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Date : 20051004

 

Dossier : T-1832-04

 

Référence : 2005 CF 1419

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 

ENTRE :

 

  RHODIA UK LIMITED

  ET RHODIA INC.

  demanderesses

  (défenderesses reconventionnelles)

  - et -

 

 

  JARVIS IMPORTS (2000) LTD.

  ET 116038 B.C. LTD.

  défenderesses

  (demanderesses reconventionnelles)

 

 

 

  MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

LE JUGE HARRINGTON

 

  • [1] Il s’agit d’une requête présentée par la seconde défenderesse, 116038 B.C. Ltd., en vue de faire rejeter l’action des demanderesses par voie de jugement sommaire. Voici le contexte de l’affaire.

  • [2] Les demanderesses, que je désignerai collectivement comme « Rhodia », affirment qu’elles possèdent PROBAN, ou qu’elles sont autrement intéressées par PROBAN, une marque de commerce enregistrée au Canada. La technologie PROBAN serait utilisée dans les préparations ignifuges pour le traitement de divers textiles. Les demanderesses affirment que les défenderesses ont importé, vendu et fait la publicité au Canada des vêtements portant la marque de commerce PROBAN, ou une variation de celle-ci dont l’emploi est susceptible de créer de la confusion, le tout en violation de la Loi sur les marques de commerce.

  • [3] Les défenderesses, qui sont représentées par le même avocat, nient les allégations. De plus, elles nient que la partie qui présente la requête, 116038 B.C. Ltd., ait de quelque manière que ce soit exploité une entreprise ayant recours à la technologie PROBAN.

  • [4] Avant la présente requête pour jugement sommaire, l’affaire avait franchi l’étape de la communication des documents. Des différends subsistent en relation avec celle-ci.

  • [5] La requête est appuyée par l’affidavit de Sarah Jarvis, sur lequel elle a été contre-interrogée. La preuve présentée en réponse consiste en un affidavit souscrit par un parajuriste employé par le cabinet d’avocats des demanderesses auquel sont jointes une copie des étiquettes figurant sur un échantillon de vêtement acheté auprès de la co-défenderesse Jarvis Imports (2000) Ltd. et les entrées dans le registre des numéros CA administré par le Bureau de la concurrence, qui incitent à conclure que le numéro CA n’a été transféré d’une défenderesse à l’autre qu’en mai dernier. Le numéro CA est un numéro d’identification à l’usage des marchands canadiens qui figure sur l’étiquette des produits textiles de consommation qu’ils importent, vendent ou distribuent autrement au Canada.

  • [6] Un jugement sommaire est rendu conformément à l’article 216 des Règles des cours fédérales lorsque la Cour est convaincue qu’il n’existe pas de véritable question litigieuse quant à une déclaration ou à une défense.

 


 

 

 

 


 


HISTORIQUE DE LA SOCIÉTÉ

 

  • [7] La société a commencé ses activités dans les années 1970 sous le nom de Jarvis Imports and Sales Ltd., et importait des vêtements de travail industriels et des articles de camping. Il s’agissait d’une entreprise familiale exploitée par Maurice Jarvis et par la déclarante, sa femme Sarah. Leurs enfants occupaient également des postes au sein de l’entreprise. Fin 2000, les actifs de la société ont été vendus à Jarvis Imports (2000) Ltd. Il s’agissait peut-être d’une opération sans lien de dépendance, même si Mme Jarvis, qui est maintenant très âgée, comprend que, pendant un certain temps du moins, elle était administratrice de la nouvelle société, comme c’était le cas pour son mari. Son mari Maurice devait continuer en tant que consultant, et une société à dénomination numérique a été créée pour faciliter la réception des revenus. Jarvis Imports and Sales Ltd. a ainsi adopté le nom de 116038 B.C. Ltd.

  • [8] Maurice Jarvis a subi un tragique accident vasculaire cérébral en 2001 qui l’a rendu invalide, tant et si bien qu’il n’a jamais fourni de services de conseils à Jarvis Imports (2000) Ltd. et est apparemment incapable de présenter quelque élément de preuve que ce soit à la Cour.

