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Date : 19990709


Dossier : T-1809-98


OTTAWA (ONTARIO), LE 9 JUILLET 1999

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX


ENTRE :

     SYED ZAHID HUSSAIN

     requérant

         - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

     intimé



     J U G E M E N T

     L'appel et la requête sont accueillis, la décision du juge de la citoyenneté Hong, datée du 20 février 1998, refusant d'approuver la demande de citoyenneté canadienne du requérant est annulée et la demande de citoyenneté canadienne du requérant est renvoyée à un autre juge de la citoyenneté pour réexamen dès que possible.


     " François Lemieux "

    

     J U G E

Traduction certifiée conforme

Raymond Trempe, B.C.L.     






Date : 19990709


Dossier : T-1809-98


ENTRE :

     SYED ZAHID HUSSAIN

     requérant

         - et -

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION


     intimé


     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE LEMIEUX :


INTRODUCTION


[1]      Syed Zahid Hussain (le requérant), citoyen du Pakistan, interjette appel devant la Cour de la décision du juge de la citoyenneté Jay Hong, datée du 20 février 1998, refusant d'approuver la demande de citoyenneté canadienne du requérant datée du 14 mars 1995, au motif que le requérant n'avait pas une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté, ainsi que l'exige l'alinéa 5(1)e) de la Loi sur la citoyenneté (la Loi).

[2]      Le requérant a été interrogé par le juge de la citoyenneté Hong, le 20 février 1998. Le juge a pris sa décision plus tard dans la journée. La lettre de sa décision n'a toutefois été postée au requérant que le 2 juillet 1998 et celui-ci ne l'a reçue que le 8 septembre 1998.

[3]      L'extrait pertinent de la décision du juge de la citoyenneté Hong est ainsi libellé :

[TRADUCTION] L'alinéa 5(1)e) de la Loi sur la citoyenneté prévoit que l'auteur d'une demande de citoyenneté doit avoir une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté canadienne pour pouvoir acquérir la citoyenneté. À l'audience, vous n'avez pas pu répondre correctement aux questions simples qui figurent à l'annexe A jointe aux présentes.
     Conformément à l'article 15 du Règlement sur la citoyenneté, qui prescrit les critères pour déterminer si l'auteur d'une demande possède une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et privilèges attachés à la citoyenneté, vous devez être capable de comprendre, afin d'y répondre correctement, des questions orales simples fondées sur les renseignements contenus dans le matériel d'auto-formation approuvé par le ministre et présenté aux personnes qui demandent la citoyenneté.

[4]      Un examen du dossier certifié indique que le juge de la citoyenneté Hong a posé quinze questions au requérant. Le requérant a répondu correctement à huit questions, et incorrectement à sept questions.

[5]      Le présent appel n'a pas été introduit par voie de procès de novo, mais plutôt par voie de demande en vertu de la règle 300 des Règles de la Cour fédérale (1998). Le requérant et l'intimée ont produit des affidavits, mais il n'ont procédé à aucun contre-interrogatoire.

[6]      Le requérant est arrivé au Canada en 1970 à titre de résident permanent. Il a immédiatement quitté le pays pour poursuivre des études en génie industriel à l'université de Western Michigan, de 1970 à 1974. De 1974 à 1982, le requérant a travaillé à l'étranger. Il vit au Canada depuis 1982, oeuvrant depuis lors à titre de travailleur autonome dans différentes entreprises.

LES POINTS EN LITIGE

[7]      Le principal point en litige soulevé par le requérant a trait à l'équité procédurale. Il déclare ne pas avoir reçu d'avis adéquat de l'audience faisant état de questions relatives à la connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté. De façon plus positive, il prétend posséder une connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté. Il m'a demandé d'approuver sa demande de citoyenneté canadienne. Je n'ai pu accéder à cette demande parce qu'il ne s'agissait pas d'une procédure introduite par voie de procès de novo.




