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Date : 20001004


Dossier : T-1602-95

OTTAWA (Ontario), le 4 octobre 2000

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MacKAY


ENTRE :


JOSÉ PEREIRA E HIJOS, S.A. et

     ENRIQUE DAVILA GONZALEZ

     demandeurs

     - et -


     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

     défendeur



     Vu la demande présentée par les requérants en vue d'obtenir, notamment, une ordonnance accordant aux demandeurs, en vertu de la règle 75, l'autorisation de déposer une réponse modifiée conformément au projet qui constitue la pièce « O » jointe à l'affidavit de José Enrique Pereira en date du 11 août 1999, les modifications proposées étant énoncées dans quatre paragraphes portant les numéros 10, 11, 12 et 13 dans le projet de réponse modifiée; ou, subsidiairement, une ordonnance accordant l'autorisation d'inclure les éléments essentiels des modifications proposées dans une déclaration modifiée;

     Après avoir tenu une audience à St. John's le 15 septembre 1999, l'avocat des demandeurs ayant alors modifié la demande et tenté d'obtenir l'autorisation d'inclure les éléments essentiels des paragraphes 10, 11 et 12 dans une déclaration modifiée et le paragraphe 13 dans une réponse modifiée et la Cour ayant alors mis l'affaire en délibéré;

     Après avoir examiné les observations présentées à l'audience;

ORDONNANCE

LA COUR STATUE QUE :


  1. .      La demande modifiée à l'audience par l'avocat des demandeurs est accueillie en partie.
  2. .      Les demandeurs sont autorisés à
     a)      déposer une déclaration modifiée intégrant les éléments essentiels des paragraphes 11 et 12 proposés;
     b)      déposer une réponse modifiée intégrant les éléments essentiels des paragraphes 10 et 13;
     c)      signifier et déposer les actes de procédure modifiés conformément aux alinéas a) et b) qui précèdent au plus tard le 27 octobre 2000.

  1. .      Le défendeur peut signifier et déposer une défense modifiée au plus tard 14 jours après la signification des actes de procédure des demandeurs modifiés conformément à la disposition 2 qui précède.
  2. .      Les demandeurs peuvent signifier et déposer une nouvelle réponse modifiée, pour répondre à toute modification de la défense, au plus tard 10 jours après la signification de la défense modifiée.



« W. Andrew MacKay »

JUGE



Traduction certifiée conforme



Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.





Date : 20001004


Dossier : T-1602-95


ENTRE :


JOSÉ PEREIRA E HIJOS, S.A. et

     ENRIQUE DAVILA GONZALEZ

     demandeurs

     - et -

     LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

     défendeur



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE MacKAY


[1]          Les présents motifs visent une requête présentée par les demandeurs en vue d'obtenir l'autorisation de présenter une réponse modifiée ou, subsidiairement, l'autorisation de modifier leur déclaration en y apportant les mêmes changements. Lors de l'audition, l'avocat des demandeurs a demandé l'autorisation d'intégrer les éléments essentiels de trois des quatre paragraphes modificateurs à la déclaration, alors que les éléments essentiels du quatrième constitueraient une modification apportée, avec l'autorisation de la Cour, à la réponse déjà déposée.


[2]              Le défendeur s'est opposé, à titre préliminaire, à ce que la Cour s'appuie sur un affidavit déposé par les demandeurs, sauf en ce qui concerne le projet de réponse modifiée constituant une pièce jointe à l'affidavit, dans la mesure où l'affidavit touche les modifications proposées. Une preuve par affidavit n'est pas requise à l'appui d'une requête visant la modification d'actes de procédure1 et je n'ai pas tenu compte de l'affidavit déposé par les demandeurs à l'appui des modifications dans ma conclusion autorisant les modifications telles qu'elles ont été proposées. Je souligne toutefois que la preuve par affidavit aurait pu être utile à la Cour si le défendeur avait invoqué le caractère tardif de la requête compte tenu des éléments connus des demandeurs au moment du dépôt des actes de procédure. Les demandeurs ont peut-être anticipé cette question en produisant cette preuve devant la Cour, mais elle n'a pas été soulevée. Pour contester la requête en autorisation de modifier les actes de procédure, le défendeur s'attaque plutôt au fond des modifications à la lumière d'une décision antérieure par laquelle la Cour a radié certaines parties de la déclaration initiale des demandeurs2.


