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Date : 20020611

Dossier : T-928-01

Référence neutre : 2002 CFPI 660

ENTRE :

                         CONSEIL DE LA NATION INNU MATIMEKOSH-LAC JOHN

                                                                                                                                               Demandeur

                                                                                  et

                                                                     LINDA RACINE

                                                                                                                                            Défenderesse

                                                    MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                                                    [Ordonnance prononcée sur le banc

                                                       Sept-Iles, Québec, le 30 mai 2002]

LE JUGE LEMIEUX:

[1]                 Après avoir entendu la partie demanderesse, la partie défenderesse ne s'étant présentée, j'ai rendu l'ordonnance suivante:

Pour motifs à être rédigés ultérieurement, cette demande de contrôle judiciaire est accordée sans frais, la décision de l'arbitre, Me André Truchon, en date du 26 avril 2001, est annulée et le dossier est renvoyé au ministre ou à l'arbitre qu'il désignera, pour qu'il décide l'affaire à nouveau en tenant pour acquis que la rémunération prévue au contrat de travail de la défenderesse, Linda Racine, pour l'année 1998-1999 incluait l'indemnité de vacances annuelles et ce, tel que prévu aux articles 183 et suivants du Code canadien du travail.

[2]    Ces motifs sont à l'appui de l'ordonnance.

[3]    Le demandeur, le Conseil de la Nation Innu Matimekosh-Lac John, (le « Conseil » ) gère une école publique recevant la clientèle Innu sur la réserve indienne de Schefferville au Québec.

[4]    L'école Kanatamat Tshitipenitamunu applique les programmes d'étude du Ministère de l'éducation du Québec et les diplômes sont décernés et régis par le Ministère de l'éducation du Québec. L'embauche des enseignants se fait par contrat annuel.

[5]    La défenderesse, Linda Racine, (la « défenderesse » ), fut embauchée par contrat annuel à compter de 1995. Le contrat annuel fut renouvelé jusqu'en 1999. Les conditions de travail prévues au contrat annuel étaient sensiblement les mêmes, soit un salaire brut annuel réparti sur douze (12) mois pour une prestation de travail de 180 jours par année. Il n'existait pas au contrat de travail de dispositions spécifiques traitant de la période de vacances.


[6]    La défenderesse décida, pour des raisons personnelles, de ne pas renouveler son contrat de travail pour l'année 1999-2000. Elle a réclamé du Conseil la somme de 1 597,92 $ à titre d'indemnité de vacances pour sa dernière année d'emploi, c'est-à-dire, 1998-1999. Le Conseil refuse de payer cette prestation de vacances se basant sur le fait que la défenderesse recevait une rémunération annuelle qui incluait l'indemnité de vacances.

[7]    La réclamation de la défenderesse est portée devant l'arbitre Me André Truchon qui, le 26 avril 2001, tranche en faveur de la défenderesse.

La décision de l'arbitre

[8]    L'arbitre constate que le contrat liant Linda Racine et le Conseil prévoit un salaire brut payable en 26 versements égaux mais, puisqu'aucun article ne traite des congés annuels, il faut s'en remettre à la loi, en l'espèce, la Partie III du Code canadien du travail.

[9]    L'arbitre conclut que la rémunération a un sens plus large que le terme salaire et que celui-ci est donc une partie de la rémunération de la défenderesse.

[10]                         Il étudie les articles 183 à 188 du Code canadien du travail et note que:



183 « indemnité de congé annuel » "vacation pay"

« indemnité de congé annuel » Indemnité égale à quatre pour cent -- six pour cent, après six années consécutives au service du même employeur -- du salaire gagné au cours de l'année de service donnant droit aux congés annuels;. . .

184. Sauf disposition contraire de la présente section, tout employé a droit, par année de service accomplie, à au moins deux semaines de congés payés, et au moins trois semaines après six années de service.

                                 . . .

186. L'indemnité de congé annuel est assimilée à un salaire.

                                 . . .

188. Lors de la cessation d'emploi, l'employeur verse sans délai à l'employé_:

a) toute indemnité de congé annuel due pour une année de service antérieure;

                                 . . .

"vacation pay" « indemnité de congé annuel »

"vacation pay" means four per cent or, after six consecutive years of employment by one employer, six per cent of the wages of an employee during the year of employment in respect of which the employee is entitled to the vacation;

                                 . . .

184. Except as otherwise provided by or under this Division, every employee is entitled to and shall be granted a vacation of at least two weeks with vacation pay and, after six consecutive years of employment by one employer, at least three weeks with vacation pay in respect of every year of employment by that employer.

                                 . . .

186. Vacation pay shall for all purposes be deemed to be wages.

                                 . . .

