Date : 20200210
Dossier : IMM‑1544‑19
Référence : 2020 CF 223
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Toronto (Ontario), le 10 février 2020
En présence de monsieur le juge Diner
ENTRE :
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VESNA GALUSIC ET
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KRISTIAN GREENE (REPRÉSENTÉ PAR SON TUTEUR À L’INSTANCE VESNA GALUSIC)
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demandeurs
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et
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LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE
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défendeur
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JUGEMENT ET MOTIFS
[1]
La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision [la décision] par laquelle un agent d’exécution de la loi [l’agent] de l’Agence des services frontaliers du Canada [l’ASFC] a refusé la demande des demandeurs visant à reporter leur renvoi du Canada vers la Croatie. Bien que l’agent ait rédigé une décision relativement longue en ce qui concerne les décisions de report, il n’a pas réussi à appliquer adéquatement les preuves concernant l’intérêt supérieur à court terme de l’enfant. Les détails de cette preuve et les motifs pour lesquels la décision est déraisonnable sont présentés ci‑dessous.
I.
Contexte
[2]
Les demandeurs sont des citoyens de la Croatie et de la Bosnie‑Herzégovine. Ils sont arrivés au Canada et ont demandé l’asile en 2011. La demanderesse principale, Mme Galusic, a 46 ans et est employée comme hôtesse dans un restaurant de Niagara Falls, en Ontario. Kristian, son fils (et le demandeur mineur), a maintenant dix ans et est inscrit à l’école.
[3]
En mai 2018, la Section de la protection des réfugiés [la SPR] a refusé leur demande. En août 2018, ils ont présenté une demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Au moment de la décision, cette demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire n’avait pas encore été tranchée. En décembre 2018, les demandeurs ont demandé qu’il soit sursis à leur renvoi. Le 18 février 2019, ils se sont vu signifier une convocation leur enjoignant de se présenter en vue de leur renvoi, qui devait avoir lieu le 13 mars 2019. Le 21 février 2019, les demandeurs ont présenté une nouvelle demande de report. Le 2 mars 2019, les demandeurs ont présenté d’autres observations écrites à l’appui de leur demande.
[4]
Dans les demandes de report, les demandeurs ont soutenu que le renvoi perturberait l’année scolaire de Kristian et que, lorsqu’il est arrivé au Canada à l’âge de deux ans, il ne maîtrisait pas suffisamment les langues de Croatie (croate, bosniaque et serbe) pour y poursuivre ses études. Les demandeurs ont également fait valoir qu’il a fait l’objet d’un diagnostic de trouble anxieux en raison du refus de leur accorder la qualité de réfugiés et que, pour cette raison et d’autres, l’expulsion n’est pas dans son intérêt supérieur.
[5]
En ce qui concerne la santé mentale de Kristian, les documents des demandeurs comprenaient une lettre d’un infirmier praticien en soins de santé primaires détaillant son anxiété et son stress. De plus, un rapport d’un psychiatre pédiatrique indique que l’enfant souffre d’un [traduction] « trouble de l’adaptation avec une anxiété sévère liée aux problèmes d’immigration »
. Les demandeurs ont également inclus des statistiques montrant que la probabilité de succès d’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire est beaucoup plus faible si un demandeur est renvoyé avant le traitement de la demande.
[6]
Le 6 mars 2019, l’agent a refusé la demande de report des demandeurs. Cette décision est maintenant en cause.
II.
Décision faisant l’objet du contrôle
[7]
L’agent a pris les notes préliminaires suivantes : l’ASFC a l’obligation d’appliquer les ordonnances de renvoi le plus tôt possible, un agent d’application de la loi a peu de pouvoir discrétionnaire pour reporter le renvoi et lorsqu’un agent exerce ce pouvoir discrétionnaire, il doit quand même appliquer l’ordonnance de renvoi le plus tôt possible.
[8]
L’agent a ensuite fait référence à la lettre d’observations de l’avocat qui demande un report de cinq mois pour évaluer les problèmes de santé mentale de Kristian et lui permettre de terminer son année scolaire ou, à titre subsidiaire, un report plus long pour permettre l’évaluation de leur demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.
[9]
L’agent a mentionné le guide d’instruction et le manuel de politique pertinents, précisant que les deux documents indiquent que les demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire en suspens ne constituent pas à elles seules un fondement pour reporter le renvoi.
