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Date : 20000901


Dossier : T-1713-98

OTTAWA (Ontario), le 1er septembre 2000

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MacKAY


ENTRE :

     BRADLEY BERTHIER, GARY PEDDLE & DARREL SLAUNWHITE

     demandeurs

     - et -

     LE MINISTRE DU TRAVAIL (CANADA) et

     THE HALIFAX EMPLOYERS' ASSOCIATION et

     L'ASSOCIATION INTERNATIONALE DES DÉBARDEURS, SECTION LOCALE 269

     défendeurs


     VU la demande de contrôle judiciaire et d'annulation de la décision par laquelle le ministre du Travail (Canada) a refusé, en date du 29 juillet 1998, de désigner un arbitre en vertu de l'article 240 du code canadien du travail;

     APRÈS avoir entendu les avocats des demandeurs, du ministre défendeur et de la Halifax Employers' Association à Halifax, le 16 novembre 1999, après avoir examiné les observations écrites que ces avocats et celui de l'Association internationale des débardeurs, section locale 269, avaient alors présentées à la Cour et après avoir reçu par la suite le 28 juin 2000 de l'avocat des demandeurs une copie de la décision du Conseil canadien des relations industrielles dans le dossier 18397-C et dans les dossiers connexes (CIRB/CCRI décision no 54 du 14 février 2000);



ORDONNANCE


     LA COUR STATUE QUE :
     1.      La demande est accueillie.
     2.      Les dépens sont adjugés en faveur des demandeurs et leur montant est fixé à 1 500 $, chacun des trois défendeurs étant tenu de verser la somme de 500 $.




« W. Andrew MacKay »

JUGE




Traduction certifiée conforme



Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.




                                            






Date : 20000901


Dossier : T-1713-98



ENTRE :

     BRADLEY BERTHIER, GARY PEDDLE & DARREL SLAUNWHITE

     demandeurs

     - et -

     LE MINISTRE DU TRAVAIL (CANADA) et

     THE HALIFAX EMPLOYERS' ASSOCIATION et

     L'ASSOCIATION INTERNATIONALE DES DÉBARDEURS, SECTION LOCALE 269

     défendeurs


     MOTIFS DE L'ORDONNANCE



LE JUGE MacKAY




[1]          Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée à l'encontre de la décision par laquelle le ministre fédéral du Travail a refusé, le 29 juillet 1998, de désigner un arbitre pour entendre la plainte de congédiement injuste déposée par les demandeurs contre la Halifax Employers' Association. La plainte, qui n'est pas visée par la présente demande de contrôle judiciaire, découle d'une modification de la procédure utilisée pour inscrire les travailleurs en qualité de débardeurs au quai de Halifax.




[2]          La Halifax Employers' Association est une association constituée en personne morale regroupant des entreprises qui emploient des débardeurs et d'autres travailleurs au quai de Halifax. L'Association internationale des débardeurs (AID), section locale 269, est le syndicat qui représente les employés syndiqués qui travaillent au quai. Les demandeurs dans la présente demande de contrôle judiciaire sont trois personnes qui travaillent occasionnellement depuis quelque temps en qualité de débardeurs à Halifax, auxquels du travail est assigné au besoin par l'intermédiaire de la cour d'embauche (Bullpen). Les travailleurs qui ne sont pas membres du syndicat et qui cherchent du travail comme débardeurs se présentent à la cour d'embauche de l'AID, section locale 269. Si du travail est disponible pour des travailleurs qui ne sont pas membres du syndicat, ceux qui se trouvent à la cour d'embauche peuvent se voir assigner ce travail; ils paient des cotisations au syndicat pour les heures pendant lesquelles ils travaillent, étant donné qu'ils ne sont pas membres de l'AID.




[3]          En 1997, l'AID et la Halifax Employers' Association ont décidé que l'industrie avait besoin de travailleurs spécialisés additionnels sur une base régulière. Ces deux organismes ont conclu une entente en vertu de laquelle priorité serait donnée à cent travailleurs inscrits sur une « liste de réserve de la cour d'embauche » . Un processus a été établi pour déterminer qui serait admissible à être inscrit sur la liste de réserve de la cour d'embauche. Des personnes ont été recommandées par l'AID et évaluées par l'association d'employeurs. Dans le cadre de ce processus, les candidats à la liste de réserve de la cour d'embauche devaient subir des épreuves écrites normalisées et leur admissibilité dépendait en partie de l'obtention d'un résultat minimal à ces épreuves.




