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Date : 20040618

Dossier : T-2225-01

Référence : 2004 CF 712

Ottawa (Ontario), le 18 mai 2004

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE HENEGHAN                         

ENTRE :

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                          demandeur

                                                                             et

                                                                THAI VAN DAO

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

INTRODUCTION

[1]                Le 20 octobre 2000, le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration (le ministre) a signifié à M. Thai Van Dao (le défendeur) un avis l'informant de son intention de soumettre au gouverneur en conseil, en vertu du paragraphe 10(1) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29, modifiée (la Loi sur la citoyenneté ou la Loi), un rapport recommandant l'annulation de la citoyenneté canadienne du défendeur. Le défendeur a demandé le renvoi de l'affaire devant notre Cour en vertu de l'article 18 de la Loi.

[2]                En conséquence, le 18 décembre 2001, le ministre a déposé une déclaration dans laquelle il demande à la Cour de déclarer, en vertu du paragraphe 10(1) et de l'alinéa 18(1)b) de la Loi, que le défendeur a acquis la citoyenneté canadienne par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels.

LA PREUVE

[3]                La preuve du ministre consiste en une demande d'aveux et en le témoignage de Mme Althea Williams. La demande d'aveux a été déposée et signifiée le 21 mai 2003, conformément aux Règles de la Cour fédérale (1998), DORS/98-106, modifiées (les Règles). Elle énonce les faits suivants :

1.              Le 14 juin 1989, le défendeur s'est vu attribuer la résidence permanente au Canada;

2.              Le 15 juillet 1993, le défendeur a rempli une demande de citoyenneté canadienne à Toronto;

3.              Le 1er avril 1994, une dénonciation a été déposée à Nanaimo, en Colombie-Britannique, et a été transmise au défendeur, l'accusant de deux actes criminels prévus par une loi fédérale, en l'occurrence de possession de stupéfiants, à savoir la cocaïne et l'héroïne, en vue d'en faire le trafic. Le 5 avril 1994, une dénonciation modifiée portant sur les mêmes accusations a été déposée et remise au défendeur;

4.              Le 5 avril 1994, le défendeur a comparu devant la Cour provinciale à Nanaimo (Colombie-Britannique) pour répondre aux deux accusations de possession et de trafic de stupéfiants et a obtenu une mise en liberté provisoire;

5.              Le 2 mai 1994, le défendeur a comparu devant la Cour provinciale à Nanaimo (Colombie-Britannique) pour demander la modification d'une des conditions de sa mise en liberté sous engagement, ce qui lui a été refusé;

6.              Le 3 mai 1994, le défendeur a été reçu en entrevue à Toronto par un juge de la citoyenneté qui a approuvé sa demande de citoyenneté;

7.              Le 11 mai 1994, le défendeur a prêté le serment de citoyenneté et s'est vu attribuer la citoyenneté canadienne.

[4]                La demande d'aveux renvoie par ailleurs aux documents suivants :

1.              Une copie du visa d'immigrant et de la fiche d'établissement, portant la date du 14 juin 1989, concernant le défendeur;

2.              Une copie de la demande de citoyenneté, datée du 15 juillet 1993, concernant le défendeur;

3.              Une copie du rapport de police concernant l'arrestation et la mise en accusation du défendeur le 31 mars 1994 à Nanaimo (Colombie-Britannique);

4.              Une copie de la dénonciation 31456, datée du 1er avril 1994, et de la dénonciation modifiée 31456C, datée du 5 avril 1994, concernant le défendeur;

5.              Une copie du procès-verbal de l'audience et du visa de la dénonciation concernant les dossiers 31456 et 31456C du tribunal;

6.              Une copie de l'engagement de caution, daté du 5 avril 1994, concernant le défendeur;

7.              Une copie de l'avis au ministre de la décision rendue le 3 mai 1994 par le juge de la citoyenneté au sujet du défendeur;

8.              Une copie du serment de citoyenneté ou de l'affirmation de citoyenneté du défendeur en date du 11 mai 1994.