  • [9] Sarah Jarvis affirme catégoriquement que [traduction] « mon entreprise », 116038 B.C. Ltd., n’a jamais été liée à l’importation et à la vente au Canada de vêtements portant des références à la technologie PROBAN. Pourtant, le contre-interrogatoire indique que sa mémoire est peut-être loin d’être parfaite. D’une part, elle a déclaré n’avoir jamais entendu parler de PROBAN avant que l’action soit instituée, soit en octobre 2004. D’autre part, elle a signé plusieurs documents pour son mari Maurice Jarvis, qui n’a cessé d’être administrateur de Jarvis Imports (2000) Ltd. qu’en novembre 2004. D’un côté, elle présume que le numéro CA a été transféré au moment de la vente en 2000 parce que, dit-elle, [traduction] « pourquoi aurions-nous encore besoin de ce numéro? ». D’un autre côté, le numéro n’a été attribué à Jarvis Imports (2000) Ltd. qu’après le début du procès, ou du moins son attribution a été enregistrée à ce moment-là.

  • [10] À cette étape-ci, je ne suis pas convaincu qu’il n’y a pas de véritable question litigieuse en ce qui concerne la déclaration et je dois donc rejeter la requête en jugement sommaire.

  • [11] La requête suppose pratiquement que Sarah Jarvis est l’alter ego de la société dont la structure changeait. Les éléments de preuve à ce jour sont quelque peu douteux. La convention d’achat d’actifs ne mentionne pas le numéro CA. Même si Mme Jarvis peut être considérée comme l’âme dirigeante de la société, le fait qu’elle n’a aucune connaissance des circonstances dans lesquelles, selon elle, la co-défenderesse Jarvis Imports (2000) Ltd. utilisait le numéro CA de 116038 B.C. Ltd. ne constitue pas une défense complète à l’égard de la déclaration. Non seulement une société se distingue en droit de ses dirigeants, administrateurs et actionnaires (Salomon v. Salomon & Co., [1897] A.C. 22), mais une société peut être tenue responsable en l’absence de toute faute personnelle ou complicité de la part de son âme dirigeante ou alter ego (Lennard’s Carrying Company Limited c. Asiatic Petroleum Company Limited, [1915] A.C. 705; Disney Enterprises Inc. c. 2631-5374 Quebec Inc., 2004 CF 1360).

  • [12] Le critère applicable à une requête en jugement sommaire consiste à déterminer si le succès de la demande est tellement douteux que celle-ci ne mérite pas d’être examinée davantage (Granville Shipping Co. v. Pegasus Lines Ltd., [1996] 2 F.C. 853).

  • [13] S’il y a de sérieuses questions de fait ou de droit à régler, l’affaire ne se prête pas à un jugement sommaire (Kanematsu GmbH c. Acadia Shipbrokers Ltd. (2000), 259 N.R. 201). En l’espèce, il reste encore de sérieuses questions factuelles quant à la relation entre les défenderesses, leurs dirigeants et administrateurs, et l’historique d’attribution du numéro CA. En droit, les demanderesses sont d’avis que l’enregistrement public de ce numéro constitue une déclaration sur laquelle peut se fonder l’action. Il s’agit là d’une question défendable.

  • [14] Pour ces motifs, la requête sera rejetée avec dépens.

 

 


 

 

 


 

 

 

 

(Signature) « Sean Harrington »

  Juge

 

 

Vancouver (C.-B.)

Le 4 octobre 2005


  COUR FÉDÉRALE

 

  AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :  T-1832-04

 

INTITULÉ :  RHODIA UK LIMITED ET AL.

 

- et -

 

JARVIS IMPORTS (2000) LTD. ET AL.

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE) ET MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :  PAR TÉLÉCONFÉRENCE LE 4 OCTOBRE 2005

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE : LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :    LE 4 OCTOBRE 2005

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Hélène D’Iorio  POUR LES DEMANDERESSES (DÉFENDERESSES RECONVENTIONNELLES)

 

Paul Smith  POUR LES DÉFENDERESSES (DEMANDERESSES RECONVENTIONNELLES)

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gowling Lafleur Henderson S.E.N.C.R.L., s.r.l.  POUR LES DEMANDERESSES (DÉFENDERESSES

RECONVENTIONNELLES)

Montréal (Québec)

 

Paul Smiths Intellectual Property Law  POUR LES DÉFENDERESSES (DEMANDERESSES

Vancouver (C.-B.)  RECONVENTIONNELLES)

 


 

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