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Date : 19990823


Dossier : T-96-99

Ottawa (Ontario), le 23 août 1999

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

     RAUL ENRIQUE ROMERO GONZALEZ,

     demandeur,

     et


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,


     défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE et ORDONNANCE

LE JUGE PELLETIER

[1]      Raul Enrique Romero Gonzalez est venu au Canada en tant que réfugié. Arrivé à l'aéroport Pearson le 3 mars 1992, il a immédiatement demandé le statut de réfugié, qu'on lui a accordé. Il a reçu le droit d'établissement le 25 mars 1994. Le 15 octobre 1995, il s'est inscrit à un programme de maîtrise en espagnol au City College de New York, puisqu'on lui avait dit qu'il devait reprendre une ou plusieurs années de ses études de premier cycle s'il voulait être accepté dans une université canadienne au niveau équivalent. Le 16 février 1998, il a demandé la citoyenneté canadienne. La juge de la citoyenneté l'a interviewé le 1er octobre 1998. Par lettre en date du 3 décembre 1998, la juge de la citoyenneté a informé M. Gonzalez que sa demande de citoyenneté était rejetée. Le fondement de ce rejet se trouve au paragraphe suivant :

         [traduction]

         Après avoir soupesé la preuve qu'on m'a présentée sous forme de témoignage ou de documents, je ne peux conclure que vous avez établi votre résidence au Canada en y centralisant votre mode de vie habituel dans les quatre années précédant votre demande de citoyenneté canadienne.

[2]      La Loi sur la citoyenneté prévoit, comme condition d'éligibilité à la citoyenneté, que :

(c) has been lawfully admitted to Canada for permanent residence, has not ceased since such admission to be a permanent resident pursuant to section 24 of the Immigration Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

c) a été légalement admise au Canada à titre de résident permanent, n'a pas depuis perdu ce titre en application de l'article 24 de la Loi sur l'immigration, et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante:

     (i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and
     (i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,





     (ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;
     (ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;

[3]      Bien que les avis divergent dans cette cour quant à la façon d'appliquer le critère de résidence, il y a un accord général sur l'existence de deux éléments : l'acquisition de la résidence, et le maintien de la résidence par la suite. En l'instance, la juge de la citoyenneté a rejeté la demande de M. Gonzalez à défaut d'une preuve qu'il avait établi sa résidence dans les quatre années précédant sa demande de citoyenneté. En toute déférence envers la juge de la citoyenneté, elle a commis une erreur en limitant sa recherche de la preuve de l'établissement de la résidence aux quatre années précédant la demande de citoyenneté. La Loi n'exige pas que la résidence soit établie dans les quatre années précédant la demande; elle exige qu'un certain temps de résidence soit accumulé durant la période des quatre ans. La résidence peut être établie à l'extérieur de la période de quatre ans, mais il faut la maintenir durant la période de quatre ans.

[4]      Ce principe a été établi dans Ishmael c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, [1992] J.C.F. 565, où le juge MacKay cite des affaires où d'autres juges ont fait de même :

             La Cour a par ailleurs établi clairement qu'il n'est pas nécessaire que la résidence soit établie pendant les quatre années qui précèdent la demande de citoyenneté. Il est possible que la résidence soit acquise avant cette période. Ainsi, dans l'affaire Re Kelly, (1990) 11 Imm. L.R. (2d) 44 (C.F. 1re Inst.), le juge McNair a accueilli l'appel d'un requérant qui avait obtenu le droit d'établissement en 1956 et qui, par la suite, avait travaillé pour la Banque Royale du Canada où il avait occupé des postes à l'étranger pendant presque toute la période allant de 1961 à 1988, l'année où il avait demandé la citoyenneté. Le juge McNair a considéré que le requérant avait établi sa résidence au Canada pendant la période 1975-1978 et que les retours périodiques qu'il effectuait régulièrement au pays, l'appartement qu'il y conservait, l'impôt qu'il acquittait et les nombreux autres liens qu'il entretenait avec le Canada au cours des années passées à l'étranger faisaient qu'il remplissait les conditions de résidence énoncées dans la Loi. Dans l'affaire Lee (no T-2242-84, le 12 mars 1986 (C.F. 1re Inst.), non publiée), le juge Cullen a fait droit à l'appel d'une personne qui avait obtenu le droit d'établissement au Canada, à onze ans, à titre de personne à charge et qui, par la suite, avait terminé son instruction pré-universitaire et sa première année d'université au Canada avant d'aller poursuivre ses études et sa formation pratique à l'étranger, soit aux États-Unis, en Angleterre et à Hong Kong. Cette démarche l'avait tenu éloigné du Canada pendant presque huit années consécutives avant sa demande de citoyenneté. Le juge reconnaît implicitement, dans sa décision, que l'appelant avait établi sa résidence au Canada avant d'aller à l'étranger pour ses études et sa formation et que l'absence de presque huit ans qui en a résulté ne signifiait pas qu'il ne résidait pas au Canada aux fins de l'application de la Loi.

[5]      En ne recherchant sa preuve de l'établissement de la résidence que dans les quatre années qui ont précédé la demande, la juge de la citoyenneté n'a pas tenu compte de la preuve qui pourrait avoir démontré que M. Gonzalez avait établi sa résidence au Canada avant le début de la période des quatre ans. Je ne conclus pas qu'il a établi sa résidence durant cette période, mais seulement que la juge de la citoyenneté devait examiner toute la période au cours de laquelle M. Gonzalez a été au Canada afin de décider s'il avait établi sa résidence ou non.

[6]      Pour ce motif, l'appel est accueilli.

     O R D O N N A N C E

         L'appel est accueilli.

     J.D. Denis Pelletier

     Juge

Traduction certifiée conforme


Bernard Olivier

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



No DU GREFFE :              T-96-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Raul Enrique Romero Gonzalez c.

                         Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration


LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :          Le 19 août 1999






MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE DE M. LE JUGE PELLETIER


EN DATE DU : 23 août 1999




ONT COMPARU :

Raul Enrique Romero Gonzalez              POUR LE DEMANDEUR

Mme Marissa Beata Bielski                  POUR LE DÉFENDEUR



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Raul Enrique Romero Gonzalez              POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)                      - en son propre nom -

Morris Rosenberg                       POUR LE DÉFENDEUR

Ministère de la Justice

Toronto (Ontario)

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