ANALYSE

     a) Équité procédurale

[8]      Les faits invoqués par l'intimé figurent dans l'affidavit d'Helen Rooney, commis au bureau de la citoyenneté canadienne à Scarborough (Ontario), qui a déclaré avoir notamment pour tâche, à titre de commis, de dresser l'horaire des entrevues des clients qui ont fait une demande de citoyenneté. Mme Rooney a déclaré que le requérant avait été convoqué à une audition pour le 12 janvier 1998, à 11 h 45. Elle a aussi déclaré qu'une lettre type portant sur l'entrevue avait été expédiée au requérant; copie de la lettre type que le requérant aurait reçue est jointe à titre d'annexe A à son affidavit. Les deux premiers paragraphes de cette lettre type sont ainsi libellés :

[TRADUCTION] L'audience se déroulera sous la forme d'une entrevue personnelle entre vous et le juge de la citoyenneté. En vertu de la Loi, vous devez démontrer que vous avez une connaissance suffisante de l'anglais ou du français. Vous devez aussi avoir une connaissance suffisante du Canada et :
1.      des responsabilités de la citoyenneté;
2.      des avantages (droits) conférés par la citoyenneté;
3.      des procédures de recensement et de vote relatives aux élections.

Dans son affidavit, Helen Rooney ne pouvait affirmer sous serment que cette lettre avait été expédiée au requérant ni que ce dernier avait reçu une telle lettre type.

[9]      Le requérant déclare sous serment ne jamais avoir reçu de lettre le convoquant à une entrevue le 12 janvier 1998. Il affirme avoir reçu un appel téléphonique du bureau de la citoyenneté le 11 janvier 1998; le membre du personnel du bureau de la citoyenneté qui l'a appelé a laissé dans sa boîte vocale un message lui demandant de se présenter au bureau avant 13 h le lendemain, sans lui donner aucune indication quant à l'objet de la rencontre. Le requérant déclare s'être présenté au bureau de la citoyenneté et avoir été avisé par la réceptionniste qu'il était en retard pour son entrevue, fixée à 11 h 45. Le requérant déclare ensuite avoir reçu du bureau de la citoyenneté une lettre, datée du 2 février 1998 et expédiée par courrier recommandé, dont la première phrase est ainsi libellée :

[TRADUCTION] Veuillez considérer la présente lettre comme un " avis final " vous invitant à comparaître à une audience qui sera une entrevue personnelle entre vous et un juge de la citoyenneté. Si vous ne vous présentez pas à ce moment, votre demande de citoyenneté canadienne sera classée avec la mention abandonnée; aucune autre mesure ne pourra être prise à l'égard de cette demande.

[10]      Le requérant déclare avoir précédemment demandé au bureau de la citoyenneté de pouvoir subir le test écrit qui, selon lui, était une possibilité généralement ouverte aux personnes qui présentent une demande de citoyenneté; il déclare qu'on lui a appris qu'il y aurait une entrevue et qu'en réponse à sa question quant aux raisons pour ne pas lui permettre de subir l'examen écrit, un membre du personnel affecté à son cas lui a laissé entendre que l'audience porterait sur les absences à l'extérieur du Canada qu'il n'avait pas mentionnées dans sa demande. Le requérant déclare avoir pensé que l'audience du 20 février 1998 devait porter sur ses absences à l'extérieur du Canada et avoir signalé ce fait au juge Hong lorsque celui-ci a commencé à lui poser des questions sur sa connaissance du Canada et sur les responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté canadienne.

