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     Date : 19971218

     Dossier : IMM-869-97

Entre :

     MOHAMMAD TAHIR PARACHA,

     requérant,

     - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON

[1]      Ces motifs ont trait à une demande de contrôle judiciaire d'une décision d'une agente d'immigration désignée (l'agente des visas) au Consulat général du Canada à New York, dans laquelle celle-ci a statué que le requérant ne respectait pas les conditions pour obtenir la résidence permanente au Canada. La décision de l'agente des visas est datée du 16 janvier 1997.

[2]      Le requérant est né au Pakistan en août 1958. Au moment où il a demandé la résidence permanente au Canada, il résidait aux États-Unis depuis quelque dix ans. Il avait quelque 17 ans d'expérience dans l'exploitation de petites entreprises de détail, comptant quelques employés, dont il était le propriétaire, au Pakistan et aux États-Unis. Il a demandé la résidence permanente au Canada dans la catégorie des entrepreneurs. Il proposait d'ouvrir une épicerie dans laquelle il voulait investir environ 40 000 $.

[3]      Le terme "entrepreneur" est défini au paragraphe 2(1) du Règlement sur l'immigration de 19781, dans les termes suivants :

         "entrepreneurs" désigne un immigrant

             a) qui a l'intention et qui est en mesure d'établir ou d'acheter au Canada une entreprise ou un commerce, ou d'y investir une somme importante, de façon à contribuer de manière significative à la vie économique et à permettre à au moins un citoyen canadien ou résident permanent, à part l'entrepreneur et les personnes à sa charge, d'obtenir ou de conserver un emploi, et                 
             b) qui a l'intention et est en mesure de participer activement et régulièrement à la gestion de cette entreprise ou de ce commerce;                 

[4]      Dans la décision à l'étude, communiquée par lettre, après avoir cité la définition susmentionnée, l'agente des visas écrit ceci :

         [TRADUCTION]                 
             Après avoir soigneusement examiné votre demande, j'ai conclu que vous n'êtes pas un entrepreneur selon la définition donnée dans le règlement. À la suite de votre entrevue personnelle, qui a eu lieu à nos bureaux le 8 janvier 1997, je ne crois pas que votre projet d'entreprise soit très clair ou très détaillé. Vous n'avez pas démontré que vous pourriez vous établir avec succès au Canada. En outre, votre investissement initial d'environ 40 000 $ ne constitue pas à mon avis "une somme importante". Je ne crois pas que votre entreprise pourrait "contribuer de manière significative à la vie économique" du Canada. Une lettre de votre banque indique que vous disposez de 38 591,59 $US. Vous déclarez que vos deux entreprises aux États-Unis valent 175 000 $US. Dans vos déclarations d'impôt sur le revenu, il est indiqué que votre revenu total tiré d'une entreprise était de 21 170 $ en 1992, de 18 795 $ en 1993, de 20 021 $ en 1994 et de 23 120 $ en 1995. Cela ne démontre pas que vous êtes un homme d'affaires prospère. Finalement, votre projet d'ouvrir une épicerie ne contribue pas à mon avis de manière significative à la vie économique du Canada. D'après les renseignements dont je dispose, il ne me semble pas qu'il y ait pour ce genre de services au Canada une demande à laquelle le marché n'a pas déjà répondu. Votre entreprise ne ferait que s'ajouter aux commerces qui répondent déjà à la demande. Vous n'avez pas été en mesure de mentionner des facteurs qui me permettraient de conclure que vous pouvez contribuer de manière significative à la vie économique du Canada, ni permettre à des résidents du Canada de travailler.                 
             Vous avez indiqué au cours de l'entrevue que vous aviez l'intention d'ouvrir une épicerie au Canada, que vous avez l'intention d'apporter 40 000 $ au Canada pour ce projet d'entreprise et que, par la suite, vous pourriez vendre vos deux entreprises aux États-Unis et ramener ces fonds au Canada.                 
             Je ne suis pas convaincue que vous avez la capacité d'établir une entreprise commerciale florissante au Canada. En outre, je ne crois pas qu'avec 40 000 $ vous puissiez lancer une entreprise au Canada, offrir un emploi à au moins une autre personne, et en même temps subvenir aux besoins de votre femme, qui est ménagère, et de vos trois enfants. Vous n'êtes donc pas un entrepreneur au sens du Règlement sur l'immigration du Canada.                 

