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Date : 19990421


Dossier : IMM-2048-98

OTTAWA (Ontario), le 21 avril 1999

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE ROULEAU

ENTRE :

     NODINE IZANA NZUZI,

     EDOUARD SANGWA MASAKA,

     CHRISTELLE SANGWA,

     NODINE SANGWA,

     demandeurs,

ET :

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     ORDONNANCE

[1]      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.


" P. Rouleau "

                                             Juge

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.


Date : 19990421


Dossier : IMM-2048-98

ENTRE :

     NODINE IZANA NZUZI,

     EDOUARD SANGWA MASAKA,

     CHRISTELLE SANGWA,

     NODINE SANGWA,

     demandeurs,

ET :

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU

[1]      Les demandeurs ont déposé une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié du Canada a statué, le 11 mars 1998, qu'ils ne sont pas des réfugiés au sens de la Convention. Les demandeurs veulent obtenir une ordonnance annulant la décision de la Commission et renvoyant l'affaire pour réexamen.

[2]      La demanderesse, Nodine Azine Nexus, et ses trois enfants sont des citoyens du Congo. Ils revendiquent le statut de réfugié en invoquant les opinions politiques qu'on leur attribue et leur appartenance à un groupe social particulier, la famille de son époux.

[3]      La demanderesse allègue que, le 2 novembre 1996, son époux a été accusé d'aider les factions opposées et arrêté par les militaires de Mobutu. Il a été libéré le 3 décembre 1996. Le 14 avril 1997, l'époux de la demanderesse a été arrêté une deuxième fois, puis libéré en versant des pots-de-vin. À la suite de cet incident, la demanderesse et sa famille ont décidé de fuir le pays. Elle et ses trois enfants ont gagné le Canada en utilisant des passeports empruntés. Son époux et leurs trois autres enfants se sont rendus dans des pays voisins en Afrique.

[4]      Il faut souligner qu'elle a quitté son pays sous le règne de Mobutu; depuis son départ de Kinshasa, les forces de Kabila ont commencé à occuper l'endroit où elle résidait.

[5]      Le 17 décembre 1997, la demanderesse a assisté à une audience devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Section du statut de réfugié).

[6]      Le 11 mars 1998, la Commission a rejeté sa revendication après avoir conclu qu'elle n'avait pas de crainte bien fondée d'être persécutée. D'après la Commission, la preuve documentaire ne corroborait pas le témoignage de la demanderesse selon lequel les citoyens résidant à Kinshasa, notamment elle et ses enfants, et plus particulièrement son époux, qui a les traits d'un Tutsi, seraient persécutés par le régime Kabila.

[7]      La demanderesse soutient que la Commission a commis une erreur en ne tenant pas compte de sa prétention selon laquelle elle et ses enfants seraient perçus comme des Hutus et seraient persécutés en raison de l'origine ethnique mixte rwandaise-zaïroise de son époux s'ils retournaient au Congo.

[8]      La demanderesse fait valoir que la Commission a commis une erreur dans son appréciation globale de la preuve; qu'elle a mal interprété les documents et qu'elle n'a pas fourni de motifs à l'appui du rejet du témoignage rendu sous serment par la demanderesse, lequel est présumé véridique.

[9]      Dans son mémoire supplémentaire, la demanderesse affirme que la Commission a commis une erreur mixte de fait et de droit en tranchant la question de savoir si la demanderesse avait une possibilité de refuge intérieur. Je suis d'avis que cet argument est dénué de fondement et il n'a pas été défendu dans la plaidoirie présentée à la Cour.

