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Date : 20041118

Dossier : IMM-3838-04

Référence : 2004 CF 1618

ENTRE :

                                                               SUMINTRA DEVI

                                                                                                                                       demanderesse

                                                                             et

                                              LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                         ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE HARRINGTON

[1]                Il y a environ vingt ans, Sumintra Devi était une résidente permanente du Canada qui vivait à Edmonton. Elle est retournée aux Fidji en 1986, et mis à part quelques conversations qu'elle a eues avec des fonctionnaires de l'immigration du Canada en Australie en 1987, on n'a plus entendu parler d'elle jusqu'à ce qu'elle revienne au Canada en juillet 2000 avec son mari et ses enfants. Ils sont arrivés au Canada munis de visas de visiteurs. Elle n'a pas dit qu'elle avait déjà été eu des documents attestant son statut de résidente permanente.

[2]                La famille est arrivée après un coup d'État militaire aux Fidji. Plutôt que de quitter le pays à l'expiration de leur visa, ils ont présenté une demande d'asile. Leur demande a été rejetée. Ils ont également présenté une demande de protection suivant la procédure d'examen des risques avant renvoi. Leur demande a été rejetée. On a ordonné que Mme Devi soit renvoyée du Canada.

[3]                Maintenant, elle prétend qu'elle n'a rien compris. Elle a affirmé qu'elle n'avait jamais quitté le Canada avec l'intention de cesser de résider en permanence au Canada. Toutefois, un résident canadien ne revient pas au Canada avec un visa temporaire de visiteur. Un résident canadien n'a pas besoin de présenter une demande d'asile. Un résident canadien n'a pas besoin de présenter une demande de protection suivant la procédure d'examen des risques avant renvoi, parce qu'un résident canadien, sauf pour des motifs de grande criminalité et autres motifs non invoqués devant nous, ne peut être renvoyé. On n'a pas cru Mme Devi.

[4]                Il s'agit d'un contrôle judiciaire d'une décision dans laquelle la Section d'appel de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rejeté l'appel qu'a interjeté Mme Devi contre une mesure d'exclusion prise contre elle au motif qu'elle n'était pas résidente permanente du Canada. Je suis d'avis de rejeter la demande de contrôle judiciaire.

FAITS


[5]                Mme Devi est devenue résidente permanente du Canada en novembre 1984. Elle avait 17 ans à l'époque. Elle a obtenu le droit d'établissement dans la catégorie des fiancés et elle a épousé son répondant peu de temps après. Bien que son répondant ait été son oncle biologique, la validité du mariage n'a pas été mise en cause devant la Section d'appel de l'immigration. Mme Devi affirme qu'elle a divorcé peu de temps après et que son père l'a ramenée aux Fidji contre sa volonté en 1986. Elle a perdu le document relatif à son droit d'établissement et a présenté une demande de permis de retour pour résident permanent au Consulat du Canada à Sydney. L'agent ayant examiné sa demande a jugé que son premier mariage présentait un degré de consanguinité interdit et que les circonstances de son départ et son absence prolongée du Canada indiquaient qu'elle avait l'intention de cesser de résider légalement au Canada. On lui a dit qu'elle avait le droit d'être entendue au Canada sur ce point.

[6]                Quoi qu'il en soit, elle s'est mariée une deuxième fois, prétendument parce que son père avait insisté pour qu'elle le fasse, elle a travaillé aux Fidji en tant qu'agente de voyages et elle a eu deux enfants. Après un coup d'État militaire aux Fidji en 2000, son beau-père les a encouragés, son mari, ses enfants et elle, à se rendre aux Canada en tant que visiteurs et à présenter par la suite une demande d'asile.

[7]                Peu après son arrivée au Canada, elle a rempli une déclaration solennelle dans laquelle elle a dit ce qui suit : [traduction] « Lorsque j'ai quitté le Canada en 1986, j'ai cessé d'avoir l'intention de vivre au Canada en tant que résidente permanente. Je n'avais pas l'intention de revenir et j'ai choisi volontairement d'aller aux Fidji » .

[8]                Elle prétend avoir toujours fait l'objet de pressions indues, tout d'abord par son père, puis par la suite par son beau-père, par son mari et par l'avocat canadien qu'elle avait à l'époque, qui, selon ses allégations, était en réalité l'avocat de son mari, et qui l'aurait encouragée à mentir. Ces graves allégations ne reposent sur aucune preuve d'une plainte déposée auprès d'un ordre des avocats; je n'en tiens donc aucun compte.

