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                                                  IMM-1874-96

 

 

 

ENTRE

 

 

                        SUNDA NGOMBO,

 

                                                  requérante,

 

                             et

 

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

 

                                                      intimé.

 

 

 

                   MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

 

 

LE JUGE GIBSON

 

 

 

          Les présents motifs découlent d'une demande de contrôle judiciaire de la décision dans laquelle la section du statut de réfugié (le tribunal), de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, a conclu que la requérante n'était pas une réfugiée au sens de la Convention, compte tenu de la définition figurant au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration [1].  La décision de la SSR est datée du 14 mai 1996.

 

          La requérante est une citoyenne du Zaïre.  Elle revendique le statut de réfugié au sens de la Convention parce qu'elle prétend avoir raison de craindre d'être persécutée si elle devait retourner au Zaïre, du fait de ses opinions politiques réelles ou présumées.

 

          Selon le témoignage de la requérante, entre 1982 et 1990, elle était membre d'un groupe de danse connu sous le nom de «Salongo».  Ce groupe avait apparemment pour rôle d'appuyer le dictateur du Zaïre à l'époque.  La requérante a témoigné que les membres du groupe n'étaient pas payés et ne pouvaient quitter celui-ci sans subir de sévères sanctions.  En 1990, elle a effectivement réussi à quitter Salongo.  Selon elle, elle est devenue partisane de l'«Union pour la démocratie et le progrès social» (l'UDPS).  Apparemment, elle a utilisé sa réputation et son prestige d'ancienne danseuse de Salongo pour appuyer l'UDPS.  Selon elle, en février 1992, elle a été arrêtée et emprisonnée jusqu'en août 1994.  Au cours de son emprisonnement, elle été battue, violée ou a connu d'autres formes de torture, y compris des brûlures de cigarettes et d'allumettes.  À sa libération, elle s'est réfugiée brièvement au Congo.  Avec l'aide de son père, elle est brièvement retournée au Zaïre uniquement pour gagner une destination plus sécuritaire.  Elle est arrivée au Canada le 20 septembre 1994.

 

          Le tribunal a conclu que la requérante n'était pas crédible.  Il s'est prononcé en ces termes :

 

Après avoir étudié l'ensemble de la preuve, nous concluons que la revendicatrice n'est pas crédible, et ce parce que son témoignage nous est apparu comme invraisemblable en ce qui a trait à des éléments majeurs de sa revendication.

 

 

Il a ajouté:

 

Le tribunal a jugé que la crédibilité était au centre de la présente revendication.

 

          ....

 

Les contradictions entre son F.R.P., ses rapports médicaux et son témoignage oral minent l'ensemble des éléments centrales de sa preuve.

 

 

 

 

          Il est certain que, compte tenu du formulaire de renseignements personnels de la requérante et de la transcription de l'audition devant le tribunal, le témoignage de la requérante était vague, incohérent et, parfois, presque incompréhensible.  Trois explications interdépendantes figurent dans le dossier dont disposait le tribunal.  En premier lieu, la requérante avait une éducation minimale.  Cela a été reconnu par le tribunal.  En second lieu, un rapport d'une psychologue clinicienne indique que la requérante [TRADUCTION] «...a des problèmes de mémoire et de concentration, des facultés qui fonctionnaient bien avant son incarcération».  La psychologue qualifie la requérante de narratrice franche et candide dont le récit est, selon la psychologue, entièrement sincère.  Elle a fait cette remarque :

 

[TRADUCTION] Son comportement affectif était approprié aux événements qu'elle racontait.

 

 

 

En troisième lieu, un rapport médical établi à la suite de l'examen de la requérante dit ceci :

 

Son récit est très vague, comme si elle avait choisi d'oublier ce qui s'était passé.

 

 

 

Bien que l'existence de ces rapports, comme l'éducation limitée de la requérante, soit reconnue par le tribunal, ni ceux-ci ni l'éducation limitée de la requérante ne sont évalués par le tribunal comme des explications possibles des faiblesses du témoignage de la requérante qui donnent lieu à la conclusion quant à la crédibilité.  

 

          Le même rapport médical mentionné ci-dessus a commenté en ces termes les cicatrices et les blessures à la hanche causées à la requérante :

 

Elle présente à l'examen physique des cicatrices conformes à des brûlures de cigarettes et de tisons ainsi qu'une arthrose de la hanche gauche qui pourrait avoir résulté de coups répétés.

 

 

 

 

Bien que les cicatrices et les blessures à la hanche puissent être compatibles avec les épreuves connues par la requérante au Zaïre, qui ne se rapportent pas à la persécution fondée sur un motif énuméré dans la Convention, le tribunal ne veut simplement pas reconnaître cet élément de preuve, encore moins y attribuer le poids qu'il considère approprié.

 

          Le tribunal s'appuie sur une réponse à une demande d'information fondée sur deux conversations téléphoniques avec des membres de la communauté zaïroise à Toronto.  Il a reconnu Salongo comme un groupe de théâtre, plutôt qu'un groupe de danse, et comme le nom d'un quotidien basé à Kinshasa.  Se fondant sur cette réponse, le tribunal tire une conclusion défavorable relativement au témoignage de la requérante.  Le tribunal disposait également d'un affidavit de la requérante dans lequel elle a dit sous serment :

 

              Au Zaïre le nom "SALONGO" appartient à trois différents groupes:  Salongo - un journal;

          Salongo - un groupe théâtral; et

          Salongo - un groupe de danseuses animatrices.

