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Date : 20001024

Dossier: T-1772-97

OTTAWA (ONTARIO), LE 24 OCTOBRE 2000

DEVANT : MONSIEUR LE JUGE J.E. DUBÉ

ENTRE :

DAVID GIROUX

demandeur

et

LE MINISTÈRE DE LA SANTÉ, représenté par

LE MINISTRE DE LA SANTÉ, LA COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE

ET LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeurs

ORDONNANCE

La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

________________________

     Juge

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


Date : 20001024

Dossier: T-1772-97

ENTRE :

DAVID GIROUX

demandeur

et

LE MINISTÈRE DE LA SANTÉ, représenté par

LE MINISTRE DE LA SANTÉ, LA COMMISSION DE LA FONCTION PUBLIQUE

ET LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeurs

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE DUBÉ

[1]         Le demandeur (M. Giroux) sollicite le contrôle judiciaire d'un rapport d'enquête établi le 15 juillet 1997 par Phyllis Martin (l'enquêteur), de la Direction générale des recours et de la revue de la Commission de la fonction publique du Canada (la Commission), conformément à l'article 7.1 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique (la Loi). L'enquêteur a mené son enquête en réponse à des plaintes déposées par M. Giroux; elle a conclu que les plaintes n'étaient pas fondées.


LES FAITS

[2]         Le demandeur a été embauché pour une période de six mois par Santé Canada en vue de combler le poste de commis aux dossiers et au courrier, groupe et niveau CR 02, à compter du 20 janvier 1991. M. Giroux a été renommé pour deux périodes subséquentes qui ont pris fin le 1er septembre 1992. Il n'a pas été renommé pour une période additionnelle parce qu'il n'était pas admissible à un concours interne se rapportant à un poste de commis CR 02 aux dossiers et au courrier à combler pour une période indéterminée (le premier concours).

[3]         Le demandeur en a appelé, conformément à l'article 21 de la Loi, des nominations consécutives au concours. Toutefois, à l'audition de l'appel, au mois de novembre 1992, Santé Canada a informé le comité d'appel que le ministère ne procéderait pas à des nominations à l'aide de la liste d'admissibilité à cause de ce que l'on considérait comme des lacunes dans l'appréciation des qualités personnelles des candidats. L'appel interjeté par M. Giroux a été accueilli sur cette base.

[4]         Le 24 juin 1993, Santé Canada a publié une nouvelle liste d'admissibilité; il a de nouveau été conclu que le demandeur n'était pas admissible (le deuxième concours). Le 7 juillet 1993, le demandeur a interjeté appel en vertu du paragraphe 21(4) de la Loi. Au mois de septembre 1993, Santé Canada a informé le président du comité d'appel qu'aucune nomination ne serait effectuée à l'aide de la liste d'admissibilité; le ministère a demandé que la liste soit abolie. Le président du comité d'appel a refusé d'annuler la liste, mais il a convenu d'ajourner l'appel.


[5]         Au mois de décembre 1993, Santé Canada a adopté un processus « d'ordre inverse du mérite » en vue de déterminer quels commis seraient renommés pour de nouvelles périodes. On a eu recours à ce processus parce que l'on avait réduit les effectifs du ministère et que les commis nommés pour des périodes déterminées ne pouvaient pas tous être renommés.

[6]         L'audition de l'appel a eu lieu au mois de février 1994. Santé Canada a fait savoir que le ministère voulait concéder l'appel. Aucune mesure corrective n'a été prise étant donné qu'aucune nomination n'était effectuée à l'aide de la liste. Le 9 janvier 1997, le demandeur a tenté d'interjeter appel contre le soi-disant processus d'ordre inverse du mérite qui avait été adopté au mois de décembre 1993. Le 2 avril 1997, le président du comité d'appel a rejeté l'appel pour le motif qu'il n'avait pas compétence pour l'entendre.

2. Le rapport de l'enquêteur

[7]         Étant donné qu'elle avait conclu que les plaintes déposées par M. Giroux qui, à ce moment-là, agissait pour son propre compte, n'étaient pas claires, l'enquêteur a décrit la portée de son enquête comme suit :

[TRADUCTION]

Effectuer un examen des mesures de dotation et de nomination relatives au poste de commis CR 02 aux dossiers et au courrier qui ont été prises depuis la date du dernier appel interjeté par le plaignant conformément à l'article 21 de la LEFP.