[5]                Le défendeur n'a pas répondu à la demande d'aveux mais, par la suite, tant dans son mémoire de conférence préparatoire au procès que dans une lettre en date du 27 avril 2004 adressée au greffe, il a précisé qu'il contestait sa signature sur l'un des documents, en l'occurrence l' « avis au ministre de la décision du juge de la citoyenneté » daté du 3 mai 1994. Au procès, l'avocat du défendeur a reconnu qu'aucune réponse à la demande d'aveux n'avait été faite en conformité avec les Règles.

[6]                Voici le libellé des articles 255 et 286 des Règles :


255. Une partie peut, après clôture des actes de procédure, demander à une autre partie de reconnaître la véracité d'un fait ou l'authenticité d'un document en lui signifiant une demande à cet effet selon la formule 255.

255. A party may, after pleadings have been closed, request that another party admit a fact or the authenticity of a document by serving a request to admit, in Form 255, on that party.


286. La Cour peut, avant l'instruction, ordonner que la preuve d'un fait particulier soit présentée à l'instruction de la manière précisée dans l'ordonnance, notamment :

a) par une déclaration sous serment de renseignements ou d'une croyance;

b) par la production de documents ou d'éléments matériels;

c) par la production de copies de documents;

d) dans le cas d'un fait notoire ou d'un fait connu dans un district particulier, par la production d'une publication particulière qui relate ce fait.

286. The Court may, before trial, order that evidence of any fact be given at the trial in such a manner as may be specified in the order, including

(a) by statement on oath of information or belief;

(b) by the production of documents or other material;

(c) by the production of copies of documents; or

(d) in the case of a fact that is or was a matter of common knowledge either generally or in a particular district, by the production of a specified publication containing a statement of that fact.


[7]                Après avoir reçu les observations des avocats des deux parties sur l'effet de la demande d'aveux en l'absence de réponse du défendeur dont il est question à l'article 256, j'en suis arrivée à la conclusion que le défendeur est réputé avoir reconnu la véracité des faits et l'authenticité des documents mentionnés dans la demande d'aveux du demandeur, conformément à l'article 256 des Règles et au jugement Edison c. Canada (Ministre du Revenu national), (2000), 189 F.T.R. 76. Je constate en outre que, bien que la présente instance soit un renvoi visé à l'article 18 de la Loi sur la citoyenneté, le paragraphe 169(1) des Règles prévoit que ce type de renvoi est régi par la partie 4 des Règles. Les articles 255 et 286 se trouvent à la partie 4 et, à mon avis, il était loisible au demandeur de présenter une demande d'aveux dans la présente instance. Les documents ont par la suite été versés dans le recueil de pièces du ministre.


[8]                Le ministre a fait entendre un seul témoin, Mme Althea Williams, qui travaille présentement au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration à titre de gestionnaire, Langue et Innovation. En 1993, Mme Williams était agente de citoyenneté au Ministère, à Toronto en Ontario. Elle a occupé ce poste durant cinq ans. Elle a témoigné au sujet de la méthode qu'elle suivait habituellement pour traiter les demandes de citoyenneté canadienne au cours des cinq ans où elle a exercé cette fonction.

[9]                En règle générale, elle examinait la formule de demande avec le requérant lors de l'entrevue initiale et elle vérifiait les pièces à l'appui. Elle passait en revue les questions figurant sur la demande de citoyenneté et s'assurait que l'intéressé comprenait bien les questions posées et les renseignements exigés dans la formule de demande.

[10]            Mme Williams a témoigné qu'elle menait ses entrevues en anglais et que celles-ci duraient entre 10 et 15 minutes. En cas de doute au sujet du degré de compréhension de quelque aspect que ce soit de la demande par le requérant, elle suggérait à ce dernier de recourir aux services d'un interprète ou d'un membre de la famille.