[10]
L’agent a ensuite fait référence au site Web d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada [IRCC] qui indique que les demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire peuvent prendre jusqu’à 30 mois pour être traitées. Selon cette information et la date de présentation, l’agent a constaté une preuve insuffisante pour démontrer que la décision fondée sur des motifs d’ordre humanitaire est imminente. L’agent a reconnu les statistiques d’IRCC fournies par les demandeurs concernant les taux d’approbation plus élevés des demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire pour les personnes encore au Canada que pour celles qui ont été renvoyées. Toutefois, l’agent a indiqué que chaque demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire est évaluée individuellement et selon son propre bien‑fondé, et que les déclarations de l’avocat des demandeurs à cet égard sont de [traduction] « nature conjecturale »
. Finalement, il a conclu que les demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire ne sont pas un obstacle au renvoi.
[11]
L’agent a reconnu divers faits démontrant que les demandeurs s’étaient établis, ce qui comprend le fait d’avoir passé sept ans au Canada, le travail à temps plein de Mme Galusic en tant qu’hôtesse de restaurant dans un hôtel, les études de Kristian, leur bénévolat et le soutien des membres de la collectivité.
[12]
L’agent a ensuite examiné l’intérêt supérieur de Kristian, précisant qu’il est habitué au système d’éducation canadien et qu’il veut terminer sa quatrième année au Canada. L’agent a reconnu qu’il n’a pas suffisamment de compétences dans les langues parlées en Croatie pour y commencer l’école, mais a indiqué qu’il fréquente une école serbe où il apprend la langue, qu’il parle également avec sa mère, ce qui peut atténuer son adaptation à l’école en Croatie. De plus, l’agent a fait remarquer qu’il restera avec sa mère et qu’il sera proche de sa famille élargie, qui pourra peut‑être fournir un soutien. L’agent a cité l’évaluation psychologique, qui indique que Kristian est [traduction] « très agité »
et [traduction] « trop anxieux »
, mais il a fait remarquer qu’une certaine anxiété est inhérente au processus de renvoi.
[13]
En ce qui concerne les difficultés auxquelles se heurteront Mme Galusic et Kristian au moment de leur renvoi, l’agent a reconnu les difficultés socioéconomiques, mais les a qualifiées de problèmes généraux, ne trouvant pas de preuves suffisantes pour démontrer l’existence de problèmes personnels, surtout à la lumière des compétences transférables acquises au Canada, y compris pour l’emploi. Enfin, l’agent a déclaré que les demandeurs ont eu le temps de se préparer à leur renvoi depuis qu’ils ont reçu leur refus de la SPR en mai 2018 et leur mesure de renvoi de juillet 2018.
[14]
Tout en reconnaissant les difficultés et les ajustements associés au renvoi du Canada, l’agent a conclu que le renvoi en Croatie n’exposerait pas les demandeurs à des difficultés inhabituelles ou injustifiées et a refusé de reporter le renvoi.
III.
Analyse
[15]
Les demandeurs affirment que l’agent a commis une erreur en (i) en limitant l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, (ii) en tenant compte de l’intérêt supérieur de Kristian et (iii) en interprétant mal les éléments de preuve. Dans Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], la Cour suprême a établi que les décisions administratives sont susceptibles d’examen selon la norme de la décision raisonnable, à moins que des exceptions à la loi ou à la règle de droit ne s’appliquent, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. Selon cette norme, la décision doit être examinée dans son ensemble compte tenu du contexte (Vavilov, aux para 85 et 89). La Cour doit être convaincue que les motifs justifient l’issue de l’affaire et qu’ils possèdent les « caractéristiques d’une décision raisonnable »
, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité (Vavilov, aux para 86 et 99). Enfin, étant donné qu’il s’agit d’un contrôle judiciaire initial de la décision de report d’un agent après que l’arrêt Vavilov a été rendu et que la norme de contrôle demeure la même qu’avant cet arrêt, j’examinerai la façon dont la jurisprudence antérieure a examiné les questions soulevées.
A.
