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Date : 20000713

Dossier : IMM-2392-99

OTTAWA (ONTARIO), le 13 juillet 2000

EN PRÉSENCE de Madame le juge Dolores M. Hansen

ENTRE :

UTHAYAKUMARI KANAGALINGHAM

demanderesse

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

ORDONNANCE

LA COUR accueille la demande de contrôle judiciaire, la décision de l'agent de révision des revendications refusées rendue le 19 avril 1999 est annulée et l'affaire est renvoyée pour un nouvel examen devant un agent de révision des revendications refusées différent.

          « Dolores M. Hansen »          

J.C.F.C.                    

Traduction certifiée conforme

Martin Desmeules, LL.B.


Date : 20000713

Dossier : IMM-2392-99

ENTRE :

UTHAYAKUMARI KANAGALINGHAM

demanderesse

- et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE HANSEN

[1]         Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision d'un agent de révision des revendications refusées (ARRR) selon laquelle la demanderesse n'est pas membre de la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada (DNRSRC).


[2]         La demanderesse, une citoyenne du Sri Lanka, est arrivée au Canada le 16 avril 1997 et a revendiqué le statut de réfugié au motif qu'elle avait été harcelée sexuellement par des membres de la police et de l'armée. Dans sa décision rendue le 19 janvier 1998, la Section du statut de réfugié a conclu que la demanderesse était [traduction] « crédible de façon générale » , mais a statué qu'elle n'était pas une réfugiée au sens de la Convention parce que [traduction] « [...] les cas de persécution allégués par la revendicatrice [...] étaient des incidents isolés et ne permettent pas de conclure qu'il y a une possibilité sérieuse de persécution éventuelle » . Le tribunal a aussi conclu qu' [traduction] « [...] il ne serait ni indûment difficile, ni déraisonnable dans les circonstances que la revendicatrice s'établisse à Colombo, la possibilité de refuge intérieur proposée » . La demande de contrôle judiciaire de cette décision a été rejetée.

[3]         Dans sa demande subséquente en vue d'obtenir le statut de membre de la catégorie des DNRSRC, la demanderesse soutient que le fait de s'établir à Colombo n'est pas une option praticable pour elle. Elle dit que les deux cas de harcèlement sexuel impliquaient l'armée et la police sri-lankaises. De plus, le dernier incident, à l'occasion duquel elle a subi des menaces de mort, a eu lieu à Colombo.

[4]         En rejetant la demande, l'ARRR a conclu : [traduction] « - ayant considéré la preuve documentaire, les faits de l'affaire et le fait que la violence soit encore présente au Sri Lanka dans les conflits ethniques entre les communautés (et ce, de façon continue depuis quinze ans), il n'y a quand même pas assez d'éléments de preuve pour conclure qu'il y a un risque objectif et identifiable pour la vie de la demanderesse, ou un tel risque qu'elle subisse des sanctions extrêmes ou un traitement inhumain auxquels les autres citoyens partout au Sri Lanka ne sont pas généralement confrontés » [1].


[5]         Dans sa décision, l'ARRR a fait référence à plusieurs documents portant sur les conditions générales du pays, dont trois documents publiés après que la demanderesse eut présenté ses observations. C'est le fait que l'ARRR ait considéré ces documents qui a donné lieu à la présente demande de contrôle judiciaire : le fait que l'ARRR ait considéré des documents publiés après que la demanderesse eut présenté ses observations, sans l'en aviser et sans lui donner la possibilité de répondre, constitue-t-il un manquement au principe de l'équité?

[6]         L'avocate de la demanderesse a admis que les documents en question proviennent de sources publiques et se rapportent aux conditions générales du pays :

1.                   U.S. Department of State, Sri Lanka Country Report on Human Rights Practices for 1998, publié le 26 février 1999[2].

2.                   Sri Lanka : possibilités de refuge intérieur - mise à jour, Direction des recherches, Commission de l'immigration et du statut de réfugié, Ottawa, Canada, octobre 1998[3].

3.                   Daily News, le 18 septembre 1998[4].

[7]         Dans l'arrêt Mancia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration)[5], la Cour d'appel fédérale, relativement à des documents comme ceux en l'espèce, a conclu que :

[...] l'équité exige que l'agent chargé de la révision des revendications refusées divulgue les documents invoqués [...] à condition qu'ils soient inédits et importants et qu'ils fassent état de changements survenus dans la situation du pays qui risquent d'avoir une incidence sur sa décision.


