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Date : 20010117

Dossier : T-1419-99

ENTRE :

                                                           CHI KIT GINO NG

                                                                                                                                        demandeur

                                                                         - et -

                LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                         défendeur

                                               MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE HANSEN

Introduction

[1]         Dans le présent appel, le demandeur conteste la décision du 8 juin 1999 dans laquelle le juge de la citoyenneté H. Peter Oberlander a rejeté sa demande de citoyenneté au motif qu'il ne satisfaisait pas aux exigences de résidence prévues à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29 (la Loi).

Le contexte


[2]         Le demandeur, ses parents et sa soeur ont obtenu le statut de résidents permanents à Vancouver le 4 mars 1994. Ses parents et sa soeur son maintenant des citoyens canadiens. Le demandeur a présenté une demande de citoyenneté canadienne le 18 mars 1998. Au cours de la période de quatre ans qui a précédé sa demande, il s'est absenté du Canada pendant approximativement 863 jours et il a été présent au Canada pendant 623 jours. En conséquence, il lui manque 472 jours sur les 1 095 jours requis.

[3]         Durant son absence du pays, le demandeur a fait sa dernière année d'études

secondaires et des études universitaires aux États-Unis, ayant fait sans succès des demandes d'admission dans les universités en Colombie-Britannique. Ses parents, à l'égard desquels il demeure une personne à charge, ont assumé entièrement ses frais de scolarité et de subsistance. Le demandeur retourne au foyer familial à Vancouver à l'occasion des vacances scolaires, bien que la distance et les dépenses que de tels voyages entraînent l'empêchent de retourner chez ses parents chaque fois qu'il aurait le loisir de le faire

[4]         Le demandeur a sa propre chambre, des meubles et des effets personnels dans la maison de ses parents à Vancouver. Il prétend qu'il est chez lui à Vancouver et que, à part sa période d'études à l'étranger, c'est l'endroit où il a centralisé son mode de vie; il désire, comme les autres membres de sa famille, être un citoyen canadien. Pour sa part, le défendeur affirme que le demandeur n'a pas satisfait aux exigences de résidence prévues dans la Loi.


[5]         Le juge de la citoyenneté a conclu dans ses motifs que [TRADUCTION] « [...] pendant la période qui a précédé le dépôt de votre demande de citoyenneté le 19 mars 1998, vous avez été absent pendant environ 838 jours et vous avez été présent pendant seulement 623 jours, de sorte qu'il vous manque 472 jours sur les 1 095 jours requis. Après avoir soigneusement examiné votre cas, j'ai conclu que vos importantes absences du Canada ne pouvaient être considérées comme des périodes de résidence pour les fins de la Loi » .

[6]         La disposition en question est l'alinéa 5(1)c), qui prévoit :


5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois_:

...

c) a été légalement admise au Canada à titre de résident permanent, n'a pas depuis perdu ce titre en application de l'article 24 de la Loi sur l'immigration, et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de sa résidence étant calculée de la manière suivante_:

(i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,

(ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;

5. (1) The Minister shall grant citizenship to any person who

...

(c) has been lawfully admitted to Canada for permanent residence, has not ceased since such admission to be a permanent resident pursuant to section 24 of the Immigration Act, and has, within the four years immediately preceding the date of his application, accumulated at least three years of residence in Canada calculated in the following manner:

(i) for every day during which the person was resident in Canada before his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one-half of a day of residence, and

(ii) for every day during which the person was resident in Canada after his lawful admission to Canada for permanent residence the person shall be deemed to have accumulated one day of residence;


[7]        La lettre de refus ne fait pas mention de la jurisprudence pertinente.

La norme de contrôle


[8]         Dans la décision Lam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [1999], A.C.F. no 410, (1999) 164 F.T.R. 177, le juge Lutfy (avant d'être nommé juge en chef adjoint) examine les méthodes qu'a utilisées la Cour fédérale pour déterminer les exigences de résidence prévues à l'alinéa 5(1)c) de la Loi. Au paragraphe 33, il affirme :

La justice et l'équité, tant pour les demandeurs de citoyenneté que pour le ministre, appellent la continuité en ce qui concerne la norme de contrôle pendant que la Loi actuelle est encore en vigueur et malgré la fin des procès de novo. La norme appropriée, dans les circonstances, est une norme qui est proche de la décision correcte. Cependant, lorsqu'un juge de la citoyenneté, dans des motifs clairs qui dénotent une compréhension de la jurisprudence, décide à bon droit que les faits satisfont sa conception du critère législatif prévu à l'alinéa 5(1)c), le juge siégeant en révision ne devrait pas remplacer arbitrairement cette conception par une conception différente de la condition en matière de résidence. C'est dans cette mesure qu'il faut faire montre de retenue envers les connaissances et l'expérience particulières du juge de la citoyenneté durant la période de transition. [du moment où on est passé du procès de novo à la révision par contrôle judiciaire jusqu'à la clarification par le législateur de l'exigence de résidence prévue à l'alinéa 5(1)c)]. [Non souligné dans l'original.]

