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     Date : 20000707

     Dossier : IMM-2773-00

Ottawa (Ontario), le 7 juillet 2000

Devant : Monsieur le juge Muldoon

Entre :


MONIJA KATUN

     demanderesse


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

     défendeur


ORDONNANCE

     La demanderesse ayant présenté une demande, à Toronto, afin d'obtenir l'autorisation en vue du contrôle judiciaire de la décision prise par [TRADUCTION] « l'agent d'expulsion, Harry Adaminis, de l'expulser » ; cette décision, qui a été remise le 23 mai 2000 à la demanderesse elle-même dans le dossier 3401-6549, ayant été soumise pour décision;

     CETTE COUR ORDONNE, au moyen d'un bref de certiorari, que ladite décision soit par les présentes annulée et que l'affaire soit renvoyée à un autre agent d'immigration pour être examinée conformément à la loi, pour des raisons d'ordre humanitaire;

     CETTE COUR ORDONNE EN OUTRE qu'il soit sursis d'une façon absolue à toutes les mesures que le défendeur a prises en vue d'expulser la demanderesse jusqu'à ce qu'un délai de 20 jours francs se soit écoulé après la date à laquelle la demanderesse aura obtenu toute réparation qu'elle sollicitera, le cas échéant, pour des raisons d'ordre humanitaire, à condition qu'à la date de la présente décision la demanderesse n'ait pas de conjoint, comme croit le comprendre cette cour.


                            

                                     Juge

Traduction certifiée conforme


Martine Brunet, LL.B.



     Date : 20000707

     Dossier : IMM-2773-00


Entre :


MONIJA KATUN

     demanderesse


et


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

     défendeur


MOTIFS DE L'ORDONNANCE

(rendus à Toronto (Ontario))

Le juge Muldoon

(oralement)

LE JUGE :

     Je ne puis dire que l'affaire soit facile à régler, et ce, pour les raisons ci-après énoncées.

     J'ai minutieusement écouté les deux avocats ainsi que Me Mitchell; je ne voudrais pas sembler vous traiter avec condescendance, mais à mon avis, vous vous êtes fort bien acquittés de votre tâche et je dois dire qu'à certains moments, vos arguments m'ont tout à fait convaincu. Cependant, il y a encore une chose qui me préoccupe : en effet, le législateur a prévu qu'une demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire peut être présentée, et je sais ce qu'il entend par là. Cela étant, et si je respecte l'intention du législateur, j'estime devoir accueillir la demande.

     Toutes les négligences et toutes les erreurs qui ont été commises en l'espèce me consternent. Je ferai maintenant des remarques au sujet de l'historique de la demande, et non, Me Barnwell, au sujet de ce que vous avez... ce que vous avez plaidé, car je crois que vous l'avez fait avec énormément de compétence. Je suis heureux de le dire et c'est ce qui a rendu ma décision difficile. Des avocats compétents ne facilitent pas du tout la tâche du juge et j'espère que vous ne considérerez ni l'un ni l'autre que je vous traite avec condescendance en faisant pareille affirmation car telle n'est pas mon intention.

     Cependant, je crois que les raisons d'ordre humanitaire n'ont pas encore été examinées à fond en l'espèce. Je songe aux petits-enfants. Je songe au rôle de la demanderesse, même si elle ne sait pas trop qui elle est, qui est son mari et quel âge elle a. Je ne crois pas que cela préoccupe beaucoup ses petits-enfants. Je crois qu'après avoir minutieusement lu l'arrêt Baker au complet, après m'être dit à un moment donné que c'était une autre décision dans laquelle la Cour suprême du Canada s'était montrée compatissante et après avoir ensuite changé d'idée et avoir mûrement réfléchi à l'affaire, je vais m'y conformer.

     Je sais bien que nous devons appliquer les normes pertinentes que le législateur nous demande d'appliquer, et c'est ce que nous faisons, non lorsqu'il semble que la personne en cause ne mérite pas que l'on ait de la considération pour elle, lorsqu'il semble s'agir d'une mauvaise personne. En l'espèce, nous avons affaire à la grand-mère typique. Nous savons tous que les grands-mères ne sont jamais mauvaises et que leurs petits-enfants comptent sur elle, qu'ils font son bonheur et qu'elle fait leur bonheur. Cet attribut... le fait de faire le bonheur de quelqu'un, ne constitue peut-être pas un motif valable, du moins au point de vue de l'agent d'expulsion; toutefois, c'est là faire preuve de compassion et, à mon avis, il s'agit ici d'une affaire qui mérite de la compassion, et ce, même si la demanderesse et ceux qui l'appuient n'ont pas su bien présenter la cause. Je crois qu'il s'agit d'une cause valable sur le plan humanitaire.