[3]              Dans leur requête, les demandeurs sollicite l'autorisation de modifier la déclaration pour soulever la validité des modifications apportées au Règlement sur la protection des pêcheries côtières3, compte tenu du but apparent de ces modifications, en vertu desquelles le navire de la société demanderesse, l' « ESTAI » , a été arraisonné en mer et conduit à St. John's en mars 1995. Les demandeurs affirment plus précisément que le différend entre le Canada et l'Union européenne sur les allocations de flétan du Groenland (flétan noir), qui est à l'origine des modifications au règlement, n'avait rien à voir avec la conservation et la protection des stocks de poisson, mais que les modifications avaient pour but de garantir au Canada la plus grande part possible des prises de flétan noir effectuées selon les allocations de l'OPANO. Les modifications apportées au règlement seraient donc invalides parce qu'édictées dans un but non prévu par l'article 6 de la Loi sur la protection des pêches côtières4.


[4]              Le défendeur soutient que les modifications proposées aux actes de procédure réintégrerait en fait à la déclaration les parties dont la Cour a ordonné plus tôt la radiation au motif qu'elles n'étaient pas pertinentes. En conséquence, il plaide que la règle de la chose jugée et de l'irrecevabilité résultant de l'identité de la question interdit aux demandeurs de modifier leurs actes de procédure comme ils le proposent. Il fait aussi valoir, subsidiairement, que je dois refuser d'autoriser les modifications, même si elles ne sont pas interdites par les règles de la chose jugée et de l'irrecevabilité résultant de l'identité de la question, parce qu'elles ne sont pas pertinentes.


[5]              Les parties de la déclaration initiale auxquelles renvoie le défendeur et dont la Cour a ordonné la radiation, étaient énoncées dans les paragraphes 40 et 41, que voici :

[traduction]
40. Les demandeurs affirment en outre que le règlement du 3 mars 1995 a été pris par le gouverneur en conseil au moment où la Communauté européenne a refusé d'accepter un quota pour le flétan noir (flétan du Groenland) fixé par l'Organisation des pêches de l'Atlantique nord-ouest, selon lequel le Canada recevait 60 pour 100 du quota pour 1995 et les quinze nations de la Communauté européenne recevaient 12,6 pour 100 du quota, à se répartir entre elles. Cela représentait une augmentation du quota canadien de plus de 300 pour 100 par rapport aux prises de des années précédentes et une diminution du quota de la Communauté européenne porté ainsi à 8,5 pour 100 des prises des années précédentes. La Communauté européenne s'est retirée du quota de l'OPANO et a fixé son propre quota pour le flétan noir, conformément aux règles et règlements de l'Organisation des pêches de l'Atlantique nord-ouest, et elle a convenu de respecter les prises globales totales permises par l'OPANO en 1995. En guise de réponse, les défendeurs ont pris un nouveau règlement canadien, énoncé dans le décret C.P. 1995-372 en date du 3 mars 1995, prétendant ainsi rendre illégale la pêche en haute mer par les Espagnols; six jours plus tard, ils ont ouvert le feu sur le navire « ESTAI » des demandeurs et ils l'ont arraisonné illégalement en haute mer. À la suite de négociations entre la Communauté européenne et le Canada, une entente a été conclue le 20 avril 1995 concernant des mesures de contrôle et d'exécution de la loi, les prises totales de flétan noir (flétan du Groenland) permises pour 1995, notamment, ainsi que les quotas et d'autres questions touchant, notamment, les eaux internationales où le navire « ESTAI » avait pêché. Conformément à l'entente, le règlement, édicté par le décret C.P. 1995-372 en date du 3 mars 1995, a été modifié par le retrait des deux États mentionnés au Tableau IV, soit l'Espagne et le Portugal, de sorte que les demandeurs ne prétendaient plus réglementer les navires espagnols en haute mer - Règlement modifiant le Règlement sur la protection des pêches côtières du 1er mai 1995, Gazette du Canada, Partie II, 17 mai 1995, page 1445.
41.      Les demandeurs réitèrent ce qui précède et affirment que le différend entre le Canada et l'Union européenne a été provoqué par le refus de la Communauté européenne d'accepter un quota inéquitable de flétan noir (flétan du Groenland) obtenu par le Canada. Les demandeurs ajoutent que le Canada a saisi l' « ESTAI » , arrêté son capitaine et déposé des accusations pour imposer une entente internationale à la Communauté européenne concernant notamment le turbot. Le Canada a eu recours à la saisie, aux arrestations et aux accusations comme éléments de troc pour atteindre son objectif d'obtenir une nouvelle entente internationale avec la Communauté européenne au sujet du flétan noir et de la pêche en général. Les demandeurs déclarent que les défendeurs n'avaient pas de motifs raisonnables d'intenter des poursuites contre le demandeur Enrique Davila Gonzalez et le navire à moteur « ESTAI » et qu'ils ont utilisé le système de justice pénale à des fins auxquelles il n'était pas destiné et ont donc exercé de façon abusive les fonctions du procureur général et du ministre des Pêches et Océans. Les demandeurs affirment que la saisie, les arrestations et les accusations ont été faites de mauvaise foi par les défendeurs et que les poursuites étaient abusives.

