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Date : 20000531


Dossier : IMM-5423-99



ENTRE :

     SHAKIR HUSSAIN

     SADAF HUMA HUSSAIN

     SAIRA HUSSAIN

     ASFANDYAR HUSSAIN

     RUBINA SHAKIR

     demandeurs

ET

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION

     défendeur


     MOTIFS DE L"ORDONNANCE


LE JUGE NADON


[1]      Le 16 mai 2000, j"ai rejeté la requête du demandeur pour un sursis d"exécution de l"ordonnance de renvoi délivrée contre lui en vue de son renvoi aux États-Unis. Voici mes motifs.

[2]      Les demandeurs sont des citoyens du Pakistan. Le 3 octobre 1995, ils sont arrivés au Canada via les États-Unis et ont demandé le statut de réfugié au Canada. Les demandeurs sont Shakir Hussain, sa femme et ses trois enfants, dont l"un est né au Canada le 21 octobre 19951.

[3]      Devant la Commission du statut de réfugié, M. Hussain a soutenu qu"il serait persécuté au Pakistan par suite de son groupe ethnique et de ses opinions politiques, notamment son statut de membre dans le mouvement Mohajir Qaumi (MMQ). M. Hussain soutient qu"avant son départ du Pakistan, il a été arrêté, battu et torturé un certain nombre de fois. Il soutient aussi que son père a été arrêté et assassiné, son oncle sérieusement blessé et son frère tué par balles.

[4]      L"épouse de M. Hussain et ses enfants fondent leur réclamation sur le groupe social, savoir la famille. Mme Hussain a aussi déclaré à la Commission du statut de réfugié qu"elle avait été arrêtée et détenue avant de quitter le Pakistan.

[5]      La Commission du statut de réfugié a conclu que les demandeurs n"étaient pas des réfugiés. La Commission a conclu que ni M. Hussain ni son épouse n"étaient des témoins crédibles et qu"ils n"avaient pas prouvé les fondements de leur réclamation, savoir leur identité de Mohajir et leur affiliation avec le MMQ. À la page 5 de sa décision, la Commission déclare ceci :

         [traduction]

         Tout compte fait, l"effet cumulatif des questions susmentionnées a amené le tribunal à mettre en doute l"origine ethnique du demandeur, son affiliation politique avec le MMQ et sa crédibilité en général.

[6]      Le demandeur a sollicité l"autorisation de faire procéder au contrôle judiciaire, requête que notre Cour a rejetée. Le 24 septembre 1997, les demandeurs ont présenté une demande dans la catégorie des demandeurs non reconnus du statut de réfugié au Canada (CDNRSRC). Cette demande a été rejetée le 10 juillet 1998. Les demandeurs n"ont pas déposé de requête en autorisation.

[7]      Le 13 août 1998, les demandeurs ont présenté une requête d"exemption des exigences pour l"obtention d"un visa d"immigrant pour motifs humanitaires. Cette demande a été rejetée le 25 janvier 1999. La décision de S. St-Vincent, conseiller en immigration, est rédigée en partie comme suit :

         [traduction]

         La dispense ministérielle ne peut être accordée qu"en présence de motifs humanitaires suffisants. Un examen approfondi des circonstances de votre cas n"indique pas qu"il y a lieu d"accorder une telle dispense. Par conséquent, votre demande de résidence permanente au Canada ne peut avoir aucune suite. Vous devrez donc soumettre votre demande de résidence permanente à une mission canadienne à l"étranger, comme l"exige le paragraphe 9(1) de la Loi sur l"immigration.

[8]      Les demandeurs sollicitent présentement l"autorisation de faire procéder au contrôle judiciaire de la décision de M. St. Vincent, requête qui n"a pas encore été tranchée. Dans la requête en l"instance, les demandeurs cherchent à obtenir un sursis d"exécution de l"ordonnance de renvoi, jusqu"à la conclusion des procédures de contrôle judiciaire.

[9]      J"ai rejeté la requête de sursis d"exécution de l"ordonnance de renvoi parce que je suis d"avis que les demandeurs ne subiront pas un préjudice irréparable s"ils sont renvoyés aux États-Unis. Nonobstant les arguments très bien présentés de Me Istvanffy, pour les motifs donnés dans Alexandre Mikhailov et autres c. MCI, dossier IMM-4265-99, le 29 mars 2000, je suis d"avis que le renvoi aux États-Unis de personnes qui n"ont pu obtenir le statut de réfugié ne les expose pas à un préjudice irréparable.

