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     Date: 19980114

     Dossier: IMM-3478-96

Entre :

     NIKOLAI SHMILEV

     Partie requérante

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION

     Partie intimée

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE PINARD :

     La demande de contrôle judiciaire vise une décision rendue le 4 septembre 1996 par la Section du statut de réfugié statuant que le requérant, un ressortissant d'Israël, n'est pas un réfugié au sens de la Convention, tel que défini au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration (la Loi), et ce, essentiellement pour les motifs suivants:

             La société israélienne toute entière n'est pas à l'abri de harcèlement, de discrimination ni de criminalité. La preuve documentaire précédemment mentionnée, de même que celle produite par l'avocate du demandeur, en font état mais aucune preuve objective n'a été faite d'absence de protection de la part de l'État et encore moins d'une complicité quelconque, active ou passive de ce dernier.                 
             En l'absence de preuve claire et convaincante à l'encontre de cette présomption, le tribunal est d'avis que le demandeur n'est pas crédible et que son histoire n'est pas plausible. . . .                 

         Faut-il le rappeler, il est habituellement loisible à la Section du statut d'accorder plus de poids à la preuve documentaire soumise par l'agent d'audience qu'au témoignage d'un requérant. Monsieur le juge Linden, pour la Cour d'appel fédérale, s'est prononcé sur ce sujet dans l'affaire Zhou c. M.E.I. (18 juillet 1994), A-492-91. Il a écrit ce qui suit:

             We are not persuaded that the Refugee Division made any error that would warrant our interference. The material relied on by the Board was properly adduced as evidence. The Board is entitled to rely on documentary evidence in preference to that of the claimant. There is no general obligation on the Board to point out specifically any and all items of documentary evidence on which it might rely. The other matters raised are also without merit. The appeal will be dismissed.1                 

     Depuis l'arrêt Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, il est établi que pour satisfaire à la définition de "réfugié au sens de la Convention", un revendicateur du statut de réfugié doit démontrer, par une preuve claire et convaincante, que l'État dont il est le ressortissant est incapable de le protéger. Dans Ward, le juge La Forest écrivait ce qui suit, à la page 726:

             Bref, je conclus que la complicité de l'État n'est pas un élément nécessaire de la persécution, que ce soit sous le volet "ne veut" ou sous le volet "ne peut" de la définition. Une crainte subjective de persécution conjuguée à l'incapacité de l'État de protéger le demandeur engendre la présomption que la crainte est justifiée. Le danger que cette présomption ait une application trop générale est atténuée par l'exigence d'une preuve claire et convaincante de l'incapacité d'un État d'assurer la protection. . . .                 

     Subséquemment, dans l'arrêt M.C.I. c. Kadenko et al. (15 octobre 1996), A-388-95,2 concernant précisément l'État d'Israël, Monsieur le juge Décary, pour la Cour d'appel fédérale, a exprimé ce qui suit, à la page 2:

             Lorsque l'État en cause est un état démocratique comme en l'espèce, le revendicateur doit aller plus loin que de simplement démontrer qu'il s'est adressé à certains membres du corps policier et que ses démarches ont été infructueuses. Le fardeau de preuve qui incombe au revendicateur est en quelque sorte directement proportionnel au degré de démocratie atteint chez l'État en cause: plus les institutions de l'État seront démocratiques, plus le revendicateur devra avoir cherché à épuiser les recours qui s'offrent à lui2.                 
                         
         2      voir Ministre de l'Emploi et de l'Immigration c. Satiacum (1989), 99 N.R. 171, 176 (C.A.F.), approuvé par Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, 725.                 

     En l'espèce, le requérant se dit victime d'hostilités, de tracasseries administratives et mauvais traitement, coups et blessures; il reproche en outre à l'autorité son manque d'assistance. Le tribunal a jugé que l'histoire du requérant n'était pas plausible, parce qu'incompatible avec la preuve documentaire voulant qu'Israël soit un État démocratique capable de protéger ses citoyens.

     Compte tenu de la preuve au dossier, je suis d'avis que la Section du statut pouvait raisonnablement conclure que le requérant n'avait pas renversé la présomption que l'État d'Israël était capable de le protéger.

     Quant à la référence faite par le tribunal, dans l'extrait de sa décision ci-dessus reproduit, à la complicité de l'État, je suis d'avis, compte tenu du libellé de l'extrait complet, que la question de l'absence de complicité de l'État d'Israël, question en elle-même non pertinente, n'a pas été déterminante dans la décision.

     Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                            

                                     JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 14 janvier 1998


__________________

1      Voir aussi Victorov c. M.C.I. (14 juin 1995), IMM-5170-94 et Leonid Viacheslavov et al. c. Canada (M.C.I.) (29 novembre 1996), IMM-48-96.

2      Demande d'autorisation d'appel à la Cour suprême du Canada, no 25689, rejetée le 8 mai 1997.

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