[6]              Dans les motifs de l'ordonnance prononcée le 13 décembre 1996, j'ai fait les remarques suivantes relativement à ma décision d'ordonner la radiation des paragraphes 40 et 41 de la déclaration :

Les défendeurs demandent à la Cour de radier le paragraphe 40 et la première phrase du paragraphe 41 de la déclaration, qui concernent les négociations qui ont eu lieu entre le Canada et la Communauté européenne au sujet des quotas de [flétan noir] avant et après la saisie et l'arraisonnement du navire « ESTAI » jusqu'au 1er mai 1995, date à laquelle le Règlement a à nouveau été modifié de façon à supprimer cette fois-ci les dispositions portant spécifiquement sur les bateaux espagnols et portugais. Les défendeurs soutiennent que l'ensemble du paragraphe est gênant, qu'il n'est pas essentiel et qu'il ne révèle aucune cause d'action raisonnable. Pour leur part, les demandeurs font valoir que l'évolution de ces négociations a une importance vitale pour le présent litige. Ce serait en raison de la rupture de ces négociations que le Règlement portant modification a été adopté en mars 1995 et, lorsque les parties ont repris les négociations, les accusations portées ont été abandonnées et, finalement, le Règlement a été modifié à nouveau de façon à en supprimer l'application aux bateaux espagnols. Il s'agit d'une allégation intéressante et la présentation de la preuve s'y rapportant à l'instruction pourrait demander beaucoup de temps sans avoir de conséquences importantes pour les principales réclamations des demandeurs, que les événements décrits dans la déclaration soient établis ou non. Il se peut que les événements allégués soient pertinents quant à l'objet du Règlement portant modification, du moins dans le cas des événements qui ont précédé la modification, mais ils semblent appuyer la protection des pêcheries côtières, que ce soit par négociation ou réglementation, ce qui serait compatible avec l'objet de la Loi.
J'en arrive à la conclusion que le paragraphe 40 et la première phrase du paragraphe 41 de la déclaration ne sont pas essentiels, qu'ils sont en partie redondants et qu'ils n'ont pas pour effet d'appuyer ou d'affaiblir les demandes de dommages-intérêts des demandeurs. À mon avis, ils devraient être radiés de la déclaration.

[7]              Les modifications que les demandeurs veulent maintenant apporter se lisent comme suit, telles qu'elles ont été rédigées à l'origine pour être intégrées à la réponse modifiée :

[Traduction]
10. Les demandeurs affirment en outre en réponse au paragraphe 30 qu'ils nient que le règlement découle de la surpêche et ils affirment que le règlement découle de l'intention du Canada d'augmenter, en les multipliant par cinq en 1995, ses efforts de capture du flétan du Groenland et de multiplier par douze sa part du flétan du Groenland, qui atteindrait ainsi 75 p. 100 des prises totales, ainsi que du refus de la Communauté européenne d'accepter une part inéquitable du flétan noir pour le Canada et de sa décision de fixer son propre quota en conformité avec la constitution de l'OPANO.
11. Les demandeurs affirment de plus en réponse que le règlement n'a pas été pris dans un but de saine conservation et de saine gestion ni dans quelque autre but autorisé par la Loi sur la protection des pêches côtières, et qu'il excède donc la compétence conférée par la Loi sur la protection des pêches côtières.

12. Les demandeurs affirment que le défendeur a entrepris d'acheter des voix pour obtenir une proportion inéquitable des prises totale permises de flétan du Groenland, et que cet achat de voix a provoqué la rupture de l'entente internationale sur la pêche en mer dans les eaux internationales. Les demandeurs soutiennent que la compétence conférée par la Loi sur la protection des pêches côtières relativement à la gestion de la pêche dans les eaux internationales n'autorisait pas l'achat de voix par le Canada.
13. Le demandeur ajoute, en réponse au paragraphe 31 de la défense, que le défendeur a acheté des voix et fait des menaces pour obtenir une proportion inéquitable du quota de flétan du Groenland et que ces actes sont inacceptables dans une société libre et démocratique selon l'article premier de la Charte canadienne des droits et libertés..