De plus,

La question de savoir si l'omission d'un agent d'immigration de divulguer un document satisfait au critère d'équité [...] constitue essentiellement une question de fait qui doit être tranchée par le juge des requêtes.

[8]         Un examen des documents, inclus par l'ARRR dans ses notes et sa décision relatives à la DNRSRC[6], donne un aperçu de ce que l'agent a considéré comme des conditions existantes au Sri Lanka et plus particulièrement à Colombo. De façon générale, une comparaison du contenu des deux premiers documents cités plus haut avec les documents publiés avant que la demanderesse ne présente ses observations ne laisse pas apparaître un changement réel dans les conditions générales au Sri Lanka. Ces documents font état de certains progrès en ce qui concerne les graves cas de violence qui ont lieu continuellement et de non-respect des droits de la personne, plus particulièrement dans le Nord du Sri Lanka. Même si l'on y fait référence à de nouvelles mesures, celles-ci paraissent être la continuation de mesures semblables prises auparavant en vue d'enrayer le non-respect des droits de la personne.

[9]         Le Daily News, publié le 18 septembre 1998 et cité presque en entier par l'ARRR, rapportait :

[traduction]

Une banque de données complète contenant les détails des arrestations et les renseignements fournis par les personnes arrêtées sera bientôt créée en vue de réduire les préjudices causés aux personnes d'expression tamoule à Colombo, dont certaines sont détenues encore et encore. [...] l'IGF a aussi promis d'affecter au moins un agent parlant la langue tamoule dans plusieurs postes de police à Colombo afin de faciliter l'interrogatoire des Tamouls détenus par les forces de sécurité.


Le rapport indique aussi que :

[traduction]

Ces mesures s'ajoutent à plusieurs démarches entreprises par le gouvernement dans le but de réduire les préjudices causés aux résidents d'expression tamoule. Ces derniers peuvent dénoncer les cas de harcèlement commis à leur endroit par des membres des forces de sécurité sur une ligne d'assistance mise en place par le comité antre-harcèlement de haut niveau qui demande aux autorités compétentes d'enquêter sur ces cas. De plus, les membres de la police et des forces de sécurité ont l'obligation de remettre des rapports d'arrestation détaillés et d'informer la famille du suspect.

[10]       À mon avis, ces mesures constituent des changements inédits et importants survenus à Colombo qui sont particulièrement pertinents relativement aux observations de la demanderesse concernant la possibilité de refuge intérieur dans cette ville. Ils est possible qu'elles aient eu une influence sur la décision.

[11]       Dans ces circonstances, le fait de ne pas avoir informé la demanderesse et de ne pas lui avoir donné la possibilité de répondre constitue un manquement au devoir d'agir équitablement. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire est accueillie. La décision de l'agent de révision des revendications refusées rendue le 19 avril 1999 est annulée et l'affaire est renvoyée pour un nouvel examen devant un agent de révision des revendications refusées différent.

[12]       Je prends également note de l'arrêt récent de la Cour d'appel fédérale Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration c. Haghighi[7] qui a été rendu après l'audition de la présente demande. Étant donné que la présente demande de contrôle judiciaire a été accueillie, il n'est pas nécessaire de demander aux avocats de présenter des observations supplémentaires.


[13]       Aucune des parties n'a présenté une question pour certification.

           « Dolores M. Hansen »          

J.C.F.C.                    

Traduction certifiée conforme

Martin Desmeules, LL.B.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :                               IMM-2392-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :             Uthayakumari Kanagalingham

c.

Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                  Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :                Le 26 janvier 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE de Madame le juge Dolores M. Hansen

EN DATE DU :                                   13 juillet 2000

ONT COMPARU :

Maureen Silcoff                                                             POUR LA DEMANDERESSE

Marcel R. Larouche                                                       POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :                  

Lewis & Associés                                                          POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

M. Morris Rosenberg                                                    POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada



[1]            Dossier certifié, à la page 9.

[2]               Affidavit de Carla Sturdy, pièce « A » .

[3]            Affidavit de Carla Sturdy, pièce « B » .

[4]            Soumis à la Cour à l'audience.

[5]            [1998] 3 C.F. 461, à la page 475.

[6]               Dossier certifié, aux pages 2 à 10.

[7]            [2000] A.C.F. no 854 (QL).

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