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Date : 20000907


Dossier : IMM-5255-99


MONTRÉAL (QUÉBEC), LE 7 SEPTEMBRE 2000

EN PRÉSENCE DE :      MONSIEUR LE JUGE DENAULT

ENTRE :


     MOHAMED ABU TAHER


demandeur


     ET

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION



défendeur




     O R D O N N A N C E


     La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.




                             PIERRE DENAULT

                                     Juge


Traduction certifiée conforme




Kathleen Larochelle, LL.B.





Date : 20000907


Dossier : IMM-5255-99



ENTRE :

     MOHAMED ABU TAHER


demandeur


     ET

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION



défendeur




     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE DENAULT

[1]      Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié qui rejetait l'appel interjeté par le demandeur contre une décision du Haut-Commissariat du Canada à Singapour relative au parrainage de sa seconde épouse, après que le demandeur eut divorcé d'avec sa première épouse.

[2]      Le demandeur, un citoyen canadien âgé de 42 ans, est né au Bangladesh et on lui a accordé le droit d'établissement au Canada le 9 mars 1987. Peu de temps après, le demandeur a parrainé la demande de résidence permanente de sa première épouse et de leur trois enfants. Le demandeur a signé un engagement à subvenir à leurs besoins et le 5 décembre 1989, ils sont arrivés au Canada, où ils ont été admis à titre de parents parrainés. Ces trois enfants sont maintenant âgés respectivement de 20, 18 et de 16 ans. De son union avec sa première épouse, le demandeur a deux autres enfants, maintenant âgés de 8 et 9 ans, qui sont nés au Canada en 1990 et 1991.

[3]      Pendant sa troisième grossesse, qui a eu lieu alors qu'elle était toujours au Bangladesh, la première épouse du demandeur a commencé à avoir des problèmes mentaux qui, à un certain moment, sont devenus si sérieux qu'elle ne pouvait plus prendre soin des enfants. La maladie mentale de la première épouse du demandeur avait été traitée sans succès au Canada, au moment où elle a quitté ce pays en mai 1994. Le 24 septembre 1996, la Cour supérieure du Québec a prononcé un jugement de divorce relativement au demandeur et à sa première épouse.

[4]      Le 29 novembre 1996, le demandeur a épousé Nazmun Nahar Begum au Bangladesh (Mme Nahar), qui était alors âgée de 25 ans. Le demandeur n'avait pas rencontré Mme Nahar avant de l'épouser. Après la cérémonie du mariage, tenue à la résidence des parents de la nouvelle mariée, certains membres des familles des deux époux ont présenté Mme Nahar au demandeur. Le 4 décembre 1996, le demandeur a quitté le pays pour se rendre au Canada. Le 6 janvier 1997, le demandeur a signé un engagement à fournir de l'aide afin de parrainer sa deuxième épouse.

[5]      Le 5 avril 1997, la seconde épouse du demandeur a déposé une demande de résidence permanente au Canada. Le 15 avril 1997, le Ministère des relations avec les citoyens et de l'immigration du Québec a fait parvenir une lettre au demandeur qui prévoyait notamment ce qui suit :

     Objet : Refus de votre demande d'engagement en faveur de Begum, Nazmun Nahar.
     La présente fait suite à la demande d'engagement que vous avez soumise en faveur de la personne ci-haut mentionnée.
     Après une étude attentive de votre dossier, nous constatons à regret que vous n'avez pas respecté les obligations consenties en vertu de votre engagement en faveur de : Taher Begum, Perzea; Taher, Akhtar Bakul; Taher, Shoyeal Ahmed; Taher, Foyaz Ahmed, signé le 28 mars 1988.
     En effet, les personnes ci-dessus et/ou des membres de sa famille ont eu recours à la sécurité du revenu ( « aide sociale » ). En conséquence, en vertu de l'article 23b du Règlement sur la sélection des ressortissants étrangers, nous devons refuser votre demande d'engagement en faveur de la personne mentionnée en objet.

