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Date : 20191218


Dossier : IMM-2721-19

Référence : 2019 CF 1638

[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]

Toronto (Ontario), le 18 décembre 2019

En présence de monsieur le juge Diner

ENTRE :

AMIT KAMALNAIN BHALLA

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1]  Dans le présent contrôle judiciaire, M. Bhalla affirme que l’agent chargé de son dossier [l’agent] a fait fi d’éléments fondamentaux de sa demande et, ce faisant, a rendu une décision déraisonnable. Dans sa décision, l’agent a conclu que les motifs d’ordre humanitaire étaient insuffisants pour dispenser M. Bhalla de l’obligation de présenter une demande de résidence permanente de l’étranger. Après avoir examiné le dossier écrit et les observations orales des avocats, je suis d’accord avec le demandeur et, par conséquent, j’accueille la présente demande de contrôle judiciaire.

I.  Le contexte

[2]  Le demandeur, M. Bhalla, est un citoyen indien âgé de 31 ans. Son frère aîné et lui ont immigré au Canada en provenance de l’Inde en 2000 à titre de personnes à charge accompagnant leurs parents. Leurs parents se sont toutefois séparés peu de temps après leur arrivée. M. Bhalla a habité avec sa mère et son frère. Sa mère trouvait très difficile de subvenir aux besoins de ses garçons; les trois partageaient un appartement dans un sous-sol. De plus, M. Bhalla était victime d’intimidation à l’école primaire.

[3]  M. Bhalla affirme qu’il a souffert de solitude et de dépression. Compte tenu du peu de temps dont elle disposait, en raison notamment des longues heures qu’elle devait consacrer au travail pour subvenir aux besoins de ses garçons et payer le loyer, sa mère se sentait incapable de répondre à ses besoins affectifs et psychologiques. Elle a pris à contrecœur la décision d’envoyer son fils vivre avec son père (son ex-mari) en Inde, le sortant ainsi de la situation difficile qu’il vivait à l’école.

[4]  Toutefois, cette solution a entraîné une séparation difficile pour M. Bhalla d’avec sa mère et son frère, avec qui il entretenait une relation étroite. Il est resté proche de sa mère pendant qu’il vivait en Inde : il semble qu’elle se rendait régulièrement en Inde pour lui rendre visite, souvent pendant de longues périodes.

[5]  Lorsque sa mère a reçu un diagnostic de cancer incurable en 2017, M. Bhalla a voulu revenir au Canada pour être avec elle et prendre soin d’elle pendant le temps qu’il lui restait. Son frère venait de se fiancer et avait l’intention de quitter la résidence familiale pour aller vivre avec sa fiancée, de sorte qu’il aurait été très difficile pour lui de prodiguer à sa mère les soins dont elle avait besoin quotidiennement.

[6]  M. Bhalla, ayant été résident de l’Inde de juillet 2001 à mai 2017, n’a pas respecté l’obligation selon laquelle les résidents permanents doivent être effectivement présents au Canada pendant au moins deux ans au cours de la période quinquennale précédente. Comme M. Bhalla ne satisfaisait plus aux exigences du Canada en matière de résidence permanente, le bureau des visas a décidé de ne pas lui délivrer de titre de voyage (l’autorisant à venir au Canada), à moins qu’il ne renonce à son statut de résident permanent. M. Bhalla l’a fait à contrecœur, estimant qu’il n’avait pas le choix compte tenu des circonstances et du fait que l’état de santé de sa mère s’aggravait.

[7]  Après avoir renoncé à son statut de résident permanent, M. Bhalla a reçu un visa de visiteur. Il est entré au Canada muni de ce visa en mai 2017 et, depuis, son statut est demeuré valide grâce à diverses prolongations. M. Bhalla a pris soin de sa mère pendant près de 20 mois avant qu’elle ne décède en décembre 2018, à l’âge de 63 ans.

