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     T-1637-96

OTTAWA (ONTARIO), LE 29 MAI 1997.

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE NADON

     AFFAIRE INTÉRESSANT LA LOI SUR LA CITOYENNETÉ,

     L.R.C. (1985), ch. C-29;

     ET un appel de la décision

     d'un juge de la citoyenneté;

     ET

     HUNG NANG CHOI,

     appelant.

     JUGEMENT

     L'appel est rejeté.

     MARC NADON

     juge

Traduction certifiée conforme             
                                 Christiane Delon, LL. L.

     T-1638-96

OTTAWA (ONTARIO), LE 29 MAI 1997.

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE NADON

     AFFAIRE INTÉRESSANT LA LOI SUR LA CITOYENNETÉ,

     L.R.C. (1985), ch. C-29;

     ET un appel de la décision

     d'un juge de la citoyenneté;

     ET

     KWAN WAI DEREK CHOI,

     appelant.

     JUGEMENT

     L'appel est rejeté.

     MARC NADON

     juge

Traduction certifiée conforme             
                                 Christiane Delon, LL. L.

     T-1637-96

     AFFAIRE INTÉRESSANT LA LOI SUR LA CITOYENNETÉ,

     L.R.C. (1985), ch. C-29;

     ET un appel de la décision

     d'un juge de la citoyenneté;

     ET

     HUNG NANG CHOI,

     appelant.

ET

     T-1638-96

     AFFAIRE INTÉRESSANT LA LOI SUR LA CITOYENNETÉ,

     L.R.C. (1985), ch. C-29;

     ET un appel de la décision

     d'un juge de la citoyenneté;

     ET

     KWAN WAI DEREK CHOI,

     appelant.

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE NADON

     Les appelants (dans les dossiers T-1637-96 et T-1638-96) interjettent appel des décisions d'un juge de la citoyenneté qui a rejeté leurs demandes de citoyenneté canadienne pour le motif qu'ils ne satisfaisaient pas aux exigences en matière de résidence prévues à la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29.

         Les appelants sont père et fils. Ils ont été admis au Canada à titre de résidents permanents le 11 avril 1992. En août 1995, ils ont déposé leurs demandes de citoyenneté canadienne; ils ont comparu devant le juge de la citoyenneté le 23 avril 1996. Le 30 mai 1996 et le 14 juin 1996, le juge de la citoyenneté a informé les appelants par écrit (le 30 mai, le fils, et le 14 juin, le père) que leurs demandes ne pouvaient être approuvées pour le motif qu'ils n'avaient pas satisfait aux exigences prévues à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, qui se lit comme suit :

         5. (1) Le ministre attribue la citoyenneté à toute personne qui, à la fois :                 
         [...]                 
         c) a été légalement admise au Canada à titre de résident permanent, n'a pas depuis perdu ce titre en application de l'article 24 de la Loi sur l'immigration, et a, dans les quatre ans qui ont précédé la date de sa demande, résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout, la durée de résidence étant calculée de la manière suivante :                 
             (i) un demi-jour pour chaque jour de résidence au Canada avant son admission à titre de résident permanent,                 
             (ii) un jour pour chaque jour de résidence au Canada après son admission à titre de résident permanent;                 

     Dans ses lettres aux appelants, le juge de la citoyenneté a souligné qu'à la date de leurs demandes, ils avaient été physiquement absents du Canada pendant 1 160 jours (le père) et 1 154 jours (le fils). Ainsi, entre le mois d'avril 1992 et le mois d'août 1995, les appelants n'avaient été présents au Canada qu'environ 74 jours (le père) et 80 jours (le fils). Le juge de la citoyenneté s'est ensuite posé la question de savoir s'il était possible de conclure que les appelants satisfaisaient aux exigences en matière de résidence en dépit du fait qu'ils n'avaient pas passé beaucoup de temps au Canada. Le juge de la citoyenneté a statué qu'il ne pouvait conclure en ce sens. Le 3 juillet 1996, les appelants ont déposé leurs avis d'appel à la Cour.

     La décision de principe sur la question dont je suis aujourd'hui saisi est l'affaire Re Papadogiorgakis, [1978] 2 C.F. 208. Aux pages 213 et 214, le juge Thurlow (tel était alors son titre) a expliqué dans les termes suivants la notion de "résidence" sous le régime de la Loi sur la citoyenneté :

