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     Date: 19990310

     Dossier: T-1219-98

         DANS L'AFFAIRE du Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2, tel que modifié,         

     et

         DANS L'AFFAIRE d'un ordre de paiement émis le 12 décembre 1997 à Raymond Laliberté, 5405, avenue Trudeau, Saint-Hyacinthe (Québec), J2S 7W9, administrateur de Transport Damaco International Ltée, en vertu du paragraphe 251.1(1) du Code canadien du Travail, L.R.C. (1985), ch. L-2, tel que modifié et concernant monsieur Pierre Beauregard et al         

     et

         DANS L'AFFAIRE du dépôt à la Cour fédérale dudit ordre de paiement en vertu du paragraphe 251.15(1) du Code canadien du travail         

         CONTRE:

     RAYMOND LALIBERTÉ

     Débiteur judiciaire

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE:

[1]      Il s'agit d'une requête du débiteur judiciaire, M. Raymond Laliberté (le débiteur), aux fins d'obtenir le sursis d'ordonnances provisoires de saisie-arrêt rendues les 25 novembre et 16 décembre 1998 ainsi que le sursis de l'enregistrement d'un ordre de paiement enregistré le 16 juin 1998 auprès de cette Cour. Cette requête du débiteur est mue en vertu de la règle 398 des Règles de la Cour fédérale (1998) (les règles). Dans sa partie pertinente, cette règle se lit comme suit:

                      398 (1) Sur requête d'une personne contre laquelle une ordonnance a été rendue:                 
                      a) dans le cas où l'ordonnance n'a pas été portée en appel, la section de la Cour qui a rendu l'ordonnance peut surseoir à l'ordonnance;                 

Les faits

[2]      En date du 21 juillet 1997, Mario Desrosiers, agent des affaires du travail, Développement des ressources humaines Canada, a envoyé un avis de réclamation au débiteur au montant de 210 069,47 $ pour paiement, par un administrateur de l'employeur, des salaires des employés, sur la base de l'article 251.18 du Code canadien du travail, L.R.C. 1985, ch. L-2, tel que modifié (le Code).

[3]      En date du 12 décembre 1997, un ordre de paiement (l'Ordre de paiement) a été émis par Mario Desrosiers, à titre d'inspecteur, à l'encontre du débiteur en vertu de l'article 251.18 du Code.

[4]      En date du 30 décembre 1997, le débiteur a porté en appel l'Ordre de paiement en vertu de l'article 251.11(1) du Code.

[5]      Le débiteur allègue qu'à l'époque il lui était impossible d'obtenir les fonds nécessaires à la consignation exigée pour se pourvoir en appel.

[6]      En date du 9 février 1998, l'appel était rejeté au motif qu'il ne respectait pas les conditions de recevabilité du paragraphe 251.11(2) du Code, à savoir que le débiteur n'avait pas remis au ministre pour consignation la somme visée par l'Ordre de paiement.

[7]      En date du 16 juin 1998, l'Ordre de paiement était enregistré auprès de cette Cour, le tout tel que le permet le paragraphe 251.15(3) du Code.

[8]      Les divers articles pertinents du Code se lisent comme suit:

                      251.1 (1) L'inspecteur qui constate que l'employeur n'a pas versé à l'employé le salaire ou une autre indemnité auxquels celui-ci a droit sous le régime de la présente partie peut ordonner par écrit à l'employeur ou, sous réserve de l'article 251.18, à un administrateur d'une personne morale visé à cet article de verser le salaire ou l'indemnité en question; il est alors tenu de faire parvenir une copie de l'ordre de paiement à l'employé à la dernière adresse connue de celui-ci.                 
                 [...]                 
                      251.11 (1) Toute personne concernée par un ordre de paiement ou un avis de plainte non fondée peut, par écrit, interjeter appel de la décision de l'inspecteur auprès du ministre dans les quinze jours suivant la signification de l'ordre ou de sa copie, ou de l'avis.                 
                      (2) L'employeur et l'administrateur de personne morale ne peuvent interjeter appel d'un ordre de paiement qu'à la condition de remettre au ministre la somme visée par l'ordre, sous réserve, dans le cas de l'administrateur, du montant maximal visé à l'article 251.18.                 
                 [...]                 
                      251.15 (3) La Cour fédérale procède à l'enregistrement de l'ordre de paiement, de l'ordonnance ou de l'ordre de versement dès leur dépôt; l'enregistrement leur confère valeur de jugement de ce tribunal et, dès lors, toutes les procédures d'exécution applicables à un tel jugement peuvent être engagées à leur égard.                 
                 [...]                 
                      251.18 Les administrateurs d'une personne morale sont, jusqu'à concurrence d'une somme équivalant à six mois de salaire, solidairement responsables du salaire et des autres indemnités auxquels l'employé a droit sous le régime de la présente partie, dans la mesure où la créance de l'employé a pris naissance au cours de leur mandat et à la condition que le recouvrement de la créance auprès de la personne morale soit impossible ou peu probable.                 