L’agent n’a pas commis d’erreur en limitant l’exercice de son pouvoir discrétionnaire
[16]
Les demandeurs soutiennent que l’agent a limité son pouvoir discrétionnaire en mettant indûment l’accent sur la question de savoir si la décision fondée sur des motifs d’ordre humanitaire était [traduction] « imminente »
. Ils soutiennent que la Cour a reconnu qu’il n’est pas nécessaire que les décisions fondées sur des motifs d’ordre humanitaire soient imminentes pour justifier un report. Les demandeurs soutiennent également que d’autres facteurs – par exemple, si le report permettrait ou non à l’enfant de terminer l’année scolaire – doivent être pris en considération.
[17]
Je ne suis pas d’accord pour dire que l’agent s’est concentré de façon inappropriée sur l’imminence de la décision fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Un agent d’application de la loi est tenu, en vertu de l’article 48 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi], d’exécuter une mesure de renvoi valide. Les agents n’ont qu’un pouvoir discrétionnaire très limité pour reporter le renvoi (Baron c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2009 CAF 81, aux para 49 à 51 [Baron]).
[18]
Le juge en chef de la Cour a récemment affirmé ce pouvoir discrétionnaire limité pour reporter le renvoi et a expliqué que les agents ne peuvent reporter le renvoi que lorsqu’il y a des « considérations spéciales »
ou une « menace à la sécurité personnelle »
(Forde c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CF 1029, au para 36 [Forde]). Le juge en chef a en outre précisé que « l’agent de renvoi n’a pas le droit de reporter le renvoi lorsqu’il est peu probable qu’une décision concernant une demande en instance soit imminente »
(Forde, au para 40). Par conséquent, à la lumière de cette jurisprudence, l’agent a conclu qu’il était approprié de déterminer si la décision fondée sur des motifs d’ordre humanitaire était imminente.
[19]
Les demandeurs soutiennent en outre que l’agent a mis de façon inappropriée l’accent sur la statistique selon laquelle les demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire peuvent prendre 30 mois, même si les demandeurs ont soumis leur demande dans une catégorie spéciale – à savoir l’alinéa 25(1.21)b) de la Loi, qui, en termes généraux, exempte les cas où « le renvoi de l’étranger porterait atteinte à l’intérêt supérieur d’un enfant directement touché »
d’attendre un an après le rejet de leur demande d’asile avant que la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire ne soit examinée.
[20]
Encore une fois, je ne suis pas d’accord pour dire que cela indiquait une entrave à l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire. Bien que leur demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire ait été présentée en temps opportun (c.‑à‑d., plus d’un an avant la décision), les demandeurs n’ont présenté aucune preuve indiquant que leur décision fondée sur des motifs d’ordre humanitaire était imminente, ou qu’elle serait rendue plus tôt que d’habitude lorsqu’elle a été déposée au titre de l’exemption prévue à l’alinéa 25(1.21)b). Certainement, à première vue et en l’absence d’autres éléments de preuve, cette exemption n’exige pas un traitement accéléré. Elle permet simplement aux demandeurs admissibles qui ont fait une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire d’éviter le délai habituel d’un an prévu à l’alinéa 25(1.2)c) de la Loi.
[21]
De plus, contrairement aux affirmations des demandeurs, l’agent n’a pas commis d’erreur en qualifiant leurs déclarations concernant la baisse des taux d’acceptation après le renvoi comme étant [traduction] « conjecturale »
. Dans sa phrase complète, l’agent a précisé que [traduction] « chaque demande est évaluée individuellement et en fonction de son propre fondement, et les déclarations fournies à ce bureau sont de nature conjecturale »
. Bien que l’agent ait reconnu les statistiques, il a également mentionné les obligations auxquelles il est tenu par la Loi et [traduction] « la présentation d’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire à Immigration et Réfugiés Canada n’est pas censée constituer un obstacle à un renvoi »
. Ces déclarations, à elles seules, ne sont pas déraisonnables. Comme l’a récemment déclaré le juge Boswell dans Barco c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CF 421, au para 26 :
En ce qui concerne les observations des demandeurs quant aux taux de réussite des demandeurs CH à l’intérieur et à l’extérieur du Canada, je suis d’accord avec le défendeur. Les demandeurs ignorent une explication logique de ces issues, à savoir que les demandeurs qui présentent de solides facteurs CH peuvent être moins susceptibles d’être renvoyés du Canada initialement s’ils ont reçu une approbation à l’étape 1 ou s’ils disposent de preuves très favorables ou convaincantes permettant d’appuyer leur demande CH. Les demandeurs n’ont fourni aucune explication quant à la raison pour laquelle il n’en serait pas ainsi, et les arguments du défendeur à l’égard des taux de réussite des demandeurs CH à l’intérieur et à l’extérieur du Canada sont convaincants.