[6]      Avant le 15 avril 1997, le demandeur avait quitté son emploi et reçu environ un an de prestations de chômage, et toute sa famille a reçu des prestations d'aide sociale de 1991 à 1997. Le 25 novembre 1997, le Deuxième secrétaire de la section des visas du Haut-commissariat du Canada à Singapour a fait parvenir une lettre à la seconde épouse du demandeur, qui prévoyait qu'elle ne satisfaisait pas aux exigences pour immigrer au Canada à titre de parent [TRADUCTION] « étant donné que votre parent qui est au Canada n'a pas satisfait aux exigences prévues par la loi de sa province qui lui incombaient à titre de répondant [...] » . On a alors conclu qu'elle faisait partie de la catégorie de personnes qui sont inadmissibles au Canada aux termes de l'alinéa 19(2)d ) de la Loi sur l'immigration de 1976.

[7]      Le 13 août 1998, le Haut-commissariat du Canada à Singapour a informé le demandeur que l'engagement à fournir de l'aide, qu'il avait soumis à l'appui de la demande de visa d'immigrant de sa seconde épouse, avait été rejeté.

[8]      Le 27 août 1998, conformément à l'article 77 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi), le demandeur a déposé un avis d'appel contre cette décision devant la Section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Les extraits pertinents de l'article 77 de la Loi sont ainsi rédigés :


77. (1) L'agent d'immigration ou l'agent des visas, selon le cas, peut rejeter une demande parrainée d'établissement présentée par un parent pour l'un ou l'autre des motifs suivants -- dont doit être alors informé le répondant_:

a) le répondant ne remplit pas les conditions fixées par les règlements;

b) le parent ne remplit pas les conditions fixées par la présente loi et ses règlements.

77. (1) Where a person has sponsored an application for landing made by a member of the family class, an immigration officer or a visa officer, as the case may be, may refuse to approve the application on the grounds that

(a) the person who sponsored the application does not meet the requirements of the regulations respecting persons who sponsor applications for landing, or

(b) the member of the family class does not meet the requirements of this Act or the regulations,

and the person who sponsored the application shall be informed of the reasons for the refusal.



(3) S'il est citoyen canadien ou résident permanent, le répondant peut, sous réserve des paragraphes (3.01), (3.02) et (3.1), en appeler devant la section d'appel en invoquant les moyens suivants_:

a) question de droit, de fait ou mixte;

b) raisons d'ordre humanitaire justifiant l'octroi d'une mesure spéciale.

[non souligné dans l'original]

(3) Subject to subsections (3.01), (3.02) and (3.1), a Canadian citizen or permanent resident who has sponsored an application for landing that is refused pursuant to subsection (1) may appeal to the Appeal Division on either or both of the following grounds:

(a) on any ground of appeal that involves a question of law or fact, or mixed law and fact; and

(b) on the ground that there exist compassionate or humanitarian considerations that warrant the granting of special relief.

[emphasis added]

[9]      Devant la Section d'appel, le demandeur a reconnu que la décision de l'agent des visas était fondée en fait et en droit, une admission qu'il fait de nouveau devant notre Cour. L'unique fondement de son appel, aux termes de l'alinéa 77(3)b) de la Loi, était de déterminer s'il existait des raisons d'ordre humanitaire qui justifiaient l'octroi d'une mesure spéciale. Dans sa décision, la Section d'appel a rejeté l'appel, comme elle considérait que [TRADUCTION] « les raisons d'ordre humanitaire exposées par le demandeur étaient insuffisantes [...] pour contrer le motif de non-admissibilité » .

[10]      Dans son mémoire de même qu'à l'audience devant la Cour, le demandeur allègue que la Section d'appel n'a pas tenu compte de l'ensemble de la preuve dont elle était saisie. Plus précisément, le demandeur allègue que la Section d'appel n'a pas tenu compte de la raison pour laquelle les prestations d'aide sociale ont été accordées aux membres de sa famille, du fait qu'il avait remboursé une partie de la somme due à l'aide sociale et du fait qu'il avait besoin que son épouse soit avec lui non pas pour diminuer, mais bien pour accroître sa capacité de gain.

[11]      Le défendeur plaide pour sa part que le demandeur n'a pas réfuté la présomption selon laquelle la Commission a tenu compte de l'ensemble de la preuve1.

[12]      À mon avis, la présente demande de contrôle judiciaire ne peut être accueillie.