[11]            Après examen de la formule de demande lors de l'entrevue, le dossier du requérant était transmis à un juge de la citoyenneté. Mme Williams avait une expérience limitée au sujet du déroulement de l'entrevue du requérant avec le juge de la citoyenneté. Elle a cependant témoigné qu'une fois qu'un juge de la citoyenneté avait approuvé une demande, le dossier était retourné à un agent de citoyenneté, qui procédait à un examen et à une analyse plus poussés pour déterminer si les conditions prévues par la loi pour pouvoir obtenir la citoyenneté avaient été respectées et pour vérifier si un changement était survenu dans la situation du requérant en ce qui a trait à des activités ou accusations criminelles.


[12]            Mme Williams a identifié la demande de citoyenneté du défendeur. Il s'agit d'un des documents déposés en preuve par le ministre en réponse à la demande d'aveux. La demande porte la date du 15 juillet 1993 et Mme Williams affirme qu'elle a reconnu le document en voyant ses initiales inscrites à quatre endroits, ainsi que sa signature à la fin de la demande, à l'endroit où elle certifie la signature du défendeur. Mme Williams n'arrivait pas à se rappeler précisément du défendeur ou des circonstances entourant cette entrevue. Elle a toutefois identifié sans hésiter la formule de demande à cause de ses initiales.

[13]            Mme Williams a expliqué, par rapport à la demande du requérant, la procédure qu'elle suivait habituellement pour examiner une demande de citoyenneté lors d'une entrevue. Elle a formulé quelques observations sur le fait qu'elle n'avait pas fait d'annotations faisant état de préoccupations quant au degré de compréhension de la demande par le défendeur, et notamment de la mise en garde que l'on trouve au paragraphe 15 et des questions précises énoncées au paragraphe 16.

[14]            Le paragraphe 15, qui est aussi identifié par la lettre G, est intitulé « Mise en garde » . En voici le texte :



[TRADUCTION]

Nul ne peut recevoir la citoyenneté canadienne ni prêter le serment de citoyenneté s'il :

a) est sous le coup d'une ordonnance de probation;

b) bénéficie d'une libération conditionnelle;

c) est détenu dans un établissement carcéral;

d) est inculpé, subit son procès, est ou peut devenir partie à un appel, relativement à une infraction prévue par la Loi sur la citoyenneté, à un crime de guerre, à un crime contre l'humanité ou à un acte criminel prévu par une loi fédérale

e) fait l'objet d'une enquête relativement à un crime de guerre ou à un crime contre l'humanité;

f) demande, mais n'a pas obtenu l'autorisation du ministre de l'Emploi et de l'Immigration pour être admis au Canada et y demeurer à titre de résident permanent.

Sous réserve de la Loi sur le casier judiciaire, nul ne peut recevoir la citoyenneté canadienne ni prêter le serment de citoyenneté s'il a été déclaré coupable d'une infraction prévue par la Loi sur la citoyenneté ou d'un acte criminel prévu par une loi fédérale :

a) soit au cours des trois ans précédant la date de sa demande;

b) soit entre la date de sa demande et celle prévue pour l'attribution de sa citoyenneté ou la prestation du serment.

Un certificat de citoyenneté peut être annulé ou révoqué et vous êtes passible d'accusations en vertu de la Loi sur la citoyenneté si vous avez acquis la citoyenneté par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels.


[15]            Le paragraphe 16, qui porte la lettre H, est intitulé « Interdictions » et est ainsi libellé :

[TRADUCTION]

Vous n'êtes pas tenu(e) de révéler que vous avez été reconnu(e) coupable d'une infraction à la Loi sur les jeunes contrevenants si toutes les mesures dont vous avez été l'objet pour cette infraction ont été exécutées.

16. AU COURS DES QUATRE DERNIÈRES ANNÉES, avez-vous été, ou ÊTES-VOUS PRÉSENTEMENT, en vertu d'une disposition législative en vigueur au Canada :

   Non      Oui

a) sous le coup d'une ordonnance de probation?                

Non    Oui

b) en libération conditionnelle?                               

                Non         Oui

c) détenu(e) dans un pénitencier, une prison ou une maison de correction?                       