B.
L’agent n’a pas raisonnablement tenu compte de l’intérêt supérieur de Kristian
[22]
Les demandeurs m’ont convaincu qu’il y a des erreurs susceptibles de contrôle dans d’autres aspects de la décision. La première découle du fait que l’agent n’a pas traité les éléments de preuve – médicaux ou autres – liés à l’effet néfaste du renvoi de Kristian cinq mois avant la fin de l’année scolaire. Cette preuve comprenait, comme je l’ai déjà mentionné, le rapport d’un psychiatre pour enfants et les lettres d’un infirmier praticien et d’un enseignant. La jurisprudence enseigne que les agents doivent tenir compte des intérêts immédiats et à court terme des enfants, mais ne sont pas tenus de mener une évaluation complète des motifs d’ordre humanitaire. Je vais brièvement passer en revue cette jurisprudence.
[23]
L’affaire la plus citée dans ce domaine est la décision rendue par la Cour d’appel fédérale [CAF] dans l’affaire Baron, où le juge Nadon a déclaré qu’il « existe divers facteurs qui peuvent avoir une influence sur le moment du renvoi, même en donnant une interprétation très étroite à l’article 48. Il y a ceux qui ont trait aux arrangements de voyage, et ceux sur lesquels ces arrangements ont une incidence, notamment le calendrier scolaire des enfants et les incertitudes liées à la délivrance des documents de voyage ou les naissances ou décès imminents. »
(Baron, au para 51, citant Wang c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 148, au para 44 [non souligné dans l’original]. Le juge Nadon a également déclaré : « l’agent chargé du renvoi n’est pas tenu d’effectuer un examen approfondi de l’intérêt supérieur des enfants avant d’exécuter la mesure de renvoi »
(au para 57).
[24]
Récemment, la CAF a de nouveau examiné la question des reports dans le contexte des enfants touchés par le renvoi d’un parent. Dans Lewis c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CAF 130 [Lewis], la Cour a renforcé les principes établis dans l’arrêt Baron, mais a conclu que le traitement par l’agent d’application de la loi de l’intérêt supérieur de l’enfant (une fille née au Canada, à peu près au même âge que Kristian) avait été déraisonnable. En examinant la jurisprudence clé postérieure à l’arrêt Baron, la juge Gleason a écrit au nom de la Cour au paragraphe 74 :
[...] je rejette la thèse de M. Lewis et de l’intervenante portant que la jurisprudence Kanthasamy exige qu’une véritable analyse de l’intérêt supérieur de l’enfant soit entreprise avant qu’un parent de l’enfant puisse être renvoyé du Canada ou que l’intérêt supérieur de l’enfant doive l’emporter sur les autres considérations dans l’analyse. À mon avis, la jurisprudence Kanthasamy vise uniquement les décisions relatives aux considérations d’ordre humanitaire prises en vertu de l’article 25 de la LIPR et, même dans ces cas, n’impose pas que l’intérêt supérieur des enfants touchés constitue la considération prioritaire.
[25]
Dans la décision Forde, le juge en chef a examiné les deux arrêts précités de la CAF, ainsi que Canada (Sécurité publique et Protection civile) c Shpati, 2011 CAF 286, [2012] 2 RCF 133. Il a fait remarquer que les motifs d’ordre humanitaire en instance ne constituent pas un obstacle au renvoi et que, comme il a été mentionné précédemment, tout pouvoir discrétionnaire de report par un agent est très limité et qu’il est limité au report pour de courtes périodes dans les situations où le défaut de report expose le demandeur au risque de décès, à une sanction extrême ou à un traitement inhumain. Le juge en chef a fait remarquer que les limites temporelles s’appliquent au pouvoir discrétionnaire de report d’un agent, même lorsque des « considérations spéciales »
justifient un report (Forde, au para 36).
