Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20060309

Dossier : IMM-5002-05

Référence : 2006 CF 313

Calgary (Alberta), le 9 mars 2006

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE HENEGHAN

ENTRE :

VICTOR SARA APAZA

et

AMERICA ELIZABETH SANCHEZ

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                M. Victor Sara Apaza et sa femme America Elizabeth Sanchez (les demandeurs) demandent le contrôle judiciaire d'une décision de l'agente d'immigration Natalie Holder (l'agente d'immigration) rendue le 25 juillet 2005. Dans sa décision, l'agente d'immigration a rejeté la demande de résidence permanente invoquant des raisons d'ordre humanitaire (demande CH), présentée à partir du Canada et déposée conformément à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), et au Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, et modifications (le Règlement). L'épouse, une citoyenne canadienne, parrainait son mari, dont la demande d'asile avait été rejetée.

[2]                L'époux est un citoyen du Pérou qui est arrivé au Canada en janvier 2001. Il a fait la connaissance de sa femme en mai 2001 à Calgary. Après s'être fréquentés, ils ont emménagé ensemble et ont cohabité ainsi pendant deux ans avant de se marier le 9 août 2003. Le 15 mai 2003, la demande d'asile de l'époux a été rejetée. Le 3 novembre 2003, il a déposé une demande de résidence permanente en invoquant des raisons d'ordre humanitaire, à partir du Canada. Le 23 décembre 2003, il a déposé une demande d'examen des risques avant renvoi (ERAR).

[3]                Le 18 février 2005, des modifications ont été apportées à la politique générale pour permettre à tous les ressortissants étrangers, peu importe leur statut d'immigration, qui sont en relation conjugale ou en union de fait avec un résident permanent ou un citoyen canadien, de faire examiner leur demande de parrainage en fonction des règlements de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada. L'époux a signé une entente le 16 mars 2005, déclarant qu'il souhaitait que sa demande CH soit examinée conformément à ces nouvelles dispositions.

[4]                On a demandé aux demandeurs de se présenter à une entrevue le 25 avril 2005. L'entrevue a été laissée en plan en raison de problèmes avec l'interprétation. L'entrevue a été reportée et a eu lieu le 3 mai 2005, en présence d'un interprète différent. D'après l'affidavit supplémentaire déposé par les demandeurs en l'espèce, l'entrevue a duré plusieurs heures de façon consécutive et sans pause pour les demandeurs, l'interprète et l'agente d'immigration.

[5]                Le 25 juillet 2005, la demande de résidence permanente de l'époux fondée sur des motifs d'ordre humanitaire et présentée au Canada a été rejetée. La lettre de décision mentionnait aussi que la situation du demandeur avait été examinée au titre de la catégorie des époux ou conjoints de fait au Canada et avait également été rejetée à cet égard. L'agente d'immigration a conclu que les demandeurs ne répondaient pas aux exigences de cette catégorie, car à son avis, il existait peu de preuves démontrant que leur mariage était authentique et que les demandeurs ne s'étaient pas mariés simplement pour obtenir le statut de résident permanent au Canada. La lettre de refus ne comprenait aucun motif détaillé; les notes volumineuses de l'agente d'immigration n'ont été présentées qu'à la suite de la présente demande.

[6]                La conclusion en question a été tirée par une décisionnaire administrative exerçant un pouvoir délégué en vertu de la Loi. Afin de déterminer quelle est la norme de contrôle applicable en l'espèce, je dois effectuer une analyse pragmatique et fonctionnelle. Il y a quatre facteurs à considérer : l'existence d'une disposition privative, l'expertise de la décisionnaire, l'objet de la législation et la nature de la question.

[7]                Le premier facteur est neutre, puisque la Loi ne prévoit aucune disposition privative ni d'appel de plein droit. Le contrôle judiciaire est disponible, s'il est autorisé.

[8]                Les agents d'immigration doivent constamment évaluer des demandes de résidence permanente et la validité de mariages. Leur expertise relativement plus importante que celle de la Cour mérite la déférence.