         Il me semble que les termes "résidence" et "résident" employés dans l'alinéa 5(1)b ) de la nouvelle Loi sur la citoyenneté ne soient pas strictement limités à la présence effective au Canada pendant toute la période requise, ainsi que l'exigeait l'ancienne loi, mais peuvent aussi comprendre le cas de personnes ayant un lieu de résidence au Canada, qu'elles utilisent comme un lieu de domicile dans une mesure suffisante fréquente pour prouver le caractère effectif de leur résidence dans ce lieu pendant la période pertinente, même si elles en ont été absentes pendant un certain temps. Cette interprétation n'est peut-être pas très différente de l'exception à laquelle s'est référé le juge Pratte lorsqu'il emploie l'expression "(d'une façon au moins habituelle)", mais, dans un cas extrême, la différence peut suffire pour mener le requérant au succès ou à la défaite.                 
             Une personne ayant son propre foyer établi, où elle habite, ne cesse pas d'y être résidente lorsqu'elle le quitte à des fins temporaires, soit pour traiter des affaires, passer des vacances ou même pour poursuivre des études. Le fait que sa famille continue à y habiter durant son absence peut appuyer la conclusion qu'elle n'a pas cessé d'y résider. On peut aboutir à cette conclusion même si l'absence a été plus ou moins longue. Cette conclusion est d'autant mieux établie si la personne y revient fréquemment lorsque l'occasion se présente. Ainsi que l'a dit le juge Rand dans l'extrait que j'ai lu, cela dépend [TRADUCTION] "essentiellement du point jusqu'auquel une personne s'établit en pensée et en fait, ou conserve ou centralise son mode de vie habituel avec son cortège de relations sociales, d'intérêts et de convenances, au lien en question".                 

     Si je comprends bien les propos du juge Thurlow, la personne qui a établi son foyer au Canada ne cesse pas d'y être résidente lorsqu'elle quitte le pays "à des fins temporaires, soit pour traiter des affaires, passer des vacances ou même pour poursuivre des études". Par conséquent, je dois déterminer en l'espèce si les appelants avaient effectivement établi leur foyer au Canada avant de retourner à Hong Kong pour mener leurs affaires. À mon avis, les appelants n'avaient pas établi leur foyer au Canada et ne l'ont pas encore fait.

     Les appelants sont propriétaires d'une maison à Scarborough (Ontario). Lorsqu'ils sont à Hong Kong pendant la plus grande partie de l'année, ils habitent un appartement loué. Lorsqu'ils se rendent en Chine, ils restent à l'hôtel.

     Le père appelant est arrivé au Canada le 11 avril 1992 en qualité d'immigrant ayant obtenu le droit d'établissement, avec sa femme et ses deux enfants. Le 16 avril 1992, après n'avoir passé que 5 jours au Canada, il est retourné à Hong Kong. Il est resté à l'étranger pendant 170 jours. Ainsi que je l'ai indiqué précédemment, le père appelant s'est absenté du Canada, au cours de la période pertinente, pendant 1 160 jours. Il s'est alors occupé de l'entreprise familiale à Hong Kong.

     L'autre appelant, le fils, est resté au Canada jusqu'au 19 avril 1992, date à laquelle il s'est rendu lui aussi en Extrême-Orient. Il est resté à l'étranger pendant 51 jours. Il est revenu au Canada le 9 juin 1992, il est reparti le 12 juin 1992, et il est resté à l'étranger pendant 155 jours. Comme son père, il était à Hong Kong pour s'occuper de l'entreprise familiale.

     Je joins en annexe à mes motifs deux documents qui donnent les détails sur les "absences du Canada" des appelants.

     Dans les motifs qu'il a donnés pour rejeter les demandes des appelants, le juge de la citoyenneté a écrit ce qui suit :

             [TRADUCTION]                 
             J'admets que la présence physique au Canada pendant toute la période de 1 095 jours n'est pas requise, mais il est cependant très important d'être physiquement présent pendant une certaine période afin de créer un certain nombre d'engagements et de liens au Canada. Je ne prends pas cet aspect à la légère.                 
             Il est évident que vous deviez faire un choix avant d'immigrer au Canada : rester à Hong Kong ou venir au Canada et y commencer une nouvelle vie.                 
             Ces faits me mènent à conclure que vos présences au Canada n'étaient que des visites ou des séjours temporaires. Cela est insuffisant pour conclure que vous y avez centralisé votre mode de vie dans les quatre ans qui ont précédé la date de votre demande. Par conséquent, vos absences du Canada ne peuvent être prises en compte pour la durée de résidence au Canada.                 

     Il est vrai que, pendant que les appelants se trouvaient en Extrême-Orient pour affaires, le reste de leur famille était au Canada. L'épouse du père appelant est restée ici dans leur maison de Scarborough. Un oncle vit également au Canada. Les appelants ont témoigné qu'à l'exception de leur grand-mère, qui vit en Malaisie, toute leur famille est maintenant établie au Canada.

     À mon avis, le juge de la citoyenneté a à juste titre conclu que les appelants n'avaient pas établi leur foyer au Canada. Le fait est que les appelants ne vivent pas au Canada. Ils vivent à Hong Kong et ils reviennent à l'occasion au Canada pour y visiter leur famille. Ainsi que le juge Muldoon l'a déclaré dans l'arrêt Re Hui (1994), 75 F.T.R. 81, à la page 85 :

         Ceci [la "canadianisation"] ne peut se faire en habitant à l'étranger, ni d'ailleurs en ouvrant des comptes bancaires et en déposant des loyers, des meubles, des vêtements et, encore plus important, des enfants et des conjoints - en un mot, tout sauf la personne intéressée elle-même - au Canada, tout en demeurant personnellement en dehors du Canada.                 