______________________________________________________________________________

AU COURS DES TROIS DERNIÈRES ANNÉES, avez-vous été, en vertu d'une disposition législative en vigueur au Canada :

Non         Oui

d) déclaré(e) coupable d'un acte criminel

     pour lequel vous n'avez pas reçu une réhabilitation?                         

e) déclaré(e) coupable d'une infraction                                            Non         Oui

    à la Loi sur la citoyenneté?                                                                          

______________________________________________________________________________

PRÉSENTEMENT, êtes-vous inculpé(e), subissez-vous un procès, êtes-vous ou pouvez-vous devenir partie à un appel relativement à :

f) un acte criminel prévu     Non       Oui             g) une infraction à la             Non         Oui

par une loi fédérale?                                     Loi sur la citoyenneté?                     

______________________________________________________________________________

PRÉSENTEMENT, en vertu du Code criminel, faites-vous l'objet d'une enquête, êtes-vous inculpé(e), subissez-vous un procès ou pouvez-vous devenir partie à un appel relativement à :

Non         Oui


h) un crime de guerre ou un crime contre l'humanité?                                

______________________________________________________________________________

AVEZ-VOUS ÉTÉ, en vertu du Code criminel du Canada :

Non         Oui

i) déclaré(e) coupable d'un crime de guerre ou d'un crime contre l'humanité?                      

______________________________________________________________________________

Si vous avez répondu « oui » à l'une des questions ci-dessus [a) à i)], indiquez la date et le lieu de chaque accusation et condamnation et de toute autre décision.

[16]            Dans le cas qui nous occupe, le défendeur a répondu « non » à toutes les questions. Voici ce que Mme Williams a noté à la fin du paragraphe 16 :

[TRADUCTION] Révision verbale des réponses aux questions 16a) à 16i).

Mme Williams et le défendeur ont apposé leurs initiales à la suite de cette note.

[17]            Mme Williams a témoigné qu'elle n'avait pas l'habitude de lire à haute voix le texte intégral du paragraphe aux requérants et qu'elle supposait qu'elle ne l'avait pas fait dans le cas du défendeur. Elle avait plutôt l'habitude de passer en revue ce texte en langage « simplifié » , en demandant par exemple à l'intéressé s'il avait des antécédents judiciaires. Elle a donné les exemples suivants :

[TRADUCTION]

LE TÉMOIN : Oui. Nous passons en revue chaque question. Il n'est cependant pas nécessaire de paraphraser certaines d'entre elles. Par exemple, je demande à l'intéressé : « Au cours des quatre dernières années avez-vous été ou êtes-vous en ce moment - au lieu de « présentement » - sous le coup d'une ordonnance de probation » ? « Êtes-vous en libération conditionnelle? Êtes-vous en prison? » , et ainsi de suite. Il y a certaines questions qu'il n'est pas nécessaire de paraphraser. « Avez-vous été reconnu coupable » est la seule formulation que l'on peut employer. Il s'agit seulement de simplifier la question sans changer les mots dans tous les cas.


[18]            Mme Williams a également précisé qu'elle avait l'habitude d'expliquer, là encore en termes « courants » , l'obligation pour le requérant d'aviser les représentants du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration de tout changement ultérieur dans sa situation en ce qui concerne l'un ou l'autre des points abordés au paragraphe 16. Elle a cité l'exemple du paragraphe 18, qui prévoit ce qui suit :

[TRADUCTION]

18. Je suis conscient du fait que, si je suis inculpé d'un acte criminel ou si je suis sous le coup d'une ordonnance de probation avant de prêter le serment de citoyenneté, je dois en aviser un fonctionnaire de la citoyenneté.

Je comprends la teneur de la présente demande et j'atteste la véracité et l'exactitude des déclarations qui y sont faites.

Mme Williams a expliqué qu'elle était convaincue que le défendeur comprenait ce qu'elle lui disait ainsi que la nature des obligations auxquelles il était assujetti. Elle a déclaré que, comme le défendeur avait signé le document visé au paragraphe 18 avant de se présenter à son entrevue, elle avait biffé son nom et lui avait demandé de signer à nouveau devant elle. Elle a ensuite signé son nom sur l'attestation.


