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     Date : 19990527

     Dossier : T-1069-98

ENTRE :

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION,

     demandeur,

     et

     LUKE LIANG KUNG CHEN,

     défendeur.


     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE EN CHEF ADJOINT RICHARD

[1]      Il s'agit d'un appel interjeté au nom du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, aux termes du par. 14(5) de la Loi sur la citoyenneté (la Loi) et de l'art. 21 de la Loi sur la Cour fédérale, suite à une décision du juge de la citoyenneté, Marguerite Ford, en date du 22 avril 1998, approuvant la demande de citoyenneté canadienne du défendeur en application du par. 5(1) de la Loi.

[2]      La juge de la citoyenneté a conclu dans cette décision que le défendeur s'était conformé à l'exigence en matière de résidence prescrite à l'alinéa 5(1)c) de la Loi, bien qu'il n'ait séjourné que 386 jours au Canada. Aux termes des sous-alinéas 5(1)c)(i) et (ii) de la Loi, il manquait à l'intéressé 709 jours de présence pour atteindre le minimum requis de trois ans de résidence au Canada durant les quatre années qui ont précédé la date de sa demande de citoyenneté canadienne.

[3]      Le juge de la citoyenneté avait en main les éléments de preuve suivants :

     a)      le défendeur est entré au Canada à titre de résident permanent le 2 octobre 1993;
     b)      le 26 juillet 1997, il a rempli une demande de citoyenneté à titre de requérant adulte que le Bureau d'enregistrement de la citoyenneté de Sydney (Nouvelle-Écosse) a reçue le 14 septembre 1997;
     c)      le rapport d'examen de la demande présenté au juge de la citoyenneté indiquait que le défendeur n'avait à son crédit que 386 jours de présence au Canada jusqu'à la date de sa demande;
     d)      il a déclaré dans cette demande qu'il s'était absenté du Canada principalement pour affaires vu qu'il était un travailleur indépendant qui espérait établir des liens commerciaux bilatéraux entre le Canada et les pays situés en bordure du Pacifique. Il appert cependant du dossier que l'intimé s'absentait aussi bien pour ses affaires que pour des raisons personnelles : passer des vacances, visiter des parents, sa belle-mère et pour consulter un herboriste.

[4]      L'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté énonce trois critères auxquels tout demandeur de la citoyenneté canadienne doit se conformer :

     a)      être légalement admis au Canada à titre de résident permanent;
     b)      conserver ce statut, et
     c)      justifier de trois ans de résidence au Canada dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, calculés selon la formule prescrite dans cet alinéa.

Le mot " résidence " n'est pas précisément défini au paragraphe 2(1) de la Loi.

[5]      La jurisprudence actuelle établit qu'en matière de citoyenneté canadienne, les demandeurs doivent objectivement prouver en premier lieu qu'ils ont initialement établi leur propre résidence au Canada trois ans au moins (soit 1 095 jours) avant la présentation de leur demande de citoyenneté et, en second lieu, qu'ils ont conservé la résidence ainsi établie durant toute cette période. La simple intention de s'établir ne suffit pas.

[6]      Il ressort du dossier que le défendeur n'a séjourné au Canada que 386 jours durant les 1 095 jours qui ont précédé sa demande de citoyenneté et qu'il lui manquait 709 jours pour parfaire la période de trois ans de résidence exigée.

[7]      Ses absences, qui étaient longues, duraient habituellement de deux à trois mois.

[8]      La preuve indique notamment

     i)      que le défendeur n'a pas séjourné longtemps au Canada avant de longuement s'absenter et qu'il n'y a passé que 14 jours avant son premier long départ;
     ii)      que les absences sont longues; il ne s'agit pas d'un cas limite; et
     iii)      que les absences ne peuvent être qualifiées de temporaires.

[9]      Le défendeur a témoigné qu'il avait obtenu en 1996 un permis de conduire de la Colombie-Britannique, avait ouvert des comptes bancaires au Canada et reçu une carte d'assurance sociale et médicale. Comme l'a observé le juge Reed dans Lok1, les preuves de résidence de ce genre sont faciles à obtenir et, dans de nombreux cas, ne permettent pas vraiment de savoir si le candidat à la citoyenneté a bel et bien établi sa résidence au Canada.

[10]      Le défendeur a également fourni des relevés d'impôt sur le revenu pour 1995 et 1996 ainsi que des reçus de taxes foncières et de services d'utilités publiques, pour les années 1995 à 1997.

[11]      De tels indices ne suffisent pas, à eux seuls, à établir le lien nécessaire avec le Canada qui réponde au critère de résidence.

[12]      Le défendeur n'a pas démontré qu'il a axé son mode de vie ordinaire sur le Canada ou qu'il l'y a maintenu. Il a passé le plus clair des trois ans qui ont précédé sa demande de nationalité à Taïwan et à Hong Kong.

[13]      Il n'a jamais fixé sa résidence au Canada avant d'entreprendre ses longs et nombreux voyages à l'étranger.

[14]      Le juge de la citoyenneté a motivé son acceptation de la demande de citoyenneté en ces termes :

     [TRADUCTION] Il s'est absenté pour vaquer aux affaires d'une compagnie canadienne. Il a fourni des preuves de résidence permanente.

[15]      Que j"adopte un critère strict ou libéral pour trancher la question de résidence, j"ai conclu que le défendeur ne remplit pas, en l'occurrence, les conditions de résidence et que sa demande de citoyenneté était prématurée.


[16]      Le juge de la citoyenneté a fait une erreur de droit en concluant que les conditions prescrites par la Loi ont été remplies et en approuvant la demande de citoyenneté du défendeur.

[17]      L'appel est accueilli et la décision du juge de citoyenneté annulée.

                                 (Signé) " John D. Richard "

     Juge en chef adjoint

Vancouver (Colombie-Britannique)

27 mai 1999


Traduction certifiée conforme


Laurier Parenteau, LL.L..

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE DE LA COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER



No DU GREFFE :              T-1069-98


INTITULÉ DE LA CAUSE :          MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                     c.

                     LUKE LIANG KUNG CHEN

LIEU DE L'AUDIENCE :          Vancouver (Colombie-Britannique)


DATE DE L'AUDIENCE :          25 mai 1999


MOTIFS DU JUGEMENT PAR LE JUGE EN CHEF ADJOINT RICHARD


EN DATE DU :              27 mai 1999



ONT COMPARU :

Sandra Weafer,                      pour le demandeur

Luke Liang Kung Chen,                  pour lui-même


PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg                      pour le demandeur

Sous-procureur général du Canada



__________________

1      Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration c. Lok (19 juin 1998), T-2843-96, par. 15.

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