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     Date: 19981104

     Dossier: T-781-98

     DANS L'AFFAIRE DE LA Loi sur la citoyenneté,

     L.R.C. (1985), chap. C-29

     ET DANS L'AFFAIRE D'un appel de la décision

     d'un juge de la Citoyenneté

     ET DANS L'AFFAIRE DE

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION

     Appelant

     - et -

     CLAUDIA JEANET BARRERA BERNAL

     Intimée

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE PINARD :

[1]      Il s'agit d'un appel interjeté quelques jours avant l'entrée en vigueur, le 25 avril 1998, des nouvelles règles de cette Cour. Il y a donc lieu d'appliquer ici les anciennes règles et de considérer l'affaire de novo (voir les affaires Chan (25 mai 1998), T-2842-96, Dai (25 septembre 1998), T-803-98 et Lok (19 juin 1998), T-2843-96).

[2]      L'appel, porté en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté (la Loi), vise une décision d'un juge de la Citoyenneté rendue le 2 mars 1998, accordant la citoyenneté canadienne à l'intimée.

[3]      Née en Colombie le 15 décembre 1964, l'intimée est résidente permanente du Canada depuis le 2 août 1993. Elle est venue au Canada en premier lieu pour entreprendre une maîtrise en linguistique à l'Université Laval. Cependant, du 28 juillet 1994 au 14 août 1997, elle s'est absentée du Canada après avoir été engagée à titre de coopérante par CUSO, une organisation canadienne de coopération internationale financée en grande partie par l'ACDI. CUSO l'a envoyée avec son mari en mission de coopération internationale en Colombie. L'intimée a en outre été absente du Canada notamment du 11 décembre 1992 au 12 janvier 1993, pour faire du tourisme en Colombie, du 30 décembre 1993 au 13 janvier 1994, pour faire du tourisme au Mexique, et du 27 décembre 1994 au 21 janvier 1995, pour faire du tourisme au Brésil. Dès son retour au Canada, après son contrat avec CUSO, elle est retournée aux études, tel que prévu. Son mari et son fils sont Canadiens.

[4]      Il s'agit ici de considérer l'application de l'alinéa 5(1)c) de la Loi, qui dispose:

5. (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

. . .

(c) has been lawfully admitted to Canada for permanent residence, has not ceased since such admission to be a permanent resident pursuant to section 24 of the Immigration Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

     (i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and
     (ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;

     (Emphasis added.)


5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :

. . .

c) a été légalement admise au Canada à titre de résident permanent, n'a pas depuis perdu ce titre en application de l'article 24 de la Loi sur l'immigration, et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante:

     (i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent;
     (ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent.

     (Mon emphase.)

[5]      Mon collègue le juge Muldoon, dans l'affaire Re Pourghasemi (1993), 19 Imm.L.R. (2d) 2591, a énoncé les objectifs sous-jacents de cet alinéa 5(1)c) de la Loi à la page 260:

         . . . to ensure that everyone who is granted precious Canadian citizenship has become, or at least has been compulsorily presented with the everyday opportunity to become "Canadianized." This happens by "rubbing elbows" with Canadians in shopping malls, corner stores, libraries, concert halls, auto repair shops, pubs, cabarets, elevators, churches, synagogues, mosques and temples - in a word wherever one can meet and converse with Canadians - during the prescribed three years. One can observe Canadian society for all its virtues, decadence, values, dangers and freedoms, just as it is. That is little enough time in which to become Canadianized. If a citizenship candidate misses that qualifying experience, then Canadian citizenship can be conferred, in effect, on a person who is still a foreigner in experience, social adaptation, and often in thought and outlook. If the criterion be applied to some citizenship candidates, it ought to apply to all. So, indeed, it was applied by Madam Justice Reed in Re Koo (1992), 59 F.T.R. 27 (T.D.), in different factual circumstances, of course.                 

[6]      En l'espèce, au cours de la période pertinente de quatre ans précédant le 30 juillet 1996, date de sa demande de citoyenneté, l'intimée n'a été physiquement présente au Canada que pendant quelque 351 jours, soit 744 jours de moins que les 1 095 jours nécessaires pour remplir les conditions de résidence prévues à l'alinéa 5(1)c) de la Loi.

[7]      Suivant une certaine jurisprudence, il n'est pas nécessaire que la personne qui demande la citoyenneté canadienne soit physiquement présente au Canada pendant toute la durée des 1 095 jours, lorsqu'il existe des circonstances spéciales ou exceptionnelles. J'estime toutefois que des absences du Canada trop longues, bien que temporaires, au cours de cette période de temps minimale, comme c'est le cas en l'espèce, vont à l'encontre de l'objectif visé par les conditions de résidence prévues par la Loi. D'ailleurs, la Loi permet déjà à une personne qui a été légalement admise au Canada à titre de résident permanent de ne pas résider au Canada pendant une des quatre années qui précèdent immédiatement la date de sa demande de citoyenneté.

[8]      J'en arrive donc à la conclusion que, malgré la sympathie que la situation de l'intimée m'inspire, celle-ci ne remplit pas les conditions de résidence prévues par la Loi. En conséquence, l'appel doit être maintenu, la décision du juge de la Citoyenneté, cassée, et la demande de citoyenneté de l'intimée, refusée.

                            

                                     JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 4 novembre 1998


__________________

1      Voir également la décision du même juge dans Chen (21 janvier 1998), T-2879-96.

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