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Date : 19991104


Dossier : IMM-6825-98

OTTAWA (Ontario), le jeudi 4 novembre 1999

EN PRÉSENCE de monsieur le juge GIBSON


ENTRE :



THI MY HIEN NGUYEN


demanderesse

                    

- et -


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L?IMMIGRATION


défendeur




ORDONNANCE

     La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.



?FREDERICK E. GIBSON ?

__________________________

juge


Traduction certifiée conforme


Philippe Méla








Date : 19991104


Dossier : IMM-6825-98


ENTRE :



THI MY HIEN NGUYEN


demanderesse

                    

- et -


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L?IMMIGRATION


défendeur




MOTIFS DE L? ORDONNANCE


LE JUGE GIBSON

[1]      Les présents motifs font suite à une demande de contrôle judiciaire de la décision d?un agent des visas du Haut-commissariat du Canada à Singapour indiquant que la demanderesse ne satisfaisait pas aux exigences de l?immigration au Canada et qu?en fait, elle ne satisfaisait pas aux exigences nécessaires qui lui auraient donné droit à subir une entrevue personnelle avec l?agent des visas. La décision de l?agent des visas est datée du 16 novembre 1998.

[2]      La demanderesse est une citoyenne du Vietnam qui est âgée d?environ 25 ans. Pendant toute la période pertinente quant à la présente demande, elle n?a pas été mariée et n?a pas eu de personne à charge. De 1992 à 1996, la demanderesse était étudiante à l?Université des sciences économiques à Ho Chi Minh - ville (Vietnam). Elle a obtenu un baccalauréat spécialisé en économie. Après avoir obtenu son diplôme, elle a suivi un cours d?informatique d?un mois qu?elle a terminé à la fin du mois d?avril 1997, afin de mettre à jour ses compétences techniques. Immédiatement après cela et jusqu?au moment de sa demande de résidence permanente au Canada, elle a travaillé comme comptable dans une patinoire pour patinage sur glace à Ho Chin Minh - ville. Un certificat fourni par son employeur à l?appui de sa demande indique simplement que la demanderesse est un membre du personnel [TRADUCTION] ?[...] travaillant dans une patinoire pour patinage sur glace [...] ?

[3]      La demande de résidence permanente de la demanderesse a été parrainée par son frère, qui est un citoyen du Canada.

[4]      On peut lire ce qui suit dans une partie de la lettre de décision de l?agent des visas :
[TRADUCTION]
Les paragraphes 10(1) et 11(1) et (2) du Règlement prévoient qu?un parent aidé doit obtenir au moins un point d?appréciation dans le facteur expérience et le facteur de demande professionnelle etobtenir un minimum de 65 points d?appréciation pour satisfaireaux exigences des critères d?admissibilité aux fins de l?immigration au Canada.
Vos compétences et qualifications professionnelles ont été évaluées relativement à la Classification nationale des professions du Canada (CNP). Cet ouvrage de référence indique les grandes lignes et décrit dans un contexte canadien les obligations, responsabilités et qualifications minimales nécessaires pour différentes professions occupées au Canada.
Vous avez été évaluée sur la base des exigences de la profession suivante :
Teneur/teneuse de livres, CNP 1231.0
On vous a attribué le nombre de points d?appréciation suivant :
[points d?appréciation totalisant 54]
Vous n?avez pas assez obtenu de points d?appréciation suffisants pour satisfaireaux exigences des critères d?admissibilité aux fins de l?immigration au Canada dans la profession que vous avez l?intention d?occuper.
Compte tenu de ma décision de rejeter votre demande, vous ne serez pas convoquée à une entrevue personnelle avec un agent des visas.

[5]      L? avocat de la demanderesse a fait remarquer que l?agent des visas a commis une erreur de droit en rendant la décision qui fait l?objet de l?examen, car il a basé sa décision sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire, ou sans tenir compte des éléments dont il disposait, et n'a pas observé un principe de justice naturelle ou d'équité procédurale ou toute autre procédure qu'il était légalement tenu de respecter.

