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                                                                                                                               Date : 20040702

                                                                                                                    Dossier : IMM-3174-03

                                                                                                                 Référence : 2004 CF 926

ENTRE :

                                                 Gloria Celeste ALVEZ OLIVERA

                                                                                                                    Partie demanderesse

                                                                          - et -

                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                         ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                      Partie défenderesse

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD

[1]         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié(la CISR) rendue le 7 avril 2003, statuant que la demanderesse n'est ni une « réfugiée » au sens de la Convention, ni une « personne à protéger » suivant les définitions données aux articles 96 et 97 respectivement de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.

[2]         Gloria Celeste Alvez Olivera (la demanderesse) est une citoyenne de l'Uruguay qui allègue avoir une crainte bien fondée de persécution dans ce pays en raison de ses opinions politiques et de son appartenance à un groupe social particulier, soit celui des femmes victimes d'agression sexuelle. La demanderesse allègue aussi être une personne à protéger.


[3]         Selon la CISR, les allégations de la demanderesse ne sont pas crédibles parce que farcies d'omissions et d'invraisemblances.

[4]         En matière de crédibilité, il n'appartient pas à cette Cour de se substituer à la CISR à moins que le demandeur puisse démontrer que la décision de cette dernière est fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments à sa disposition (alinéa 18.1(4)d) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, ch. F-7). La CISR est un tribunal spécialisé qui a le pouvoir d'apprécier la plausibilité et la crédibilité d'un témoignage dans la mesure oùles inférences qu'elle tire ne sont pas déraisonnables (Aguebor c. Canada (M.E.I.) (1993), 160 N.R. 315 (C.A.F.)) et les motifs sont énoncés de façon claire et compréhensible (Hilo c. Canada (M.E.I.) (1991), 15 Imm.L.R. (2d) 199 (C.A.F.)).

[5]         En l'espèce, la CISR a noté que la demanderesse a affirmé avoir vécu sans se soucier de sa sécurité de 2000 à 2002; toutefois, selon la seconde version de son récit, la demanderesse se serait sentie menacée sans cesse durant ces deux années. En outre, la CISR a souligné que le rapport du Dr Maria Souza, rédigé suite à un examen qui a eu lieu le 15 juillet 2002, est incompatible avec les allégations de la demanderesse : ce rapport ne fait aucune mention du viol que la demanderesse aurait subi en fin août 1999, et les troubles de santé de cette dernière auraient commencé en mars 1999, et non à la suite du viol qu'elle allègue avoir subi en août 1999. La CISR en conclut que le déséquilibre nerveux de la demanderesse n'est pas attribuable au viol.


[6]         À la demanderesse qui allègue avoir été menacée en 1999 pour sa participation aux élections en tant que membre du Frente Amplio (FA), la CISR reproche en outre de ne pas avoir présenté de preuve crédible pour appuyer ses dires. Àce sujet, la demanderesse s'est contentée dnumérer des dates dlections et des résultats depuis le 25 avril 1999. Son implication politique étant un élément fondamental de sa revendication, il était raisonnable pour la CISR de tirer une conclusion défavorable du fait qu'elle n'avait pas produit de preuve crédible à l'appui de sa prétention, d'autant plus qu'elle n'a pas pu préciser les activités politiques auxquelles elle se livrait et qui auraient provoqué les menaces et le viol allégués. La CISR a aussi noté que la demanderesse n'a présenté aucune preuve afin de corroborer ses allégations de viol et d'agression par deux hommes, en août 1999. La CISR souligne même qu'un rapport médical d'un médecin qui a traité la demanderesse, entre mars 1999 et septembre 2001, ne fait aucune mention de ce viol. Règle générale, un témoignage est présumé être vrai à moins qu'il n'existe des raisons de douter de sa véracité. Ici, la CISR ayant relevé de nombreuses et importantes incohérences dans le récit de la demanderesse, je suis d'avis que la perception de ce tribunal que celle-ci ntait pas un témoin crédible pouvait mener à la conclusion qu'il n'existait aucun élément probant sur lequel la demande pouvait se fonder (voir Sheikh c. Canada (M.E.I.), [1990] 3 C.F. 238 (C.A.)).


[7]         La demanderesse allègue que la décision de la CISR est manifestement déraisonnable parce qu'elle a ignoré la preuve déposée. Il est vrai que la demanderesse a présentéune lettre de la Chambre des sénateurs, datée du 6 septembre 2002, faisant état de sa participation aux activités du FA. Cependant cette lettre constitue une preuve secondaire d'une source qui n'avait vraiment aucune connaissance des activités politiques de la demanderesse. Quant au rapport psychologique, il ne peut venir appuyer les allégations de la demanderesse, puisqu'il est entièrement fondé sur les allégations de cette dernière. De plus, suite à la lecture du rapport du Dr Souza, la CISR a conclu que les troubles psychologiques de la demanderesse existaient avant l'incident de viol qui fonde sa crainte de persécution. Il existe une présomption à l'effet que toute la preuve a été considérée par la CISR et celle-ci n'est pas tenue de toute la mentionner dans ses motifs (Florea c. Canada (M.E.I.), [1993] A.C.F. no 598 (C.A.F.) (QL)). En l'espèce, la demanderesse ne m'a pas convaincu que la CISR a effectivement ignoré ou arbitrairement rejeté la preuve présentée. Une lecture des motifs de la décision et des notes sténographiques de l'audience révèle que le tribunal a évalué tous les éléments de preuve présentés, mais qu'il ne les a pas retenus comme probants.

[8]         Enfin, la CISR a retenu le fait que la demanderesse est demeurée en Uruguay pendant deux ans après l'incident qui fonde sa crainte de persécution. Un tel délai à quitter le pays où elle prétend craindre la persécution sème à bon droit un doute raisonnable sur la crédibilité de cette crainte.

[9]         Par ailleurs, je ne suis pas convaincu, après lecture de la transcription de l'audition devant la CISR, que les interventions de cette dernière font affront à lquité de la procédure.

[10]       Pour toutes ces raisons, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                                                     

       JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 2 juillet 2004


                                                              COUR FÉDÉRALE

                                               AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-3174-03

INTITULÉ :                                                       Gloria Celeste ALVEZ OLIVERA c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                               Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :                             Le 22 juin 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                 Le juge Pinard

DATE DES MOTIFS :                                   Le 2 juillet 2004         

COMPARUTIONS :

Me Marie José L'Ecuyer                                POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Me Gretchen Timmins                                                POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Marie José L'Ecuyer                                      POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

Morris Rosenberg                                          POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)


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