[8]         Dans le rapport détaillé et exhaustif qu'elle a rédigé, l'enquêteur a examiné les allégations de népotisme et de violation de la Loi relatives à la dotation des postes de commis CR 02 aux dossiers et au courrier que M. Giroux avait faites. Elle a examiné les allégations précises selon lesquelles Dave Valentine et Manon Huneault (et d'autres employés) avaient fait l'objet d'un traitement de faveur, et ce, d'une façon injuste.

[9]         L'enquêteur a également examiné la cotation de M. Giroux relativement au concours CR 02 en se fondant sur les critères relatifs aux connaissances, aux capacités et aux qualités personnelles. Le facteur « Qualités personnelles » comportait cinq sous-facteurs; sur un total possible de dix points, M. Giroux n'a pas obtenu de points à l'égard du sous-facteur « Fiabilité » . L'enquêteur a conclu que le principe du mérite n'avait pas été violé.

[10]       Dans son analyse, l'enquêteur a résumé comme suit la question sur laquelle il fallait enquêter :

[TRADUCTION]

M. D. Giroux a-t-il fait l'objet d'un traitement inéquitable et injuste et le principe du mérite a-t-il été violé lorsqu'il a été mis fin à l'emploi de commis CR 02 aux dossiers et au courrier qu'il exerçait pour une période déterminée?

[11]       L'enquêteur a noté qu'en vertu de l'article 25 de la Loi, « [l]e fonctionnaire nommé pour une période déterminée perd sa qualité de fonctionnaire à l'expiration de cette période » . Après avoir examiné à fond les facteurs pertinents, l'enquêteur a conclu que le principe du mérite n'avait pas été violé (à la page 12 de sa décision) :

[TRADUCTION]


En l'espèce, M. Giroux, commis CR 02 aux dossiers et au courrier qui avait été nommé pour une période déterminée, a cessé d'être un employé de Santé Canada à l'expiration de la période de nomination. Le ministère a expliqué que l'emploi exercé par M. Giroux pour une période déterminée n'avait pas fait l'objet d'un renouvellement parce que ce dernier n'était pas admissible lors d'un concours antérieur qui avait eu lieu (voir la rubrique intitulée : Les faits), de sorte que le présent enquêteur a examiné ce point ainsi que les autres mesures qui, selon le plaignant, auraient été à l'encontre du principe du mérite.

En ce qui concerne le fait que le plaignant n'a pas remporté le concours CR 02, l'enquêteur ne peut pas apprécier de nouveau les candidats ou substituer son opinion à celle du jury de sélection. Par conséquent, l'examen des outils qui ont été utilisés et des modalités d'appréciation de M. Giroux qui ont été suivies à l'égard de l'élément « Fiabilité » du facteur « Qualités personnelles » ne révèle pas que le principe du mérite n'a pas été respecté. On avait peut-être traité M. Giroux d'une façon plutôt dure en ne lui attribuant pas de points à l'égard de l'élément « Fiabilité » , mais même si c'était le cas, compte tenu de la nature des remarques qui ont été faites au sujet du rendement de M. Giroux en ce qui concerne cet élément, il est peu probable que celui-ci se serait vu attribuer 8,6 points, soit le nombre de points qu'il lui aurait fallu pour être admissible à l'égard du facteur « Qualités personnelles » . Il importe de répéter que l'enquêteur ne doit pas apprécier de nouveau un candidat; il peut uniquement apprécier le bien-fondé et le caractère raisonnable de l'appréciation effectuée par le jury de sélection. Compte tenu des renseignements dont je dispose, il est conclu que le principe du mérite n'a pas été violé.

[12]       L'enquêteur a également déclaré que M. Valentine n'était pas commis CR 02 aux dossiers et au courrier pour une période déterminée, et il ne l'est pas non plus maintenant, mais qu'il était, et il continue à être, un messager GS MES 02 nommé pour une période déterminée. M. Giroux n'a jamais interjeté appel contre sa nomination. En ce qui concerne Manon Huneault, même si elle n'était pas admissible au concours CR 02, auquel M. Giroux s'était porté candidat, elle a remporté un concours CR 02 différent ailleurs à Santé Canada. M. Giroux n'a pas non plus interjeté appel contre cette nomination.