[9]                Elle a également fait des voyages avec sa famille à l'extérieur des Fidji en utilisant son propre passeport, passeport qui a été renouvelé. Elle a prétendu que son beau-père exerçait un contrôle sur son passeport, mais il semble que ce ne soit pas lui qui se soit occupé de son renouvellement; on peut donc difficilement reprocher à la commissaire de la Section d'appel de l'immigration de ne pas l'avoir crue.

QUESTION LITIGIEUSE

[10]            La mesure de renvoi est valide, à moins que Mme Devi ne soit une résidente permanente.

ANALYSE

[11]            En vertu de l'actuel Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 :

328. (1) Résident permanent - La personne qui était un résident permanent avant l'entrée en vigueur du présent article conserve ce statut sous le régime de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.

328. (1) Permanent Residents - A person who was a permanent resident immediately before the coming into force of this section is a permanent resident under the Immigration and Refugee Protection Act.


[12]            Cela nous ramène à l'ancienne loi, soit la Loi sur l'immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2, qui prévoyait :

24. (1) Résident permanent - Emportent déchéance du statut de résident permanent :

24. (1) Where a person ceases to be a permanent resident - A person ceases to be a permanent resident when

a) le fait de quitter le Canada ou de demeurer à l'étranger avec l'intention de cesser de résider en permanence au Canada;

that person leaves or remains outside Canada with the intention of abandoning Canada as that person's place of permanent residence; or

b) toute mesure de renvoi n'ayant pas été annulée ou n'ayant pas fait l'objet d'un sursis d'exécution au titre du paragraphe 73(1).

a removal order has been made against that person and the order is not quashed or its execution is not stayed pursuant to subsection 73(1).

(2) Renonciation à la résidence - Le résident permanent qui séjourne à l'étranger plus de cent quatre-vingt-trois jours au cours d'une période de douze mois est réputé avoir cessé de résider en permanence au Canada, sauf s'il convainc un agent d'immigration ou un arbitre, selon le cas, qu'il n'avait pas cette intention.

(2) Where residence deemed abandoned -Where a permanent resident is outside Canada for more than one hundred and eighty-three days in any one twelve month period, that person shall be deemed to have abandoned Canada as his place of permanent residence unless that person satisfies an immigration officer or an adjudicator, as the case may be, that he did not intend to abandon Canada as his place of permanent residence.

[13]            En conséquence, le fait que Mme Devi ait été absente du Canada pendant environ 13 ans crée une présomption réfragable suivant laquelle elle a cessé de résider en permanence au Canada. Il n'est pas nécessaire de s'attarder à la norme de contrôle. Le meilleur argument que peut soumettre Mme Devi est que la norme de contrôle est la décision raisonnable simpliciter. La décision n'avait rien de déraisonnable. Je ne comprends pas l'argument soumis pour le compte de Mme Devi suivant lequel son visa n'a pas été contesté au point d'entrée. Le visa avec lequel elle est entrée au Canada était un visa temporaire de visiteur. Elle a à maintes reprises donné des indications inexactes en ce qui concerne sa résidence antérieure au Canada. On a jugé qu'elle était intelligente et qu'elle s'exprimait clairement, et la conclusion suivant laquelle elle n'avait pas été constamment une victime n'avait rien de déraisonnable.


[14]            Comme l'a souligné le juge Hugessen dans l'arrêt Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) c. Dan-Ash, [1988] A.C.F. no 571 (C.A.F.) :

[...] À moins que l'on ne soit prêt à considérer comme possible (et à accepter) que la Commission a fait preuve d'une crédulité sans bornes, il doit exister une limite au-delà de laquelle les contradictions d'un témoin amèneront le juge des faits le plus généreux à rejeter son témoignage. Il nous est tout simplement impossible de dire que cette limite n'aurait pas été atteinte en l'espèce si la Commission avait correctement appliqué le droit.

[15]            La Commission n'a pas commis d'erreur de droit en l'espèce. La demande de contrôle judiciaire doit donc être rejetée.

                                                                              _ Sean Harrington _             

                                                                                                     Juge                         

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 18 novembre 2004

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-3838-04

INTITULÉ :                                                    SUMINTRA DEVI

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 17 NOVEMBRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :               LE JUGE HARRINGTON

DATE DES MOTIFS :                                   LE 18 NOVEMBRE 2004

COMPARUTIONS :

Mir Huculak                                                      POUR LA DEMANDERESSE

Benton Mischuk                                                POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Mir Huculak                                                      POUR LA DEMANDERESSE

Avocat

Vancouver (Colombie-Britannique)

Morris Rosenberg                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)


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