[19]            Contre-interrogée au sujet de son habitude de passer en revue les paragraphes 15 et 18 en employant des « mots simples » au lieu de lire à haute voix le texte intégral des questions, Mme Williams a expliqué qu'il n'était pas nécessaire de lire les questions à haute voix en anglais. Si le requérant connaît de toute évidence bien l'anglais, il comprend nécessairement le texte écrit. Elle suivait cette procédure pour s'assurer que l'intéressé comprenait effectivement les exigences énumérées dans la formule de demande.

[20]            Pour évaluer le degré de compréhension du défendeur, elle s'est fiée à son interaction avec lui lors de l'entrevue et elle a rappelé qu'elle faisait une annotation si elle n'était pas sûre que l'intéressé comprenait bien les questions. L'absence d'annotation sur la formule de demande du défendeur permet de conclure que Mme Williams croyait que le défendeur comprenait bien la formule et son obligation d'aviser le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration de tout changement dans sa situation relativement à des poursuites au criminel.

[21]            Le défendeur n'a pas témoigné. Sa participation au procès s'est limitée au contre-interrogatoire et aux observations finales de son avocat. Il a toutefois assisté au procès et il était accompagné d'un interprète.


CONCLUSIONS ET ANALYSE

[22]            La seule question litigieuse qui se pose en l'espèce est celle de savoir si le demandeur a établi que le défendeur avait acquis la citoyenneté canadienne par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels.

[23]            Les dispositions législatives applicables sont les articles 10 et 18 et le paragraphe 22(1) de la Loi sur la citoyenneté :


10. (1) Sous réserve du seul article 18, le gouverneur en conseil peut, lorsqu'il est convaincu, sur rapport du ministre, que l'acquisition, la conservation ou la répudiation de la citoyenneté, ou la réintégration dans celle-ci, est intervenue sous le régime de la présente loi par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels, prendre un décret aux termes duquel l'intéressé, à compter de la date qui y est fixée_ :

a) soit perd sa citoyenneté;

b) soit est réputé ne pas avoir répudié sa citoyenneté.

10. (1) Subject to section 18 but notwithstanding any other section of this Act, where the Governor in Council, on a report from the Minister, is satisfied that any person has obtained, retained, renounced or resumed citizenship under this Act by false representation or fraud or by knowingly concealing material circumstances,

(a) the person ceases to be a citizen, or

(b) the renunciation of citizenship by the person shall be deemed to have had no effect,

as of such date as may be fixed by order of the Governor in Council with respect thereto.

18. (1) Le ministre ne peut procéder à l'établissement du rapport mentionné à l'article 10 sans avoir auparavant avisé l'intéressé de son intention en ce sens et sans que l'une ou l'autre des conditions suivantes ne se soit réalisée_ :

a) l'intéressé n'a pas, dans les trente jours suivant la date d'expédition de l'avis, demandé le renvoi de l'affaire devant la Cour;

b) la Cour, saisie de l'affaire, a décidé qu'il y avait eu fraude, fausse déclaration ou dissimulation intentionnelle de faits essentiels.

18. (1) The Minister shall not make a report under section 10 unless the Minister has given notice of his intention to do so to the person in respect of whom the report is to be made and

(a) that person does not, within thirty days after the day on which the notice is sent, request that the Minister refer the case to the Court; or

(b) that person does so request and the Court decides that the person has obtained, retained, renounced or resumed citizenship by false representation or fraud or by knowingly concealing material circumstances.


22. (1) Malgré les autres dispositions de la présente loi, nul ne peut recevoir la citoyenneté au titre de l'article 5 ou du paragraphe 11(1) ni prêter le serment de citoyenneté_ :

a) pendant la période où, en application d'une disposition législative en vigueur au Canada :

(i) il est sous le coup d'une ordonnance de probation,(ii) il bénéficie d'une libération conditionnelle,