     Par conséquent, la Cour décide qu'il doit être sursis à l'exécution de toute mesure d'interdiction de séjour en l'espèce, et ce, tant qu'une décision définitive n'aura pas été rendue. Et en parlant d'une décision définitive, j'entends une décision, une fois qu'elle aura été officiellement rendue, qui devra prévoir un délai suffisant pour la présentation d'une demande de contrôle judiciaire, mais pas plus, et ce, tant qu'une décision définitive sur les raisons d'ordre humanitaire n'aura pas été rendue.

     Toutefois, je tiens à ajouter que les représentants du ministre pourront se présenter devant la Cour si la demanderesse semble lambiner, si elle semble tarder à agir, si elle ne s'empresse pas de présenter sa demande de contrôle fondée sur des raisons d'ordre humanitaire. En pareil cas, je n'hésite pas à dire que l'affaire sera tout simplement rejetée sur-le-champ. Si les représentants du ministre réussissent à me convaincre que la demanderesse ne cherche pas sérieusement à présenter une demande de contrôle fondée sur des raisons d'ordre humanitaire, l'affaire sera rejetée. Elle sera rejetée, que ce soit par moi ou par l'un de mes collègues.

     Je crois également qu'étant donné que la demanderesse a déclaré être divorcée, il est maintenant trop tard pour changer d'histoire. Si la demanderesse se présente avec son mari, elle s'attirera de graves ennuis. Je ne puis me fonder sur l'âge qu'elle a réellement, mais je peux me fonder sur son état civil puisqu'elle a déclaré d'une façon catégorique qu'elle était divorcée.

     Je ne veux pas causer d'ennuis à la demanderesse, mais c'est certainement ce qui arriverait si elle se présentait avec son mari. Je crois qu'il n'y a rien d'autre à ajouter, si ce n'est de demander aux avocats s'ils ont des observations à faire ou des questions à poser. Me Mitchell?

Me MITCHELL :

     Simplement en ce qui concerne les dispositions de l'ordonnance, que l'affaire est suspendue en attendant le règlement de la demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire, et vous avez dit, Monsieur le juge, que la demanderesse aura la possibilité de présenter une demande d'autorisation en vue du contrôle judiciaire de cette décision.

LE JUGE :          Oui, et lorsqu'une décision aura été rendue...

Me MITCHELL :      Lorsqu'une décision aura été rendue...

LE JUGE :          ... quelle que soit la décision, cela mettra fin à l'affaire.

Me MITCHELL :      Cela met fin à l'affaire. Cette ordonnance est semblable à celle qui a été rendue dans l'affaire Naredo.

LE JUGE :          C'est à peu près cela.

Me MITCHELL :      À peu près.

LE JUGE :          Je ne veux pas nécessairement que la chose aille plus loin, qu'elle se poursuive et qu'elle aille en appel. Je veux lui donner une juste possibilité.

Me MITCHELL :      D'accord, et le ministre est autorisé dans l'intervalle à se présenter de nouveau devant la Cour s'il existe une preuve de retard...

LE JUGE :          S'il y a un retard ou si les choses traînent...

Me ROBBINS :      ... en vue de faire modifier l'ordonnance.

LE JUGE :          Oui. Si elle ne s'empresse pas sérieusement de présenter une demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire, l'affaire sera rejetée. Je vous le promets presque. Me Barnwell?

Me BARNWELL :      Merci, Monsieur le juge.

LE JUGE :          C'est moi qui vous remercie, Maître. Je vous remercie de votre intéressant exposé. Je dois dire que les avocats sont d'une telle compétence que leurs plaidoiries m'ont certes touché sur le plan émotionnel et intellectuel.

LE GREFFIER :      Cette séance spéciale de la Cour, à Toronto, est maintenant close.


                            

                                     Juge

Ottawa (Ontario)

le 7 juillet 2000

Traduction certifiée conforme


Martine Brunet, LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :      IMM-2773-00

    

INTITULÉ DE LA CAUSE :      MONIJA KATUN c. MCI

    

LIEU DE L'AUDIENCE :      Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :      le mardi 5 juin 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE du juge Muldoon en date du 7 juillet 2000


ONT COMPARU :

Osborne Barnwell          POUR LA DEMANDERESSE

Cheryl Mitchell          POUR LE DÉFENDEUR


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

FERGUSON, BARNWELL          POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada





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