[6]      Il n?a pas été contesté relativement à cette demande que la demanderesse demandait à venir au Canada au titre d?une ?parente aidée ?au sens de l?article 2 du Règlement sur l?immigration de 1978(le ?Règlement ?)1et que, en tant que tel, elle ne devait obtenir que 55 points d?appréciation au lieu de 60 pour être admissible à obtenir une entrevue1. La prétendue erreur susceptible de contrôle judiciaire commise par l?agent des visas concernait plutôt le défaut d?avoir évalué la demanderesse dans la profession de ?comptable ?qui figurait dans la demande de la demanderesse comme étant la dernière profession qu?elle avait occupée immédiatement avant de déposer sa demande, et le défaut connexe de la part de l?agent des visas de donner une entrevue à la demanderesse afin de pouvoir évaluer son facteur ? personnalité ?.

[7]      Une autre prétendue erreur susceptible de contrôle judiciaire, que la demanderesse n?a qu?indirectement soulevée dans ses observations écrites mais qui a été directement abordé à l?audition devant moi, concernait la claire indication de l?agent des visas, comme il ressort de ses notes CAIPS d?attribuer 59 points d?appréciation à la demanderesse, dont cinq points supplémentaires alors que la lettre de décision n?indiquait que 54 points, sans renvoyer aux points supplémentaires. Clairement, cette différence, si elle n?avait pas été justifiée, aurait résulté en l?attribution d?un droit à une entrevue à la demanderesse.

[8]      L? attribution des cinq points ? supplémentaires ?mentionnés dans les notes CAIPS de l?agent des visas n?est fondée sur aucune disposition législative. Le renvoi à des points d?appréciation ?supplémentaires ?est plutôt apparemment une mesure administrative d?ajustement pour permettre au système informatique en place dans le ministère du défendeur de fonctionner. On trouve ce qui suit à l?alinéa 4.09 du Guide de l?immigration1, sous le titre ?Sélection et contrôle?et qui traite des ?Points supplémentaires - cote de passage ?:

Au terme du Règlement
[...]
Requérants indépendant : 70 points;
[...]
Parents aidés : 65 points

[...]
Remarque :      le système informatique et l? Imm 1343, Fiche d? appréciation de l? immigrant - étranger, ont été conçus pour accepter uniquement une ?cote de passage ?de 70. Pour que la demande des requérants qui réunissent les conditions voulues pour être sélectionnés en qualité d? entrepreneurs, d? investisseurs ou de parents aidés soit acceptée par le système, les agents doivent attribuer des points ?supplémentaires ?. Voici le nombre de points supplémentaires attribués selon les différentes catégories :
[...]
Parents aidés qui ont présenté leur demande après le 1erfévrier 1993 : 5 points;
[...]

Je suis convaincu que l?attribution de 5 points supplémentaires dans les notes CAIPS de l?agent des visas reflétait cet ajustement administratif reconnaissant que les systèmes administratifs ?...ont été conçus pour accepter une ?cote de passage?de 70 ?, et pour aucune autre chose. En conséquence, lorsque dans la lettre de sa décision, l?agent des visas a enlevé les points ? supplémentaires ?, il ne reflétait que la lettre de la loi qui exige une ?cote de passage ?de seulement 65 points ou points d?appréciation pour un demandeur qui est un parent aidé. Ce faisant, l?agent des visas n?a commis aucune erreur.

[9]      Je me tourne donc vers la question de l?omission d?avoir évalué la demanderesse dans la profession de ?comptable ?.

[10]      La demanderesse n?a pas demandé à être évaluée dans la profession de ?comptable ?. Le certificat qu?elle a produit à l?appui de sa demande pour venir au Canada, un certificat semble-t-il de son employeur, n?indiquait pas qu?elle était employée comme ?comptable ?. En tout cas, la

demanderesse n?a été employée que pendant une brève période avant le dépôt de sa demande.