[8]              J'estime que les modifications proposées ne sont pas identiques, sur le plan de la forme et du fond, aux paragraphes 40 et 41 de la déclaration dont la Cour a déjà ordonné la radiation. Selon moi, les parties radiées touchaient une allégation de poursuite abusive et les faits énoncés au paragraphe 40 ont été plaidés à l'appui de cette allégation. Elles ont été radiées, en partie, parce que demande fondée sur des poursuites abusives a été radiée et parce qu'elles n'étaient pas pertinentes relativement aux autres aspects de la cause d'action invoquée. Si je comprends bien la prétention des demandeurs, les modifications proposées aujourd'hui, en particulier les paragraphes 11 et 12, sont invoquées à l'appui de l'allégation selon laquelle le règlement en cause est invalide. Cette question n'a pas été plaidée, du moins sur le fondement maintenant invoqué, dans la déclaration initiale, et les paragraphes 11 et 12 proposés ne correspondent pas aux éléments radiés dans les paragraphes 40 et 41 initiaux. Par conséquent, les règles de la chose jugée et de l'irrecevabilité résultant de l'identité de la question ne s'appliquent pas en l'espèce.


[9]              Il n'appartient pas à la Cour qui entend et examine une requête en modification d'un acte de procédure d'examiner le fond des arguments plaidés. Les modifications proposées doivent toutefois satisfaire aux règles ordinaires régissant les actes de procédure; plus particulièrement, les faits invoqués doivent être substantiels et pertinents à la cause d'action plaidée. Je suis d'avis que les allégations et les conclusions contenues dans les paragraphes 10 et 13 sont pertinentes en réponse aux paragraphes de la défense mentionnés et qu'il convient davantage de les intégrer à la réponse qu'à la déclaration. Quant aux paragraphes 11 et 12, les faits qui y sont invoqués peuvent, selon moi, être pertinents relativement à la prétention concernant la validité du règlement, qui devrait être incluse dans la déclaration. Par conséquent, les demandeurs seront autorisés à intégrer les éléments essentiels de ces prétentions à la déclaration.


[10]              En conséquence, la Cour délivre une ordonnance accueillant en partie la requête des demandeurs. Les demandeurs sont autorisés à modifier leur déclaration, en y intégrant les éléments essentiels des paragraphes 11 et 12 tels qu'ils sont énoncés, et à modifier leur réponse, en y intégrant les éléments essentiels des paragraphes 10 et 13 tels qu'ils ont été proposés.



[11]              Les dépens suivront l'issue de l'instance.


                                 « W. Andrew MacKay »

     Juge

OTTAWA (Ontario)

4 octobre 2000







Traduction certifiée conforme



Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER




DOSSIER :      T-1602-95

INTITULÉ DE LA CAUSE :      JOSÉ PEREIRA E HIJOS, S.A. ET ENRIQUE      DAVILA GONZALEZ c. LE PROCUREUR      GÉNÉRAL DU CANADA

    

LIEU DE L'AUDIENCE :      ST. JOHN'S (TERRE-NEUVE)

DATE DE L'AUDIENCE :      LE 15 SEPTEMBRE1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE MACKAY

EN DATE DU :      4 OCTOBRE 2000



ONT COMPARU :

JOHN R. SINNOTT, c.r.          POUR LES DEMANDEURS

MICHAEL F. DONOVAN          POUR LE DÉFENDEUR


PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

    

LEWIS, SINNOTT, SHORTALL, HURLEY      POUR LES DEMANDEURS

ST. JOHN'S (TERRE-NEUVE)

MORRIS ROSENBERG          POUR LE DÉFENDEUR

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL

DU CANADA

__________________

     11      Visx Inc. c. Nidek Co. et al., (1997), 209 N.R. 342, à la p. 347 (C.A.F.).

     22      Ordonnance et motifs de l'ordonnance prononcés le 13 décembre 1996, dans le dossier T-1602-95 (C.F. 1re inst.).

     33      C.R.C., ch. 413, modifié par DORS/99-313.

     44      L.R.C. (1985), ch. C-33.

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