Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20040402

Dossier : IMM-3002-03

Référence : 2004 CF 494

Vancouver (Colombie-Britannique), le vendredi 2 avril 2004

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE DAWSON

ENTRE :

                                       PATRICIA GUADALUPE SERPAS DE URBINA

                                             et PAULO ERNESTO URBINA SERPAS

                                                                                                                                          demandeurs

                                                                             et

                                              LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]                Mme Serpas de Urbina est citoyenne du Salvador. Elle présente une demande de contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (le tribunal) a conclu que ni elle ni son fils de 11 ans ne sont des personnes qui craignent avec raison d'être persécutées au Salvador. Le tribunal a en outre conclu que ni Mme Serpas de Urbina ni son fils ne sont des personnes à protéger. Un seul motif a été énoncé à l'égard de ces conclusions. Le tribunal n'estimait pas que Mme Serpas de Urbina était digne de foi.


LES FAITS

[2]                Mme Serpas de Urbina et son fils sont les seuls membres de la famille qui vivent encore au Salvador. Le père de la demanderesse avait encouragé la poursuite judiciaire de policiers au Salvador en 1979 pour le meurtre de deux de ses frères et pour la tentative de meurtre de l'amie de l'un de ses frères. Les policiers ont été emprisonnés et sont restés en prison jusqu'en 1985, soit jusqu'à ce que le jury déclare qu'ils n'étaient pas coupables à la fin du procès qui avait été reporté 16 fois.

[3]                Après que les policiers furent libérés, le père de Mme Serpas de Urbina et d'autres membres de la famille sont venus au Canada en tant que réfugiés au sens de la Convention. À ce moment, M. Serpas est venu au Canada avec sa deuxième conjointe, leurs deux enfants, sa mère, ses deux soeurs et leurs enfants, et son seul frère vivant et sa famille. Mme Serpas de Urbina est restée au Salvador avec sa mère. Elle y est restée parce que sa mère et elle ne pensaient pas qu'elles seraient ciblées et parce que le père et la mère de Mme Serpas de Urbina étaient en instance de divorce et que sa mère ne voulait pas quitter le pays en compagnie de son époux duquel elle était séparée.

[4]                Par la suite, en 1987, la mère de Mme Serpas de Urbina a quitté le Salvador en compagnie de ses enfants, y compris Mme Serpas de Urbina. Ils se sont enfuis au Guatemala après que les persécuteurs de M. Serpas eurent commencé à menacer sa première épouse et leurs enfants afin de l'inciter à révéler les allées et venues de M. Serpas.


[5]                En 1989, Mme Serpas de Urbina est retournée au Salvador avec son futur époux, en utilisant le nom de ce dernier. Elle a alors vécu au Salvador sans avoir de problèmes jusqu'à ce que son père et sa belle-mère lui rendent visite en août 2000. Mme Serpas de Urbina a témoigné que lorsque son père est venu lui rendre visite au magasin qu'elle exploitait, il a remarqué que quatre hommes le suivaient. Il a reconnu l'un de ces hommes comme l'un des policiers accusés du meurtre de ses frères.

[6]                Après que M. Serpas eut quitté le Salvador en 2000, Mme Serpas de Urbina a commencé à être harcelée au téléphone. Elle a témoigné qu'elle était suivie, que son véhicule avait fait l'objet de vandalisme, que des lettres de menaces lui avaient été envoyées et que son fils avait reçu des menaces. Elle a par la suite quitté le Salvador pour venir au Canada. Elle a témoigné qu'on lui a dit qu'après son départ du Salvador des hommes avaient continué à venir à son magasin afin de s'informer de ses allées et venues.

LA DÉCISION DU TRIBUNAL

[7]                Le tribunal a mentionné que le témoignage de vive voix de Mme Serpas de Urbina était compatible avec son exposé narratif écrit et avec l'entrevue tenue par des agents de Citoyenneté et Immigration après qu'elle eut présenté sa demande d'asile. Le père de Mme Serpas de Urbina a également témoigné et le tribunal a remarqué que son témoignage était compatible avec l'exposé narratif de sa fille. Malgré cela, le tribunal a ensuite examiné la vraisemblance des événements d'août 2000.


