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Date : 20040818

Dossier : IMM-5722-03

Référence : 2004 CF 1141

Toronto (Ontario), le 18 août 2004

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE von FINCKENSTEIN

ENTRE :

PRASANTHI SHIRONIKA AMALI ALUTHGAMA GURUGE DE SILVA

(alias Prasanthi Shiro De Silva)

                                                                                                                                       demanderesse

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision de la Section de la protection des réfugiés (la SPR) suivant laquelle la demanderesse n'est ni une réfugiée au sens de la Convention ni une personne à protéger.

[2]                La demanderesse, âgée de 33 ans, est originaire du Sri Lanka. Elle prétend craindre avec raison d'être persécutée principalement par des fonctionnaires du gouvernement, sa crainte étant fondée sur son appui présumé pour les TLET (les Tigres de libération de l'Eelam tamoul).


[3]                La demanderesse est entrée pour la première fois au Canada le 6 avril 1998. Depuis lors, on a refusé de lui reconnaître le statut de réfugiée à trois reprises. Les allégations faites dans sa troisième demande, laquelle fait l'objet de la présente procédure, correspondent en grande partie à celles faites dans ses deux demandes antérieures. Toutefois, la demanderesse a déposé un nouvel élément de preuve à l'appui de la demande d'asile à l'étude en l'espèce, à savoir une sommation de police datée du 22 février 2001 relative à l'aide qu'elle aurait apportée à des terroristes au Sri Lanka.

[4]                Dans ses motifs datés du 9 juin 2003, la SPR a conclu que le principe de la chose jugée s'appliquait aux allégations de la demanderesse relatives à l'article 96 et à l'alinéa 97(1)a) et qu'elle ne tiendrait donc compte que de la période postérieure à la décision rendue sur sa deuxième demande. Pour ce qui est de cette période, elle a rejeté l'allégation de la demanderesse suivant laquelle la situation dans le pays avait récemment changé et elle a conclu que la demanderesse n'avait fourni aucune preuve crédible à l'appui de ses allégations. La SPR a également conclu qu'elle n'était pas tenue d'examiner l'allégation de la demanderesse relative à l'alinéa 97(1)b) parce que sa demande était clairement liée aux opinions politiques qu'on lui imputait, ce qui faisait en sorte que la demande de la demanderesse était visée par l'article 96 de la Loi. En conséquence, elle a conclu que la demanderesse n'était ni une réfugiée au sens de la Convention ni une personne à protéger.

[5]                La demanderesse soulève deux questions :

1.          La SPR a-t-elle commis une erreur dans son interprétation de l'article 97 de la Loi?

2.          La SPR a-t-elle commis une erreur en se fondant sur des conclusions relatives à la crédibilité tirées dans le cadre des demandes d'asile antérieures de la demanderesse?

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

[6]                Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 :

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention - le réfugié - la personne qui, craignant avec raison d'être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

b) soit, si elle n'a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n'a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

[...]

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d'autres personnes originaires de ce pays ou qui s'y trouvent ne le sont généralement pas,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes - sauf celles infligées au mépris des normes internationales - et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles, [...]


NORME DE CONTRÔLE

[7]                Dans la décision Conkova c. Canada (M.C.I.), [2000] A.C.F. no 300, au paragraphe 5, le juge Pelletier (maintenant juge à la Cour d'appel fédérale) a conclu :

La norme de contrôle qu'il convient d'appliquer aux décisions de la SSR [maintenant la SPR] est, de façon générale, celle de la décision manifestement déraisonnable, sauf pour ce qui est des questions portant sur l'interprétation d'une loi, auquel cas la norme qu'il convient d'appliquer est celle de la décision correcte.

[8]                En conséquence, la norme de contrôle applicable pour la question 1 est la décision correcte et la norme de contrôle applicable pour la question 2 est la décision manifestement déraisonnable.

Question 1 :     La SPR a-t-elle commis une erreur dans son interprétation de l'article 97 de la Loi?

[9]                La demanderesse soutient que la SPR a établi une distinction artificielle entre les alinéas 97(1)a) et b) de la Loi. Elle prétend que la SPR était tenue d'examiner ses allégations relatives aux deux sous-alinéas, indépendamment de l'existence d'un lien avec l'un des motifs prévus à l'article 96 de la Loi.


[10]            Aux pages 3 et 4 de ses motifs, la SPR a mentionné qu'elle n'examinerait pas l'allégation relative à l'alinéa 97(1)b) de la Loi parce la demande était liée à l'un des motifs prévus à l'article 96 de la Loi, ce qui faisait en sorte que la demande était visée par cette dernière disposition.