[11]      Le paragraphe 8(1) de la Loi sur l? immigration2prévoit :

8. (1) Where a person seeks to come into Canada, the burden of proving that that person has a right to come into Canada or that his admission would not be contrary to this Act or the regulations rests on that person.

8. (1) Il incombe à quiconque cherche à entrer au Canada de prouver qu'il en a le droit ou que le fait d'y être admis ne contreviendrait pas à la présente loi ni à ses règlements.

[12]      Dans Muhammad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l?Immigration)3, le juge Evans a écrit au paragraphe 19 :

La question à se poser est donc celle de savoir si le demandeur a présenté suffisamment d'éléments de preuve dans sa demande, à l'entrevue et dans la correspondance subséquente provenant de ses consultants en immigration, pour démontrer que la profession [...] était ?inhérente ?à l'expérience de travail du demandeur. Une des sources de difficulté de la présente demande de visa est son manque de clarté et de précision en ce qui concerne la façon dont le demandeur
décrit les fonctions qu'il a exercées dans le cadre de son emploi. Une lettre de l'employeur du demandeur aurait pu éclaircir les choses. Toutefois, bien qu'il ne soit pas loisible à l'agent des visas d'adopter une attitude passive lors de l'examen d'une demande, c'est en dernière analyse au demandeur qu'il incombe de porter à la connaissance de l'agent des visas des renseignements complets au sujet de son expérience d'une façon qui soit facilement compréhensible.

À partir des faits dont il disposait, le juge Evans a conclu que l?agent des visas n?avait pas commis d?erreur en n?évaluant pas la demanderesse sous une autre profession.

[13]      Je suis convaincu que les propos du juge Evans et sa conclusion s?appliquent ici. En l?espèce, il y avait une lettre ou un ?certificat ?de l?employeur de la demanderesse. Cependant, cette lettre ou ce certificat n?a d?aucune façon clarifié les choses d?une manière qui aurait raisonnablement poussé l?agent des visas à évaluer la demanderesse dans la catégorie de ? comptable ?.

[14]      Dans l?affaire Tahir c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l?Immigration)4, Madame le juge Tremblay-Lamer a écrit, au paragraphe 8 :

Le demandeur soutient que lorsqu?une demande est incomplète, il incombe à l?agente des visas de demander des documents justificatifs ou encore d?accorder une entrevue à la personne visée afin de permettre à cette dernière d?appuyer sa demande. Je ne suis pas d?accord. Il incombe au demandeur de déposer une demande accompagnée de tout document justificatif pertinent. L?agent des visas n?a aucune obligation de s?efforcer de parfaire une demande incomplète. De toute évidence, l?agent des visas peut faire enquête lorsque cela est justifié, mais lorsque le demandeur se contente de fournir un simple titre de poste et ne se donne même pas la peine de fournir l?un ou l?autre des documents justificatifs disponibles, je trouve qu?il est choquant de laisser entendre que le fardeau est renversé et de prétendre qu?en l?espèce, l?agente des visas aurait dû faire davantage.

Encore une fois, je suis convaincu que ce qui précède s?applique aux faits de l?espèce.

[15]      Le juge Rothstein est arrivé à la même conclusion dans Lam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l?Immigration)5lorsqu ?il a écrit, aux paragraphes 2 à 4 :