[8]  En septembre 2017, soit environ 15 mois avant le décès de sa mère, M. Bhalla a présenté une demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire pour tenter de regagner le statut auquel il avait renoncé. La demande portait essentiellement sur la nécessité pour M. Bhalla de rester au Canada pour prendre soin de sa mère et passer du temps avec elle. Dans ses observations, l’avocat de M. Bhalla a écrit ce qui suit : [traduction] « Amit continuera à mener une vie positive et productive au Canada (si le statut est octroyé), mais son objectif principal pour l’instant est de prodiguer les soins dont sa mère a grandement besoin et de les soutenir, elle et son frère aîné, pendant cette période difficile. »

[9]  Dans ses observations, l’avocat a d’ailleurs souligné l’importance que M. Bhalla retrouve son frère, retrouvailles dont sa mère avait espéré être témoin un jour. Comme l’a expliqué l’avocat :

[traduction]
Amit est revenu au Canada au début de mai 2017. Sa mère était très heureuse de le voir; elle avait toujours voulu qu’il revienne au Canada et qu’il habite avec elle. Amit écrit que sa mère a toujours eu l’impression que le renvoyer en Inde en 2001 avait été sa plus grande erreur. Sa mère a toujours voulu qu’il grandisse au Canada avec son frère, qu’il reçoive une bonne instruction et qu’il ait un meilleur avenir. Amit écrit que son frère aîné est serviable et aidant, mais [traduction] « qu’il a ses propres limites ». Saurabh se rend au travail tous les jours et travaille fort pour subvenir aux besoins de la famille. Leur résidence est grevée d’une hypothèque, et il est le principal soutien de famille.

[Non souligné dans l’original.]

[10]  Bref, la demande de M. Bhalla reposait essentiellement sur son désir de prendre soin de sa mère et de passer le temps qu’il lui reste à ses côtés, après des années de séparation. Toutefois, une bonne partie de sa demande était fondée sur d’autres motifs, plus particulièrement les retrouvailles des deux frères et les meilleures perspectives d’avenir au Canada.

[11]  Le 11 décembre 2018, l’avocat de M. Bhalla a informé l’agent des faits nouveaux (comme il l’avait fait de façon intermittente pendant le traitement de la demande) afin qu’une décision soit rendue. L’avocat a envoyé le courriel suivant, accompagné d’une photo montrant la mère dans un état critique et branchée à diverses machines à l’unité des soins intensifs :

[traduction]
Nous vous écrivons pour vous informer que la mère de M. Bhalla a été admise à l’unité des soins intensifs en raison d’une septicémie d’origine urinaire. Son médecin lui a dit que son pronostic n’était pas bon et que, même si elle pouvait survivre à cette infection, son espérance de vie ne dépasserait pas six mois. Vous trouverez ci‑joint une lettre de son hématologue et une photo d’elle aux soins intensifs.

La mère de M. Bhalla souhaitait que son fils devienne résident permanent du Canada, et il s’agit de sa dernière volonté. Nous avons présenté la demande de résidence permanente de M. Bhalla en septembre 2017 en invoquant des motifs d’ordre humanitaire, et le processus est toujours en cours.

Compte tenu de ces circonstances exceptionnelles, inattendues et imprévues, la prise de mesures spéciales en vertu du paragraphe 25(1) est justifiée.

[Non souligné dans l’original.]

La mère de M. Bhalla est décédée onze jours plus tard.

II.  La décision faisant l’objet du contrôle

[12]  Dans sa décision, l’agent a jugé que le degré d’établissement de M. Bhalla au Canada lorsqu’il avait le statut de résident permanent n’était pas suffisant : la preuve démontrait qu’il avait vécu au Canada pendant une seule année scolaire lorsqu’il avait 12 ans.

[13]  L’agent a reconnu que M. Bhalla n’était pas responsable de la décision de quitter le Canada, mais a conclu que ce facteur n’était pas déterminant. L’agent a souligné que M. Bhalla a perdu son statut d’immigrant parce qu’il ne satisfaisait pas à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la Loi], et qu’il n’a présenté aucun élément de preuve démontrant que des problèmes de santé l’ont empêché de se conformer à la Loi ou expliquant pourquoi il n’a pas tenté, à l’âge adulte, de régulariser son statut d’immigrant.