[8]                Le tribunal a fait les déclarations suivantes dans son analyse du témoignage à cet égard :

·            Mme Serpas de Urbina « a affirmédans son témoignage qu'elle ne sait pas comment ces personnes ont pu savoir que son père était en visite en août 2000 et le suivre jusquson lieu de travail » .

·            « Le tribunal estime que si les personnes remarquées par son père à l'extérieur du lieu de travail de la demandeure, le 6 août 2000, avaient un rapport avec les meurtres de 1979, ce serait une coïncidence incroyable, puisque le père de la demandeure s'est enfui au Canada en 1986. Cependant, la demandeure a émis l'hypothèse que son père a, semble-t-il, été suivi par ces personnes àpartir de l'aéroport. Elle a indiqué qu'il y a toujours un grand nombre de policiers à l'aéroport de San Salvador et qu'ils auraient pu facilement faire le lien avec le nom du père de la demandeure, lorsqu'il est arrivéaux douanes. Quelqu'un aurait contacté la police afin de lui fournir l'information qu'il était revenu dans la ville. Ces hommes avaient ainsi suffisamment de temps pour se rendre à l'aéroport et le suivre jusqu'au magasin de la demandeure dans le centre commercial. »

·            « Le tribunal estime que cette hypothèse n'est pas plausible. Il s'agirait d'une coïncidence incroyable si l'un des agents de police détenus àcause de la plainte déposée par le père de la demandeure auprès des autorités en 1979 stait trouvé, par coïncidence, dans le centre commercial et avait remarqué la présence du père dans le magasin de sa fille ce jour-là, en compagnie de trois personnes. »


·            M. Serpas a témoigné que « lorsqu'il est entré dans le centre commercial, il a remarqué qu'il avait été suivi. Il est certain d'avoir reconnu l'un des policiers arrêtés en 1979. Il présume qu'il se trouvait probablement là pour le tuer. Il a déclaré, par la suite, avoir remarqué la même personne dans un supermarché » .

·            « [L]e tribunal a toujours de la difficulté à s'expliquer comment il peut être plausible que l'un des trois policiers détenus en 1979 - à cause de la persévérance du père de la demandeure à les faire arrêter - se soit, par coïncidence, trouvé en présence du père à la date de son second voyage au Salvador. »

·            « Cependant, après examen de toute la preuve en l'espèce, le tribunal estime que le témoignage de la demandeure n'est pas crédible ou digne de foi, en ce qui a trait à l'allégation selon laquelle elle et son père ont reçu des appels de menace se rapportant à l'arrestation pour accusation de meurtre de 1979, de la part de personnes reliées à la police. Le tribunal ne croit pas le récit de la demandeure - qui est retournée au Salvador en 1989 - selon laquelle les agresseurs ont repéré son père lorsqu'il lui a rendu visite à son commerce, le 6 août 2000, que ce soit par coïncidence ou par une communication de la police. » [Reproduit selon ce qui est énoncé dans les motifs du tribunal].

[9]                Compte tenu de sa conclusion quant à la crédibilité, le tribunal n'a pas évalué la question de savoir si l'État offrait une protection, la question du temps écoulé avant d'avoir présenté une demande d'asile ou le fondement objectif de la demande.

LA NORME DE CONTRÔLE

[10]            Les parties s'entendent, en se fondant sur la jurisprudence de la Cour, sur le fait que la norme de contrôle à appliquer aux conclusions quant à la crédibilité ou quant à la vraisemblance tirées par le tribunal est celle de la décision manifestement déraisonnable.


[11]            Quant à la question de savoir ce qu'est une décision manifestement déraisonnable, une explication claire a été fournie par M. le juge Iacobucci pour la Cour suprême du Canada dans l'arrêt unanime Canada (Directeur des enquêtes et recherches, Loi sur la concurrence) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748. M. le juge Iacobucci a écrit ce qui suit au paragraphe 57 :

