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     Date : 19980706

     Dossier : IMM-1782-97

ENTRE

     JUAN FERNANDO VALENCIA MEDINA,

     demandeur,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

         défendeur.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

         (Prononcés à l'audience, à Toronto (Ontario) le lundi 6 juillet 1998)

LE JUGE HUGESSEN

[1]          Il s'agit d'une demande de contrôle et d'annulation de la décision par laquelle un agent d'immigration n'a pas recommandé que le demandeur obtienne une dispense de l'application des dispositions de la Loi sur l'immigration pour des raisons d'ordre humanitaire, en application du paragraphe 114(2) de la Loi.

[2]          Il est bien établi que le fardeau qui incombe à un demandeur qui cherche à faire annuler un tel exercice du pouvoir discrétionnaire et du jugement comme celui en litige en l'espèce est, en fait, un lourd fardeau. Si je comprends bien, le demandeur soutient principalement que l'agente a, en l'espèce, manqué à l'obligation d'équité en ne tenant pas compte de tous les documents qu'on lui avait présentés pour étayer la demande. Si cet argument était appuyé par la preuve, et si cela me satisfaisait, je ne douterais pas que l'agente a manqué à l'obligation d'équité. L'avocat du demandeur a également laissé entendre qu'un tel manquement avait, pour une raison ou une autre, également donné lieu à une crainte raisonnable de partialité d'après le critère bien connu pour ce motif de contrôle, mais j'avoue que je n'ai pas alors compris et je ne comprends toujours pas maintenant cet argument. Si, comme je le dis, le motif est établi, si le cadre factuel est établi, le demandeur a gain de cause parce qu'il y a eu manquement à l'obligation d'équité. Si ce cadre n'est pas établi, le demandeur échoue et l'ajout du concept de crainte raisonnable de partialité ne renforce nullement sa cause d'action.

[3]          Compte tenu des faits de l'espèce, le cadre sur lequel le demandeur s'appuie est simplement trop faible pour étayer le contrôle demandé. Le demandeur souligne les circonstances dans lesquelles l'agente a pris sa décision. Celle-ci a tenu une entrevue de quarante-cinq minutes avec le demandeur, à neuf heures du matin. Elle avait une ou plusieurs autres entrevues par la suite à 9 h 45 et peut-être plus tard. Elle a fait savoir à ce moment-là, à la fin de l'entrevue, qu'elle n'avait pas encore pris connaissance de tous les documents qui avaient alors été versés au dossier dont elle disposait, et elle a également indiqué que le demandeur ne pourrait recevoir une décision pendant une période allant de un à quatre mois.

[4]          En fait, il est parfaitement clair que l'agente a pris sa décision plus tard le même jour. Le demandeur m'invite à conclure de ces simples circonstances que l'agente doit avoir pris sa décision sans prendre connaissance des documents. Je ne peux simplement pas tirer cette conclusion. En premier lieu, l'agente, dans ses notes personnelles, prises dans le dossier le jour en question, indique qu'elle a examiné tous les documents. Elle fait la même déclaration dans la lettre de refus, qui a plus tard été envoyée au demandeur. L'avocat du demandeur m'invite à rejeter ces déclarations parce qu'elles sont simplement des déclarations [TRADUCTION] "passe-partout", pour utiliser son expression.

[5]          Il ne s'agit pas de simples déclarations passe-partout. Particulièrement, la déclaration figurait dans les notes de l'agente d'immigration. De plus, elles ne sont pas invraisemblables. Le fait pour un décideur de dire à 9 h 45 du matin qu'elle n'a pas pris connaissance de tous les documents versés au dossier qui n'est pas très volumineux et dont elle dispose et, en fait, de prendre connaissance de tous ces documents et de parvenir à une conclusion vers la fin de cette journée de travail ne me semble nullement extraordinaire. J'ai acquis de l'expérience dans le processus décisionnel, et je sais qu'on peut, si les circonstances s'y prêtent, prendre, compte tenu des documents de ce genre, une décision dans ce délai sans trop de difficulté, surtout si on connaît la question.

[6]          Comme second motif de contrôle, ou peut-être pour étayer l'allégation selon laquelle l'agente n'a pas pleinement examiné tous les documents, le demandeur laisse entendre que je devrais conclure que l'agente a manqué à son obligation d'équité en raison de la nature de la conclusion qu'elle a tirée. Autrement dit, le demandeur prétend, si je le comprends bien, qu'aucun agent d'immigration raisonnable qui a examiné tous les documents produits n'aurait pu parvenir à une décision défavorable au demandeur. En réponse à cet argument, je peux dire seulement que je ne suis pas d'accord. Certes, moi-même, ou un autre, j'aurais pu tirer une décision favorable au demandeur compte tenu de ces documents; mais il m'est absolument impossible de dire que la décision contraire est manifestement déraisonnable. Comme je l'ai dit au début, la décision prise par l'agente d'immigration est une décision qui s'appuie, dans une grande mesure, sur l'exercice du pouvoir discrétionnaire et du jugement, et le fardeau qui incombe au demandeur est en fait un lourd fardeau. On ne s'en est pas acquitté.

[7]          Il existe un point final et mineur soulevé par l'avocat du demandeur dont je fais mention seulement parce que je le trouve forcé. Il est allégué que l'agente d'immigration n'a pas tenu compte de tous les éléments de preuve dont elle disposait parce que le demandeur, en parlant de sa tentative de s'établir au Canada, a parlé de ce qu'il a commencé à s'entraîner dans la fabrication des bijoux fantaisie. Il a alors offert de montrer à l'agente d'immigration des échantillons de bijoux fantaisie qu'il a, selon lui, fabriqués, et elle a refusé l'offre. Élever cet incident banal, comme l'avocat semble vouloir le faire, au niveau d'un refus de recevoir des éléments de preuve me semble complètement extravagant. Si l'agente avait en fait refusé de recevoir des éléments de preuve, il existerait d'autres questions soulevées, mais le simple fait qu'elle a, apparemment de façon polie, refusé d'examiner les échantillons des marchandises du demandeur n'est pas du tout le refus de recevoir des éléments de preuve.

[8]          Dans les circonstances, la demande sera rejetée. Si les avocats ont des observations à faire quant à des questions de portée générale, je les entendrai maintenant.

                                 James K. Hugessen

                                         Juge

Toronto (Ontario)

Le 6 juillet 1998

Traduction certifiée conforme

Tan, Trinh-viet

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats et procureurs inscrits au dossier

No DU GREFFE :                      IMM-1782-97
INTITULÉ DE LA CAUSE :              Juan Fernando Valencia Medina

                             et

                             Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration
DATE DE L'AUDIENCE :              Le 6 juillet 1998
LIEU DE L'AUDIENCE :              Toronto (Ontario)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :          le juge Hugessen

EN DATE DU                      6 juillet 1998

ONT COMPARU :

    Pamela Bhardwaj                  pour le demandeur
    Brian Frimeth                      pour le défendeur

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

    Bhardwaj Pohani Law Office
    2161, rue Yonge
    Pièce 806
    Toronto (Ontario)
    M4S 3A6                          pour le demandeur
    George Thomson
    Sous-procureur général du Canada
                                 pour le défendeur
   
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