     En toute déférence pour ceux qui sont d'opinion contraire, on ne peut dire que les appelants avaient établi leur foyer au Canada entre la date de leur arrivée au Canada, le 11 avril 1992, et le mois d'août 1995. À mon avis, je ne peux arriver à la conclusion recherchée par les appelants.

     Peut-être le législateur devrait-il modifier la Loi sur la citoyenneté pour tenir compte de la situation des immigrants originaires de Hong Kong. Un grand nombre d'entre eux viennent ici pour des raisons très particulières. Cependant, je ne suis pas habilité à effectuer la modification que seul le législateur peut apporter. Je reconnais qu'un certain nombre d'immigrants originaires de Hong Kong ont, dans des circonstances très semblables à celles qui ont été exposées précédemment, interjeté appel avec succès de décisions défavorables rendues par des juges de la citoyenneté. Malheureusement pour les appelants dans la présente affaire, je ne suis pas disposé à faire fi des dispositions claires de la Loi sur la citoyenneté.

     Pour ces motifs, les appels sont rejetés.

     MARC NADON

     juge

Ottawa (Ontario),

29 mai 1997.

Traduction certifiée conforme         
                                 Christiane Delon, LL. L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

No DU GREFFE :              T-1637-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :      LOI SUR LA CITOYENNETÉ et HUNG NANG CHOI
                    
                     ET
No DU GREFFE :              T-1638-96
INTITULÉ DE LA CAUSE :      LOI SUR LA CITOYENNETÉ et KWAN WAI DEREK CHOI
LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)
DATE DE L'AUDIENCE :      le 9 avril 1997

MOTIFS DU JUGEMENT de M. le juge Nadon

EN DATE DU :              29 mai 1997

ONT COMPARU :

M. Sheldon M. Robins              pour les appelants
M. Peter K. Large                  amica curiae

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Sheldon M. Robins              pour les appelants

Avocat et procureur

Toronto (Ontario)

M. Peter K. Large                  amicus curiae

Avocat et procureur

Toronto (Ontario)

     CHOI, Hung Nang

     ABSENCES DU CANADA

Résident permanent : 11 avril 1992

                         Point de      Motif de      Nombre
Du          Au          Destination      rentrée      l'absence      de jours
(J/M/A)      (J/M/A)
16/04/92      03/10/92      Hong Kong      A.I.P.          Affaires      170
08/10/92      08/11/92      Hong Kong      A.I.P.          Affaires      31
18/11/92      22/01/93      Hong Kong      A.I.P.          Affaires      65
28/01/93      28/03/93      Hong Kong      A.I.P.          Affaires      59
03/04/93      14/06/93      Hong Kong      A.I.P.          Affaires      72
19/06/93      20/10/93      Hong Kong      A.I.P.          Affaires      123
23/10/93      02/04/94      Hong Kong      A.I.P.          Affaires      161
07/04/94      29/09/94      Hong Kong      A.I.P.          Affaires      175
04/10/94      29/09/94      Hong Kong      A.I.P.          Affaires      115
04/02/95      21/04/95      Hong Kong      A.I.P.          Affaires      76
25/04/95      11/07/95      Hong Kong      A.I.P.          Affaires      77
19/07/95      24/08/95      Paris/          A.I.P.          Affaires      36
                 Hong Kong
                                 Total :      1 160

     CHOI, Kwan Wal Derek

     ABSENCES DU CANADA

Résident permanent : 11 avril 1992

                         Point de      Motif de      Nombre
Du          Au          Destination      rentrée      l'absence      de jours
(J/M/A)      (J/M/A)
19/04/92      09/06/92      Hong Kong      A.I.P.          Affaires      51
12/06/92      14/11/92      Hong Kong      A.I.P.          Affaires      155
18/11/92      21/01/93      Hong Kong      A.I.P.          Affaires      64
27/01/93      25/02/93      Hong Kong      A.I.P.          Affaires      29
28/02/93      24/07/93      Hong Kong      A.I.P.          Affaires      146
28/07/93      21/04/93      Hong Kong      A.I.P.          Affaires      236
03/04/94      15/09/94      Hong Kong      A.I.P.          Affaires      165
19/09/94      13/10/94      Hong Kong      A.I.P.          Affaires      24
20/10/94      17/11/94      Hong Kong      A.I.P.          Affaires      28
29/11/94      24/01/95      Hong Kong      A.I.V.      Affaires      56
04/02/95      14/05/95      Hong Kong      A.I.P.          Affaires      99
18/05/95      27/08/95      Hong Kong      P.I.A.          Affaires      101
                                 Total :      1 154
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