[26]
Le juge en chef a également fait référence à Danyi c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CF 112 [Danyi]. Dans cette affaire, le juge Boswell a fait remarquer que, lorsqu’on prend en compte l’intérêt immédiat et à court terme des enfants, il faut les traiter équitablement et avec sensibilité avant d’exécuter la mesure de renvoi (Danyi, au para 34). Dans la décision Danyi, qui présente certaines similitudes dans le profil à celle‑ci, les demandeurs ont demandé un report de six mois, en attendant le règlement de leur demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, qui reposait en grande partie sur le rapport d’un psychiatre indiquant que le stress provoquerait une rechute du trouble de stress post‑traumatique [TSPT] chez l’enfant. Le juge Boswell, tout en notant bon nombre des restrictions imposées à l’agent d’exécution résumées ci‑dessus, a néanmoins conclu que l’agent n’avait pas évalué de façon raisonnable l’intérêt supérieur de l’enfant (au para 36) :
Dans le présent dossier, l’évaluation par l’agent de la condition de santé mentale d’Alex pose problème. Puisque les agents qui étudient les demandes doivent évaluer l’intérêt supérieur de l’enfant à court terme, l’agent devait raisonnablement prendre en considération la preuve psychiatrique dans l’examen des intérêts à court terme d’Alex. L’évaluation psychiatrique indique que le retour d’Alex en Hongrie le priverait de son sentiment actuel de sécurité et de stabilité puisqu’il a autrefois vécu des événements hautement traumatisants et hostiles. L’évaluation a mené au constat que son retour ferait resurgir ses symptômes de TSPT et diminuerait la capacité de ses parents à répondre à ses besoins moraux et physiques. Vu les conclusions du psychiatre, la conclusion de l’agent que le renvoi « pourrait causer une période d’ajustement » à Alex ne peut se justifier puisqu’elle ne tient pas compte des intérêts moraux, sociaux et psychologiques d’Alex à court terme.
[27]
Reconnaissant le fait que leur portée est limitée, les reports peuvent se produire et se produisent de fait dans des circonstances particulières, convaincantes et limitées. Finir une année scolaire peut certainement à l’occasion appartenir à cette catégorie. Comme l’a écrit le juge Grammond dans Iheonye c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2018 CF 375, « [c]ela veut nécessairement dire que le fait d’être obligé de changer d’école au milieu de l’année est suffisant pour causer un préjudice sérieux »
(au para 19).
[28]
Dans d’autres cas récents, les refus de demandes de report fondés sur des enfants mineurs ont également été jugés déraisonnables. Dans Toney c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2019 CF 1018 [Toney], la juge Walker a conclu que l’agent n’avait pas tenu compte de façon raisonnable du moment du dépôt de la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire sous‑jacente et des circonstances y afférentes, dans le contexte de la demande de report à court terme.
[29]
Dans Ismail c Canada (Sécurité publique et Protection civile Canada), 2019 CF 845 [Ismail], la juge McDonald a conclu, au paragraphe 16, que l’agent s’est abstenu d’analyser la preuve de l’intérêt supérieur de l’enfant à court terme, et que le simple fait de « reconnaître »
ou de « constater »
était insuffisant. La juge McDonald a en outre déclaré que, malgré la décision rendue par le juge en chef dans la décision Forde où il concluait que l’agent de renvoi n’a pas le droit de reporter le renvoi lorsqu’il est peu probable qu’il soit imminent, l’agent est toujours tenu d’évaluer correctement l’intérêt supérieur de l’enfant à court terme (Ismail au para 20). De même, dans Douglas c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CF 1148 [Douglas], le juge Gleeson a conclu que l’agent n’avait pas traité valablement la preuve de l’intérêt supérieur à court terme de l’enfant, mais qu’il l’avait simplement résumée.
[30]
Enfin, dans Douglas c Canada (Sécurité publique et Protection civile Canada), 2019 CF 902, en concluant qu’un report de renvoi était déraisonnable, la juge Elliott a raisonné comme suit : « L’appréciation sommaire de l’ISE effectuée par l’agent n’est pas du tout solide. Une analyse adéquate de l’ISE aurait permis de déterminer s’il y avait des considérations spéciales qui, combinées à la demande fondée sur des considérations d’ordre humanitaire en instance, auraient pu justifier le report à court terme demandé jusqu’à ce qu’une évaluation à la première étape soit terminée »
(au para 38).
[31]
En effet, même dans l’arrêt Lewis, où la juge Gleason a soigneusement retracé la portée limitée du pouvoir discrétionnaire de report en recourant à la jurisprudence antérieure des Cours fédérales, elle a néanmoins conclu que la décision était déraisonnable parce que l’agent avait omis de tenir compte des intérêts à court terme de l’enfant canadien et qu’il s’était livré à une pure conjecture (concernant la capacité de l’enfant à revenir au Canada).
