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                                                                                                                                IMM-1389-96

 

 

OTTAWA (Ontario), le 5 mars 1997

 

 

EN PRÉSENCE DE M. LE JUGE MACKAY

 

 

Entre :

 

 

                                          THANGAMMAH SANGARAPILLAI,

 

                                                                                                                                    requérante,

 

 

                                                                        - et -

 

 

               LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

 

                                                                                                                                            intimé.

 

 

 

            SUR PRÉSENTATION d'une demande par la requérante en vue d'obtenir un contrôle judiciaire et une ordonnance annulant la décision de la section du statut de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié en date du 2 avril 1996, par laquelle la section a conclu qu'elle n'était pas une réfugiée au sens de la Convention selon la définition du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, et ses modifications,

 

            APRÈS AVOIR ENTENDU l'avocat de la requérante et l'avocate du ministre intimé à Toronto, le 18 février 1997, date à laquelle j'ai réservé mon jugement, et après avoir examiné en détail le dossier et avoir tenu compte des observations formulées à l'audience;

 

 

 

                                                             ORDONNANCE

 

 

            LA COUR ORDONNE que la requête soit rejetée.

 

 

 

 

                                                       W. ANDREW MacKAY

                                                                       JUGE

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme                                                          

 

François Blais, LL.L.


 

 

 

 

 

                                                                                                                                IMM-1389-96

 

 

Entre :

 

 

                                          THANGAMMAH SANGARAPILLAI,

 

                                                                                                                                    requérante,

 

 

                                                                        - et -

 

 

               LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

 

                                                                                                                                            intimé.

 

 

 

                                               MOTIFS DE L'ORDONNANCE

 

 

 

LE JUGE MacKAY

 

            Dans la présente demande de contrôle judiciaire, la requérante demande l'annulation d'une décision d'une formation de la section du statut de réfugié en date du 2 avril 1996, qui a conclu que la requérante n'était pas une réfugiée au sens de la Convention selon la définition du paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2, et ses modifications.

 

            Quand l'affaire a été entendue à Toronto, le 18 février 1997, j'ai sursis au prononcé du jugement.  Après avoir eu la possibilité d'examiner le dossier et les observations formulées à l'audience, j'ai décidé de rejeter la demande.  Voici de brefs motifs justifiant cette décision.

 

            Au moment où la section du statut a pris sa décision en avril 1996, la requérante était âgée de 73 ans; c'est une Tamoule qui habitait dans le nord du pays, c'est-à-dire dans une région où les forces armées du Sri Lanka combattent les Tigres tamouls.  À l'automne 1991, les forces sri-lankaises ont occupé son village avec l'appui du PDE, mouvement militant tamoul appuyant les forces gouvernementales.

 

            Le 15 novembre 1992, la requérante a été détenue par les membres du PDE qui lui ont demandé de l'argent que, selon eux, sa famille pourrait leur fournir.  Ils l'ont autorisée à se rendre à Colombo pour entrer en contact avec son fils afin de se procurer l'argent en question.  En arrivant à Colombo le 18 novembre, elle a appris que son fils, qui vivait et travaillait dans cette ville, était détenu par la police qui le soupçonnait d'appuyer les Tigres.  Elle est demeurée chez un de ses parents.  Le 30 novembre 1992, d'autres membres du PDE lui ont rendu visite à la maison de son parent et ont exigé que la requérante leur remette l'argent que leurs camarades du Nord lui avaient déjà demandé.  Ils ont menacé de la tuer si elle ne leur versait pas l'argent dans un délai d'un mois.

 

            Après cette tentative d'extorsion, son parent lui a demandé d'aller demeurer ailleurs.  Elle a vécu dans un centre pendant une semaine avant que le PDE lui rende de nouveau visite et renouvelle sa demande d'argent.  Grâce à des parents, elle a réussi à quitter le Sri Lanka le 15 décembre 1992 à destination du Canada.  À son arrivée ici avec un de ses fils, ils ont réclamé le statut de réfugiés au sens de la Convention.

 

            Les revendications de la requérante et de son fils ont été examinées ensemble et ont été refusées en 1993.  Cette décision d'octobre 1993 a été annulée et leurs revendications ont été renvoyées pour réexamen.

