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     Date : 19980507

     Dossier : T-1654-97

ENTRE :

     TERRY FREDERICK ARMES,

     demandeur,

     - et -

     LA COMMISSION NATIONALE DES LIBÉRATIONS CONDITIONNELLES

     et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     défendeurs.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

     [Prononcés, tels que révisés, à l'audience à

     Toronto (Ontario) le vendredi 24 avril 1998]

LE JUGE ROTHSTEIN

[1]      La question soulevée dans le cadre du présent contrôle judiciaire est de savoir si, pour décider de réincarcérer un détenu en liberté conditionnelle, la Commission nationale des libérations conditionnelles peut tenir compte de renseignements ayant trait à des accusations criminelles qui ont été portées pendant que le détenu était en liberté conditionnelle. En l'espèce, le demandeur a maintenant été reconnu coupable et condamné à une peine d'emprisonnement (devant être purgée en même temps que sa peine d'emprisonnement à perpétuité) relativement à au moins une des accusations subséquentes. En application du paragraphe 135(9.1) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch. 20, modifiée, la liberté conditionnelle du demandeur a été automatiquement révoquée après qu'on eut reconnu sa culpabilité et ordonné son incarcération1. Pour ce motif, la question litigieuse en l'espèce a maintenant un caractère théorique.

[2]      Le demandeur invoque toutefois l'arrêt Canada (Ministre de la Justice) c. Borowski, [1981] 2 R.C.S. 575, au soutien de l'affirmation que la Cour devrait se prononcer sur le bien-fondé du contrôle judiciaire malgré son caractère théorique parce qu'une question ayant une importance publique suffisante est en jeu.

[3]      Le demandeur admet que selon la jurisprudence (voir Prasad c. Canada (Commission nationale des libérations conditionnelles) (1991), 51 F.T.R. 304), des renseignements portant sur des accusations à l'égard desquelles aucune condamnation n'a été prononcée sont " pertinents et sûrs; le fait de les utiliser au cours d'un examen de maintien en incarcération ne contrevient pas à l'obligation de l'intimée d'agir équitablement ", à condition que ces renseignements soient suffisamment précis pour permettre au demandeur de préparer sa cause. De plus, l'article 101 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition dispose :

         101. La Commission et les commissions provinciales sont guidées dans l'exécution de leur mandat par les principes qui suivent :                 

     . . .

             b) elles doivent tenir compte de toute l'information pertinente disponible, notamment les motifs et les recommandations du juge qui a infligé la peine, les renseignements disponibles lors du procès ou de la détermination de la peine, ceux qui ont été obtenus des victimes et des délinquants, ainsi que les renseignements et évaluations fournis par les autorités correctionnelles;                 

     . . .

     [non souligné dans l'original]                 

[4]      Le demandeur a reconnu devant la Commission nationale des libérations conditionnelles avoir commis au moins l'une des deux, et j'en infère les deux, infractions à l'égard desquelles des accusations ont été portées et que la Commission a prises en considération. Il ressort clairement de l'affaire Dubeau et la Commission nationale des libérations conditionnelles (1980), 55 C.C.C. (2d) 553 (C.F. 1re inst.), à la page 557, que la Commission peut à bon droit prendre en considération une preuve semblable.

[5]      Malgré tout cela, le demandeur soutient que la Cour devrait tenir compte de deux faits nouveaux. Le premier est l'édiction du paragraphe 135(9.1) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition et le second est la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Mooring c. Canada (Commission nationale des libérations conditionnelles), [1996] 1 R.C.S. 75.

[6]      Le paragraphe 135(9.1) concerne la situation où un détenu en liberté conditionnelle est reconnu coupable d'une infraction subséquente et incarcéré pour cette raison. Toutefois, la question litigieuse en l'espèce se rapporte à une accusation subséquente à l'égard de laquelle aucune condamnation n'a été prononcée au moment où la Commission nationale des libérations conditionnelles tient compte des renseignements relatifs à cette accusation. Le paragraphe 135(9.1) n'a aucune pertinence dans les circonstances de l'espèce.

[7]      Deuxièmement, dans l'arrêt Mooring, la Cour suprême du Canada a statué que la Commission nationale des libérations conditionnelles n'est pas un tribunal compétent pour écarter des éléments de preuve en vertu du paragraphe 24(2) de la Charte. Le demandeur soutient que vu l'incapacité de la Commission d'écarter des éléments de preuve en vertu du paragraphe 24(2), le demandeur devrait pouvoir demander pareille réparation à cette Cour.

[8]      Le fait que la Commission n'a pas averti le demandeur que la confession qu'il a faite devant elle pouvait être utilisée contre lui dans le cadre de la poursuite criminelle dont il a fait l'objet n'a aucun effet sur l'instance devant la Commission. Le défaut de la Commission de faire pareille mise en garde peut être un facteur en ce qui concerne l'utilisation de la confession dans le cadre de la poursuite criminelle, mais telle n'est pas la question litigieuse en l'espèce. La question soulevée par le demandeur ne se pose pas dans les circonstances de l'espèce parce que la preuve soumise à la Commission nationale des libérations conditionnelles n'a pas été obtenue d'une manière propre à porter atteinte aux droits que la Charte reconnaît au demandeur.


[9]      Le contrôle judiciaire est rejeté.

                                 " Marshall Rothstein "                                          Juge

TORONTO (ONTARIO)

LE 7 MAI 1998

Traduction certifiée conforme

Marie Descombes, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Avocats inscrits au dossier

NUMÉRO DU DOSSIER DE LA COUR :      T-1654-97

INTITULÉ DE LA CAUSE :              TERRY FREDERICK ARMES

                             - et -

                             LA COMMISSION NATIONALE DES LIBÉRATIONS CONDITIONNELLES et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
DATE DE L'AUDIENCE :                  LE 24 AVRIL 1998
LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DU JUGE ROTHSTEIN en date du 7 mai 1998

COMPARUTIONS :

                             M. John Hill

                                 Pour le demandeur

                             M me Helen Park

                                 Pour les défendeurs

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :          John Hill

                             Avocat

                             4, av. Finch ouest

                             Toronto (Ontario)

                             M2N 6L1

                                 Pour le demandeur

                             Ministère de la Justice

                             2, First Canadian Place

                             Bureau 3400, Exchange Tower

                             C. P. 36

                             Toronto (Ontario)

                             M5X 1K6

                                 Pour les défendeurs

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Date : 19980507

     Dossier : T-1654-97

Entre :

     TERRY FREDERICK ARMES,

     demandeur,

     - et -

     LA COMMISSION NATIONALE DES

     LIBÉRATIONS CONDITIONNELLES

     et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

     défendeurs.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

__________________

     1          135. (9.1) Lorsque la libération conditionnelle ou d'office d'un délinquant n'a pas été révoquée ou qu'il n'y a pas été mis fin et que celui-ci est réincarcéré pour une peine d'emprisonnement supplémentaire pour une infraction à une loi fédérale, sa libération conditionnelle ou d'office est révoquée à la date de cette nouvelle incarcération.

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