[32]
Ces affaires confirment le pouvoir discrétionnaire limité de report. Toutefois, limité ne signifie pas nul; ce n’est pas parce que les possibilités sont minces que les agents doivent les écarter dans tous les cas. En effet, ils doivent être particulièrement sensibles lorsque les demandes de report sont fondées sur l’intérêt supérieur d’un enfant. Les enfants sont, par définition, en bas âge, susceptibles de retomber dans des cycles négatifs provoqués par les perturbations et les bouleversements. Les motifs des agents doivent donc être adaptés et sensibles. La verbosité des motifs, la répétition des arguments et l’énumération de la preuve ne sont pas des signes de réceptivité ou de sensibilité, pas plus que les références aux notions standard telles que le temps de se préparer au renvoi, le fait de devoir subir une période d’adaptation ou le fait de rester en contact au moyen des télécommunications.
[33]
Par définition, les expressions standard s’appliquent à tous les cas. Personne ne peut nier que le chagrin et la difficulté font partie intégrante du renvoi. Mais ils ne tiennent pas compte de la question de l’intérêt supérieur de l’enfant à court terme. Chaque enfant qui est renvoyé ou dont le parent est renvoyé – même les bambins – aura eu au moins un certain temps pour se préparer (ou leurs parents les auront préparés), sera obligé de subir une période d’adaptation et pourra de nos jours faire apparition sur un téléphone cellulaire ou un autre écran numérique, même dans les coins les plus lointains de la planète.
[34]
Ces réalités sont toutes axiomatiques du renvoi, mais rien de plus que des vérités générales. Elles ne satisfont pas à elles seules à l’exigence d’évaluer les intérêts supérieurs à court terme. Tenir compte signifie avoir réellement écouté les observations des parties et répondu à la preuve : « [l]es principes de la justification et de la transparence exigent que les motifs du décideur administratif tiennent valablement compte des questions et préoccupations centrales soulevées par les parties »
(Vavilov au para 127). Bien sûr, l’arrêt Vavilov s’intéressait à un jeune homme plutôt qu’à un enfant, et n’a donc pas abordé la question de l’intérêt supérieur de l’enfant. Les arrêts Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61 [Kanthasamy], et Baker c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817 [Baker], ont en revanche tous deux ont abordé directement la question de l’intérêt supérieur de l’enfant. Il est dit ceci dans l’arrêt Kanthasamy (au para 35) :
L’application du principe de l’« intérêt supérieur de l’enfant [. . .] dépen[d] fortement du contexte » en raison de « la multitude de facteurs qui risquent de faire obstacle à l’intérêt de l’enfant » (Canadian Foundation for Children, Youth and the Law c. Canada (Procureur général), [2004] 1 R.C.S. 76, par. 11; Gordon c. Goertz, [1996] 2 R.C.S. 27, par. 20). Elle doit donc tenir compte de l’âge de l’enfant, de ses capacités, de ses besoins et de son degré de maturité (voir A.C. c. Manitoba (Directeur des services à l’enfant et à la famille), [2009] 2 R.C.S. 181, par. 89). Le degré de développement de l’enfant déterminera l’application précise du principe dans les circonstances particulières du cas sous étude.
[Non souligné dans l’original.]
[35]
Et bien que l’arrêt Baker ne traite pas de « tenir compte »
en soi, la phrase signature de la juge L’Heureux‑Dubé, à savoir, être « réceptive, attentive ou sensible »
aux facteurs de l’intérêt supérieur de l’enfant, visait un défaut de tenir compte dans les motifs des décideurs. Comme je l’ai mentionné précédemment, la portée de l’analyse permise par les agents en vue d’un report est beaucoup plus limitée que celle des évaluations exhaustives de l’intérêt supérieur de l’enfant en cause dans les arrêts Kanthasamy et Baker. Les agents de report doivent plutôt considérer l’intérêt supérieur à court terme (Lewis, au para 82; Toney, au para 46). Cela peut comprendre la fin d’une année scolaire pendant la période de report demandée.
