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Date : 20020927

Dossier : IMM-5526-01

Référence neutre : 2002 CFPI 1012

Ottawa (Ontario), le 27 septembre 2002

En présence de monsieur le juge Blais

ENTRE :

                                                     JASWANT SINGH GARCHA

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire fondée sur le paragraphe 82.1(1) de la Loi sur l'immigration contre la décision que la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a rendue le 5 novembre 2001 et dans laquelle elle a conclu que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention.


LES FAITS

[2]                Le demandeur est né le 30 mai 1970 et est un citoyen de l'Inde. Il est de religion sikh.

[3]                Le père du demandeur appuyait le parti Akali Dal Mann et le temple local. Le demandeur allègue que son père a été arrêté à plusieurs reprises entre 1992 et 1995 en raison de son appartenance politique/religieuse.

[4]                 Le demandeur allègue qu'en février 2000 il a appuyé le parti Akali Dal Mann à Nawandhahr. Il a été arrêté le même mois et a été relâché avec l'aide du conseil du village et après avoir offert un pot-de-vin à la police.

[5]                En avril 2000, le demandeur et sa mère ont déménagé à Ambala, dans l'État du Hayana.

[6]                Le demandeur prétend que la police du Pendjab faisait des perquisitions chez les membres de sa famille afin de savoir où il se trouvait. Il a donc été décidé qu'il devrait quitter l'Inde.

[7]                En août 2000, le demandeur est entré au Canada et a revendiqué le statut de réfugié. Il a prétendu craindre avec raison d'être persécuté du fait des opinions politiques que lui avaient imputées les autorités indiennes et aussi du fait de sa religion.


LA QUESTION LITIGIEUSE

[8]                La Commission a-t-elle commis une erreur en tirant des conclusions défavorables quant à la crédibilité d'une manière arbitraire ou sans dûment tenir compte des éléments de preuve dont elle disposait?

L'ANALYSE

[9]                Non, la Commission n'a pas commis d'erreur en tirant des conclusions défavorables quant à la crédibilité d'une manière arbitraire ou sans dûment tenir compte des éléments de preuve dont elle disposait.

La crédibilité du demandeur

[10]            La Commission a douté de la crédibilité du demandeur en raison de certaines omissions, divergences et contradictions. À titre d'exemple, la Commission a tiré la conclusion suivante à la page 5 de sa décision :

Tout bien considéré, ces faits soulèvent de graves questions en rapport avec la crédibilité; pour cette raison, le tribunal n'ajoute pas foi aux allégations du revendicateur.

[11]            Pour arriver à cette conclusion, la Commission a jugé qu'il y avait de nombreuses contradictions et a écrit à la page 3 de sa décision :

Le récit du revendicateur ne concordait pas avec l'exposé écrit des faits sur la question des arrestations de son père et du moment où elles étaient survenues.

Plus loin, à la page 4, elle a dit :


Les allégations contiennent d'autres contradictions.

Et encore à la page 4, on peut lire :

D'autres contradictions apparaissent également dans les documents du point d'entrée et les déclarations du revendicateur à l'aéroport.

[12]            Pour tirer des conclusions quant à la crédibilité, la Commission est autorisée à tenir compte de contradictions ou de divergences dans le témoignage du revendicateur du statut de réfugié, ce qui est illustré dans Rajaratnam c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] A.C.F. no 1271 (C.A.F.), où le juge Stone a déclaré :

S'il appert qu'une décision de la Commission était fondée purement et simplement sur la crédibilité du demandeur et que cette appréciation s'est formée adéquatement, aucun principe juridique n'habilite cette Cour à intervenir (Brar c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, no du greffe A-937-84, jugement rendu le 29 mai 1986). Des contradictions ou des incohérences dans le témoignage du revendicateur du statut de réfugié constituent un fondement reconnu pour conclure en l'absence de crédibilité. [Caractères gras ajoutés.]

[13]            La Section du statut est autorisée à tirer une conclusion défavorable quant à la crédibilité du demandeur parce que l'évaluation de la crédibilité du demandeur est au centre de sa compétence en tant que juge des faits.


[14]            La jurisprudence de la Cour indique que la Commission a une expertise bien établie pour statuer sur des questions de fait, et plus particulièrement pour évaluer la crédibilité du demandeur. La Cour ne peut pas modifier les conclusions de fait tirées par la Commission, à moins qu'il ne soit démontré que ces conclusions ont été tirées de façon déraisonnable ou de mauvaise foi, qu'elles sont arbitraires ou qu'elles ne sont pas appuyées par la preuve. Cette position a récemment été confirmée dans Rahaman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1800 (C.F. 1re inst.), où la Cour a conclu :

[38]          Il est clair en droit que la Commission a le pouvoir discrétionnaire pour évaluer la crédibilité d'un demandeur et qu'elle est la mieux placée pour le faire : Dan-Ash c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (1988), 93 N.R. 33 (C.A.F.).

