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Date : 20000630


Dossier : T-409-00



ENTRE :

     THE REGISTERED PUBLIC ACCOUNTANTS

     ASSOCIATION OF ALBERTA,

     demanderesse,

     - et -



     LA SOCIÉTÉ DES COMPTABLES

     PROFESSIONNELS DU CANADA,

     défenderesse.

     MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


LE JUGE BLAIS


[1]          La défenderesse a saisi la Cour de la présente requête en vue de radier la déclaration que la demanderesse a déposée le 29 février 2000.

ANALYSE

[2]          La Cour suprême du Canada a énoncé le critère applicable à la radiation des actes de procédure dans l'arrêt Hunt c. Carey Can. Inc., [1990] 2 R.C.S. 959 :

     [D]ans l'hypothèse où les faits mentionnés dans la déclaration peuvent être prouvés, est-il évident et manifeste que la déclaration du demandeur ne révèle aucune cause d'action raisonnable? Comme en Angleterre, s'il y a une chance que le demandeur ait gain de cause, alors il ne devrait pas être privé d'un jugement. La longueur et la complexité des questions, la nouveauté de la cause d'action ou la possibilité que les défendeurs présentent une défense solide ne devraient pas empêcher le demandeur d'intenter son action. Ce n'est que si l'action est vouée à l'échec parce qu'elle contient un vice fondamental qui se range parmi les autres énumérés à la règle 19(24) des Rules of Court de la Colombie-Britannique que les parties pertinentes de la déclaration du demandeur devraient être radiées en application de la règle 19(24)a).

[3]          L'article 20 de la Loi sur les marques de commerce précise :

20. (1) The right of the owner of a registered trade-mark to its exclusive use shall be deemed to be infringed by a person not entitled to its use under this Act who sells, distributes or advertises wares or services in association with a confusing trade-mark or trade-name, but no registration of a trade-mark prevents a person from making



(a) any bona fide use of his personal name as a trade-name, or

(b) any bona fide use, other than as a trade-mark,

(i) of the geographical name of his place of business, or

(ii) of any accurate description of the character or quality of his wares or services,

in such a manner as is not likely to have the effect of depreciating the value of the goodwill attaching to the trade-mark.

(2) No registration of a trade-mark prevents a person from making any use of any of the indications mentioned in subsection 11.18(3) in association with a wine or any of the indications mentioned in subsection 11.18(4) in association with a spirit.


20. (1) Le droit du propriétaire d'une marque de commerce déposée à l'emploi exclusif de cette dernière est réputé être violé par une personne non admise à l'employer selon la présente loi et qui vend, distribue ou annonce des marchandises ou services en liaison avec une marque de commerce ou un nom commercial créant de la confusion. Toutefois, aucun enregistrement d'une marque de commerce ne peut empêcher une personne :

a) d'utiliser de bonne foi son nom personnel comme nom commercial;

b) d'employer de bonne foi, autrement qu'à titre de marque de commerce :

(i) soit le nom géographique de son siège d'affaires,

(ii) soit toute description exacte du genre ou de la qualité de ses marchandises ou services,

d'une manière non susceptible d'entraîner la diminution de la valeur de l'achalandage attaché à la marque de commerce.

(2) L'enregistrement d'une marque de commerce n'a pas pour effet d'empêcher une personne d'utiliser les indications mentionnées au paragraphe 11.18(3) en liaison avec un vin ou les indications mentionnées au paragraphe 11.18(4) en liaison avec un spiritueux.

[4]          Conformément à la Loi, seul le propriétaire d'une marque de commerce déposée peut présenter une demande en violation de sa marque. Comme la demanderesse n'est pas la propriétaire d'une marque déposée, elle aurait dû intenter une action en commercialisation trompeuse.

[5]          Une action en commercialisation trompeuse peut se fonder soit sur la common law, soit sur l'alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce.



[6]          L'alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce dispose :

7. No person shall

(b) direct public attention to his wares, services or business in such a way as to cause or be likely to cause confusion in Canada, at the time he commenced so to direct attention to them, between his wares, services or business and the wares, services or business of another;


7. Nul ne peut :

b) appeler l'attention du public sur ses marchandises, ses services ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblablement causer de la confusion au Canada, lorsqu'il a commencé à y appeler ainsi l'attention, entre ses marchandises, ses services ou son entreprise et ceux d'un autre;

[7]          La présente Cour ne peut connaître d'une action en commercialisation trompeuse engagée en common law, car de telles actions relèvent de la compétence exclusive dont jouissent les cours provinciales dans le domaine de la propriété et des droits civils. Toutefois, elle est compétente dans le cadre de l'alinéa 7b) de la Loi sur les marques de commerce, comme la Cour d'appel fédérale l'a statué dans l'arrêt Asbjorn Horgard A/S c. Gibbs/Nortac Industries Ltd., [1987] 3 C.F. 544 :

     L'alinéa 7b) reflète dans la Loi l'action en passing off issue de la common law, le passing off consistant à laisser croire que les biens ou les services d'une personne sont en réalité ceux d'une autre, ou que quelqu'un d'autre les offre ou y est associé. Il s'agit de fait de « parasiter » au moyen d'une déclaration tendant à induire en erreur. []
     À mon sens, l'alinéa 7b) ressortit clairement à la compétence conférée au gouvernement fédéral par le paragraphe 91(2) de la Loi constitutionnelle de 1867. [...]
     Il n'a pas été contesté que si l'alinéa 7b) est constitutionnel, l'article 55 de la Loi sur les marques de commerce constitue un fondement légal suffisant pour satisfaire aux dispositions de l'article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867.