La différence entre « déraisonnable » et « manifestement déraisonnable » réside dans le caractère flagrant ou évident du défaut. Si le défaut est manifeste au vu des motifs du tribunal, la décision de celui-ci est alors manifestement déraisonnable. Cependant, s'il faut procéder à un examen ou à une analyse en profondeur pour déceler le défaut, la décision est alors déraisonnable mais non manifestement déraisonnable. Comme l'a fait observer le juge Cory dans Canada (Procureur général) c. Alliance de la fonction publique du Canada, [1993] 1 R.C.S. 941, à la p. 963, « [d]ans le Grand Larousse de la langue française, l'adjectif manifeste est ainsi défini : « Se dit d'une chose que l'on ne peut contester, qui est tout à fait évidente » » . Cela ne veut pas dire, évidemment, que les juges qui contrôlent une décision en regard de la norme du caractère manifestement déraisonnable ne peuvent pas examiner le dossier. Si la décision contrôlée par un juge est assez complexe, il est possible qu'il lui faille faire beaucoup de lecture et de réflexion avant d'être en mesure de saisir toutes les dimensions du problème. Voir National Corn Growers Assn. c. Canada (Tribunal des importations), [1990] 2 R.C.S. 1324, à la page 1370, juge Gonthier; voir aussi Toronto (Cité) F.E.E.E.S.O., district 15, [1997] 1 R.C.S. 487, au par. 47, le juge Cory. Mais une fois que les contours du problème sont devenus apparents, si la décision est manifestement déraisonnable, son caractère déraisonnable ressortira.

ANALYSE

[12]            Un examen de la transcription du témoignage rendu devant le tribunal et des motifs du tribunal révèle certains défauts. Premièrement, Mme Serpas de Urbina n'a pas rendu le témoignage que lui attribuait le tribunal. Son père a effectivement rendu un témoignage dans lequel il a énoncé une hypothèse selon laquelle il était observé par l'un des policiers qui a participé au meurtre de ses frères en 1979. Il semble que le tribunal ait par erreur attribué ce témoignage à Mme Serpas de Urbina.

[13]            M. Serpas a rendu le témoignage suivant :

[traduction]

Q :            Alors, M. Serpas, pouvez-vous nous dire ce qui s'est produit en août 2000 lorsque vous êtes retourné au Salvador en visite?

R :            Bien, mon épouse et moi sommes retournés au Salvador en 2000, le 6 août en fait.

LE PRÉSIDENT DE L'AUDIENCE :    C'était la première fois que vous y retourniez?

LE TÉMOIN :         Non, je ne - j'y étais retourné à un autre moment, mais j'étais juste entré au pays et sorti à nouveau. Oui, cela fait très longtemps. Ce jour-là, après notre arrivée le 6 août, cette semaine, dans la première semaine, nous sommes allés rendre visite à ma fille à son commerce qu'elle exploitait dans le centre commercial. C'est un centre commercial. Comme nous entrions dans le centre commercial, en dépit du fait qu'il y ait de nombreuses personnes qui entraient, on pouvait voir qu'il y avait certaines personnes qui étaient intéressées à nous suivre. Mais, nous avons continué. Nous avons continué jusqu'à son magasin. Nous sommes entrés dans le magasin. Nous l'avons saluée. Alors, ces hommes, à l'extérieur devant la vitrine, nous surveillaient. Lorsque j'ai vu ces hommes qui se tenaient debout à cet endroit, j'ai regardé et j'ai reconnu là l'un des policiers qui avait tué mes frères. [...]

Q :            Qu'avez-vous pensé de cette situation?

R :            J'ai eu des pensées horribles. Ces hommes avaient suivi mes pas depuis mon arrivée. C'était comme s'ils me suivaient depuis l'aéroport parce qu'il y avait tant - il semble que leurs communications sont si rapides que - alors j'ai dit : [TRADUCTION] « Pattie, allons-nous-en » . Alors, je suis parti et j'ai dit : [TRADUCTION] « Non, nous retournons au Canada » . J'ai demandé des billets d'avion à la compagnie aérienne, mais il n'y en avait pas avant une semaine. Au cours de la semaine, un jour que je partais du supermarché dans la voiture, j'ai vu un homme dans la rue, le même homme. J'ai dit : [TRADUCTION] « Pas question, c'est dangereux ici » . Alors après cela, je ne suis plus sorti dans la rue jusqu'à ce que je prenne l'avion une semaine plus tard. [Non souligné dans l'original.]

[14]            En réponse aux questions qui lui étaient posées par le président de l'audience, M. Serpas a rendu le témoignage qui suit :


[traduction]

Q :            Maintenant, revenons encore maintenant au mois d'août 2000. Je veux juste être certain que j'ai compris correctement votre témoignage. Vous croyez qu'il est possible que ces individus qui vous suivaient vous aient en fait suivi à partir de l'aéroport jusqu'au centre commercial?