[4]          Les trois demandeurs n'ont pas réussi a obtenir ce résultat minimal aux épreuves et ont été informés qu'ils n'étaient donc pas admissibles à être inscrits sur la liste de réserve de la cour d'embauche. Ils ont déposé, par l'entremise de leur avocat, une plainte de congédiement injuste auprès du ministre du Travail, auquel ils ont demandé de désigner un arbitre en vertu du Code canadien du travail1. Le ministre a rejeté leur demande de désignation d'un arbitre dans les termes suivants, dans une lettre en date du 29 juin 1998 :

[Traduction]      Voici notre réponse à la demande que vous avez faite le 27 avril 1998 au nom de vos clients, Bradley Joseph Berthier, Gary Leo Peddle et Darrell Richard Slaunwhite, aux fins de la désignation d'un arbitre pour entendre leur plainte de congédiement injuste contre la Halifax Employers' Association, sept entreprises nommées, membres de l'Association, et la section locale 269 de l'Association internationale des débardeurs.
     L'enquête menée sur les faits et les efforts de médiation par un inspecteur de la région de l'Atlantique a révélé qu'une affaire de même nature que la plainte en vertu de la partie III du Code avait été portée devant le Conseil canadien des relations du travail. Par conséquent, les principes de justice naturelle et le paragraphe 242(3.1) du Code canadien du travail ne me permettent pas de désigner un arbitre en vertu de la section XIV du Code pour entendre et trancher la plainte de vos clients.



[5]          La disposition mentionnée par le ministre, le paragraphe 242(3.1) du Code canadien du travail, limite les cas dans lesquels un arbitre peut être désigné :

(3.1) No complaint shall be considered by an adjudicator under subsection (3) in respect of a person where

     ...
     (b) a procedure for redress has been provided elsewhere in or under this or any other Act of Parliament.

(3.1) L'arbitre ne peut procéder à l'instruction de la plainte dans l'un ou l'autre des cas suivants_:

     ...
     b) la présente loi ou une autre loi fédérale prévoit un autre recours.

[6]          L' « affaire de même nature que la plainte » portée devant le Conseil canadien des relations du travail (CLRB ou CIRB)2 mentionnée par le ministre portait sur une plainte déposée par plusieurs personnes, dont les demandeurs en l'espèce, qui alléguaient que les pratiques de recours à un bureau d'embauche de l'AID contrevenaient à l'article 69 du Code canadien du travail selon lequel le placement doit se faire de façon juste. Cet article se trouve dans la partie I, Relations du travail, et la section IV, Négociations collectives et conventions collectives, matières qui relèvent de la compétence du CCRI en vertu du Code canadien du travail. Je constate que depuis le début de l'audition de la demande de contrôle judiciaire, les demandeurs ont porté à l'attention de la Cour, par une lettre en date du 28 juin 2000, sans autres observations, la décision rendue par le CCRI relativement à leur plainte3. La plainte, dans la mesure où elle concernait les trois demandeurs en l'espèce, a été rejetée parce que le CCRI a conclu qu'elle ne touchait pas des actes accomplis par l'AID, mais plutôt par la Halifax Employers' Association, qui a rayé les noms des demandeurs de la liste de réserve proposée par l'AID après qu'ils ont échoué aux tests d'aptitudes de l'employeur.



[7]          Selon moi, le ministre a refusé de désigner un arbitre en s'appuyant notamment sur l'appréciation de la compétence que le Code canadien du travail confère au ministre pour désigner un arbitre. Il semble clair que le ministre était d'avis que, dans les circonstances, le Code interdisait la désignation d'un arbitre en raison de l'alinéa 242(3.1)b). Il s'agit d'une question de droit touchant la compétence et je suis d'avis que l'approche pragmatique et fonctionnelle, en l'absence d'une clause privative excluant le contrôle judiciaire, mène à la conclusion que la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte. Bien que l'utilisation du verbe « pouvoir » dans la disposition en cause indique que le ministre est investi d'un pouvoir discrétionnaire, celui-ci ne peut être exercé pour rendre une décision touchant sa compétence pour agir.



[8]          De plus, j'estime que le ministre a eu tort de conclure qu'en raison de l'alinéa 242(3.1)b), il ne pouvait pas désigner un arbitre pour entendre la plainte de congédiement injuste déposée par les demandeurs. Le seul autre recours possible pour obtenir réparation en vertu du Code canadien du travail était la procédure devant le Conseil canadien des relations industrielles concernant l'allégation selon laquelle l'AID avait manqué aux obligations que lui impose l'article 69 du Code régissant le placement, par un syndicat, de demandeurs d'emploi. Cet article fait partie de la partie I : Relations industrielles, qui édicte le pouvoir du CCRI en matière de conventions collectives et les responsabilités des parties à une convention collective.