[13]       Toutefois, l'enquêteur n'approuvait pas le soi-disant processus « d'ordre inverse du mérite » ; voici ce qu'elle a dit à ce sujet :

[TRADUCTION]


Même si cela ne touche pas le plaignant et même si cela n'influe pas sur le résultat de cette enquête, je dois faire une observation au sujet du processus d'ordre inverse du mérite que le ministère a adopté au mois de décembre 1993. Le ministère s'est fondé sur ce processus en vue de déterminer quels commis aux dossiers et au courrier travaillant alors au sein de l'organisation verraient leur période de nomination prolongée, mais je dois souligner que le processus en question vise à permettre de déterminer l'ordre dans lequel les employés peuvent être mis en disponibilité, et non l'ordre dans lequel les employés peuvent être nommés. En ce qui concerne les employés nommés pour une période déterminée, comme c'était ici le cas, l'article 25 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique prévoit qu'à la fin d'une période déterminée d'emploi, il est mis fin à l'emploi. Toute « prolongation » subséquente est une nomination qui est donc assujettie au principe du mérite, tel qu'il est énoncé à l'article 10 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Bref, le ministère aurait dans ce cas-ci dû tenir un concours, avec les droits d'appel y afférents, en vue de sélectionner les employés aux fins de nominations subséquentes pour une période déterminée.

[14]       Cependant, l'enquêteur a fait remarquer que la procédure d'ordre inverse du mérite ne touchait pas M. Giroux étant donné qu'il n'était plus employé et qu'il n'avait donc pas été mis en disponibilité selon ce processus.

3. Analyse

[15]       M. Giroux est peut-être mécontent parce que son emploi n'a pas été maintenu ou parce qu'il n'a pas été renommé au poste de commis aux dossiers et au courrier, groupe CR 02, et ce, malgré les deux appels dans lesquels il avait eu gain de cause relativement aux premier et deuxième concours, mais on ne saurait dire que l'enquêteur a commis une erreur de droit ou qu'elle a rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont elle disposait.


[16]       En sa qualité d'employé nommé pour une période déterminée, M. Giroux a perdu, en vertu de l'article 25 de la Loi, sa qualité de fonctionnaire à l'expiration de cette période. La Loi ne prévoit aucun recours dans le cas d'une personne dont la nomination pour une période déterminée n'est pas renouvelée. L'article 21 de la Loi autorise la personne en cause à en appeler de la nomination d'autres employés qui ont été nommés après la tenue d'un concours qu'elle n'a pas remporté. M. Giroux a échoué aux deux concours et il a interjeté appel. Les appels ont en fin de compte été accueillis, mais cela ne veut pas pour autant dire que M. Giroux a nécessairement le droit d'être nommé à un poste pour une période indéterminée si le ministère employeur décide, pour des raisons d'ordre financier ou pour d'autres raisons, de ne pas effectuer de nominations.

[17]       Le processus d'ordre inverse du mérite ne pouvait pas toucher M. Giroux étant donné qu'il visait à permettre de déterminer l'ordre dans lequel les employés pouvaient être mis en disponibilité. Or, M. Giroux n'était pas employé à ce moment-là.

[18]       Rien ne montre que les collègues de M. Giroux aient fait l'objet d'un traitement de faveur. M. Valentine occupait un poste différent et Mme Huneault a remporté un concours différent. Aucune des allégations de partialité n'était corroborée. Comme l'enquêteur l'a dit, rien ne montre que le principe du mérite ait été violé.


[19]       Les candidats au concours se rapportant au poste en question ont été cotés selon trois critères : les connaissances, les capacités et les qualités personnelles. Il a été conclu que M. Giroux ne satisfaisait pas au troisième facteur puisqu'il avait été jugé qu'il n'était pas fiable. Les raisons pour lesquelles M. Giroux n'était pas fiable ont été fournies. Il n'appartenait pas à l'enquêteur et il n'appartient pas à cette cour de substituer leurs propres conclusions à celles des examinateurs.

4. Dispositif

[20]       Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.

_______________________

    Juge

OTTAWA (Ontario),

le 24 octobre 2000.

Traduction certifiée conforme

Suzanne M. Gauthier, LL.L., Trad. a.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                 T-1772-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :                DAVID GIROUX c. LE MINISTÈRE DE LA SANTÉ ET AUTRES

LIEU DE L'AUDIENCE :                     Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                    le lundi 23 octobre 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE du juge Dubé en date du 24 octobre 2000

ONT COMPARU :

Bruce Simpson                                                  POUR LE DEMANDEUR

J. Sanderson Graham                                         POUR LES DÉFENDEURS

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Barnes, Sammon                                               POUR LE DEMANDEUR

Ottawa (Ontario)

Morris Rosenberg                                             POUR LES DÉFENDEURS

Sous-procureur général du Canada

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