[9]                L'objectif général de la Loi est de réglementer l'admission des immigrants au Canada et de maintenir la sécurité de la société canadienne. Ceci implique qu'il faut examiner divers intérêts qui pourraient entrer en conflit. Il faut faire preuve d'une certaine déférence envers les décisions prises dans un contexte polycentrique.

[10]            Le dernier facteur à considérer porte sur la nature de la question. En l'espèce, l'agente d'immigration devait exercer son pouvoir discrétionnaire et tirer des conclusions de fait. Ce pouvoir discrétionnaire doit s'inspirer de la Loi et du Règlement et il comprend un élément d'interprétation de la législation. L'application des dispositions légales et réglementaires à la preuve donne lieu a une question mixte de fait et de droit. La norme de contrôle pour une telle question est la décision raisonnable simpliciter.

[11]            Tout compte fait, les quatre facteurs militent en faveur d'accorder une certaine déférence à la décision de l'agente d'immigration. Je conclus que la norme de contrôle applicable est la décision raisonnable simpliciter. La Cour suprême du Canada a appliqué cette norme dans Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté), [1999] 2 R.C.S. 817, au sujet d'une décision discrétionnaire d'un agent d'immigration.

[12]            En l'espèce, l'agente d'immigration a conclu que le mariage des demandeurs n'était pas authentique. Elle a par la suite conclu qu'il n'existait pas suffisamment de motifs lui permettant d'exercer son pouvoir discrétionnaire de façon à permettre à l'époux, pour des raisons d'ordre humanitaire, de déposer une demande de résidence permanente à partir du Canada. À mon avis, elle a commis une erreur donnant lieu à révision lorsqu'elle a tiré sa conclusion au sujet du mariage, parce qu'elle n'a pas tenu compte de preuves pertinentes qui, si jugées crédibles, auraient eu une force probante certaine.

[13]            À cet égard, l'agente d'immigration n'a pas tenu compte de l'âge des demandeurs, de la période de cohabitation avant leur mariage, de certains documents déposés en preuve, y compris des notes de médecins, des lettres de recommandation d'employeur et de déclarations de revenus conjointes, lorsqu'elle a tiré sa conclusion au sujet de l'authenticité du mariage. De plus, elle s'est attachée à des faits sans pertinence comme le contenu des tables de nuit et le moment où l'épouse a obtenu le divorce de son ancien conjoint, pour déterminer l'authenticité du mariage.

[14]            Je suis du même avis que les demandeurs : l'agente d'immigration a effectué un examen microscopique de la preuve, par exemple au sujet du moyen de transport utilisé lors de leur première sortie en couple.

[15]            La conclusion de l'agente d'immigration au sujet du mariage semble avoir influencé sa décision prise en application de l'article 25 de la Loi, soit la décision portant sur les raisons d'ordre humanitaire. À mon avis, l'agente d'immigration a commis une erreur lorsqu'elle a tiré cette conclusion. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie et l'affaire sera renvoyée pour nouvel examen devant un autre agent de l'immigration. Aucune question n'a été énoncée aux fins de certification.

ORDONNANCE

            La demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire est renvoyée pour nouvel examen devant un autre agent de l'immigration. Aucune question n'a été énoncée aux fins de certification.

« E. Heneghan »

Juge

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-5002-05

INTITULÉ :                                     VICTOR SARA APAZA ET AL. c. MCI

                                               

                                               

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Calgary (Alberta)

DATE DE L'AUDIENCE :                Le 7 mars 2006

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE l                        La juge Heneghan

DATE DES MOTIFS :                       Le 10 mars 2006

COMPARUTIONS:

R. Michael Birnbaum                             POUR LES DEMANDEURS

Rick Garvin                                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

R. Michael Birnbaum

Calgary (Alberta)                                   POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général

du Canada                                             POUR LE DÉFENDEUR

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.