[14]  L’agent a ensuite pris en compte les liens familiaux de M. Bhalla au Canada, qui selon lui méritaient une [traduction] « attention particulière ». À la lumière des lettres présentées à l’appui par des membres de la famille au Canada, l’agent a conclu que les soins que M. Bhalla a prodigués à sa mère ont été [traduction] « très bénéfiques et grandement appréciés » par sa famille.

[15]  L’agent a finalement tenu compte des faits suivants : la mère de M. Bhalla était décédée, les motifs d’ordre humanitaire étaient fondés sur le fait qu’il devait fournir un soutien physique et affectif à sa mère, M. Bhalla n’avait plus besoin d’une dispense pour rentrer au Canada (dont il avait besoin pour obtenir son visa de visiteur lorsque sa mère était malade) et, par conséquent, il pouvait présenter une demande de résidence permanente de l’étranger. L’agent a également souligné que M. Bhalla avait fourni une preuve documentaire de son établissement en Inde et que, par conséquent, il n’éprouverait aucune difficulté à son retour.

III.  Analyse

[16]  La seule question que la Cour doit trancher en l’espèce consiste à savoir si la décision de l’agent était raisonnable. Les parties conviennent que, lorsqu’elle examine la décision d’un agent de refuser une mesure spéciale fondée sur des motifs d’ordre humanitaire en vertu du paragraphe 25(1) de la Loi, la Cour applique la norme de la décision raisonnable, empreinte de déférence (Cezair c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1510, au par. 13 [Cezair]; Kanthasamy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CSC 61, au par. 44 [Kanthasamy]).

[17]  La décision de l’agent est déraisonnable à deux égards. D’abord et avant tout, l’agent a examiné la demande selon la norme des difficultés, faisant peu de cas, s’il en est, des facteurs d’ordre humanitaire de la demande. En effet, l’agent n’a pas abordé certains facteurs soulevés dans les observations accompagnant la demande, dont le désir de la mère de voir ses garçons réunis au Canada et les perspectives d’un avenir meilleur pour M. Bhalla au Canada. En bref, l’agent n’a pas suivi les directives énoncées dans l’arrêt Kanthasamy en privilégiant les difficultés au détriment des autres facteurs, y compris des principaux motifs d’ordre humanitaire qui ont été soulevés non seulement dans les observations initiales, mais aussi dans les lettres de suivi envoyées à l’agent.

[18]  Comme je l’ai expliqué précédemment, la décision de l’agent repose sur le fait que M. Bhalla (i) a présenté une demande fondée sur la nécessité de prendre soin de sa mère malade, qui est depuis décédée, et (ii) a démontré qu’il était bien établi en Inde. L’analyse des difficultés fait clairement ressortir ces deux facteurs, en ce sens que, selon l’agent, M. Bhalla n’éprouvera aucune difficulté à présenter une demande de l’étranger en temps normal.

[19]  Cela est certainement vrai, et le demandeur n’a présenté aucun élément de preuve ni argument permettant de croire qu’il ne pouvait pas présenter sa demande de l’étranger. Toutefois, il a expliqué en détail pourquoi l’agent devrait lui accorder une dispense et exercer son pouvoir discrétionnaire d’accepter sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Voici les motifs qu’il a fournis :

  • (i) son statut antérieur de résident permanent au Canada, et les circonstances qui l’ont obligé à le perdre, à savoir le fait d’être renvoyé chez lui par sa mère après le divorce de cette dernière et l’incapacité de régler ses difficultés personnelles;

  • (ii) la raison pour laquelle il a renoncé à son statut, c’est-à-dire pour pouvoir se rendre au Canada afin d’être avec sa mère malade et de prendre soin d’elle, et pour soulager son frère, qui avait des responsabilités professionnelles et familiales;

  • (iii) le désir d’être réuni avec son frère au Canada;

  • (iv) la dernière volonté de sa mère.

Il s’agissait tous de motifs d’ordre humanitaire qui, comme je l’ai déjà dit, ont fait l’objet d’un traitement expéditif, dans le cas des facteurs (i) et (ii), ou n’ont pas été abordés du tout dans la décision, dans le cas des facteurs (iii) et (iv).

