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Date : 20040520

Dossier : T-990-03

Référence : 2004 CF 751

Calgary (Alberta), le 20 mai 2004

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

ENTRE :

                                                            ROBERT B. GILLIS

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA ET LE REGISTRAIRE, LE TRIBUNAL DES ANCIENS COMBATTANTS (RÉVISION ET APPEL)

                                                                                                                                            défendeurs

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                M. Gillis a presque 40 ans et est ingénieur des procédés de fabrication. Il a été un athlète actif toute sa vie durant. Il a servi dans les Forces canadiennes entre le 21 juin 1984 et le 31 juillet 1995. Il a subi une importante blessure à la cuisse alors qu'il jouait au hockey et il a demandé et obtenu qu'un droit à pension soit déterminé par le ministre des Anciens combattants.

[2]                M. Gillis s'est vu accorder un droit à pension pour un syndrome de loge du quadriceps droit (opéré) occasionnant une paresthésie de la cuisse droite. Le 19 novembre 1996, après un examen médical aux fins de pension, un degré d'invalidité de 3 p. 100, prenant effet le 7 août 1995, a été accordé par le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) (TACRA).

[3]                Le 8 décembre 1999, M. Gillis a demandé que le médecin examinateur l'examine une autre fois en rapport avec son état. Il avait des problèmes de pulsations ainsi que d'hypersensibilité dans sa jambe. Il a été examiné le 27 janvier 2000 et les conclusions cruciales tirées par le médecin examinateur étaient que, en ce qui concerne l'affection ouvrant droit à pension, il n'y avait pratiquement aucune différence entre l'examen de janvier 2000 et celui qui avait été effectué en 1996. Le médecin a souligné qu'il pourrait y avoir des « conséquences » (le genou) mais, selon lui, M. Gillis a fait l'objet d'une juste estimation quant à l'affection ouvrant droit à pension.

[4]                M. Gillis a apparemment demandé en vertu du paragraphe 21(5) de la Loi sur les pensions, L.R.C. 1985, ch. P-6 que l'on détermine son droit à pension concernant des problèmes qui découleraient prétendument du syndrome de loge. Cette demande avance progressivement dans le système et ne fait pas partie de la présente demande de contrôle judiciaire.


[5]                Une demande de réévaluation d'affection ouvrant droit à pension a été présentée au ministère des Anciens Combattants le 20 mars 2002. M. Gillis a fourni ses dossiers médicaux pour les années 2000 et 2001. L'évaluation faite par le TACRA le 15 avril 2002 a donné comme résultat un degré d'invalidité de 3 p. 100. Une révision de l'évaluation du TACRA a été effectuée le 29 octobre 2002 et a donné comme résultat que [traduction] « l'estimation n'[avait] pas été rajusté à la hausse » .

[6]                Il a été interjeté appel de la révision de l'évaluation du TACRA au comité d'appel du TACRA et une audience a été tenue le 7 mai 2003. La décision du tribunal de révision de l'évaluation du TACRA a été confirmée. M. Gillis demande le contrôle judiciaire de la décision du comité d'appel du TACRA.

[7]                L'audience devant le comité d'appel du TACRA s'est déroulée en vertu du paragraphe 35(1) de la Loi sur les pensions qui est ainsi libellé :                                         


Pensions pour invalidité

35. (1) Sous réserve de l'article 21, le montant des pensions pour invalidité est, sous réserve du paragraphe (3), calculé en fonction de l'estimation du degré d'invalidité résultant de la blessure ou de la maladie ou de leur aggravation, selon le cas, du demandeur ou du pensionné.

Pensions for Disabilities

35. (1) Subject to section 21, the amount of pensions for disabilities shall, except as provided in subsection (3), be determined in accordance with the assessment of the extent of the disability resulting from injury or disease or the aggravation thereof, as the case may be, of the applicant or pensioner.


35(2) Les estimations du degré d'invalidité sont basées sur les instructions du ministre et sur une table des invalidités qu'il établit pour aider quiconque les effectue.

35(2) The assessment of the extent of a disability shall be based on the instructions and a table of disabilities to be made by the Minister for the guidance of persons making those assessments.


[8]                La norme de contrôle applicable est celle du caractère manifestement déraisonnable : Elliot c. Canada (Procureur général) (2002), 226 F.T.R. 145 (1re inst.) confirmé (2003), 307 N.R. 344 (C.A.F.).

[9]                M. Gillis s'est représenté lui-même à l'audience de la présente demande. Il prétend que le TACRA a commis une erreur parce qu'il n'a pas tenu compte des commentaires faits par le Dr Kelly Brett dans son rapport médical daté du 5 mars 2003, dans lequel celui-ci a déclaré ce qui suit : [traduction] « [...] Un syndrome de loge aigu est une blessure grave. Il entraîne des complications à long terme liées à la nécessité d'avoir recours à une fasciotomie. Le cas de M. Gillis n'est pas inhabituel. Des douleurs sont apparues dans sa cuisse et dans les structures entourant sa cuisse » .