Préférence pour la preuve documentaire

[15]            La Commission a de fait comparé la preuve testimoniale du demandeur à la preuve documentaire et elle a préféré cette dernière. La Commission n'a pas trouvé le témoignage du demandeur convaincant. Il était donc loisible aux commissaires de préférer la preuve documentaire au témoignage du demandeur. Aux pages 2 et 3 de sa décision, la Commission a écrit :     

La preuve ne donne pas à penser que les hommes sikhs sont un groupe persécutéspécifique en Inde. Par conséquent, les arguments invoqués pour justifier la reconnaissance du statut de réfugié en fonction de la prémisse de persécution du revendicateur parce qu'il faisait partie d'un groupe social ne peuvent être vérifiés et ils ne sont pas crédibles compte tenu de la preuve en main. [Caractères gras ajoutés.]

[16]            En outre, la Commission a écrit à la page 4 :

Le revendicateur a également affirmé qu'il craignait de retourner en Inde parce qu'il avait l'impression que la police le pourchassait à cause de ses activités politiques au sein des partis d'opposition. La preuve documentaire ne corrobore pas cette allégation. En effet, la preuve démontre que depuis plusieurs années la faction Mann du parti Akali Dal peut exercer librement ses activités et présenter des candidats lors des différentes élections sans subir de persécution systématique, comme l'allègue le revendicateur. [Caractères gras ajoutés.]

[17]            Dans Zvonov c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 1089 (C.F. 1re inst.), le juge Rouleau a déclaré :


[15]          Enfin, je ne suis pas convaincu que la Commission a commis une erreur en accordant plus de poids à la preuve documentaire qu'au témoignage du requérant. Les membres de la Commission sont « les maîtres à bord » , et il leur appartient d'apprécier les éléments de preuve qui leur sont présentés. En l'espèce, ils ont accueilli le témoignage du requérant, mais ils ont choisi d'accorder davantage d'importance à la preuve documentaire. [Caractères gras ajoutés.]

[18]            La Commission a conclu que la preuve documentaire était fiable et l'a préférée au témoignage du demandeur. Comme l'indique clairement la jurisprudence de la Cour, il est tout à fait loisible à la Commission de préférer certains éléments de preuve à d'autres.

La preuve par affidavit du Sarpanch et le certificat médical

[19]            Il est maintenant clair que le Formulaire de renseignements personnels du demandeur (le FRP) ainsi que la plupart des éléments de preuve présentés par le demandeur en l'espèce sont caractérisés par de nombreuses divergences et contradictions. L'absence générale de crédibilité a influé sur le poids accordé par la Commission à la preuve par affidavit et au certificat médical. La Commission a fait référence à ces deux documents à la page 5 de sa décision :

Il [le tribunal] ne donne par ailleurs aucune valeur probante à l'affidavit du Sarpanch ni au certificat médical à titre de preuves corroborantes des allégations du revendicateur.

[20]            Dans la décision Danailov c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 1019 (C.F. 1re inst.), le juge Reed a déclaré :

En ce qui concerne les arguments relatifs aux conclusions du tribunal sur la crédibilité, j'ai lu la transcription et la décision du tribunal avant d'entendre les prétentions des avocats. Ayant eu l'avantage d'entendre celles-ci, la seule conclusion qui s'impose est que la décision du tribunal était tout à fait justifiée compte tenu de la preuve dont il avait été saisi. Quant à l'appréciation du témoignage du médecin, il est toujours possible d'évaluer un témoignage d'opinion en considérant que ce témoignage d'opinion n'est valide que dans la mesure où les faits sur lesquels il repose sont vrais. Si le tribunal ne croit pas les faits sous-jacents, il lui est tout à fait loisible d'apprécier le témoignage d'opinion comme il l'a fait. [Caractères gras ajoutés.]


[21]            Encore une fois, dans Madahar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 1614 (C.F. 1re inst.), on a soulevé une question relativement à la preuve médicale présentée à la Commission. La Cour s'est référée à la décision Kalia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] A.C.F. no 1682 (C.F. 1re inst.), où le juge Pinard a conclu :

Les commentaires qui précèdent suffisent pour rejeter la demande, mais je voudrais aussi traiter du rejet, par la Commission, de la preuve médicale du requérant. À mon sens, il était loisible à la Commission de le faire car qu'il a été conclu que les faits qui sous-tendaient les rapports en question n'étaient pas dignes de foi. [Caractères gras ajoutés.]

                                        ORDONNANCE

En conséquence, il n'y a eu aucune erreur justifiant la Cour de modifier les conclusions de la Commission en l'espèce et, pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

Aucune question ne sera certifiée.

« Pierre Blais »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


                         COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                Avocats inscrits au dossier

DOSSIER :                                                    IMM-5526-01

INTITULÉ :                                      

                             JASWANT SINGH GARCHA

                                                                                          demandeur

                                                     et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                           défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                            MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L'AUDIENCE :                           Le 25 septembre 2002

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   LE JUGE BLAIS

DATE DES MOTIFS :                                  Le 27 septembre 2002

COMPARUTIONS :                         Me Styliani Markaki

                                                                                                          pour le demandeur

Me Isabelle Brochu

pour le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :      Me Styliani Markaki

4, Notre-Dame Est, bureau 902

Montréal (Québec)

pour le demandeur

Me Isabelle Brochu

Ministère de la Justice

pour le défendeur


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