R :            Je présume que oui, parce que l'endroit est rempli de policiers, parce que je suppose que c'est ce qui s'est produit parce que tous ceux qui arrivent - parce qu'ils ont un réseau par lequel tous ceux qui arrivent, ils les surveillent en vue de les agresser, de les arrêter. S'ils ont des renseignements selon lesquels, par exemple, un tel et un tel sont arrivés et ils transportent tel ou tel objet de valeur. C'est que les employés, à cet endroit, donnent des renseignements aux autres.

Q :            Mais l'individu que vous avez reconnu, et c'était 14 ans après que vous avez quitté le Salvador...

R :            Quelle est la question?

Q :            Vous avez dit que l'individu que vous avez reconnu, vous ne l'aviez pas vu depuis 14 ans?

R :            Oui. Mais je n'oublie pas, je ne peux pas oublier cela. Je n'oublie pas et ils ne m'oublient pas non plus.

Q :            Portaient-ils une tenue civile?

R :            Oui. Leurs visages ne changent pas.

Q :            Vous n'auriez pas su s'il était encore un policier?

R :            Bien, non. Directement, non, je ne sais pas, mais - j'imagine qu'il n'est pas en service actif, non. Mais les relations, oui, il a encore des relations.

Q :            Mais s'il n'est pas encore actif au sein de la police, pourquoi serait-il possible qu'il ait été à l'aéroport et qu'il vous ait suivi de là?

R :            Parce qu'ils ont des liens avec la même association, ou ils en font partie, de laquelle font partie les policiers actifs et qu'ils continuent à avoir des renseignements.

Q :            Alors, 16 ans plus tard, ils auraient été informés que vous étiez de retour au Salvador?

R :            Je ne sais. Peut-être était-ce simplement par chance qu'ils ont pu me trouver.                                                [Non souligné dans l'original.]

[15]            Le tribunal a constaté correctement que M. Serpas ne faisait que des hypothèses selon lesquelles il avait été suivi à partir de l'aéroport. Dans la mesure où le tribunal parlait de l'un des policiers qui arrivait par coïncidence « à la date » du retour de M. Serpas au Salvador, il semble avoir mal compris ce qu'a déclaré le témoin. M. Serpas a témoigné qu'il avait vu le policier au cours de la première semaine de sa visite.

[16]            Ayant reconnu que l'explication de M. Serpas à l'égard de la façon selon laquelle on l'avait trouvé était une hypothèse, le tribunal n'a pas effectué une analyse plus approfondie de la preuve. Le tribunal a rejeté l'ensemble des témoignages de Mme Serpas de Urbina et de son père parce qu'il estimait invraisemblable que M. Serpas ait été suivi de l'aéroport ou que les persécuteurs aient d'une autre façon été informés de son arrivée au Salvador. Le tribunal n'a pas mentionné le témoignage de M. Serpas selon lequel l'aéroport était surveillé afin de déceler les activités criminelles et n'a pas mentionné son témoignage selon lequel il était possible qu'on l'ait trouvé par hasard. Le tribunal n'acceptait pas la vraisemblance d'une coïncidence ou du hasard.

[17]            Une appréciation de la vraisemblance d'un témoignage exige que le témoignage soit confronté avec des faits connus ou non contestés. Par conséquent, dans la décision Leung c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1994), 81 F.T.R. 303, M. le juge Jerome, alors juge en chef adjoint, a écrit ce qui suit aux paragraphes 14 et 15 :


14.            Les deux sections de cette Cour ont uniformément jugé que les décisions de la Commission devaient reposer sur la totalité des éléments de preuve versés au dossier. Cela ne signifie toutefois pas que la Commission doit résumer tous les éléments de preuve, ni qu'une décision sera annulée simplement parce que la Commission a omis de faire état d'une certaine pièce secondaire de preuve documentaire dans ses motifs. Néanmoins, la Commission est clairement tenue de justifier ses conclusions sur la crédibilité en faisant expressément et clairement état des éléments de preuve.

