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                                                                                                                                  Date: 20000530

                                                                                                                      Dossier: IMM-1955-99

ENTRE :

MEHDI ADIB-MORADI LANGROUDI

                                                                                                                                          demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE CAMPBELL

[1]         Le 19 février 1999, le demandeur, qui est citoyen iranien, s'est présenté à une entrevue devant un agent des visas (l'agent des visas) à Damas, en Syrie, à la suite de la demande de résidence permanente qu'il avait présentée à titre d'hygiéniste dentaire. Il est convenu que cette demande a été rejetée parce que le demandeur ne remplissait pas la condition d'accès à la profession ci-après énoncée :

Un programme de niveau collégial, de un à trois ans, ou tout autre programme en hygiène dentaire reconnu par l'organisme compétent dans la province ou le territoire de résidence, sont exigés des hygiénistes dentaires.[1]

[2]         En contestant la décision, le demandeur soutient principalement que l'agent des visas a enfreint l'obligation d'équité qu'il avait envers lui.


[3]         Le demandeur a obtenu son diplôme en art dentaire de l'université Meshhad, en 1978. Il a par la suite effectué son service militaire en 1978 et en 1979. En 1983, il a obtenu une maîtrise en art dentaire de l'University of Wales; il a étudié à la Faculté d'art dentaire, à Cardiff, et s'est spécialisé en périodontie. Le demandeur a travaillé pour le gouvernement iranien dans une clinique dentaire pendant deux ans comme hygiéniste dentaire et comme dentiste. En 1987, il a ouvert sa propre clinique dentaire, à titre de chirurgien dentiste et de périodontiste. Dans l'exercice de sa profession, le demandeur a exercé les fonctions qui relèvent d'un hygiéniste dentaire.

[4]         Au moment où le demandeur a eu son entrevue, l'agent des visas savait qu'afin de remplir la condition d'accès à la profession susmentionnée, le demandeur avait communiqué avec le College of Dental Hygienists of Ontario et qu'il avait transmis au Collège des renseignements au sujet de ses qualifications. L'agent des visas savait également que le demandeur avait été informé que l'on était en train d'évaluer ses qualifications.

[5]         Le demandeur se plaint qu'au lieu d'attendre une réponse du Collège en vue de déterminer si celui-ci allait tenir compte des études qu'il avait faites ou des aspects de ses études qui étaient considérés comme suffisants pour constituer un « autre programme en hygiène dentaire reconnu » , l'agent des visas a refusé la demande lors de l'entrevue.


[6]         Le demandeur soutient que, bien qu'il soit reconnu qu'il lui incombe de prouver qu'il remplissait la condition d'accès à la profession, l'agent des visas est de son côté tenu de reporter sa décision en attendant une réponse à l'enquête effectuée en Ontario. Le jugement qui fait autorité à cet égard a été rendu par le juge en chef adjoint Jerome dans l'affaire Nicolae c. Canada (Secrétaire d'État) [1995] A.C.F. 224, au paragraphe 12, où le juge dit ce qui suit :

Lorsque l'agent des visas a l'impression que la preuve présentée par la partie requérante est insuffisante, il peut être tenu de lui donner la chance de modifier cette impression. [Renvois omis.]

[7]         En réponse à cet argument, le défendeur soutient que le demandeur s'est présenté devant l'agent des visas avant d'obtenir une réponse de l'Ontario et que, puisqu'il n'a pas demandé un ajournement en attendant la réponse, l'agent des visas avait le droit de prendre une décision comme il l'a fait.

[8]         Je souscrirais à l'argument du défendeur si j'étais convaincu qu'une entrevue complète et équitable a été tenue.

[9]         Dans l'affidavit qu'il a présenté à l'appui de sa demande, le demandeur déclare sous serment ce qui suit :

[TRADUCTION]

6.              Je me suis présenté à l'entrevue à l'ambassade du Canada le 9 février 1999 à Téhéran, et j'ai rencontré M. Jean-François Hubert Rouleau. Dès que je suis entré dans la pièce avec ma conjointe, l'agent a déclaré qu'il avait examiné notre demande, qu'il avait pris sa décision et qu'il la refusait parce que j'étais dentiste. J'ai essayé de lui expliquer la situation et il m'a interrompu. J'ai essayé de lui montrer les documents que j'avais apportés, mais il m'a de nouveau interrompu. Il m'a montré un livre ouvert à une page précise sur son bureau et il a dit qu'il s'agissait des règlements. Il a ensuite quitté la pièce en me demandant ainsi qu'à ma conjointe de quitter également la pièce. L'entrevue n'a pas duré plus de deux minutes.