[11]            Dans la décision Bouaouni c. Canada (M.C.I.), [2003] A.C.F. no 1540, le juge Blanchard s'est penché sur un cas où la SPR n'avait pas tenu compte des deux motifs prévus à l'article 97. Il a conclu au paragraphe 42 :

Mis à part les éléments de preuve déclarés non crédibles par la Commission, il n'y en avait pas d'autres dont celle-ci disposait et découlant de la documentation sur le pays ou de toute autre source qui auraient pu conduire la Commission à conclure que le demandeur était une personne à protéger. Dans ces circonstances, je conclus que la Commission a bien commis une erreur en omettant d'analyser spécifiquement la revendication fondée sur l'article 97. Je conclus toutefois également, exerçant à cet égard mon pouvoir discrétionnaire, que cette erreur n'a pas d'effet déterminant sur l'issue de l'affaire. Je conclus qu'il y avait matière, eu égard à la preuve, pour la Commission de conclure que le demandeur n'était pas une « personne à protéger » aux termes des alinéas 97(1)a) et b) de la Loi.

[12]            Le même raisonnement s'applique en l'espèce. Bien que la SPR ait commis une erreur en omettant d'examiner l'allégation de la demanderesse relative à l'alinéa 97(1)b), il ne s'agit pas d'une erreur importante compte tenu de sa conclusion suivant laquelle la demanderesse n'avait fourni aucun élément de preuve crédible et digne de foi à l'appui de son allégation voulant qu'elle serait en danger au Sri Lanka.


Question 2 :     La SPR a-t-elle commis une erreur en se fondant sur des conclusions relatives à la crédibilité tirées dans le cadre des demandes d'asile antérieures de la demanderesse?

[13]            La demanderesse soutient que la SPR a commis une erreur en adoptant les conclusions tirées antérieurement par d'autres tribunaux relativement à la crédibilité. Elle maintient qu'elle était autorisée à exercer ses droits au titre de l'ancien régime d'immigration et de faire de multiples demandes fondées sur la même preuve. Elle prétend que la SPR a commis une erreur en tirant une conclusion défavorable du fait qu'elle c'est ce qu'elle avait choisi de faire.

[14]            Dans la décision Vasquez c. Canada (M.C.I.), [1998] A.C.F. no 1769, le juge Rothstein (maintenant juge à la Cour d'appel fédérale) a conclu que le principe de la chose jugée signifiait que le demandeur ne pouvait soulever à nouveau en justice des questions ayant été tranchées dans le cadre d'une demande d'asile antérieure. La juge Dawson, dans Joseph c. Canada (M.C.I.), [2004] A.C.F. no 838, s'est récemment penchée sur cette décision dans le cadre d'un examen des conclusions tirées par la SPR quant à la crédibilité. Au paragraphe 5 de sa décision, elle a conclu :

Une conclusion antérieure selon laquelle le témoignage livré par un témoin n'était pas crédible ou fiable ne saurait dicter, en vertu de la doctrine de la chose jugée, la conclusion à tirer quant à la crédibilité ou à la fiabilité d'un témoignage subséquent du témoin sur des faits différents.

[15]            Il ressort de cette décision que la SPR ne peut conclure à la non-crédibilité du récit actuel du demandeur, fondé sur des faits différents, du simple fait que le demandeur a été jugé non crédible par le passé.

[16]            Cependant, ce n'est pas ce qui s'est passé en l'espèce. La demande de la demanderesse reposait sur les mêmes faits que ceux soulevés dans ses demandes antérieures. Le seul ajout au dossier est la sommation de police que la SPR a jugée non fiable. En conséquence, les circonstances de l'espèce sont différentes de celles de l'affaire Joseph, précitée. La SPR n'a pas commis d'erreur en se fondant sur les conclusions tirées antérieurement par d'autres tribunaux relativement à la crédibilité.

[17]            En conséquence, la présente demande ne peut être accueillie.

                                        ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que la présente demande soit rejetée.

« K. von Finckenstein »

Juge

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


COUR FÉDÉRALE

                                                     

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                     IMM-5722-03             

INTITULÉ :                                                    PRASANTHI SHIRONIKA AMALI ALUTHGAMA GURUGE DE SILVA (alias Prasanthi Shiro De Silva)

c.                                 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            LE 17 AOÛT 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    LE JUGE von FINCKENSTEIN

DATE DES MOTIFS :                                   LE 18 AOÛT 2004

COMPARUTIONS :

Robert Israel Blanshay                           POUR LA DEMANDERESSE

Leena Jaakkimainen                                           POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Robert Israel Blanshay                           POUR LA DEMANDERESSE

Toronto (Ontario)

Morris Rosenberg                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)


COUR FÉDÉRALE

                                 Date : 20040818

                    Dossier : IMM-5722-03

ENTRE :

PRASANTHI SHIRONIKA AMALI ALUTHGAMA GURUGE DE SILVA

(alias Prasanthi Shiro De Silva)

                                    demanderesse

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                           défendeur

                                                                                               

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE

                                                                                


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