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                                                                                                                                 Date : 19980821

                                                                                                                    Dossier : IMM-4383-97

ENTRE :

                                                   SASEEKALA SINNAKKUDDY,

                                                                                                                                   demanderesse,

                                                                          - et -

                    LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

                                                                                                                                          défendeur.

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE REED

[1]         La demanderesse cherche à obtenir une ordonnance annulant la décision de la section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) selon laquelle la demanderesse n'est pas un réfugié au sens de la Convention. Cette décision est contestée pour deux motifs : (1) la Commission n'a pas évalué cumulativement la preuve ayant trait aux expériences antérieures de la demanderesse; (2) la Commission n'a pas évalué correctement la preuve concernant les expériences de la demanderesse à Colombo et s'est fondée sur des éléments de preuve documentaire dépassés.

[2]         Le premier argument invoqué par la demanderesse se rapporte à l'analyse des expériences vécues par la demanderesse à Vavuniya, puis à Colombo. La Commission aurait fait une analyse distincte dans chaque cas :

[traduction]

                Il ressort du témoignage de la requérante que les autorités de Vavuniya étaient convaincues que celle-ci n'était pas un Tigre. Autrement, on peut difficilement concevoir qu'elles auraient laissé partir la requérante, après l'avoir interrogée pendant une heure, en lui remettant un laissez-passer qui l'autorisait à se rendre à Colombo. Son expérience à Vavuniya, en dépit d'attouchements déplacés et de paroles injurieuses, n'est pas suffisante pour satisfaire à l'élément objectif de la crainte qu'elle revendiquait à ce moment-là ou actuellement.

                Le témoignage de la requérante me convainc que les expériences qu'elle a vécues pendant ces trois semaines à Colombo ne sont pas suffisantes pour satisfaire à l'élément objectif. Les manoeuvres d'intimidation et les menaces ne constituaient pas des actes de persécution. Je suis convaincu que les autorités n'ont pas cru qu'elle était un Tigre actif (espion). Compte tenu de la grande surveillance exercée pour protéger Colombo contre les atrocités commises par les Tigres, on peut difficilement concevoir que la requérante aurait été libérée si les autorités avaient cru qu'elle était un Tigre. [...]

[3]         La demanderesse ne m'a pas convaincue que la façon dont la Commission s'exprime dans l'extrait susmentionné de sa décision démontre qu'elle a commis une erreur dans son analyse de la preuve. La Commission a déclaré qu'elle reconnaissait que la demanderesse peut être persécutée dans le nord du Sri Lanka, quoique par les LTTE et non par les forces de sécurité gouvernementales. La Commission a ensuite affirmé que la question dont elle était saisie consistait à savoir si la demanderesse avait une possibilité de refuge à Colombo. La Commission s'est donc attachée à la situation à Colombo et au genre de traitement qui, selon elle, pourrait être infligé à la demanderesse si elle y retournait. Pour cette raison, le traitement dont la demanderesse a fait l'objet à Vavuniya, bien qu'il ait été le fait des forces de sécurité gouvernementales, pouvait raisonnablement être analysé séparément du traitement qui pourrait lui être infligé à Colombo.

[4]         L'élément crucial de la conclusion que tire la Commission dans les paragraphes susmentionnés est que les forces de sécurité ont considéré que la demanderesse n'était pas un membre des LTTE, de sorte qu'elle ne serait pas la cible d'actes de persécution.

[5]         J'en viens maintenant à l'analyse que la Commission a faite de la preuve se rapportant au traitement dont la demanderesse pourrait faire l'objet à Colombo. En ce qui concerne les expériences antérieures de la demanderesse, la Commission a considéré que le pot-de-vin que la demanderesse et son oncle ont remis à la police ressemblait à de la corruption plutôt qu'à une persécution. La Commission ne s'est pas référée à la preuve selon laquelle la demanderesse avait été agressée (on a braqué un fusil sur son cou en la menaçant de l'abattre). Elle a mentionné ce fait dans sa description de la preuve, mais pas dans la partie de sa décision dans laquelle elle analysait cette preuve.

[6]         Dans son évaluation du genre de traitement qui pourrait être infligé à la demanderesse si elle retournait à Colombo, la Commission a fait remarquer que le gouvernement du Sri Lanka avait mis sur pied une unité d'enquêtes spéciales chargée d'examiner les allégations de corruption policière. La Commission a conclu ceci : [traduction] « Étant donné les mesures de protection en place pour réduire la corruption et d'autres abus, je suis convaincu qu'il n'existe aucune possibilité raisonnable de mauvais traitements équivalant à une persécution » .

[7]         La Commission s'est référée à de « récentes informations » fournies par le HCNUR :

[traduction]

                S'agissant de l'examen des éléments de preuve documentaire contradictoires, les récentes informations fournies par le HCNUR me paraissent très fiables. Vu le paragraphe 6 de ce rapport, je suis convaincu qu'il n'existe aucune possibilité raisonnable de persécution dans le cas d'une personne comme la requérante, qui possède des documents d'identité valides. Je m'appuie sur la preuve à jour émanant du HCNUR et je suis convaincu que Colombo est une possibilité de refuge viable. [Renvois omis.]