[10]      Le défendeur soutient que la Commission n'a pas mal évalué la revendication de la demanderesse, étant donné qu'elle n'a jamais affirmé que son époux serait perçu comme un Hutu, mais principalement qu'il est né dans la région du Kivu, où les forces de Kabila ont commis des atrocités. Dans son témoignage, la demanderesse a dit que son époux avait la " morphologie des peuples Rwandais " et elle a assimilé Rwandais et Tutsis. Le défendeur affirme que le témoignage de la demanderesse portait qu'elle et ses enfants seraient persécutés parce que son époux vient de la région du Kivu et que les autorités de Kabila persécutent les personnes originaires de cette région parce qu'elles ont été témoins des massacres commis contre les Hutus.

[11]      Le défendeur affirme de plus que la Commission pouvait, à partir de la preuve, conclure que la demanderesse n'avait pas de crainte bien fondée d'être persécutée au Congo, car il n'était pas plausible que le régime Kabila, qui appuie le gouvernement Tutsi au Rwanda, persécute une personne comme l'époux de la demanderesse en raison de son apparence rwandaise/tutsi.

[12]      La Commission peut appuyer sa décision sur la preuve documentaire de préférence à celle de la revendicatrice; la Commission n'est pas tenue de faire référence à tous les éléments de la preuve documentaire sur lesquels elle s'est fondée pour tirer sa conclusion.

[13]      La Cour doit trancher deux questions : 1) La Commission a-t-elle commis une erreur de droit en ne tenant pas compte de la prétention de la demanderesse selon laquelle elle et ses enfants seraient perçus comme des Hutus et persécutés en raison de l'origine ethnique particulière de son époux s'ils retournaient au Congo? 2) La Commission a-t-elle commis une erreur en évaluant la preuve documentaire et en ne précisant pas clairement pour quels motifs elle a préféré ou rejeté des éléments de preuve?

[14]      La requête présentée par écrit n'est d'aucun secours pour la Cour. Toutefois, la transcription de l'audience, aux pages 221 et 222 du dossier de la Cour, nous éclaire :

                 WATT              Et votre peur pour votre Mari et vos enfants, c'était à      cause du fait qu'ils sont d'origine Tutsi?                 
                 DEMANDERESSE      C'est entre les deux maintenant. Mon Mari n'est pas un Tutsi pour le moment. Quand tu regardes son identitié c'est quelqu'un du Kivu. Quand nous allons chez les Bantus qui sont des Zaïrois, on nous pourchasse, nous traite de Rwandais. On nous dit, voilà, nous avons des ressources Rwandaises.                 
                              Quand nous allons maintenant chez les Rwandais qui sont au pouvoir, qui sont des Tutsis aujourd'hui, on nous reconnait pas comme des Tutsis, on dit que nous sommes des Bantus, nous sommes des gens du Kivu. Nous sommes nul part maintenant.                 
                 WATT              Vous avez indiqué dans votre fiche de renseignement que votre mari avait la morphologie Rwandaise.                 
                 DEMANDERESSE      Oui.                 
                 WATT              Qu'est-ce que çà veut dire?                 
                 DEMANDERESSE      Les Rwandais -- les Tutsis, ils ont des traits différents des Bantus. Ils proviennent du peuple Nulotique (ph). Il y a une trèes grande différence. Le Tutsi c'est la personne qui est grande de taille. Ils ont le nez pointu, ils ont le visage comme ça oval. Ils ont des cheveux qui commencent un peu là en arrière et les doigts sont très fins.                 
                              Par contre, l'homme Bantu, il n'est pas très grand de taille, il est de taille moyenne. Le nez n'est pas pointu, il est aplati et gros et puis il n'est pas très grand de taille. C'est l'homme qui d'habitude il est fort.                 
                 WATT              Alors il serait évident qu'il est Rwandais -- qu'il est Tutsi?                 
                 DEMANDERESSE      Pardon?                 
                 WATT              Il serait évident que votre mari est Tutsi, non?                 
                 DEMANDERESSE      C'est sa mère. Son père est Kivutien, il est quelqu'un du Kivu. Il a pris l'identité de son père. Sa mère aussi s'est intégrée dans cette région où il a pris l'identité de cette région également.                 
                 WATT              Et à votre opinion, basé sur l'information donnée des autres, votre mari et vos enfants sont en danger de qui au Kivu? Des Tutsis Rwandais ou de qui?                 
                 DEMANDERESSE      Non, du Kivu. Pas les Tutsi Rwandais.                 
                 WATT              Des Tutsis du Kivu.                 
                 DEMANDERESSE      Oui. Les Tutsis reconnaissent les leur seulement quand on a le sang 100 pour-cent Tutsi. Alors là on est considéré Tutsi. quand on est moitié Tutsi, les Tutsis ne reconnaissent pas le mélange de les Bantus et des Tutsis. Parce qu'on les considère comme moitié. Donc ils ne sont pas totalement 100 pour-cent Tutsi.                 
                              Donc mon Mari a pris l'identité de son père, également mes enfants.                 