[9]      L'ordre de paiement ayant été enregistré en cette Cour, les créanciers judiciaires du débiteur ont obtenu les 25 novembre et 16 décembre 1998 diverses ordonnances provisoires de saisie-arrêt à l'encontre de tiers-saisis considérés devoir des sommes au débiteur (les ordonnances).

Analyse

[10]      Le débiteur recherche maintenant la suspension de l'enregistrement de l'Ordre de paiement et des ordonnances au motif qu'il aurait déposé devant cette Cour en date du 4 mars 1999 une procédure visant à faire déclarer ultra vires et contraires à la Charte les articles 251.11(2) et 251.18 du Code (la requête en inconstitutionnalité du débiteur). Bien entendu, cette requête en inconstitutionnalité du débiteur vise également à faire annuler les décisions de l'office fédéral prises en vertu de ces articles de loi, soit l'Ordre de paiement et la décision du ministre de rejeter l'appel logé à l'encontre de cet Ordre de paiement.

[11]      Bien que cette dernière procédure du débiteur ne soit pas directement devant moi dans le cadre de sa requête sous la règle 398, je me dois d'en évaluer toutefois de façon préliminaire le sérieux puisque c'est en fonction d'elle que le présent sursis est recherché. De plus, cette même évaluation du caractère sérieux est la première étape qu'un requérant doit franchir dans le cadre d'une demande de sursis telle celle à l'étude. En effet, tel que l'a rappelé la Cour suprême dans l'arrêt RJR - MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311, à la page 334:

                 L'arrêt Metropolitan Stores établit une analyse en trois étapes que les tribunaux doivent appliquer quand ils examinent une demande de suspension d'instance ou d'injonction interlocutoire. Premièrement, une étude préliminaire du fond du litige doit établir qu'il y a une question sérieuse à juger. Deuxièmement, il faut déterminer si le requérant subirait un préjudice irréparable si sa demande était rejetée. Enfin, il faut déterminer laquelle des deux parties subira le plus grand préjudice selon que l'on accorde ou refuse le redressement en attendant une décision sur le fond.                 

[12]      La requête en inconstitutionnalité du débiteur constitue bel et bien une simple requête et non une demande de contrôle judiciaire entreprise aux termes du paragraphe 18.1(1) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. 1985, ch. F-7 (la Loi). Or, il m'apparaît qu'au lieu de présenter simplement sa requête en inconstitutionnalité en invoquant l'article 18.1 de la Loi et la règle 399, le débiteur se devait d'entreprendre une demande de contrôle judiciaire puisqu'il vise l'inconstitutionnalité de textes législatifs et l'application qu'un office fédéral a fait de ces textes.

[13]      Le procureur du débiteur a soutenu devant moi que puisque l'Ordre de paiement avait été enregistré en cette Cour, le processus d'exécution forcée propre à cette Cour était désormais enclenché et l'on pouvait considérer qu'il était suffisant au débiteur d'invoquer la règle 399 pour asseoir valablement en droit ses recherches d'inconstitutionnalité. Cette règle dans sa partie pertinente se lit comme suit:

                      399 (1) La Cour peut, sur requête, annuler ou modifier l'une des ordonnances suivantes, si la partie contre laquelle elle a été rendue présente une preuve prima facie démontrant pourquoi elle n'aurait pas dû être rendue:                 
                      a) toute ordonnance rendue sur requête ex parte;                 
                      b) toute ordonnance rendue en l'absence d'une partie qui n'a pas comparu par suite d'un événement fortuit ou d'une erreur ou à cause d'un avis insuffisant de l'instance.                 

