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Date : 19990407


Dossier : T-1618-98

ENTRE :


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,


demandeur,


et


HONG-WEI ZHANG,


défendeur.


MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE REED

[1]      Il s'agit d'un appel interjeté par le ministre à l'égard d'une décision d'un juge de la citoyenneté qui a attribué la citoyenneté au défendeur malgré le fait qu'il avait été absent du Canada pendant 1 162 jours au cours des quatre années précédant la date de sa demande de citoyenneté. L'alinéa 5(1)c) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. c-29, impose les conditions de résidence suivantes à quiconque demande la citoyenneté :

         c) a été légalement admise au Canada à titre de résident permanent, n'a pas depuis perdu ce titre en application de l'article 24 de la Loi sur l'immigration, et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans...

[2]      Il est bien connu qu'il existe plusieurs interprétations de ces conditions. Dans l'affaire Re : Pourghasemi (1993), 19 Imm.L.R.(2nd) 259 (C.F. 1re inst.), aux pages 260 et 261, le juge Muldoon a tenu les propos suivants :

         Il est évident que l'alinéa 5(1)c) vise à garantir que quiconque aspire au don précieux de la citoyenneté canadienne ait acquis, ou se soit vu obligé d'acquérier, au préalable la possibilité quotidienne de " se canadianiser "... Ainsi donc, ceux qui entendent partager volontairement le sort des Canadiens en devenant citoyens du pays doivent le faire en vivant parmi les Canadiens, au Canada, durant trois des quatre années précédant la demande, afin de se canadianiser. Ce n'est pas quelque chose qu'on peut faire à l'étranger, car la vie canadienne et la société canadienne n'existent qu'au Canada, nulle part ailleurs.         

[3] Le juge Pinard, dans l'affaire Re : Chow (C.F. 1re inst., 6 janvier 1997, T-2629-95), s'est exprimé en ces termes :

         Suivant une certaine jurisprudence, il n'est pas nécessaire que la personne qui demande la citoyenneté canadienne soit physiquement présente au Canada pendant toute la durée des 1 095 jours, lorsqu'il existe des circonstances spéciales ou exceptionnelles. J'estime toutefois que des absences du Canada trop longues, bien que temporaires, au cours de cette période de temps minimale, comme c'est le cas en l'espèce, vont à l'encontre de l'objectif visé par les conditions de résidence prévues par la Loi. D'ailleurs, la Loi permet déjà à une personne qui a été légalement admise au Canada à titre de résident permanent de ne pas résider au Canada pendant l'une des quatre années qui précèdent immédiatement la date de sa demande de citoyenneté.         

[4]      Dans le cas qui nous occupe, le juge de la citoyenneté s'est fondé sur la décision rendue par le juge Thurlow dans l'affaire Re : Papadogiorgakis, [1978] 2 C.F. 208 (1re inst.). Dans cette décision, le juge Thurlow a déclaré qu'une personne peut être considérée comme un résident du Canada malgré le fait qu'elle n'y est pas physiquement présente, si elle y a centralisé son mode de vie. Dans l'affaire Re Koo, [1993] 1 C.F. 286 (1re inst.), cela se traduisait par l'exigence de fournir la preuve que la personne avait des attaches avec le Canada plus importantes que celles qu"elle avait avec tout autre pays.

[5]      La raison pour laquelle le juge de la citoyenneté a conclu que les périodes d'absence du défendeur du Canada devaient être considérées comme des périodes de présence est le succès considérable qu'il a connu en Chine dans l'obtention d'importants contrats de travaux de construction pour le compte de son entreprise canadienne et de ses associés. Le défendeur travaillait comme architecte en Chine avant son arrivée au Canada en 1993. Son épouse est venue au Canada en 1992 et, à l'heure actuelle, elle travaille et habite ici. En 1995, ils ont acheté une maison au Canada, dans laquelle il demeure chaque fois qu'il revient au Canada. En Chine, il occupe un logement loué.

[6]      L'avocate du ministre soutient que le succès du défendeur à obtenir d'importants contrats de travaux de construction en Chine n'est pas pertinent pour déterminer s'il respecte les conditions de résidence. Elle avance que le fait que l'épouse du défendeur réside au Canada n'est pas non plus un facteur déterminant, puisque c'est le défendeur lui-même qui doit satisfaire aux conditions de résidence qui s'appliquent à lui. Elle soutient avec raison que l'habitude de présence au Canada du défendeur correspond à une série de visites à son épouse et ne démontre pas qu'il a des attaches avec le Canada qui sont plus importantes que celles qu"il a avec un autre pays. Il gagne sa vie en Chine et y réside la plupart du temps.

[7]      Il y a lieu de se rappeler les raisons pour lesquelles les exigences de résidence et de connaissance de la langue font partie de la Loi sur la citoyenneté, bien que la dernière exigence ne soit pas visée en l'espèce. L'attribution de la citoyenneté donne le droit, et même, comme certains soutiendront, l'obligation de participer à la vie politique du pays, notamment voter aux élections, appuyer les candidats et se porter candidat aux élections aux divers paliers de gouvernement. Il est essentiel, pour participer ainsi à la vie politique du Canada, de s'être familiarisé dans une certaine mesure avec le pays. Cela ne peut se faire lorsqu'il y a des absences prolongées du Canada et aucun attachement antérieur au pays, comme c'est le cas en l'espèce.

[8]      Pour ces motifs, l'appel est accueilli et la décision du juge de la citoyenneté est annulée.


" B. Reed "

                                             juge

TORONTO (ONTARIO)

Le 7 avril 1999.

Traduction certifiée conforme

Bernard Olivier, B.A., LL.B

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :              T-1618-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION
                     - c.-
                     HONG-WEI ZHANG
DATE DE L"AUDIENCE :      LE MERCREDI 24 MARS 1999

LIEU DE L"AUDIENCE :      TORONTO (ONTARIO)

MOTIFS D"ORDONNANCE EXPOSÉS PAR LE JUGE REED

EN DATE DU :          MERCREDI 7 AVRIL 1999

ONT COMPARU :

Mme Susan Nucci                          POUR LE DEMANDEUR

M. Irvin Sherman, c.r.                      POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Morris Rosenberg                          POUR LE DEMANDEUR

Sous-procureur général du Canada

Martinello & Associates                      POUR LE DÉFENDEUR

208-255, chemin Duncan Mill

North York (Ontario)

M3B 3H9

                             COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                 Date: 19990407

                        

         Dossier : T-1618-98

                             Entre :

                             LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ          ET DE L'IMMIGRATION,

     demandeur,

                             - et -

                             HONG-WEI ZHANG,

                    

     défendeur.

                    

                                         

                                                                             MOTIFS DE L'ORDONNANCE

                            

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