[20]  Il est certain que le fait de tenir compte des difficultés n’invalide pas la décision relative à une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. Les difficultés constituent d’ailleurs une composante importante de la décision. L’arrêt Kanthasamy n’a pas retranché cet aspect de l’analyse, et les agents ne peuvent donc pas être blâmés pour avoir procédé à une analyse légitime des difficultés, qui constitue un élément important des décisions relatives aux demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire. En fait, la Cour suprême critique les évaluations à courte vue, c’est-à-dire celles qui sont effectuées sous l’angle étroit des difficultés « inhabituelles, injustifiées ou démesurées ». L’évaluation doit tenir compte des éléments qui portent sur l’aspect humanitaire (voir les décisions Marshall c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 72, aux par. 29-33, et Lobjanidze c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2017 CF 1098, aux par. 11- 12, toutes deux rendues par le juge Brown).

[21]  Lorsqu’il soupèse les facteurs d’ordre humanitaire, l’agent doit « véritablement examiner tous les faits et les facteurs pertinents portés à sa connaissance et leur accorder du poids » (Kanthasamy, au par. 25, italiques dans l’original). L’agent doit placer les facteurs positifs et les facteurs négatifs de chaque côté de la balance des motifs d’ordre humanitaire avant de trancher la demande. Il doit ensuite soupeser les deux côtés pour décider s’il accorde la mesure d’exception, qui est discrétionnaire (Semana c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 1082, au par. 15).

[22]  Par conséquent, lorsque l’agent ne tient pas compte de certains facteurs sur lesquels la demande est fondée, comme dans le cas de M. Bhalla, la mise en balance ne peut être évaluée selon la norme de la décision raisonnable, ou toute autre norme d’ailleurs (voir Cezair, au par. 15). Cette mise en balance sera nécessairement déficiente parce que, lorsqu’une décision est muette sur un facteur, la cour de révision ne peut pas savoir si l’agent aurait accordé un poids positif, neutre ou négatif à ce facteur pertinent.

[23]  En l’espèce, les difficultés (ou l’absence de difficultés) de M. Bhalla font pencher la balance des motifs d’ordre humanitaire du côté négatif, en ce que l’agent a conclu que le demandeur pouvait facilement présenter une demande de l’étranger. Comme l’agent l’a reconnu, la demande comportait de nombreux aspects positifs, y compris les efforts de M. Bhalla pour prendre soin de sa mère et pour soulager les membres de sa famille. Toutefois, les facteurs (iii) et (iv) susmentionnés n’ont pas été soupesés, et les deux feraient probablement pencher la balance des motifs d’ordre humanitaire du côté positif.

[24]  Je ne dis pas que les difficultés ne peuvent pas être appréciées en même temps que d’autres facteurs, bien que ce soit certainement plus facile lorsque l’agent procède à des analyses distinctes (voir Shackleford c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1313, aux par. 28‑29; Brambilla c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1137, aux par. 10‑12). En l’espèce, l’erreur de l’agent a plutôt été de ne pas tenir compte de facteurs essentiels à la demande, qui portaient uniquement sur l’aspect humanitaire et non sur les difficultés, à savoir les retrouvailles de la famille et la dernière volonté de la mère. Le fait de ne pas tenir compte de la dernière volonté d’une mère pour ses enfants a récemment été jugé déraisonnable dans une décision relative à une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire (Salde c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 386 [Salde]. Et, contrairement aux demandeurs dans la décision Salde, M. Bhalla (i) avait antérieurement obtenu le statut de résident permanent au Canada et (ii) a maintenu la validité de son statut de résident temporaire tout au long du processus de traitement de la demande. Quoi qu’il en soit, l’agent dans la décision Salde a procédé à un examen sélectif de la preuve (au par. 23), comme dans le cas de M. Bhalla.

[25]  Comme on le dit souvent, la Cour ne doit pas soupeser de nouveau la preuve; il incombe à l’agent chargé de l’examen des motifs d’ordre humanitaire, plutôt qu’au juge siégeant en révision, de déterminer si les circonstances seraient « de nature à inciter [une personne] raisonnable d’une société civilisée à soulager les malheurs d’une autre personne » (Kanthasamy, au par. 21, citant Chirwa c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1970), 4 AIA 338, à la p. 350). Comme l’agent a fait fi d’éléments centraux de la demande, l’affaire doit être examinée de nouveau par un autre agent, et non par la Cour.