(iii) il est détenu dans un pénitencier, une prison ou une maison de correction;

b) tant qu'il est inculpé pour une infraction prévue aux paragraphes 29(2) ou (3) ou pour un acte criminel prévu par une loi fédérale, autre qu'une infraction qualifiée de contravention en vertu de la Loi sur les contraventions, et ce, jusqu'à la date d'épuisement des voies de recours;

c) tant qu'il fait l'objet d'une enquête menée par le ministre de la Justice, la Gendarmerie royale du Canada ou le Service canadien du renseignement de sécurité, relativement à une infraction visée à l'un des articles 4 à 7 de la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre, ou tant qu'il est inculpé pour une telle infraction et ce, jusqu'à la date d'épuisement des voies de recours;

d) s'il a été déclaré coupable d'une infraction visée à l'un des articles 4 à 7 de la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre;

e) s'il n'a pas obtenu l'autorisation requise préalablement à son retour au Canada par le paragraphe 52(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés;

f) si, au cours des cinq années qui précèdent sa demande, il a cessé d'être citoyen en application du paragraphe 10(1).

22. (1) Notwithstanding anything in this Act, a person shall not be granted citizenship under section 5 or subsection 11(1) or take the oath of citizenship

(a) while the person is, pursuant to any enactment in force in Canada,

(i) under a probation order.

(ii) a paroled inmate, or

(iii) confined in or is an inmate of any penitentiary, jail, reformatory or prison;

(b) while the person is charged with, on trial for or subject to or a party to an appeal relating to an offence under subsection 29(2) or (3) or an acte criminel under any Act of Parliament, other than an offence that is designated as a contravention under the Contraventions Act;

(c) while the person is under investigation by the Minister of Justice, the Royal Canadian Mounted Police or the Canadian Security Intelligence Service for, or is charged with, on trial for, subject to or a party to an appeal relating to, an offence under any of sections 4 to 7 of the Crimes Against Humanity and War Crimes Act;

(d) if the person has been convicted of an offence under any of sections 4 to 7 of the Crimes Against Humanity and War Crimes Act;

(e) if the person has not obtained the authorization to return to Canada required under subsection 52(1) of the Immigration and Refugee Protection Act; or

(f) if, during the five years immediately preceding the person's application, the person ceased to be a citizen pursuant to subsection 10(1).


[24]            Il ressort des faits et de la preuve documentaire soumis par le demandeur conformément aux articles 255 et 256 des Règles que le défendeur a soumis une demande de citoyenneté le 15 juillet 1994, qu'il s'est présenté le 3 mai 1994 devant un juge de la citoyenneté pour une entrevue et qu'il a participé à une cérémonie officielle de remise des certificats de citoyenneté à Toronto le 11 mai 1994.


[25]            Il ressort également de la preuve documentaire que, le 1er avril 1994, le défendeur a été arrêté et accusé de deux infractions à la Loi sur les stupéfiants, L.R.C. 1985, ch N-1. Il a comparu devant la Cour provinciale de Colombie-Britannique le 5 avril 1994 et a été remis en liberté après avoir versé un cautionnement en numéraire et avoir souscrit un engagement assorti de conditions, dont celle de respecter un couvre-feu, chez lui, entre 21 h et 7 h. La preuve documentaire contient notamment le procès-verbal de l'audience de la Cour provinciale, qui indique que l'avocat du défendeur a demandé le 2 mai 1994 la modification de la condition de son engagement relative au couvre-feu. Cette demande a été refusée.

[26]            La genèse de l'instance introduite devant la Cour provinciale de la Colombie-Britannique en mai 1994 revêt une importance particulière dans le présent renvoi, vu l'allégation suivant laquelle le défendeur a acquis la citoyenneté canadienne en dissimulant des faits essentiels, en l'occurrence le fait que des accusations criminelles ont été portées contre lui après qu'il eut présenté sa demande de citoyenneté et avant qu'il se présente devant un juge de la citoyenneté pour une entrevue et avant de participer à la cérémonie officielle au cours de laquelle il a prêté le serment de citoyenneté.