[8]         Le document du HCNUR auquel la Commission se réfère est daté de mars 1997 et s'intitule UNHCR Position concerning the Return of Rejected Asylum Seekers to Sri Lanka. Le paragraphe 6 de ce document est ainsi libellé :

[traduction]

                En général, les demandeurs d'asile refusés ne sont pas choisis à l'aéroport ou à un autre moment par la suite. En revanche, vu le conflit en cours et les problèmes de sécurité, la vérification d'identité des personnes se fait dans le cadre des contrôles de sécurité généraux et, en principe, les autorités traitent les personnes concernées d'une manière juste et humaine. Les détentions en vue d'un contrôle de sécurité sont surveillées par des organismes de défense des droits de la personne. Les citoyens, y compris les demandeurs d'asile refusés qui ont été expulsés, peuvent se prévaloir des services et du soutien d'organismes nationaux de défense des droits de la personne.

[9]         La Commission s'est référée à un rapport du HCNUR dans une lettre en date du 18 septembre 1996 (document daté du 9 septembre 1996). Il est toutefois mentionné dans un document de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié daté de mars 1997 que le British Refugee Council s'est montré préoccupé, en février 1997, par le fait qu'on signalait encore des arrestations arbitraires, des détentions, des cas de torture et de mauvais traitements envers des détenus tamouls, ainsi que de mauvaises conditions de détention et le manque d'installations. Il est mentionné dans ce document que le British Refugee Council s'est montré préoccupé par le fait qu'il peut être difficile et, dans bien des cas, impossible de trouver une possibilité de refuge au Sri Lanka, surtout lorsqu'il s'agit de réfugiés individuels ou de familles peu nombreuses. Dans un autre document daté du 14 mars 1997, on fait remarquer qu'il était clair vers la fin de 1996 que le conflit armé au Sri Lanka était loin d'être terminé et que la situation en matière de droits de la personne dans tout le pays demeurait préoccupante.

[10]       L'avocate du défendeur reconnaît que la preuve relative à la situation au Sri Lanka est « mixte » . La question à laquelle je dois répondre est la suivante : la Commission a-t-elle omis de tenir compte de la preuve négative pour conclure que la demanderesse n'était pas un réfugié au sens de la Convention. Réflexion faite, je ne puis tirer cette conclusion. La Commission a été saisie d'éléments de preuve à la fois négatifs et positifs. Elle s'est expressément référée au document de mars 1997 du HCNUR qui vient d'être mentionné. Bien que ce document se rapporte à la situation des demandeurs d'asile refusés qui retournent au Sri Lanka, il est question au paragraphe 6 de la situation des citoyens en général. La Commission a évalué la situation particulière de la demanderesse. L'un des arguments invoqués par la demanderesse était que, en tant que personne en quête d'asile refusée, elle serait choisie comme cible de mauvais traitements. La preuve appuie les conclusions tirées par la Commission, à savoir que la demanderesse pourrait faire l'objet de contrôles d'identité à son retour, qu'elle pourrait être détenue mais que cette détention serait de courte durée étant donné qu'elle serait en mesure d'établir son identité, et que sa crainte d'être maltraitée par les policiers était une crainte de corruption et d'extorsion policières, et non une crainte de mauvais traitements équivalant à une persécution. Selon moi, il n'existe aucun motif justifiant l'annulation de la décision de la Commission.


[11]       Pour les motifs qui précèdent, la présente demande doit être rejetée.

                                                                                                               B. Reed                    

                                                                                                                        Juge

OTTAWA (ONTARIO)

Le 21 août 1998

Traduction certifiée conforme

Marie Descombes, LL.L.


                                                 COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                            SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                       NOMS DES AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU DOSSIER DE LA COUR : IMM-4383-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :                         Saseekala Sinnakkuddy c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :                              Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                            Le 7 août 1998

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MADAME LE JUGE REED

EN DATE DU :                                               21 août 1998

COMPARUTIONS :

M. D. Clifford Luyt                                                                    pour la demanderesse

M. Kevin Lunney                                                                       pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. John M. Guoba                                                                    pour la demanderesse

Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada                                            pour le défendeur


                                                                                                                                 Date : 19980821

                                                                                                                    Dossier : IMM-4383-97

OTTAWA (Ontario), le vendredi 21 août 1998

EN PRÉSENCE DE MADAME LE JUGE B. REED

ENTRE :

                                                   SASEEKALA SINNAKKUDDY,

                                                                                                                                   demanderesse,

                                                                          - et -

                    LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

                                                                                                                                          défendeur.

                                                                ORDONNANCE

            SUR PRÉSENTATION d'une demande qui a été entendue à Toronto (Ontario) le vendredi 7 août 1998 et pour les motifs d'ordonnance prononcés ce jour :


            LA COUR ORDONNE PAR LES PRÉSENTES CE QUI SUIT :

            la demande est rejetée.

                                                                                                                 B. Reed                  

                                                                                                                        Juge

Traduction certifiée conforme

Marie Descombes, LL.L.


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