15.            Cette obligation devient particulièrement importante dans des cas tels que l'espèce où la Commission a fondé sa conclusion de non-crédibilité sur des « invraisemblances » présumées dans les histoires des demanderesses plutôt que sur des inconsistances et des contradictions internes dans leur récit ou dans leur comportement lors de leur témoignage. Les conclusions d'invraisemblance sont en soi des évaluations subjectives qui dépendent largement de l'idée que les membres individuels de la Commission se font de ce qui constitue un comportement sensé. En conséquence, on peut évaluer l'à-propos d'une décision particulière seulement si la décision de la Commission relève clairement tous les faits qui sous-tendent ses conclusions. [Non souligné dans l'original. Les notes de bas de page sont omises.]

[18]            Des conclusions quant à la vraisemblance doivent être « étayées » par la mention de la preuve documentaire. Voir l'arrêt Fok c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 800 (C.A.), et la décision Bains c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 497 (1re inst.).

[19]            Dans la présente affaire, le tribunal semble avoir fondé sa conclusion quant à l'invraisemblance sur le fait que beaucoup de temps s'était écoulé depuis les meurtres commis en 1979 et sur le fait que le père de Mme Serpas de Urbina ait été surveillé lors d'un court séjour au Salvador.


[20]            Il n'y a eu aucune analyse de la preuve documentaire dont disposait le tribunal, preuve documentaire qui regorgeait d'éléments à l'égard de la participation de la police à de la criminalité organisée et à des écoutes téléphoniques illégales à des fins de chantage ou d'opérations de criminalité organisée et à l'égard de liens entre des réseaux criminels organisés et le gouvernement et les institutions de sécurité publique. La preuve documentaire incluait des coupures de presse qui établissaient la notoriété de la poursuite judiciaire des trois policiers qui avaient été accusés du meurtre des frères de M. Serpas. L'un des policiers poursuivis avait été un inspecteur au sein de la police nationale.

[21]            Je suis consciente que les conclusions quant à l'invraisemblance ne devraient pas être annulées à la légère et que les conclusions quant à la crédibilité tirées par la Section de la protection des réfugiés doivent faire l'objet de grande retenue.

[22]            Toutefois, en l'espèce les témoignages de Mme Serpas de Urbina et de son père n'ont pas été jugés incohérents en eux-mêmes ou incohérents l'un par rapport à l'autre. Aucun élément de preuve documentaire ne contredisait les témoignages. La conclusion selon laquelle ni Mme Serpas de Urbina ni son père n'étaient dignes de foi n'était fondée que sur l'appréciation subjective du tribunal selon laquelle il était peu probable que M. Serpas ait été reconnu au Salvador par l'un de ses persécuteurs ou par quelqu'un qui lui aurait signalé sa présence. Les témoignages de Mme Serpas de Urbina et de son père n'ont pas été confrontés avec la preuve documentaire à l'égard des conditions du pays au Salvador.


[23]            Ce manquement est, selon mon respectueux avis, évident et, par conséquent, manifestement déraisonnable. Des motifs clairs fondés sur la preuve étaient nécessaires pour pouvoir rejeter les témoignages de Mme Serpas de Urbina et de son père au seul motif qu'on ne pouvait raisonnablement pas s'attendre à ce que M. Serpas soit reconnu par ses persécuteurs durant son séjour au Salvador.

[24]            Pour les motifs énoncés, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie.

[25]            Les avocats n'ont proposé aucune question aux fins de la certification et aucune question n'est soulevée selon le dossier de la présente affaire.

                                        ORDONNANCE

[26]            LA COUR ORDONNE :

1.          La demande de contrôle judiciaire est accueillie et la décision rendue en date du 31 mars 2003 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié est annulée.

2.          L'affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié afin qu'il statue à nouveau sur l'affaire.

« Eleanor R. Dawson »

Juge

Traduction certifiée conforme

Danièle Laberge, LL.L.


                                     COUR FÉDÉRALE

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                         IMM-3002-03

INTITULÉ :                                        PATRICIA GUADALUPE SERPAS DE URBINA ET AL.

                                                                                          demandeurs

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                             défendeur

LIEU DE L'AUDIENCE :                  VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

DATE DE L'AUDIENCE :                LE 30 MARS 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LA JUGE DAWSON

DATE DES MOTIFS :                       LE 2 AVRIL 2004

COMPARUTIONS :

Christopher Elgin                                               POUR LES DEMANDEURS

Sandra E. Weafer                                              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Elgin, Cannon & Associates                               POUR LES DEMANDEURS

Vancouver (Colombie-Britannique)

Morris Rosenberg                                              POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada


 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.