[5]      La norme de contrôle applicable aux décisions comme celle de l'agente des visas en l'espèce est bien établie. Dans l'arrêt Boulis c. Le ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration2, le juge Abbott citait un autre précédent jurisprudentiel à la page 877 :

         [TRADUCTION] Les critères selon lesquels il faut juger l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire conféré par une loi ont été définis dans plusieurs arrêts qui font jurisprudence et il est admis que si le pouvoir discrétionnaire a été exercé de bonne foi, sans influence d'aucune considération étrangère, ni de façon arbitraire ou illégale, aucune cour n'a le droit d'intervenir, même si cette cour eût peut-être exercer ce pouvoir discrétionnaire autrement s'il lui avait appartenu.                 

L'arrêt To c. Canada (M.E.I.)3, beaucoup plus récent, aboutit au même résultat relativement à la décision d'un agent des visas concernant un demandeur de la résidence permanente au Canada dans la catégorie des "entrepreneurs".

[6]      Le seul motif de contrôle qui a été débattu devant moi fait valoir qu'il y a eu manquement à l'obligation d'agir équitablement envers le requérant parce que l'agente des visas ne lui aurait pas fait état de ses préoccupations à son sujet au cours de l'entrevue et qu'elle ne lui a donc pas donné une possibilité raisonnable de les dissiper. Les versions de ce qui s'est dit au cours de l'entrevue, énoncées dans l'affidavit du requérant et celui de l'agente des visas, sont à l'opposé l'une de l'autre. Le requérant affirme qu'il a eu l'impression pendant l'entrevue que l'agente des visas approuverait sa demande s'il pouvait lui fournir un relevé bancaire à jour et une évaluation de ses propriétés aux États-Unis et au Pakistan. Au contraire, l'agente des visas affirme qu'à l'entrevue elle a pleinement expliqué ses préoccupations au requérant et lui a donc fourni la possibilité de dissiper ses doutes et qu'en l'absence de ce qu'elle considère comme une réponse satisfaisante elle l'a informé que sa demande était refusée et elle lui a donné les motifs de ce refus.

[7]      Concernant le déroulement de l'entrevue, je préfère la version de l'agente des visas. Cette version est appuyée par les notes de l'entrevue. Il n'y a pas d'élément qui étaye la version des événements racontés par le requérant.

[8]      Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucun des avocats ne l'ayant demandé, aucune question ne sera certifiée.

                             "Frederick E. Gibson"

                        

                         Juge

Toronto (Ontario)

le 18 décembre 1997

Traduction certifiée conforme         

                             François Blais, LL. L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats et procureurs inscrits au dossier

DOSSIER :                      IMM-869-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :          MOHAMMAD TAHIR PARACHA

                         -et-

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

DATE DE L'AUDIENCE :          LE 17 DÉCEMBRE 1997

LIEU DE L'AUDIENCE :          TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DU JUGEMENT PAR :          LE JUGE GIBSON

DATE :                      LE 18 DÉCEMBRE 1997

ONT COMPARU :

                         Joseph S. Farkas

                             pour le requérant

                    

                         Kevin Lunney

                             pour l'intimé

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

                         Joseph S. Farkas

                         3089, rue Bathurst

                         Toronto (Ontario)

                         M6A 2A4

                             pour le requérant

                         George Thompson

                         Sous-procureur général du Canada

                             pour l'intimé

__________________

1      DORS/78-172

2      [1974] R.C.S. 875

3      [1996] F.C.J. 696 (C.A.) (n'a pas été cité devant moi).

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