 

            La formation qui a entendu de nouveau la cause s'est réunie le 8 février, le 19 avril et le 21 juin 1995.  Elle a rendu sa décision le 2 avril 1996, accueillant la demande du fils et refusant celle de la requérante.

 

            La décision de la formation, pour ce qui a trait à celle de la requérante, est assez brève.  Une fois les renvois omis, elle est rédigée dans les termes suivants :

[TRADUCTION]

                Pour ce qui a trait à la requérante, la formation conclut que même si elle craignait avec raison d'être persécutée, elle avait aussi une possibilité de refuge intérieur.

                La formation a examiné le double critère énoncé dans Rasaratnam.

                La crainte de persécution qu'entretient la requérante à l'égard de Colombo se fonde sur les tentatives d'extorsion du Parti démocratique de l'Eelam (PDE).  La preuve documentaire révèle que le PDE est très discret à Colombo.  Cependant, par le passé (avant les dernières élections parlementaires), de nombreuses allégations ont été portées contre le PDE.  À l'heure actuelle, il n'y en a aucune.  La formation conclut que l'influence du PDE a beaucoup diminué depuis novembre 1992, quand le parti a essayé d'extorquer de l'argent à la requérante.  Plus de trois ans se sont écoulés depuis cet incident.  La formation conclut qu'il n'est pas probable que ces personnes continueront d'essayer de lui extorquer des fonds.  Aucun élément de preuve ne permet de conclure qu'ils ont essayé de retrouver la requérante depuis cette date, soit à la maison de son parent à Colombo ou ailleurs.

                La situation de la requérante n'est manifestement pas liée à celle du requérant.  Elle ne se trouvait même pas à Colombo au moment où il a été arrêté par la police.  Compte tenu de son âge (73 ans), il n'est pas probable qu'elle soit soupçonnée de faire partie des Tigres.  En fait, cette question n'a même pas été soulevée.

                Le fils de la requérante (le requérant), bien qu'il ne réside plus à Colombo, peut vraisemblablement avoir établi des contacts là-bas qui pourront aider sa mère.  En outre, celle‑ci a un autre parent à Colombo chez qui elle est demeurée pendant son séjour là-bas.

                La formation conclut que la requérante n'a pas de raison de craindre d'être persécutée à Colombo et qu'il n'est pas déraisonnable qu'elle s'y établisse, dans les circonstances.

 

            La question soulevée par la demande consiste à déterminer si la formation a correctement appliqué le critère de l'arrêt Rasaratnam c. M.E.I., [1992] 1 C.F. 706 (C.A.), repris et développé par le juge Linden dans Thirunavukkarusu c. M.E.I., [1994] 1 C.F. 589 (C.A.F.).  Pour conclure qu'il existe une possibilité de refuge intérieur, il faut être convaincu qu'il est objectivement raisonnable, compte tenu de l'ensemble des circonstances, y compris de la situation particulière du requérant, de conclure qu'il ne serait pas déraisonnable pour ce requérant particulier de chercher refuge à Colombo; en l'espèce, parce qu'il n'y a pas de possibilité sérieuse qu'elle y soit persécutée.

 

            La requérante fait instamment valoir que la Commission n'a pas tenu compte, dans son évaluation des circonstances qui prévalaient à Colombo et au Sri Lanka au moment de sa décision, d'une importante preuve documentaire.  Selon elle, cette preuve inclurait une lettre en date du 9 juillet 1992 du représentant au Canada du Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés décrivant la situation existant au Sri Lanka et faisant une mise en garde pour que, dans l'appréciation des possibilités de refuge intérieur au Sri Lanka, on tienne compte de considérations importantes comme la présence de proches parents ou la durée de la résidence ou l'exercice d'un emploi dans la région.  La lettre en question a été un facteur important dans la décision de mon collègue, le juge Gibson, dans Kulanthavelu c. M.E.I., (1993), 71 F.T.R. 129 (C.F. 1re inst.).  La lettre se trouvait parmi les documents inclus par renvoi dans l'index de la preuve documentaire qui a été fournie à la formation en l'espèce par l'agent d'audience.  Ainsi donc, la formation était saisie de cette lettre.  À mon avis, la question soulevée par la requérante semble porter sur l'importance qu'il faut donner à ce document.  Ce document était pertinent à la décision examinée par le juge Gibson, parce que celle-ci avait été prise quelques mois après la publication de la lettre.  En l'espèce, la décision que l'on cherche à faire annuler a été prise près de quatre ans après la publication de ce document et beaucoup de choses se sont passées au Sri Lanka depuis, et ces faits nouveaux étaient signalés dans d'autres documents produits en preuve devant la formation.  Cet argument, portant sur l'importance qu'il faut accorder à la lettre en question, ne soulève pas de motif justifiant l'intervention de la Cour, parce que, à mon avis, la décision de la formation ne semble pas déraisonnable au vu de l'ensemble de la preuve documentaire dont elle était saisie.