[15]      Il ressort clairement de l'extrait qui précède que la demanderesse ne prétend ni n'affirme que son époux a les traits ou les attributs physiques des Hutus. Elle n'affirme pas non plus expressément qu'il ressemble à un Tutsi. Toutefois, dans cet extrait, le témoignage de la demanderesse semble indiquer que son époux, d'origine ethnique rwandaise-zaïroise, a les traits physiques d'un Tutsi.

[16]      Comme en témoignent les motifs de la Commission, l'allégation de la demanderesse, portant que " son mari porte la morphologie Rwandaise et aurait été considéré "Hutu" par les forces de Kabila " a été soupesée comme il se devait et la Commission a tiré une conclusion de fait selon laquelle l'époux de la demanderesse avait l'apparence d'un Tutsi. Cette conclusion, étayée par la preuve, n'est pas déraisonnable. Par conséquent, la Commission pouvait conclure qu'il n'était pas plausible que le Régime de Kabila persécute une personne qui ressemble à un Rwandais/Tutsi.

[17]      La demanderesse a soutenu que la Commission a mal évalué sa revendication, mais je ne puis conclure qu'elle a commis une erreur de droit donnant ouverture à contrôle judiciaire. La prétention selon laquelle la Commission aurait mal évalué la revendication n'est pas étayée par la preuve. En fait, la transcription révèle le contraire; la demanderesse n'a pas affirmé dans son témoignage que son époux avait l'apparence d'un Hutu.

[18]      La demanderesse a fait valoir que son témoignage rendu sous serment, selon lequel sa famille serait en danger, doit être présumé véridique et que, par conséquent, la Commission a commis une erreur en ne précisant pas clairement les motifs pour lesquels elle l'a rejeté. Je suis convaincu que la Commission pouvait conclure que la demanderesse n'avait pas de crainte bien fondée d'être persécutée. La Commission n'est pas assujettie à l'obligation générale de préciser chacun des éléments de la preuve documentaire sur lesquels elle peut s'appuyer ou qu'elle peut rejeter.

[19]      Contrairement aux observations formulées, la transcription ne contient aucune preuve étayant la prétention que l'époux pourrait être persécuté en raison de sa ressemblance avec un Hutu de la région du Kivu.

[20]      Je suis donc d'avis que la conclusion tirée par la Commission, en ce qui a trait à l'absence d'une crainte bien fondée d'être persécuté, est raisonnable et ne doit pas être modifiée.

[21]      Les avocats s'entendent pour dire que l'affaire ne soulève aucune question grave.

[22]      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

                                     " P. Rouleau "

                                     JUGE

OTTAWA (Ontario)

21 avril 1999

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :              IMM-2048-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :          Nodine Izana Nzuzi et autres c. M.C.I.

LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :          14 avril 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE ROULEAU

EN DATE DU :                  21 avril 1999

ONT COMPARU :

Me Micheal Crane                  pour les demandeurs

Me Diane Dagenais                  pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Micheal Crane

Toronto (Ontario)                  pour les demandeurs

Me Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada      pour le défendeur

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