[9]          Bien que la plainte déposée auprès du ministre découle essentiellement des mêmes faits, le CCRI n'était pas saisi de la question de savoir si les trois demandeurs en l'espèce avaient été ou non congédiés injustement. Le simple fait que le CCRI ait entendu une affaire découlant des mêmes faits ne signifie pas que la procédure devant le CCRI constitue « un autre recours » que « la présente loi ou une autre loi fédérale prévoit » . En l'espèce, le CCRI a conclu, en fait, qu'il n'avait pas compétence pour traiter la plainte fondée sur l'article 69, car il ne s'agissait pas, selon les faits, d'une plainte concernant un acte accompli par un syndicat. La plainte dont le CCRI était saisi n'était pas une plainte pour congédiement injuste dirigée contre l'employeur.



[10]          La plainte déposée devant le ministre en vertu de l'article 240 et la décision rendue par le ministre en vertu de l'alinéa 242(3.1)b) sont des questions régies par la partie III du Code canadien du travail concernant les normes du travail applicable aux emplois qui relèvent de la compétence fédérale, dans les cas où aucune convention collective ne prévoit de conditions plus favorables à l'employé. Cette partie régit notamment le traitement des plaintes pour congédiement injuste. Selon moi, lorsque les faits peuvent donner lieu à une plainte et à une demande de réparation contre un syndicat, cet élément ne fait pas obstacle à une demande de réparation contre l'employeur fondée sur une plainte différente, plus particulièrement lorsqu'il est établi que la plainte déposée en vertu de la partie I n'en n'est pas une en vertu de la Loi4.



[11]          De plus, en l'espèce, le CCRI a finalement décidé que la plainte déposée devant lui ne constituait pas une plainte admissible en vertu de la loi à titre de plainte contre le syndicat fondée sur l'article 69. Selon moi, la thèse du ministre selon laquelle les principes de justice naturelle interdisaient la désignation d'un arbitre en raison de la plainte déposée devant le CCRI n'était tout simplement pas fondée.



[12]          En conséquence, la Cour prononce une ordonnance qui accueille la demande, annule la décision du ministre de refuser de désigner un arbitre et ordonne le réexamen de la demande des demandeurs. Évidemment, l'ordonnance n'enjoint pas au ministre de désigner un arbitre. La décision d'en désigner un ou non relève du pouvoir discrétionnaire conféré au ministre.



[13]          Les demandeurs n'ont pas demandé l'adjudication des dépens et cette question n'a pas été abordée à l'audition. Les défendeurs, qui sollicitaient le rejet de la demande, ont demandé les dépens. En vertu de la règle 400, la Cour a le pouvoir discrétionnaire d'adjuger les dépens et d'en fixer le montant. Normalement, les dépens suivent l'issue de l'instance. En l'espèce, l'ordonnance rejetant la demande fixe le montant des dépens à 1 500 $, chacun des défendeurs étant tenu de verser un montant égal de 500 $ aux demandeurs.



                                 « W. Andrew MacKay »



     JUGE

OTTAWA (Ontario)

1er septembre 2000




Traduction certifiée conforme



Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


NUMÉRO DU GREFFE :          T-1713-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :      Bradley Berthier et autres c. Ministre du Travail (Canada) et autres
LIEU DE L'AUDIENCE :          Halifax (Nouvelle-Écosse)
DATE DE L'AUDIENCE :          16 novembre 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE MacKay

EN DATE DU :              1 er septembre 2000

ONT COMPARU :

Me Ronald Stockton              POUR LE DEMANDEUR
Me Martin Ward              POUR LE DÉFENDEUR (Ministre du Travail (Canada))
Me Brian Johnston              POUR LA DÉFENDERESSE (Halifax Employers' Association)

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Stockton Maxwell & Elliot              POUR LE DEMANDEUR

Halifax (N.-É.)

Morris Rosenberg                  POUR LE DÉFENDEUR (Ministre du Travail
Sous-procureur général du Canada      (Canada))

Halifax (N.-É.)

McInnes Cooper & Robertson          POUR LA DÉFENDERESSE (Halifax

(N.-É.)                      Employers' Association)


Pink Breen Larkin                  POUR LA DÉFENDERESSE (Association
Halifax (N.-É.)                  internationale des débardeurs, section locale 269)
__________________

1      L.R.C. (1985), ch. L-2, art. 240, modifié.

2      Le CCRT a été remplacé par le Conseil canadien des relations industrielles, qui assume désormais les responsabilités du CCRT, par L.C. 1998, ch. 26.

3      Voir Berthier, Peddle et Slaunwhite c. HLA, section locale 269 et Halifax Employers' Association Inc. , CIRB/CCRI Décision no 54, dossier 18397-C, 14 février 2000.

4      Voir les motifs du juge Strayer de la Cour d'appel, dans l'arrêt Byers Transport, Ltd. c. Kosanovich et al. (1995), 185 N.R. 107, à la p. 118 (C.A.F.).

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