[36]
Les demandes de report devraient donc jeter la lumière sur une partie étroite du kaléidoscope de l’intérêt supérieur de l’enfant et non sur l’ensemble complet de facteurs souvent soumis avec une demande au titre du paragraphe 25(1). L’agent d’application de la loi n’a pas le pouvoir délégué d’examiner l’ensemble complet des facteurs. L’agent ne fait plutôt que traiter des facteurs limités qui influent à très court terme sur la multitude de facteurs qui peuvent nuire à l’intérêt supérieur de l’enfant. Pour faire une analogie avec l’arrêt Kanthasamy, pour évaluer l’intérêt supérieur de l’enfant à court terme, l’agent doit seulement se concentrer au moyen d’un téléobjectif, plutôt que de l’objectif à grand angle nécessaire pour évaluer la multitude de facteurs de motifs d’ordre humanitaire.
[37]
Je laisse maintenant de côté le droit pour me concentrer sur son application dans les circonstances de l’espèce. Les demandeurs ont demandé un report de cinq mois jusqu’à la fin de l’année scolaire. L’agent a examiné pour la forme la documentation présentée : il a mentionné les évaluations du pédopsychiatre et de l’infirmier praticien et il a cité certains passages de la preuve. Il a également cité une partie importante de la lettre de présentation de l’avocat pour la demande de report. Comme nous l’avons vu dans les commentaires sur la « réceptivité »
dans l’arrêt Vavilov, les décisions doivent faire plus qu’examiner la preuve pour la forme. Comme le souligne la majorité dans l’arrêt Vavilov, « Les motifs qui “ne font que reprendre le libellé de la loi, résumer les arguments avancés et formuler ensuite une conclusion péremptoire” permettent rarement à la cour de révision de comprendre le raisonnement qui justifie une décision, et
[TRADUCTION]
“ne sauraient tenir lieu d’exposé de faits, d’analyse, d’inférences ou de jugement”. […] Une décision sera également déraisonnable [... s’] il est impossible de comprendre, lorsqu’on lit les motifs en corrélation avec le dossier, le raisonnement du décideur sur un point central »
(Vavilov, aux para 102 et 103 [renvois omis]).
[38]
L’agent a reconnu à plusieurs reprises que le renvoi pouvait entraîner une [traduction] « période d’ajustement »
et, après avoir cité de façon sélective certains passages de la preuve, a expliqué qu’une certaine anxiété était le résultat naturel du processus de renvoi et qu’il serait stressant de retourner dans un pays où Kristian n’avait pas vécu pendant de nombreuses années.
[39]
Ce sont tous des aphorismes vrais, éprouvés et bien établis. Il s’agit de déclarations standard. Ils pourraient très bien permettre de décider de ne pas accorder de report à court terme, mais ils ne devraient être pris en considération qu’après avoir réellement abordé les questions. Il ne suffit tout simplement pas d’observer que l’anxiété et le stress sont inhérents au processus de renvoi. Au contraire, l’agent aurait dû s’appuyer sur les preuves précises fournies pour appuyer les avantages de rester jusqu’à la fin de l’année scolaire et d’éviter d’autres problèmes de santé mentale. Pour prendre un exemple, le rapport du psychiatre abordait à la fois le diagnostic de [traduction] « trouble d’adaptation avec anxiété sévère »
et les symptômes (maux de tête et d’estomac). Après avoir cité un petit paragraphe du rapport, l’agent a conclu :
[traduction]
J’ai examiné toutes les déclarations contenues dans le rapport. Je remarque également que, bien que le médecin ait quelques préoccupations au sujet de l’anxiété et des problèmes psychologiques de Kristian GREENE, une certaine anxiété est un résultat inhérent mais naturel du processus de renvoi. De plus, les éléments de preuve insuffisants ont été présentés à ce bureau pour démontrer que Kristian GREENE ne pourrait pas voyager par avion.