 

                   Moi, personnellement, j'appartenais au groupe Salongo de danseuses animatrices.

 

 

 

Encore une fois, le tribunal ne commente pas cet élément de preuve, qui pourrait expliquer l'écart entre l'information dans la réponse à une demande d'information et le récit de la requérante.  Il aurait pu être loisible au tribunal de conclure que, s'il existait également un groupe de danse au Zaïre connu sous le nom de Salongo, ses informateurs auraient été au courant de son existence et l'auraient commentée.  Le tribunal n'a pas tiré cette conclusion. Il semble avoir simplement méconnu le témoignage de la requérante.

 

          En dernier lieu, l'avocat de l'intimé a reconnu que le tribunal avait commis une erreur importante en concluant que la requérante était allée au Congo en 1993 et y était restée visiblement pendant un an et en en tirant alors des conclusions défavorables.  En fait, on n'a pas mis en doute devant moi le témoignage de la requérante selon lequel elle est demeurée brièvement au Congo en août 1994.  L'avocat de l'intimé a estimé que cette erreur n'était pas essentielle à la décision du tribunal.  Je suis d'accord avec l'intimé sur ce point.

 

          Dans l'affaire Tshimanga c. Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration[2], le juge Muldoon a cité une jurisprudence abondante pour l'idée suivante :

 

Le tribunal doit tenir compte de la totalité des éléments de preuve qui lui sont soumis lorsqu'il évalue la question de la crédibilité. Il ne peut tirer une conclusion défavorable sur la crédibilité tout en faisant abstraction des éléments que présente le demandeur pour expliquer des incohérences apparentes.

 

 

 

Le juge Muldoon a ajouté et cité encore une jurisprudence abondante pour l'idée qui suit :

 

     Lorsque le tribunal, en tirant des conclusions de fait, interprète erronément les éléments de preuve qui lui sont soumis ou en fait abstraction, et se fonde sur ces conclusions pour rendre une décision défavorable au sujet de la crédibilité, la décision en question sera annulée.

 

 

 

          Je conclus que toutes ces deux idées s'appliquent compte tenu des faits de l'espèce.  Bien que la décision du tribunal quant à la crédibilité de la requérante ait pu très bien être celle qu'il lui était loisible de rendre, au vu de ses motifs, il n'a pas tenu compte de la totalité des éléments de preuve dans l'examen de la question de la crédibilité, et il a méconnu ou a interprété erronément les éléments de preuve dont il disposait et qui se rapportaient à la conclusion quant à la crédibilité.

 

          En conséquence, la demande de contrôle judiciaire sera accueille.

 

          L'avocat de la requérante a recommandé la certification d'une question concernant le recours par le tribunal à une réponse à une demande d'information fondée uniquement sur des conversations téléphoniques.  L'avocat de l'intimé a protesté contre la certification de la question proposée, et il renvoyé à la latitude générale conférée par le paragraphe 68(3) de la Loi sur l'immigration à la section du statut de réfugié, savoir que celle-ci peut s'appuyer sur les éléments qu'elle juge crédibles ou dignes de foi.  Je suis d'accord avec la position de l'avocat de l'intimé.  De plus, une question de la nature proposée par l'avocat de la requérante ne trancherait pas un appel de la présente décision.  En conséquence, aucune question ne sera certifiée. 

 

                                     «Frederick E. Gibson»                                                    Juge

 

 

 

Toronto (Ontario)

Le 31 janvier 1997

 

Traduction certifiée conforme                          

                                 Tan Trinh-viet


                   COUR FÉDÉRALE DU CANADA

 

 

          Avocats et procureurs inscrits au dossier

 

 

 

No DU GREFFE :IMM-1874-96

 

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :SUNDA NGOMBO

 

                                  et

 

                                  LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ                                 ET DE L'IMMIGRATION

 

DATE DE L'AUDIENCE :Le 29 janvier 1997

 

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :Toronto (Ontario)

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :      le juge Gibson

 

 

EN DATE DU31 janvier 1997

 

 

 

ONT COMPARU :

 

Lisa McCullough                       pour la requérante

 

David Tyndale                     pour l'intimé

                                

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

 

2550-55, rue King ouest

Toronto Dominion Bank Tower

B.P. 55

Station Toronto Dominion

Toronto (Ontario)

M5K 1 E7

 

                                  pour la requérante

 

 

George Thomson

Sous-procureur général du Canada

                                  pour l'intimé

 


     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

 

                       IMM-1874-96

 

 

 

Entre

 

 

          SUNDA NGOMBO,

 

                       requérante,

 

                et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

 

                           intimé.

 

 

 

      MOTIFS DE L'ORDONNANCE



    [1]L.R.C. (1985), ch. I-2.

    [2]IMM-389-95, 9 novembre 1995 (C.F.1re inst.) (non publié).

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