[27]            Un renvoi formé en vertu de la Loi sur la citoyenneté est de nature civile (voir l'arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Tobiass et autre, [1997] 3 RC.S. 391. La charge de preuve applicable est la norme civile, c'est-à-dire celle de la prépondérance de la preuve, mais la Cour doit examiner la preuve attentivement en raison des allégations graves qui doivent être établies par la preuve présentée (voir les jugements Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Bogutin (1998), 144 F.T.R. 1; Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Coomar, (1998), 159 F.T.R. 37, et Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c Schneeburger (2003) F.T.R. 85)

[28]            Dans le jugement Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Wysocki, [2003] A.C.F. no 1505, la juge Layden-Stevenson a tenu les propos suivants, au paragraphe 16, sur le sens de l'expression « dissimulation intentionnelle de faits essentiels » employée aux articles 10 et 18 de la Loi :

La formulation « dissimulation intentionnelle de faits essentiels » employée aux articles 10 et 18 (de la Loi sur la citoyenneté) exige que la Cour conclue sur le fondement de la preuve ou par déduction raisonnable à partir de la preuve, que la personne intéressée a dissimulé des faits essentiels à la décision, qu'elle ait su ou non que ces faits étaient essentiels, avec l'intention d'induire en erreur le décideur : Canada (Ministre de la Citoyennetéet de l'Immigration) c. Odynsky (2001), 196 F.T.R. 1 (1re inst.). Il ne suffit pas de démontrer qu'il y a eu transgression matérielle de la Loi car les fausses déclarations innocentes n'entraînent pas la révocation de la citoyenneté : Canada (Ministre du Multiculturalisme et de la Citoyenneté) c. Minhas (1993), 66 F.T.R. 155 (1re inst.). Une fausse déclaration d'un fait essentiel comprend une déclaration contraire à la vérité, la non-révélation de renseignements véridiques ou la réponse trompeuse qui a pour effet d'exclure ou d'écarter d'autres enquêtes : Odynsky, précitée.

[29]            Vu l'ensemble de la preuve dont je dispose, je suis convaincue, selon la prépondérance de la preuve, que le demandeur a effectivement établi que lorsque le défendeur s'est présenté, le 15 juillet 1993, à son entrevue avec l'agente de citoyenneté Williams, il a été mis au courant de son obligation d'informer le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration de toute éventuelle accusation portant sur un acte criminel prévu par une loi fédérale. J'estime que le témoignage de Mme Williams est suffisant et convaincant à cet égard. C'est un témoin impartial qui n'a aucun intérêt personnel en ce qui concerne l'issue du présent renvoi et elle a témoigné d'une manière franche et directe.


[30]            Je conclus également que l'absence d'annotation sur la demande de citoyenneté du défendeur est une preuve concluante qui confirme l'évaluation que Mme Williams a faite du degré de compréhension du défendeur en ce qui concerne la formule de demande en question et de l'obligation qu'il avait, avant de pouvoir acquérir la citoyenneté, d'informer les autorités de toute accusation portée contre lui relativement aux éléments énumérés à l'article 18 de la Loi.

[31]            Je conclus également qu'après le 15 juillet 1993 et avant le 3 mai 1994, date à laquelle il a comparu devant un juge de la citoyenneté à Toronto, le défendeur avait été accusé de deux infractions à la Loi sur les stupéfiants, à savoir de deux chefs de possession de stupéfiants en vue d'en faire le trafic au sens du paragraphe 4(2) de cette loi. Cet article crée un acte criminel.


[32]            Selon les documents que le demandeur a produits au regard de la demande d'aveux, le défendeur aurait comparu devant la Cour provinciale à Nanaimo le 5 avril 1994 et le 2 mai 1994. J'estime que le défendeur savait pourquoi il était traduit en justice, c'est-à-dire pour répondre à des accusations d'infractions à la Loi sur les stupéfiants. Il ressort du libellé de l'acte d'accusation qu'il s'agissait d'actes criminels. Le dossier de la Cour provinciale indique que le défendeur a choisi de subir son procès devant un juge seul. La mention de la nécessité de s'assurer les services d'un interprète pour ce procès n'a aucun rapport avec la compréhension par le défendeur des obligations qui lui étaient imposées relativement à sa demande de citoyenneté. Je constate que la comparution du 2 mai 1994 visait à faire modifier les conditions de son engagement par la suppression de la condition l'obligeant à respecter un couvre-feu chez lui.