[13]      À l'audience, l'avocat du demandeur a donné des détails sur les malheurs de son client et a plaidé énergiquement que la Section d'appel avait omis de reconnaître et d'analyser d'importants faits qui avaient été portés à l'attention de la Commission tels la maladie de l'une de ses filles, les difficultés qu'il avait avec son fils, et principalement le besoin qu'il avait d'avoir sa seconde épouse à ses côtés pour prendre soin de sa famille pendant qu'il irait travailler. En somme, le demandeur se plaint du fait que les motifs de la Section d'appel sont insuffisants au point de rendre sa décision inintelligible.

[14]      Bien que je sois d'accord que la Section d'appel aurait pu expliquer plus précisément comment et pourquoi les raisons d'ordre humanitaire avancées par le demandeur étaient insuffisantes pour contrer le motif de non-admissibilité, il n'en demeure pas moins qu'il est tout à fait possible de comprendre le fondement de la décision2. Il s'agit d'un principe élémentaire de droit que l'on doive présumer qu'un tribunal a tenu compte de l'ensemble de la preuve dont il était saisi. Pourtant, un tribunal n'a pas l'obligation de mentionner dans ses motifs tous les éléments de preuve dont il a tenu compte avant de rendre sa décision. Par surcroît, le fait que certains éléments de preuve ne soient pas mentionnés dans les motifs du tribunal ne veut pas dire qu'il n'en a pas été tenu compte.

[15]      En l'espèce, le fait que la Section d'appel ait fait référence à plusieurs faits importants exposés par le demandeur rend la décision intelligible : le tribunal n'était pas convaincu de l'existence de raisons d'ordre humanitaire qui justifiaient l'octroi d'une mesure spéciale sollicitée par le demandeur. J'aurais pu conclure autrement, mais ce n'est pas le critère à appliquer.

[16]      Dans la mesure où le demandeur n'a pas su convaincre la Cour qu'elle devait intervenir, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucun des avocats n'a recommandé la certification d'une question grave de portée générale.

                             PIERRE DENAULT

                                     juge



Montréal (Québec)

Le 7 septembre 2000




Traduction certifiée conforme




Kathleen Larochelle, LL.B.


                             COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                             SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE



Date : 20000907


Dossier : IMM-5255-99



                             ENTRE :

                                 MOHAMED ABU TAHER


demandeur


                                         ET

                             LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ                                  ET DE L'IMMIGRATION


défendeur







                            

            

                             MOTIFS DE L'ORDONNANCE


                            



     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER




DOSSIER :                  IMM-5255-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :      MOHAMED ABU TAHER

                     ET

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                     ET DE L'IMMIGRATION


LIEU DE L'AUDIENCE :          Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE :          Le 5 septembre 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR :      MONSIEUR LE JUGE DENAULT

EN DATE DU :              7 septembre 2000



ONT COMPARU :

Jean-Michel Montbriand                      POUR LE DEMANDEUR

Normand Lemyre                          POUR LE DÉFENDEUR



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Jean-Michel Montbriand                      POUR LE DEMANDEUR

Morris Rosenberg                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

__________________

1      Voir Woolaston c. M.E.I. , [1973] R.C.S. 102 (C.S.C.); Florea c. M.E.I. (11 juin 1993), A-1307-91 (C.F.A.); Gui c. Canada (M.C.I.), [1993] A.C.F. no 1184 (C.F. 1re inst.) [le juge Rouleau]; Wai c. Canada (M.C..I.) (1996), 35 Imm. L.R. (2 éd.) 173 (C.F. 1re inst.) [le juge Heald]; Archila c. Canada (M.C.I.), [1999] A.C.F. no 1717 (C.F. 1re inst.) [le juge Tremblay-Lamer], Harb c. Canada (M.C.I.), [1999] A.C.F. no 1244 (C.F. 1re inst.) [le juge Pinard]; Shumanov c. Canada (M.C.I.), [1999] A.C.F. no 763 (C.F. 1re inst.) [le juge Teitelbaum]; Lutete c. Canada (M.C.I.), [1999] A.C.F. no 420 (C.F. 1re inst.) [le juge Blais].

2      Blanchard c. Control Data Canada Ltd. [1984] 2 R.C.S. 476, à la page 501.

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