L'Analyse

[9] Il faut reconnaître que la Cour a émis divers avis en ce qui a trait à l'exigence relative à une présence physique réelle au Canada. En fait, dans la décision Lai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) [2000] A.C.F. no 1361, le juge Pelletier reconnaît cette situation, notant ceci :    

Il n'est pas nécessaire d'examiner l'historique bien connu des avis partagés de notre Cour sur la question de l'exigence en matière de résidence prévue à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté (la Loi). Qu'il me suffise de dire qu'un certain nombre de juges de notre Cour ont conclu que l'omission du demandeur d'être physiquement présent au pays pendant 1 095 jours au cours de la période de quatre ans qui précède


immédiatement la date du dépôt de la demande ne l'empêche pas d'obtenir la citoyenneté s'il peut établir que malgré ses absences, il a centralisé son mode de vie habituel au Canada à un point tel que ses périodes d'absence ne lui sont pas défavorables. Ils ont ainsi adopté le raisonnement de la décision Re Papadogiorgakis, précitée. D'autres juges ont par contre suivi la décision Re Pourghasemi, précitée, rejetant ainsi des demandes lorsque le nombre de jours de présence physique au pays était en deça du nombre minimal prévu par la loi, peut importe les raisons qui expliqueraient cette insuffisance.

[10]       En l'espèce, le juge de la citoyenneté n'a pas reconnu l'existence d'une jurisprudence relative à des situations semblables à la situation en l'espèce : où le demandeur est un étudiant à la charge de parents au Canada qui payent pour ses études et qu'il retourne à la maison de ses parents à l'occasion de ses vacances scolaires. Il n'a pas expliqué non plus comment la situation du demandeur en l'espèce avait été distinguée d'avec la situation dans les affaires Chan, Luk, Yeung, Wong, Chung, Hsu, Wong, Cheung et Khoury[1], et cette liste n'est pas exhaustive, où la Cour a conclu qu'une personne qui étudie à l'étranger après avoir accompagné ses parents au Canada et qui reste complètement à la charge de ceux-ci pendant ses études à l'étranger, comme l'a fait le demandeur en l'espèce, devrait être admissible à obtenir la citoyenneté même si le nombre de jours de résidence physique est insuffisant.

Conclusion

[11]       En l'espèce, le juge de la citoyenneté dans ses motifs ne fait pas référence à cette jurisprudence et n'explique pas comment les faits de la présente demande sont distingués de ceux de ces affaires, et on peut à bon droit conclure que son résultat est incompatible avec celui d'autres demandes antérieures dans des circonstances semblables.


[12]       En conséquence, l'appel est accueilli.

                                                                                                                     « Dolores M. Hansen »            

                                                                                                                                             J.C.F.C.                      

Ottawa (Ontario)

Le 17 janvier 2001

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                                T-1419-99

INTITULÉ DE LA CAUSE :             Chi Kit Gino Ng c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

LIEU DE L'AUDIENCE :                   Vancouver (Colombie-Britannique)

DATE DE L'AUDIENCE :                 le 6 juillet 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE : madame le juge Hansen

DATE DES MOTIFS :                        le 17 janvier 2001

ONT COMPARU:

M. Kenneth Specht                                                                        POUR LE DEMANDEUR


Mme Pauline Anthoine                                                     POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

Specht & Company

Vancouver (Colombie-Britannique)                                               POUR LE DEMANDEUR

M. Morris Rosenberg                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)


Date : 20010117

Dossier : T-1419-99

OTTAWA (ONTARIO), le 17 janvier 2001

EN PRÉSENCE DE : madame le juge Dolores M. Hansen                                                         

ENTRE :

                                       CHI KIT GINO NG

                                                                                                 demandeur

                                                    - et -

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                  défendeur

                                           ORDONNANCE

VU l'appel interjeté à l'égard de la décision, datée du 8 juin 1999, dans laquelle le


juge de la citoyenneté a refusé d'accorder la citoyenneté au demandeur;

ET APRÈS AVOIR lu les documents soumis et entendu les observations des

parties;

ET pour les motifs d'ordonnance rendus aujourd'hui;

LA COUR ORDONNE CE QUI SUIT :

L'appel est accueilli.

« Dolores M. Hansen »

_____________________________

J.C.F.C.

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


[1].Re Chan, [1997] A.C.F. no 1457, dossier T-1981-96; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Luk, [1998] A.C.F. no 1661, dossier T-2449-97; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Yeung, [1999] A.C.F. no 615, dossier T-1256-98; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Wong, [1999] A.C.F. no 620, dossier T-1011-98; Re Chung, [1997] A.C.F. no 732, dossier T-1912-96; Re Hsu, [1998] A.C.F. no 1660, dossier T-2045-97; Re Wong, [1998] A.C.F. no 1, dossier T-2594-96; Re Cheung, [1990] A.C.F. no 11, dossier T-691-89; Re Khoury ,[1995] A.C.F. no 1518, dossier T-2502-94.

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