir la protection de l'État et, le cas échéant, s'ils auraient dû la demander. À mon avis, la Commission a commis une erreur de droit susceptible de contrôle en n'indiquant pas, de quelque manière que ce soit, qu'elle avait pris cette preuve en considération.

[11]            La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour faire l'objet d'un nouvel examen.


[12]            Aucune partie n'a voulu certifier une question grave de portée générale.

ORDONNANCE

[13]            LA COUR ORDONNE QUE la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et que l'affaire soit renvoyée à un tribunal différemment constitué pour faire l'objet d'un nouvel examen.

                                                                                 « John A. O'Keefe »             

Juge                          

Ottawa (Ontario)

Le 27 septembre 2001

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, trad. a., LL.L.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                         IMM-1855-00

INTITULÉ :                                                       ATTILA BUJDOSO ET AUTRES c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :                               Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :              Le jeudi 20 septembre 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :              MONSIEUR LE JUGE O'KEEFE

DATE DES MOTIFS :                                    Le 27 septembre 2001

COMPARUTIONS :

M. Peter G. Ivanyi                                                                          POUR LES DEMANDEURS

Mme Cheryl Mitchell                                                                        POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :      

Rochon Genova                                                                              POUR LES DEMANDEURS

Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenberg                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.