 

            L'argument selon lequel une partie de la preuve documentaire a été ignorée par la formation vise également des documents qui ont été remis à la formation en décembre 1995, après la fin des audiences et avant que la décision soit rendue.  Dans sa décision, la formation fait référence au déclin de l'influence du PDE depuis novembre 1992, date à laquelle remontent les tentatives d'extorsion exercées auprès de la requérante.  La source de ces renseignements est une allocution prononcée par le professeur Bruce Matthews devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié à Toronto, en janvier 1995.  La requérante prétend que la situation mentionnée dans cette allocution a beaucoup changé avant que la formation prenne sa décision en avril 1996, en raison de la reprise des combats au milieu de 1995 dans le Nord et d'attaques lancées dans diverses régions du pays, y compris à Colombo, par les Tigres militants.  Elle fait instamment valoir que ces changements ont considérablement modifié la situation qui prévalait en janvier 1995.  Compte tenu de ces changements, elle prétend que la formation, en ne faisant aucune référence aux conditions négatives dont il est question dans la preuve documentaire produite en son nom en décembre 1995, a virtuellement ignoré cette preuve.

 

            Je ne suis pas persuadé que tel est le cas.  Dans sa décision, la formation note précisément que la preuve produite à l'audience incluait [TRADUCTION] «des documents remis par l'avocat (de la requérante) et par l'agent d'audience.  La preuve postérieure à l'audience a été fournie par l'avocat le 14 décembre 1995 et elle a été dûment examinée par la formation».  La décision de la formation mentionne explicitement cette preuve dans un renvoi comme étant la pièce C-10.

 

            À mon avis, la décision de la formation ne fait ressortir aucune erreur susceptible de révision.  Elle note précisément qu'elle a examiné les documents qui ont été soumis en décembre 1995 au nom de la requérante.  Sa décision concernant la situation à Colombo est appuyée par une partie, sinon la totalité, de la preuve documentaire qui lui a été remise.  De plus, il me semble qu'elle a tenu compte de la situation particulière de la requérante, de son âge, du fait qu'elle a un parent à Colombo chez qui elle est demeurée quand elle s'y trouvait, du fait que plus de trois ans se sont écoulés depuis les tentatives d'extorsion du PDE, et du fait que son fils, qui a vécu et travaillé à Colombo, peut vraisemblablement avoir établi des contacts qui pourront aider la requérante.  Ce sont des facteurs qui, à mon avis, permettent à la formation de conclure de façon raisonnable qu'ils appuient sa décision selon laquelle il n'est pas déraisonnable pour la requérante de vivre à Colombo où elle n'a aucune raison de craindre d'être persécutée.

 

            Par ces motifs, la demande est rejetée.

 

 

                                                       W. ANDREW MacKAY

                                                                       JUGE

 

 

 

OTTAWA (Ontario)

le 5 mars 1997

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme                                                          

 

François Blais, LL.L.


                                              COUR FÉDÉRALE DU CANADA

                                           SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

 

                           AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

 

N° DU GREFFE :IMM-1389-96

 

 

INTITULÉ DE LA CAUSE :THANGAMMAH SANGARAPILLAI c. MCI

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L'AUDIENCE :le 18 février 1997

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE RENDUS PAR LE JUGE MACKAY

 

 

DATE :le 5 mars 1997

 

 

 

 

ONT COMPARU :

 

 

M. William Sullivan                                                    POUR LA REQUÉRANTE

 

 

Mme Cheryl Mitchell                                                    POUR L'INTIMÉ

 

 

 

 

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

M. William A. Sullivan                                               POUR LA REQUÉRANTE

Toronto (Ontario)

 

 

M. George Thomson                                       POUR L'INTIMÉ

Sous-procureur général du Canada

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