[33]            Il ressort du dossier que le défendeur s'est présenté à une entrevue à Toronto le lendemain, selon toute vraisemblance en violation des conditions de son engagement. Bien que son avocate ait produit une lettre expliquant que le défendeur n'avait pas reconnu sa signature sur le document qui se trouve à l'onglet 9 du recueil des pièces du demandeur, cette lettre ne constitue pas une preuve. Dans le même ordre d'idées, le mémoire de conférence préparatoire au procès ne constitue pas une preuve et, bien que les avocats des parties conviennent que ce document pouvait être examiné par la Cour, il n'a pas été examiné et il ne fait pas partie de la preuve administrée dans le cadre du présent renvoi.

[34]            Le défendeur n'a pas répondu à la demande d'aveux dans le délai prescrit par les Règles et il n'a pas témoigné lors de l'instruction du présent renvoi. Il est irrecevable à contester maintenant la validité de ces documents, notamment par le biais des observations formulées par son avocat dans le mémoire de conférence préparatoire au procès.

[35]            J'estime que le défendeur était conscient qu'il était accusé d'un acte criminel lorsqu'il a comparu devant le juge de la citoyenneté le 3 mai 1994.

[36]            Dans ces conditions, je conclus de l'absence d'annotations dans le rapport de la juge de la citoyenneté que le défendeur n'a pas révélé à celle-ci qu'il avait été accusé d'un acte criminel en vertu de la Loi sur les stupéfiants.

[37]            Par ailleurs, je conclus, sur la foi du document soumis à l'onglet 10 des pièces du demandeur, c'est-à-dire le serment de citoyenneté daté du 11 mai 1999, que le défendeur a prêté le serment de citoyenneté ce jour-là sans révéler qu'il avait été inculpé de deux chefs de trafic de stupéfiants en vertu de la Loi sur les stupéfiants.

[38]            Dans ces conditions et vu l'ensemble de la preuve, je conclus que le défendeur a acquis la citoyenneté canadienne au moyen de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels, en l'occurrence les accusations criminelles portées contre lui, lorsqu'il a prêté le serment de citoyenneté. La Cour rendra donc, en vertu du paragraphe 10(1) et de l'alinéa 18(1)b) de la Loi, un jugement déclarant que le défendeur a acquis la citoyenneté canadienne par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels.

[39]            Le ministre réclame ses dépens. L'avocat du défendeur a demandé qu'aucuns dépens ne soient adjugés compte tenu du temps qui s'est écoulé avant que la Cour ne soit saisie de l'affaire et compte tenu de la collaboration du défendeur.

[40]            Compte tenu des circonstances de l'espèce, j'estime qu'il n'y a aucune raison d'accorder une dispense des dépens. Toutefois, dans l'exercice de mon pouvoir discrétionnaire, je fixe les dépens à la somme de 5 000 $, ce qui comprend les débours et la TPS.

                                                     

                                        ORDONNANCE

LA COUR DÉCLARE, en vertu du paragraphe 10(1) et de l'alinéa 18(1)b) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C-29, modifiée, que le défendeur, Thai Van Dao, a acquis la citoyenneté canadienne par fraude ou au moyen d'une fausse déclaration ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels.

Le ministre a droit à ses dépens, lesquels sont fixés à 5 000 $, ce qui inclut les débours et la TPS.

                                                                                   « E. Heneghan »                

                                                                                                     Juge

Traduction certifiée conforme

Richard Jacques, LL.L.


                                                  COUR FÉDÉRALE

                                                     

                      AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                T-2225-01

                  INTITULÉ :                                 MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

c.

THAI VAN DAO

LIEU DE L'AUDIENCE :                              TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                            28 AVRIL 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                    MADAME LA JUGE HENEGAN

DATE DES MOTIFS :                                  18 MAI 2004

COMPARUTIONS :

SALLY THOMAS

ANGELA MARINOS

POUR LE DEMANDEUR

MARY LAM

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

MORRIS ROSENBERG

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

POUR LE DEMANDEUR

MARY LAM

AVOCATE

TORONTO (ONTARIO)

POUR LE DÉFENDEUR


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