[14]      Je ne puis voir comment l'on peut soutenir que l'un ou l'autre des alinéas ci-dessus entre en jeu. L'enregistrement de l'Ordre de paiement n'implique pas qu'une ordonnance ait été rendue suite à une requête ex parte. Cet enregistrement se fait sur simple demande au greffe sans nécessité d'une requête et sans besoin d'une ordonnance agréant à la demande d'enregistrement. De plus, la règle 399 est certes insuffisante pour soutenir tout le bagage d'inconstitutionnalité présenté par le débiteur. Enfin, la règle 399 ne prévoit pas la possibilité de s'attaquer à des textes législatifs.

[15]      C'est donc par demande de contrôle judiciaire que le débiteur se devait d'entrevoir son attaque constitutionnelle. Comme le débiteur est hors délai pour ce faire quant à l'une ou l'autre des décisions visées, soit l'Ordre de paiement du 12 décembre 1997 ou la décision du 9 février 1998 du ministre de rejeter l'appel du débiteur, le débiteur devra, s'il entend poursuivre dans la même voie, rechercher auprès d'un juge de cette Cour une prorogation du délai prévu au paragraphe 18.1(2) de la Loi. Ce paragraphe se lit comme suit:

                      18.1 (2) Les demandes de contrôle judiciaire sont à présenter dans les trente jours qui suivent la première communication, par l'office fédéral, de sa décision ou de son ordonnance au bureau du sous-procureur général du Canada ou à la partie concernée, ou dans le délai supplémentaire qu'un juge de la Section de première instance peut, avant ou après l'expiration de ces trente jours, fixer ou accorder.                 

[16]      Vu les déficiences que l'on peut noter quant à la requête en inconstitutionnalité du débiteur, je ne puis considérer que la requête présente de ce dernier en sursis sous la règle 398 franchit la première étape du caractère sérieux. Partant, cette requête sera rejetée avec dépens.

[17]      Par ailleurs, je ne considère pas que les articles 24 et 52 de la Charte ou la juridiction inhérente de cette Cour soient d'aucun secours au débiteur pour échapper aux exigences précitées.

[18]      Vu les motifs qui précèdent, je ne considère pas qu'il y a lieu également de donner suite à la requête verbale du procureur du débiteur et d'accorder à ce dernier de façon provisoire, le temps qu'il initie sa demande de contrôle judiciaire, les suspensions qu'il recherche. C'est là à mon avis une mesure provisoire qu'un juge de cette Cour pourrait être amené à considérer aux termes d'une requête en vertu de l'article 18.2 de la Loi.

Richard Morneau

     protonotaire

MONTRÉAL (QUÉBEC)

le 10 mars 1999

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     NOMS DES AVOCATS ET DES PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU DOSSIER DE LA COUR:

INTITULÉ DE LA CAUSE:

T-1219-98

DANS L'AFFAIRE du Code canadien du travail, L.R.C. (1985), ch. L-2, tel que modifié,

et

DANS L'AFFAIRE d'un ordre de paiement émis le 12 décembre 1997 à Raymond Laliberté, 5405, avenue Trudeau, Saint-Hyacinthe (Québec), J2S 7W9, administrateur de Transport Damaco International Ltée, en vertu du paragraphe 251.1(1) du Code canadien du Travail, L.R.C. (1985), ch. L-2, tel que modifié et concernant monsieur Pierre Beauregard et al

et

DANS L'AFFAIRE du dépôt à la Cour fédérale dudit ordre de paiement en vertu du paragraphe 251.15(1) du Code canadien du travail

CONTRE

RAYMOND LALIBERTÉ

     Débiteur judiciaire

LIEU DE L'AUDIENCE:Montréal (Québec)

DATE DE L'AUDIENCE:le 8 mars 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE DE ME RICHARD MORNEAU, PROTONOTAIRE

DATE DES MOTIFS DE L'ORDONNANCE:le 10 mars 1999

COMPARUTIONS:


Me Christian Immer

Me Sébastien Richemont

pour le débiteur judiciaire


Me Christian Lamoureux

Me Stéphane Paquette

pour les créanciers judiciaires

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER:


Woods & Associés

Montréal (Québec)

pour le débiteur judiciaire


Paquette & Lamoureux

Montréal (Québec)

pour les créanciers judiciaires



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