[8]          Après avoir entendu les parties et avoir examiné la preuve soumise, je dois dire que la requérante ne m'a pas convaincu qu'il est évident que la présente affaire ne révèle pas de cause d'action. J'ai lu la déclaration et je ne suis pas certain que la présente action ne peut faire l'objet d'un débat à titre d'action en commercialisation trompeuse. À mon avis, il n'y a pas lieu de radier toute la déclaration.

[9]          Comme moyen subsidiaire, la requérante a demandé la radiation de certains paragraphes.

[10]          La requérante allègue que, selon la décision rendue par le juge Teitelbaum dans l'affaire Copperhead Brewing Co. c. John Labatt Ltd., (1995) 95 F.T.R. 146, il y a lieu de radier la mention de la diminution de la valeur de l'achalandage. Dans cette décision, le juge Teitelbaum a statué :

     L'alinéa 17d) énonce effectivement une cause d'action, soit la diminution de la valeur de l'achalandage attaché à une marque de commerce. Toutefois, il ne fait aucun doute que la Loi sur les marques de commerce ne permet pas au titulaire d'une marque de commerce non enregistrée d'invoquer une telle cause d'action. Le paragraphe 22(1) est ainsi libellé :
         Nul ne peut employer une marque de commerce déposée par une autre personne d'une manière susceptible d'entraîner la diminution de la valeur de l'achalandage attaché à cette marque de commerce.
         [...]
     Par conséquent, une cause d'action fondée sur le paragraphe 22(1) ne s'applique que dans le cas d'une marque de commerce déposée. Dans l'affaire dont la Cour est saisie, la marque de commerce n'est pas déposée, de sorte que la demanderesse n'a aucune cause d'action en ce qui a trait à la diminution de la valeur de l'achalandage. Comme la cause d'action de la demanderesse est la commercialisation trompeuse, celle-ci doit invoquer la disposition de la Loi sur les marques de commerce relative à la concurrence déloyale, à savoir l'article 7. Par conséquent, l'alinéa 17d) doit être radié vu qu'il n'appuie aucune cause d'action.

[11]          Comme la jurisprudence indique clairement que, dans le cadre d'une action en commercialisation trompeuse, la demanderesse doit invoquer l'article 7 de la Loi sur les marques de commerce et qu'elle ne peut invoquer la diminution de la valeur de l'achalandage mentionnée à l'article 22 de la Loi, l'alinéa 10c) de la déclaration devrait être radié.

[12]          La requérante soutient également que le délit d'atteinte illégale aux relations économiques ne relève pas de la compétence de la présente Cour. Bien que je partage cette opinion sur ce point de droit, je ne vois pas comment ni où la déclaration mentionnerait directement ce délit. J'estime que les prétentions peuvent faire l'objet de plusieurs interprétations, ces dernières pouvant se rapporter aussi bien à une demande en dommages-intérêts dans le cadre d'une commercialisation trompeuse qu'à un délit indépendant. À mon avis, il est préférable de laisser le juge de première instance trancher cette question après l'audition de la preuve.

CONCLUSION

[13]          L'alinéa 10c) de la déclaration est radié. Les dépens suivront le sort de l'affaire.






                         Pierre Blais

                         Juge


QUÉBEC (QUÉBEC)

le 30 juin 2000






Traduction certifiée conforme


Martine Guay, LL.L.



     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER



NO DE DOSSIER :              T-409-00

ENTRE :                  THE REGISTERED PUBLIC ACCOUNTANTS

                     ASSOCIATION OF ALBERTA,

     demanderesse,

                     ET

                     LA SOCIÉTÉ DES COMPTABLES

                     PROFESSIONNELS DU CANADA,

                            

     défenderesse.

LIEU DE L'AUDIENCE :          Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :          le 8 juin 2000

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR le juge Blais, le 30 juin 2000

ONT COMPARU :              Dale A. Strebchuk          pour la demanderesse
                     Rose-Marie Perry          pour la défenderesse

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

                     PETERSON KROCHAK

                     Edmonton (Alberta)          pour la demanderesse

                     GOWLING, STRATHY & HENDERSON

                     Ottawa (Ontario)          pour la défenderesse



     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE




Date : 20000630


Dossier : T-409-00



Entre :

TRE REGISTERED PUBLIC ACCOUNTANTS

ASSOCIATION OF ALBERTA,


     demanderesse,

et

LA SOCIÉTÉ DES COMPTABLES

PROFESSIONNELS DU CANADA,


     défenderesse.








    



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE


    

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