[40]
Ainsi, l’agent a simplement déclaré qu’il a lu le rapport, mais a ensuite attribué les questions soulevées à [traduction] « une certaine anxiété »
, une conséquence naturelle du renvoi. Bien qu’il soit vrai qu’on s’attend à une certaine anxiété de la part d’une personne faisant l’objet d’une expulsion, cette déclaration ne tient pas suffisamment compte de l’intérêt supérieur de l’enfant à court terme dans ces circonstances, où l’enfant a reçu un diagnostic de trouble d’adaptation et d’anxiété sévère et a demandé de reporter le renvoi jusqu’à la fin de la période scolaire. Simplement (i) déclarer avoir lu le rapport, (ii) citer un passage du rapport, et (iii) déclarer que l’anxiété est naturelle ne relie pas les points, comme l’arrêt Vavilov l’exige, ou ne démontre pas que l’agent a écouté les préoccupations des demandeurs. De même, la décision ne tient pas compte, dans son intégralité, de la lettre de présentation de l’infirmier praticien inscrit, qui corrobore les préoccupations du psychiatre en matière de santé mentale. L’agent ne reconnaît pas non plus la preuve selon laquelle Kristian était traité par son médecin de famille pour des problèmes d’estomac et des maux de tête. L’omission d’évaluer la preuve d’une exacerbation des préoccupations en matière de santé mentale et de leurs effets est précisément l’erreur récemment relevée par le juge Gleeson dans la décision Douglas.
[41]
En résumé, les agents d’application de la loi n’ont pas le pouvoir discrétionnaire délégué ou le pouvoir délégué de mener une évaluation complète des motifs d’ordre humanitaire, et ils n’ont pas non plus le mandat de retarder une mesure de renvoi pendant le traitement d’une demande en instance. Toutefois, l’arrêt Vavilov indique clairement que les décisions administratives doivent être justifiées à la lumière des contraintes juridiques et factuelles et répondre aux questions et préoccupations centrales soulevées.
[42]
En particulier, l’arrêt Vavilov établit que « le fait qu’un décideur n’ait pas réussi à s’attaquer de façon significative aux questions clés ou aux arguments principaux formulés par les parties permet de se demander s’il était effectivement attentif et sensible à la question qui lui était soumise »
(au para 128). Si l’on transpose cette affirmation aux demandes de report à court terme concernant des enfants, il faut que les agents examinent de façon significative les éléments de preuve présentés pour démontrer que le report jusqu’à la fin de l’année scolaire est dans l’intérêt à court terme de l’enfant. Les agents ne doivent pas se contenter de citer le libellé, de résumer les arguments et de régurgiter les phrases standard. Ici, l’agent n’a pas analysé l’intérêt supérieur à court terme de Kristian en fonction des circonstances particulières de l’affaire.
C.
L’agent a mal interprété la preuve de soutien familial et s’est livré à des conjectures
[43]
Les demandeurs affirment que l’agent a mal interprété la preuve en faisant référence à leur famille à l’étranger. L’expression exacte à laquelle les demandeurs font référence comme étant problématique est l’énoncé suivant : [traduction] « Je remarque également que Kristian a sa famille élargie dans son pays qui pourrait être en mesure d’aider au besoin. »
Les éléments de preuve ont indiqué que la mère âgée de Mme Galusic vivait en Bosnie‑Herzégovine, qui n’était pas le pays où ils devaient être renvoyés. Rien n’indique que d’autres membres de leur famille vivent en Croatie (ou d’ailleurs, en Bosnie‑Herzégovine). Bien que cette constatation ne constitue pas à elle seule une erreur susceptible de contrôle, elle s’ajoute à la critique plus large de l’omission de tenir compte des éléments de preuve présentés dans le contexte des arguments de l’intérêt supérieur de l’enfant.
IV.
Conclusion
[44]
Les demandeurs se sont acquittés de leur fardeau – important dans le contexte du report – de démontrer que la décision est déraisonnable. Pour ces motifs, j’accueille la présente demande de contrôle judiciaire.
JUGEMENT dans le dossier IMM‑1544‑19
LA COUR ORDONNE :
La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie.
L’affaire est renvoyée à l’ASFC pour nouvel examen par un autre agent d’application de la loi.
Aucune question à certifier n’a été plaidée, et je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.
Aucuns dépens ne sont adjugés.
« Alan S. Diner »
Juge
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER :
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IMM‑1544‑19
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INTITULÉ :
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VESNA GALUSIC ET AL c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE
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LIEU DE L’AUDIENCE :
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Toronto (Ontario)
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DATE DE L’AUDIENCE :
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Le 15 janvier 2020
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JUGEMENT ET MOTIFS :
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LE JUGE DINER
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DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :
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Le 10 février 2020
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COMPARUTIONS :
Timothy Wichert
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POUR LES DEMANDEURS
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Asha Gafar
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POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Timothy Wichert
Avocat
Toronto (Ontario)
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POUR LES DEMANDEURS
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Procureur général du Canada
Toronto (Ontario)
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POUR LE DÉFENDEUR
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