La demande de résidence permanente a été rejetée sans qu'il y ait eu une entrevue. Le demandeur soutient qu'il avait droit à une entrevue afin d'être en mesure de donner à l'agente des visas des éclaircissements sur sa formation et son expérience de chef cuisinier. Cependant, sa demande de résidence permanente est fort claire. Il indiquait comme profession envisagée celle de chef cuisinier, et il n'y a dans la demande ou les
pièces à l'appui rien qui prouve une formation ou expérience dans cette profession. Autrement dit, il n'y avait rien à éclaircir.
Au mieux, il doit vouloir dire que sa demande est ambiguë et que du moment qu'il indiquait, à titre d'antécédents professionnels, qu'il avait été gérant stagiaire et sous-directeur gérant chez McDonald's, l'agente des visas était tenue de vérifier, au moyen d'une entrevue, si ces emplois valaient formation et expérience de chef cuisinier.
Pareil argument, s'il est fondé, donnerait l'avantage aux demandeurs de résidence permanente qui soumettent une demande ambiguë. Il ne saurait être acceptable.
Un agent des visas peut pousser ses investigations plus loin s'il le juge nécessaire. Il est évident qu'il ne peut délibérément ignorer des facteurs dans l'instruction d'une demande, et il doit l'instruire de bonne foi. Cependant, il ne lui incombe nullement de pousser ses investigations plus loin si la demande est ambiguë. C'est au demandeur qu'il incombe de déposer une demande claire avec à l'appui les pièces qu'il juge indiquées. Cette charge de la preuve ne se transfère pas à l'agent des visas, et le demandeur n'a aucun droit à l'entrevue pour cause de demande ambiguë ou d'insuffisance des pièces à l'appui.

[16]      En l?espèce, la demande était plus qu?ambigüe; alors qu?elle indiquait que la demanderesse était employée à titre de ?comptable ?, les seuls documents déposés à l?appui d?une demande d?évaluation en tant que tel, était la lettre ou le certificat indiquant que la demanderesse était un membre du personnel de l?employeur [TRADUCTION] ?[...] travaillant dans une patinoire pour patinage sur glace [...] ?. Il n?étayait tout simplement pas la demande. De plus, la demanderesse n?a donné aucune indication qu?elle souhaitait se faire évaluer dans la catégorie de ?comptable ?. Elle a dit que l?emploi qu?elle souhaitait occuper était celui de ?teneuse de livres ?. On ne peut certainement pas dire, sur le fondement des documents présentés à la Cour, que l?agent des visas dont la décision fait l?objet du présent contrôle a [TRADUCTION] ?[...] délibérément négligé de tenir compte des facteurs en appréciant [la demande] ?ou qu?il n?a pas agi de bonne foi.



[17]      Compte tenu des éléments pris en compte précédemment, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucun avocat n?a demandé la certification d?une question. Aucune question n?est certifiée. Aucune ordonnance n?est rendue pour ce qui est des dépens.


FREDERICK E. GIBSON

_______________________________

Juge

Ottawa (Ontario)

le 14 novembre 1999

Traduction certifiée conforme


Philippe Méla


























SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

DE LA COUR FÉDÉRALE DU CANADA


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                  IMM-6825-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :          Thi My Hien Nguyen c. Le ministre de la Citoyenneté et de l?Immigration
LIEU DE L?AUDIENCE :              Calgary (Alberta)
DATE DE L?AUDIENCE :              le 25 octobre1999
MOTIFS DE L?ORDONNANCE PAR :      MONSIEUR LE JUGE GIBSON
EN DATE DU :                  4 novembre 1999

ONT COMPARU :                     

M. Richard Tumanon                  POUR LA DEMANDERESSE

M. Brad Hardstaff                  POUR LE DÉFENDEUR

                            

            

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :     
M. Richard Tumanon                  POUR LA DEMANDERESSE

Calgary (Alberta)                             

                            

M. Morris Rosenberg         
Sous-procureur général du Canada          POUR LE DÉFENDEUR
__________________

     1      DORS/78-172.

     2      Voir sous-alinéa 11.1a)(ii) du Règlement.     

1      Emploi et Immigration Canada, Guide de l"immigration: Selection et contrôle, vol. 1 (Ottawa : le ministre, 1989 mis à jour au 11-94)

2      L.R.C. (1985), ch. I-2.

3      [1998] A.C.F. no 1481 (QL) (C.F. 1re inst.).

4      [1998] A.C.F. no 1354 (QL) (C.F. 1re inst.).

5      [1998] A.C.F. no 1239 (QL) (C.F. 1re inst.).

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