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     Date : 19990329

     Dossier : T-1179-98

ENTRE :


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION,

     appelant,



- et -



WILLIAM KIM KWONG LOK,

     intimé.




MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE DENAULT


[1]      Il s'agit d'un appel interjeté au nom du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration d'une décision du juge de la citoyenneté Van Roggen, datée du 7 avril 1998, par laquelle la demande présentée par l'intimé en vertu de l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté (la Loi) en vue de se faire attribuer la citoyenneté a été accueillie.

[2]      La seule question en litige dans le présent appel consiste à savoir si l'intimé satisfaisait à la condition de résidence énoncée à l'alinéa 5(1)c) de la Loi lorsqu'il a présenté sa demande de citoyenneté canadienne le 23 janvier 1997. L'alinéa 5(1)c) de la Loi prévoit qu'une personne doit avoir, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout.

[3]      Citoyen de Hong Kong, l'intimé a acquis le statut de résident permanent au Canada le 16 août 1992, lorsqu'il est arrivé au pays avec sa femme et son enfant. Au cours des quatre années qui ont précédé sa demande de citoyenneté, l'intimé s'est souvent retrouvé à l'extérieur du Canada pendant de longues périodes. Il a résidé au Canada environ 235 jours au total. Puisque le minimum requis est d'avoir résidé au Canada au moins trois ans dans les quatre ans qui ont immédiatement précédé la date de la demande de citoyenneté canadienne, il lui manque 860 jours. Ses voyages d'affaires à Hong Kong expliquent la majorité de ses absences.

[4]      Les juges de cette Cour ont depuis longtemps des opinions partagées sur la façon d'interpréter la loi en ce qui concerne la condition de résidence énoncée à l'alinéa 5(1)c) de la Loi. En 1978, le juge Thurlow a statué dans la décision Papadogiorgakis, [1978] 2 C.F. 208, qu'une présence physique au Canada n'était pas toujours nécessaire pour établir la résidence au sens de la Loi. Toutefois, ayant reconnu la nécessité d'une présence réelle au Canada, la Cour a clairement constaté qu'avant de quitter le pays pour aller à l'université aux États-Unis, cet étudiant avait déjà établi sa propre résidence chez ses amis en Nouvelle-Écosse, endroit qui était devenu le centre de ses activités.

[5]      Plus récemment, un certain nombre de juges ont adopté une approche beaucoup plus stricte en ce qui concerne le critère de résidence en insistant sur l'obligation imposée au demandeur par le législateur d'avoir résidé au Canada " ... pendant au moins trois ans en tout ... " dans les quatre ans qui ont immédiatement précédé la date de sa demande. Selon le juge Muldoon, dans l'affaire Poughasemi , (1993), 19 Imm. L.R. (2d) 259 (C.F. 1re inst.), l'alinéa 5(1)c) visait à garantir que le demandeur " s'était canadianisé " " ... en côtoyant les Canadiens ... ".

[6]      Depuis l'entrée en vigueur des nouvelles Règles de la Cour fédérale (1998) le 25 avril 1998, un appel interjeté en vertu du paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, qui autrefois devait se faire au moyen d'un procès de novo conformément à l'ancienne règle 912, est maintenant traité comme une demande régie par la règle 300c). Ce changement dans la procédure a obligé les avocats à soulever une nouvelle question, celle de la norme applicable en matière de contrôle.

[7]      Pour régler le présent appel, il n'est pas nécessaire de faire un choix entre une interprétation stricte ou plus libérale du critère de résidence, ni même de tenir compte de la norme de contrôle applicable. Si je choisissais la première approche, je serais obligé de conclure sans hésitation que, suivant les faits de l'espèce, le juge de la citoyenneté a commis une erreur de droit en attribuant la citoyenneté à l'intimé compte tenu du fait qu'il n'a pas, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande de citoyenneté canadienne, résidé au Canada pendant au moins trois ans. Si je choisissais plutôt l'approche plus libérale préconisée dans l'affaire Papadogiorgakis, je devrais également arriver à la même conclusion. À mon avis, il est évident que le juge de la citoyenneté a mal appliqué le critère établi dans cette décision en omettant de tenir compte du fait qu'aussitôt arrivé au Canada, l'intimé a effectué de nombreux voyages à l'étranger, soit à Hong Kong, sans avoir préalablement établi sa propre résidence ou essayé de " se canadianiser ".

[8]      Cette Cour ne bénéficie pas des motifs qui ont poussé le juge de la citoyenneté à conclure que l'intimé répondait à la condition de résidence. Dans les notes jointes à sa décision, le juge de la citoyenneté semble avoir tenu compte du fait que la femme et les enfants de l'intimé vivaient à Vancouver, qu'il devait aller à Hong Kong ou en Chine par affaires, que même s'il manquait 860 jours à l'intimé pour satisfaire à la condition de résidence, il avait [Traduction] " ... l'intention de passer plus de temps au Canada " et qu'il " ... constituera un atout pour le Canada ". À mon avis, ces faits ne suffisent pas pour que la condition prévue à l'alinéa 5(1)c) de la Loi soit remplie.

[9]      Pour ces motifs, l'appel interjeté par le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration est accueilli.

     " Pierre Denault "

                                             Juge


Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 29 mars 1999



Traduction certifiée conforme


Laurier Parenteau, LL.L.

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

DE LA COUR FÉDÉRALE



AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


NUMÉRO DU GREFFE :                  T-1179-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :              LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                             ET DE L'IMMIGRATION

                             c.

                             WILLIAM KIM KWONG LOK


LIEU DE L'AUDIENCE :                  VANCOUVER (COLOMBIE-

                             BRITANNIQUE)

DATE DE L'AUDIENCE :              LE 24 MARS 1999


MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR LE JUGE DENAULT EN DATE DU 29 MARS 1999


ONT COMPARU :


Me Paige Purcell                      Pour l'appelant

Me Darryl Larson                      Pour l'intimé


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :


M. Morris Rosenberg                  Pour l'appelant

Sous-procureur

général du Canada

Larson, Suleman                      Pour l'intimé

Vancouver (Colombie-Britannique)

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