188. When an employee ceases to be employed, the employer shall forthwith pay to the employee

(a) any vacation pay then owing by the employer to the employee under this Division in respect of any prior completed year of employment;

                                 . . .


[11]            L'arbitre axe sa décision sur l'article 186 et se réfère au dictionnaire Larousse pour trouver la définition du verbe « assimiler » . Il conclut:

Ce terme ne peut nous permettre de conclure à l'effet que les congés annuels de la plaignante sont inclus dans le salaire, tout au plus pouvons-nous en conclure que l'indemnité sera considérée comme du salaire dans les mains du travailleur. Il y a donc une distinction à faire, puisqu'il y a par la suite assimilation de l'indemnité de salaire.

En l'absence de mention expresse dans le contrat, l'interprétation des textes de la loi nous amène à conclure que la plaignante a droit à l'indemnité pour congés annuels qu'elle réclame.

Analyse


[12]            La décision de l'arbitre est protégée par une clause privative au paragraphe 251.12(6) et (7) du Code canadien du travail. Cette clause privative est une clause intégrale au sens que lui donne la Cour suprême du Canada dans Ivanhoe Inc. c. Travailleurs et travailleuses unis de l'alimentation et du commerce, section locale 500, [2001] 2 R.C.S. 565.

[13]            La Cour suprême du Canada indique que la présence d'une telle clause doit donc inciter les tribunaux à faire preuve de déférence envers les décisions administratives. Elle élabore les autres facteurs à considérer: l'expertise du tribunal administratif, l'objet de la loi habilitante et les dispositions particulières en cause ainsi que la nature factuelle ou juridique du problème en l'espèce. La Cour suprême du Canada en vient à la conclusion que la norme à appliquer dans Ivanhoe Inc., supra, est celle de l'erreur manifestement déraisonnable, soit le plus haut degré de retenue judiciaire.

[14]            J'en viens à la même conclusion en l'espèce.

[15]            Dans l'arrêt Canada Safeway Ltd. c. Syndicat des détaillants, grossistes et magasins à rayons, section locale 454, [1998] 1 R.C.S. 1079, les juges Cory et McLaughlin (maintenant J.C.C.) donnent plusieurs exemples de décisions que l'on peut caractériser comme décision manifestement déraisonnable. Un exemple est tiré de l'arrêt Conseil de l'éducation de Toronto (Cité) c. F.E.E.E.S.O., district 15, [1997] 1 R.C.S. 487 en ces termes:


48 . . . dans les cas où les conclusions arbitrales en litige reposent sur des inférences tirées de la preuve, il est nécessaire que la cour de justice qui contrôle la décision examine cette preuve... . c'est uniquement dans le cas où la preuve, appréciée raisonnablement, est incapable d'étayer les conclusions du tribunal que la cour peut substituer son opinion à celle du tribunal.

[16]            C'est précisément ce que le Conseil reproche à l'arbitre. Le Conseil prétend que celui-ci a complètement ignoré la preuve, non contredite, qu'il a présentée par le billet du témoignage de Réjean Lavoie, Directeur de l'école, à l'effet que les vacances des enseignants ont toujours été incluses dans la rémunération annuelle.

[17]            En autres mots, selon la preuve, à chaque versement qu'elle recevait (26 versements égaux), elle recevait une partie de son indemnité de vacances, une conclusion que le juge en chef Deschênes de la Cour supérieure du Québec entérina dans une cause type, Arcand c. la Commission scolaire régionale des Vielles Forges, [1974] R.D.T. 89, dans des circonstances analogues, la même preuve au dossier et des textes législatifs semblables.

[18]            L'étude du dossier appuie les prétentions du Conseil et mandate l'ordonnance émise. L'arbitre n'a pas considéré, dans les faits, la preuve que la défenderesse a reçu l'indemnité à laquelle elle avait droit.

                                                                                                     « François Lemieux »        

                                                                                                                                                                                                     

                                                                                                                             J u g e                     

Ottawa (Ontario)

le 11 juin 2002


                                              COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                       SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

                                           AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                                            

DOSSIER :                                    T-928-01

INTITULÉ :                                   CONSEIL DE LA NATION INNU MATIMEKOSH                                                                  LAC JOHN c. LINDA RACINE

LIEU DE L'AUDIENCE :          Sept-Iles, Québec

DATE DE L'AUDIENCE :         30 mai 2002

MOTIFS de l'ordonnance : L'honorable Juge Lemieux

DATE DES MOTIFS :              11 juin 2002

COMPARUTIONS:

Me José Rondeau                                                                     POUR LE DEMANDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Me José Rondeau                                                                     POUR LE DEMANDEUR

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