[26]  Je reconnais que l’agent a tenu compte, du moins en théorie, de la preuve relative aux facteurs (i) et (ii) susmentionnés concernant le statut de résident permanent antérieur de M. Bhalla et la perte subséquente de ce statut. Par exemple, l’agent a expressément examiné les difficultés auxquelles M. Bhalla a été confronté lorsqu’il était enfant au Canada, y compris le harcèlement à l’école, les difficultés financières et la séparation de ses parents, et il a reconnu que M. Bhalla n’était pas responsable de la décision de quitter le Canada. L’agent a toutefois rejeté ces circonstances en insistant sur le fait que M. Bhalla ne s’était pas conformé à la Loi. L’agent se livre à un exercice « sans objet » lorsqu’il a recours au cadre d’application de la Loi pour rejeter des demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire (Aboubacar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 714, au par.20).

[27]  Les commentaires de l’agent selon lesquels M. Bhalla [traduction] « a perdu le statut qui lui avait été accordé parce qu’il ne se conformait pas aux exigences de la Loi » et « a sciemment renoncé à son statut de résident permanent » démontrent que l’agent n’a pas suffisamment tenu compte de la situation de M. Bhalla lorsqu’il a pris ces décisions. M. Bhalla a quitté le Canada lorsqu’il était enfant pour échapper à une situation difficile, et il n’a renoncé à son statut que pour s’occuper de sa mère qui était en phase terminale. Ces facteurs d’ordre humanitaire semblent avoir été exclus de l’équation.

[28]  Enfin, le défendeur soutient que les décisions n’ont pas à être parfaites, ce qui est vrai dans le contexte de décisions administratives et hautement discrétionnaires. Les décisions imparfaites se présentent toutefois sous diverses formes, que ce soit des décisions entachées d’irrégularités mineures ou des décisions viciées par des lacunes importantes sur le fond. Les décisions qui présentent des lacunes techniques mineures n’ayant aucune incidence sur le caractère raisonnable de l’issue devraient résister au contrôle judiciaire, contrairement aux décisions comme celle relative à la demande de M. Bhalla, dans lesquelles le décideur ne tient pas compte des principaux facteurs d’ordre humanitaire. De telles lacunes dans une catégorie de demandes qui reposent sur des motifs d’ordre humanitaire ne permettent pas à la cour de révision de savoir si les facteurs, correctement soupesés, auraient fait pencher la balance du côté positif ou négatif.

IV.  Conclusion

[29]  Le fait qu’un agent ne tient pas compte de facteurs d’ordre humanitaire importants et qu’il accorde trop de poids à l’absence de difficultés peut l’amener à rejeter la demande. C’est exactement ce qui est arrivé à M. Bhalla en l’espèce et, selon l’arrêt Kanthasamy, la décision de l’agent est déraisonnable. Pour soupeser convenablement les facteurs d’ordre humanitaire, tant favorables que défavorables, il faut tenir compte de tous les facteurs importants présentés par le demandeur. Par conséquent, j’accueille la demande de contrôle judiciaire de M. Bhalla.


JUGEMENT dans le dossier IMM-2721-19

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie.

  2. L’affaire est renvoyée à un autre agent pour qu’une nouvelle décision soit rendue.

  3. Aucune question à certifier n’a été soulevée, et je conviens qu’il ne s’en pose aucune.

  4. Aucuns dépens ne sont adjugés.

« Alan S. Diner »

Juge

Traduction certifiée conforme

Ce 21e jour de janvier 2020.

Mylène Boudreau, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2721-19

 

INTITULÉ :

AMIT KAMALNAIN BHALLA c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

CALGARY (ALBERTA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 12 DÉCEMBRE 2019

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE DINER

 

DATE DU JUGEMENT ET DES MOTIFS :

LE 18 DÉCEMBRE 2019

COMPARUTIONS :

Raj Sharma

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Courtney Davidson

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Stewart Sharma Harsanyi

Avocats

Calgary (Alberta)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Procureur général du Canada

Edmonton (Alberta)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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