[11]      Après avoir reçu la lettre de décision le 8 septembre 1998, le requérant a écrit au juge Hong. Le deuxième paragraphe de cette lettre, datée du 15 septembre 1998, porte :

[TRADUCTION] La présente lettre inscrit ma protestation contre la façon dont ma demande a été traitée. Je vous ai avisé au cours de l'audition orale du 20 février 1998 que votre lettre ne faisait pas mention d'un test verbal. Je vous ai montré la lettre. Je vous ai en outre avisé du fait qu'on m'avait laissé entendre que l'audience porterait sur mon absence à l'extérieur du Canada et que le test sur la connaissance du Canada viendrait plus tard. Lorsque vous avez vu ma lettre, vous avez admis qu'il s'agissait d'une erreur de copiste. J'ai demandé qu'on m'accorde une deuxième chance pour le test et vous avez mentionné que je devrais m'adresser au service de l'administration.

     b)      Application à la présente espèce

[12]      L'intimé a répliqué que la prétention du requérant qu'il n'avait pas reçu d'avis approprié n'est pas appuyée par la preuve dont a été saisie la Cour. L'intimé fait valoir qu'au moment où le requérant a présenté sa demande de citoyenneté canadienne, il a reçu le matériel d'étude qui indique que la connaissance du Canada est une condition préalable à l'obtention de la citoyenneté. L'avocate de l'intimé prétend en outre que le requérant admet dans sa prétention ne pas avoir répondu correctement aux questions.

[13]      Après avoir examiné toutes les circonstances, quelque peu inhabituelles, de la présente espèce, je conclus que le requérant n'avait pas été avisé adéquatement du fait qu'au cours de son entrevue avec le juge Hong, le 20 février 1998, il serait interrogé au sujet de sa connaissance du Canada et des responsabilités et avantages conférés par la citoyenneté canadienne. À mon avis, l'équité exige qu'il obtienne à cet égard le même avis et la même possibilité que toute autre personne qui demande la citoyenneté canadienne.

[14]      Il ressort clairement des éléments de preuve qui m'ont été soumis que les questions posées par un juge de la citoyenneté (lorsque l'option du test écrit n'est pas accordée) sont fondées sur les renseignements figurant dans le matériel d'auto-formation approuvé par le ministre et présenté aux personnes qui demandent la citoyenneté. Les demandeurs de la citoyenneté canadienne qui sont interrogés reçoivent un avis décrivant l'objet de l'entrevue de façon à pouvoir examiner le matériel d'auto-formation prescrit par le ministre afin de se préparer pour l'entrevue. À partir de la preuve qu'on m'a présentée, je suis convaincu que le requérant n'a pas reçu la lettre d'avis standard; la lettre du 2 février 1998 qu'il a reçue ne précisait pas l'objet de l'entrevue. Je conclus également que le requérant avait des motifs raisonnables de croire que l'entrevue du 20 février 1998 porterait sur ses absences.

[15]      Il est vrai, comme le souligne l'avocate de l'intimé, que le requérant n'a pas réussi à répondre correctement à sept questions. Le dossier montre toutefois qu'il a répondu correctement à huit questions. Les réponses auxquelles il a répondu correctement avaient trait en grande partie à l'actualité. À mon avis, il est raisonnable d'inférer, à partir du présent dossier, que les réponses à six des sept questions auxquelles le requérant n'a pas réussi à répondre correctement étaient comprises dans le matériel d'auto-formation.

DISPOSITIF

[16]      Le présent appel et la présente requête sont accueillis, la décision du juge de la citoyenneté Hong, datée du 20 février 1998, refusant d'approuver la demande de citoyenneté canadienne du requérant est annulée et la demande de citoyenneté canadienne du requérant est renvoyée à un autre juge de la citoyenneté pour réexamen dès que possible.

     " François Lemieux "

    

     J U G E

OTTAWA (ONTARIO)

9 JUILLET 1999

Traduction certifiée conforme

Raymond Trempe, B.C.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

    

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


No DU GREFFE :              T-1809-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      Syed Zahid Hussain c.
                     Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration
LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :          le 28 juin 1999

     MOTIFS DU JUGEMENT DU JUGE LEMIEUX

     EN DATE DU : 9 juillet 1999

ONT COMPARU :

M. Syed Zahid Hussain          REQUÉRANT

Me Leena Jaakkimainen          POUR L'INTIMÉ

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Syed Zahid Hussain          REQUÉRANT AGISSANT EN SON NOM PROPRE

Scarborough (Ontario)


Me Morris Rosenberg          POUR L'INTIMÉ

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

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