7.              Ce traitement m'a choqué. J'estime que je n'ai pas eu d'entrevue. On ne m'a pas donné la possibilité d'expliquer pourquoi je crois avoir les aptitudes voulues à titre d'hygiéniste dentaire. M. Hubert Rouleau ne nous a pas posé une seule question.[2]

[10]       Dans son affidavit, l'agent des visas a répondu comme suit à la déclaration du demandeur :

5.              L'entrevue a eu lieu en anglais à Téhéran, le 09 février dernier. Le demandeur avait indiqué sur son formulaire IMMS vouloir être évalué comme un technicien en hygiène dentaire, décrit au 3222.1 du guide "National Occupational Classification" ("NOC"), une copie de laquelle description est jointe à la pièce "A" au soutien du présent affidavit.

6.              Puisque le demandeur avait indiqué dans sa demande avoir complété des études de médecine dentaire en novembre 1978, suivi par une maîtrise en sciences dentaires complétée en 1983 et un doctorat en médecine dentaire, et que le NOC exige d'avoir complété un programme collégial d'une durée d'une à trois années en hygiène dentaire, mes questions ont porté sur la formation du demandeur.

7.              Contrairement aux allégations du demandeur aux paragraphes 6 et 7 de son Affidavit, l'entrevue n'a pas duré que deux minutes car il a eu l'opportunité de m'expliquer sa situation. Mes notes CAIPS, reproduites à la page 152 des documents certifiés et envoyés selon la règle 318 ("documents certifiés"), indiquent qu'il m'a expliqué qu'il travaille comme dentiste et comme hygiéniste et qu'il avait discuté du problème de ses qualifications avec son consultant qui lui aurait dit de présenter sa demande tout de même. Tout ceci prend plus de temps que 2 minutes!

8.              Malgré le niveau de scolarité et l'expérience du demandeur, je lui ai expliqué qu'il ne peut être qualifié comme technicien en hygiène dentaire d'après le NOC puisqu'il n'a pas la formation requise, soit un diplôme en hygiène dentaire. Dans les circonstances, je n'ai pas posé de questions sur les connaissances du Canada, les fonds, etc... L'entrevue était donc un peu plus courte que la norme d'environ 20 minutes.

[11]       Compte tenu de cette preuve et indépendamment de la durée de l'entrevue, je suis convaincu qu'il s'agissait d'une entrevue faite pour la forme, qui ne permettait pas de traiter vraiment du fait que le demandeur ne remplissait pas les conditions d'accès à la profession.


[12]       En plus du fait qu'à mon avis, aucune entrevue raisonnable n'a eu lieu, les remarques que l'agent des visas a faites au sujet de ce qu'étaient selon lui les conditions d'accès à la profession me préoccupent. Selon la preuve susmentionnée, il n'est pas évident que l'agent des visas ait clairement compris qu'indépendamment d'un programme de niveau collégial de trois ans, le demandeur pouvait également être admissible s'il avait suivi un « autre programme reconnu » .

[13]       Dans ces conditions, étant donné les excellentes qualifications du demandeur et puisqu'une demande d' « agrément » était en instance devant le College of Dental Hygienists of Ontario, j'estime qu'en bonne justice, l'agent des visas aurait dû reconnaître qu'il fallait faire preuve de prudence avant d'arriver à une décision prématurée.

[14]       Eu égard aux faits de l'affaire, je conclus donc que l'agent des visas aurait dû donner au demandeur la possibilité d'obtenir une réponse de l'Ontario avant d'arriver à une décision au sujet de la demande en instance. Étant donné qu'il ne l'a pas fait, je conclus qu'il y a eu violation de l'application régulière de la loi.


ORDONNANCE

[15]       Par conséquent, j'infirme la décision de l'agent des visas et je renvois l'affaire à un autre agent des visas pour réexamen.

            « Douglas R. Campbell »         

J.C.F.C.

Toronto (Ontario),

le 30 mai 2000.

Traduction certifiée conforme

Martine Brunet, LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                                 IMM-1955-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :                MEHDI ADIB-MORADI LANGROUDI

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

DATE DE L'AUDIENCE :                   LE LUNDI 29 MAI 2000

LIEU DE L'AUDIENCE :                     TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE du juge Campbell en date du 30 mai 2000

ONT COMPARU :                                           Barbara Jackman

pour le demandeur

David Tyndale

pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :           Jackman, Waldman et associés

Avocats

281, avenue Eglinton est

Toronto (Ontario)

M4P 1L3

pour le demandeur

Morris Rosenberg

Sous-procureur général du Canada

pour le défendeur



COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                                          Date: 20000530

                                             Dossier: IMM-1955-99

ENTRE :

MEHDI ADIB-MORADI LANGROUDI

                                                                  demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                   défendeur

                                                                                 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                                                 



[1] Dossier de la demande du défendeur, p. 7.

[2] Dossier de la demande du demandeur, p. 9.

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