[10]            M. Gillis prétend de plus que l'on n'a pas tenu compte des éléments suivants : la dégradation physique évidente et démontrée du quadriceps droit, le fait que des traitements de physiothérapie n'ont pas atténué la douleur ou amélioré la force dans sa cuisse et son genou, la différence quant à la dimension de sa cuisse, la présence d'une masse étrangère dans sa cuisse, la documentation dans laquelle il est question de morbidité à long terme. Il renvoie à l'article 39 de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants, L.C. 1995, ch. 18, qui renferme des règles en matière de preuve qui doivent être appliquées par le Tribunal. Plus précisément, le Tribunal doit tirer les conclusions les plus favorables au demandeur, accepter tout élément de preuve non contredit présenté par le demandeur et qui lui semble vraisemblable et trancher en la faveur du demandeur toute incertitude quant au bien-fondé de la demande.

[11]            En arrivant à sa décision, le TACRA a spécifiquement souligné les différences entre les évaluations médicales de 1996 et 2000 quant à la taille de la cuisse, le test de la montée des marches modifié et la diminution de la puissance musculaire au moment de l'extension. Il a également renvoyé aux propos du Dr Brett concernant les complications à long terme découlant du syndrome de loge. Il a mentionné qu'il avait soigneusement examiné l'ensemble des éléments de preuve, les dossiers médicaux et les arguments présentés et qu'il s'était pleinement acquitté de l'obligation que lui impose la loi de trancher toute incertitude en faveur du demandeur ou de l'appelant comme le prévoient les articles 3 et 39 de la Loi.


[12]            Le Tribunal a souligné que M. Gillis éprouve d'autres difficultés avec sa jambe, lesquels problèmes peuvent avoir des conséquences sur l'affection ouvrant droit à pension. Il a renvoyé, en particulier, au rapport du 27 janvier 2000 du médecin examinateur qui indiquait que le genou présentait plus de problèmes que le quadriceps ainsi qu'à la conclusion qu'il n'y avait presque aucune différence entre les examens de 1996 et de 2000 concernant l'affection ouvrant droit à pension. Enfin, il a conclu ce qui suit :

[traduction]

Compte tenu que la lettre du Dr Brett, à l'instar de l'examen médical aux fins de pension de janvier 2000, ne fournit aucune preuve d'une quelconque détérioration au point de vue médicale de l'affection ouvrant droit à pension de l'appelant et attribue ses difficultés croissantes à des affections n'ouvrant pas droit à pension, le Tribunal ne trouve aucun motif justifiant une révision à la hausse du degré d'estimation actuel. Par conséquent, la décision du 29 octobre 2002 du Comité de révision des décisions d'évaluation est confirmée.

[13]            Bien que je n'aurais pas conclu que le rapport du Dr Brett ne fournit aucune preuve d'une quelconque détérioration au point de vue médical de l'affection ouvrant droit à pension de M. Gillis, le rapport du Dr Brett ne fait aucune description explicite d'une détérioration et ne fournit aucune preuve précise d'une détérioration quant à cette affection. Les déclarations suivantes figuraient également dans ce rapport :

[traduction]

Il souffre de douleurs au genou droit, à la hanche droite ainsi qu'à la cuisse droite et ces douleurs sont liées à cette affection [...]

Les examens, notamment une scintigraphie osseuse et une radiographie, n'ont révélé qu'une teneur négligeable d'activité liée à sa blessure antérieure, mais aucune preuve évidente de myosite ossifiante [...]

La fasciotomie et la blessure occasionnée à son muscle quadriceps ont, selon toute vraisemblance, modifié la mécanique de son membre inférieur droit. Toute modification de la mécanique dans une partie d'un membre inférieur occasionne à coup sûr des effets sur le joint supérieur et le joint inférieur à l'endroit de la blessure. Cela expliquerait la douleur constante à la hanche droite et au genou dont souffre M. Gillis.


[14]            Compte tenu du rapport du Dr Brett dans son ensemble, conjointement avec le rapport du médecin examinateur et les rapports de radiographie et de scintigraphie osseuse, je ne puis conclure que le Tribunal ne pouvait pas raisonnablement conclure comme il l'a fait. On ne peut certainement pas dire que la décision était manifestement déraisonnable. Le TACRA n'examinait que la question de l'affection ouvrant droit à pension et non pas la question des affections indirectes causées par elle. Comme il a été mentionné, la question dont je suis saisie est celle de la décision du TACRA quant à l'estimation du degré d'invalidité pour l'affection ouvrant droit à pension. Par conséquent, je conclus ave réticence que la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

[15]            Le défendeur a demandé l'adjudication des dépens mais, dans l'exercice de mon pouvoir discrétionnaire, je refuse d'adjuger des dépens.


                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.

                                                             _ Carolyn Layden-Stevenson _             

                                                                                                     Juge                                  

CALGARY (ALBERTA)

Le 20 mai 2004

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B., trad. a.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                  T-990-03

INTITULÉ :                                 ROBERT B. GILLIS

c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DUCANADA ET LE REGISTRAIRE, LE TRIBUNAL DES

ANCIENS COMBATTANTS (RÉVISION ET APPEL)

LIEU DE L'AUDIENCE :          CALGARY (ALBERTA)

DATE DE L'AUDIENCE :         LE 18 MAI 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :               LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

DATE DES MOTIFS :               LE 20 MAI 2004

COMPARUTIONS :

Robert B. Gillis                              (SE REPRÉSENTANT LUI-MÊME)

POUR LE DEMANDEUR

Carrie Sharpe                                POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Robert B. Gillis                              (SE REPRÉSENTANT LUI-MÊME)

Calgary (Alberta)                           POUR LE DEMANDEUR

Morris A. Rosenberg                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


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