[10]      De plus, selon moi les demandeurs ne subiraient pas un préjudice irréparable même si les États-Unis les renvoyaient au Pakistan. La crainte des demandeurs d"être persécutés au Pakistan, qui fonde leur désir de ne pas retourner dans leur pays, se rattache principalement aux allégations de M. Hussain qu"il a été arrêté et torturé au Pakistan parce qu"il était membre du MMQ. Comme je l"ai déjà dit, la Commission du statut de réfugié n"a pas retenu cette allégation, parce qu"elle était d"avis que M. Hussain et son épouse n"étaient tout simplement pas crédibles. L"agente chargée de la CDNRSRC est arrivée à la même conclusion, en déclarant à la page 3 de sa décision :

À la lecture du dossier, je conclus que les sujets n"ont pas établi de façon crédible qu"ils sont vraiment Mohajirs et qu"ils seront ciblés à leur retour. Monsieur ne sera pas arrêté, considérant son profil personnel de non Mohajir, non membre du MQM, et les documents produits ont été selon moi, fabriqué [sic ] pour supporter leur histoire. Je ne donne pas de poids à ceux-ci.
En conclusion, le sujet et sa famille ne seront pas l"objet de sanctions excessives, de traitement inhumain ou de menaces pour leur vie en retournant au Pakistan.

[11]      Quant aux documents supplémentaires présentés à l"appui de la demande de considérations pour motifs humanitaires, ils ne me convainquent pas que les demandeurs seraient torturés s"ils retournaient au Pakistan. Par conséquent, je n"ai pas été convaincu qu"ils subiraient un préjudice irréparable.

[12]      Je veux faire remarquer que dans leur demande présentée à M. St. Vincent pour considérations humanitaires, les demandeurs ont procédé comme si M. Hussain était un membre du MMQ, nonobstant les conclusions très claires au contraire auxquelles était arrivée la Commission du statut de réfugié et l"agente chargée de la CDNRSRC. Les demandeurs semblent croire que s"ils continuent à ajouter des documents au dossier, les conclusions de la Commission du statut de réfugié quant à leur crédibilité seront " infirmées " ou " oubliées ". Selon moi, ils sont dans l"erreur puisque l"agent qui traite une demande pour motifs humanitaires ne siège ni en appel ni en contrôle de la Commission du statut de réfugié ou de la décision de l"agente chargée de la CDNRSRC. Par conséquent, en traitant la demande pour motifs humanitaires, M. St. Vincent ne pouvait se fonder sur le fait que M. Hussain aurait été membre du MMQ, étant donné les conclusions de la Commission du statut de réfugié sur cette question. En bref, l"objectif d"une demande pour motifs humanitaires n"est pas de rediscuter des faits dont avait été saisie la Commission du statut de réfugié, non plus que de faire indirectement ce qui ne peut être fait directement, savoir contester les conclusions de la Commission du statut de réfugié.

[13]      En conclusion, j"ai rejeté la requête des appelants pour obtenir un sursis d"exécution à leur ordonnance de renvoi, étant donné que j"étais d"avis que leur renvoi aux États-Unis ou au Pakistan ne leur causerait pas un préjudice irréparable.



     Marc Nadon

     Juge



OTTAWA (Ontario)

Le 31 mai 2000





Traduction certifiée conforme


Martine Brunet, LL.B.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER




No DU GREFFE :              IMM-5423-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :          SHAKIR HUSSAIN ET AUTRES c. MCI


LIEU DE L'AUDIENCE :          MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L"AUDIENCE :          LE 12 MAI 2000

MOTIFS DE L"ORDONNANCE DE M. LE JUGE NADON

EN DATE DU :              31 MAI 2000



ONT COMPARU


M. Stewart Istvanffy                          POUR LE DEMANDEUR

Mme Sylviane Roy                          POUR LE DÉFENDEUR



AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


M. Stewart Istvanffy                          POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)


M. Morris Rosenberg                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

__________________

1      Il va sans dire que l"enfant né au Canada ne réclame pas le statut de réfugié.

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