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     Date : 19990303

     Dossier : T-876-98

     INSTANCE relative à la Loi sur la citoyenneté,

     L.R.C. (1985), ch. C-29

     ET à l'appel formé contre la décision

     d'un juge de la citoyenneté

Entre

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     appelant,

     - et -

     CHI LEUNG LAU,

     intimé

     MOTIFS DU JUGEMENT

Le juge SHARLOW

[1]      La Cour est saisie de l'appel formé par le ministre contre la décision en date du 12 mars 1998 par laquelle le juge de la citoyenneté a fait droit à la demande de citoyenneté de Chi Leung Lau.

[2]      M. Lau avait été convoqué à l'audience mais n'a pas comparu, ni en personne ni par avocat. Aucun intervenant bénévole n'a été désigné. Le dossier soumis à la Cour ne comprend pas la transcription de l'audience devant le juge de la citoyenneté. L'avocate de l'appelant n'avait pas signifié une assignation à M. Lau et n'a pu citer aucune règle qui m'eût permis de conclure que celui-ci était tenu à l'obligation de comparaître. Elle a choisi de poursuivre l'instance à la lumière des documents produits devant le juge de la citoyenneté et des conclusions écrites soumises à la Cour.

[3]      Il échet uniquement d'examiner si M. Lau remplissait la condition de résidence prévue à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, c'est-à-dire si, durant les quatre années qui précédaient sa demande de citoyenneté, il avait " résidé au Canada pendant au moins trois ans en tout ".

[4]      Selon le dossier, il a fait sa demande de citoyenneté le 10 janvier 1996. La période de quatre ans qui entre en ligne de compte court donc du 10 janvier 1992. Pour ce qui est de la présence physique au Canada, le juge de la citoyenneté a conclu qu'il lui manquait 518 jours. Selon la décision rendue par le juge en chef adjoint Thurlow dans Re Papadogiorgakis, [1978] 2 C.F. 208, la présence physique n'est pas le seul facteur pour ce qui est de la condition de résidence, et il faut aussi examiner si l'intéressé a une base résidentielle au Canada et si sa vie y est centrée. Dans l'affirmative, la condition de résidence peut être remplie malgré les absences temporaires du Canada.

[5]      L'avocate du ministre soutient que si on interprète correctement l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté, " résidence au Canada " est synonyme de " présence au Canada ". Selon cette interprétation, l'alinéa 5(1)c) prévoit la computation mathématique des jours de présence au Canada et des jours d'absence, et rien de plus. Si tel était le critère applicable, M. Lau n'était pas admissible à la citoyenneté le jour de sa demande. Pareille interprétation a l'avantage de la simplicité, mais je pense qu'elle est erronée. En employant le terme " résidence " au lieu de " présence ", le législateur a entendu prévoir un critère qualitatif à l'alinéa 5(1)c), ainsi que l'a fait observer le juge en chef adjoint Thurlow. Le fait que le critère qualitatif soit parfois difficile à appliquer ne saurait justifier d'interpréter le terme " résidence " comme signifiant " présence ".

[6]      Le juge de la citoyenneté concluait que M. Lau avait établi la résidence requise au Canada, que ses absences étaient temporaires, et que de ce fait, il était un résident du Canada tout au long de ses fréquentes absences. À la lumière des documents seuls, je ne peux conclure que le juge de la citoyenneté a commis une erreur.

[7]      L'avocate de l'appelant soutient que les documents produits ne permettent pas de dire si M. Lau a rempli la condition de résidence pendant la période en question. En fait, nombre de ces documents n'ont apparemment aucun rapport avec cette question. Ils ne contredisent pas non plus les conclusions tirées par le juge de la citoyenneté sur les faits. Celui-ci avait le bénéfice du témoignage de vive voix de M. Lau, et j'infère de sa décision qu'il trouvait que celui-ci était un témoin digne de foi, dont le témoignage comblait les lacunes dans les documents et expliquait le rapport entre ces documents et la question de sa résidence.

[8]      Cette inférence est confortée par l'observation faite par le juge de la citoyenneté que " l'entreprise canadienne [de M. Lau] est maintenant florissante et emploie 11 citoyens canadiens ". On voit mal comment cette conclusion sur les faits se rapporte à la condition de résidence, mais elle touche à la crédibilité de M. Lau. Celui-ci a apparemment fait valoir devant le juge de la citoyenneté que dès son arrivée au Canada, il s'est occupé à mettre sur pied une entreprise canadienne, mais qu'il a dû s'absenter souvent pour régler des questions de famille et liquider des affaires à l'étranger. Le juge de la citoyenneté a visiblement ajouté foi à ses assertions.

[9]      Selon l'avocate de l'appelant, on peut conclure des déclarations d'impôt comprises dans les preuves documentaires que M. Lau ne déclarait pas tout le revenu réalisé ailleurs, ce qui signifie qu'il n'a pas des liens suffisamment étroits avec le Canada; v. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration c. Lu (T-624-98, décision non rapportée en date du 16 novembre 1998 du juge Rothstein). Tirer pareille conclusion reviendrait à présumer que M. Lau ne remplit pas les obligations légales auxquelles il est tenu par application de la Loi de l'impôt sur le revenu. Je ne suis pas disposée à tirer une telle conclusion en l'espèce. Il se peut qu'il y ait des explications qui prouveraient que ces déclarations d'impôt sont exactes, et rien ne me permet de conclure que M. Lau s'est vu donner la possibilité de répondre à l'assertion que ses déclarations d'impôt sont inexactes.

[10]      L'avocate de l'appelant soutient encore qu'il s'agit en l'espèce d'un procès de novo et que par conséquent, je dois prononcer en faveur de la Couronne si les documents produits ne prouvent pas que M. Lau était un résident durant la période en question. Je n'accepte pas cet argument. Les Règles de la Cour fédérale assurent à l'appelant en matière de citoyenneté tous les moyens nécessaires pour s'assurer que toutes les preuves pertinentes sont produites devant la Cour. Le défaut par la Couronne, en sa qualité d'appelante en l'espèce, de se prévaloir de ces moyens ne doit pas agir au détriment de l'intimé.

     Signé : Karen R. Sharlow

     ________________________________

     Juge

Toronto (Ontario),

le 3 mars 1999

Traduction certifiée conforme,

Laurier Parenteau, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER No :              T-876-98
INTITULÉ DE LA CAUSE :      INSTANCE relative à la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29
                     ET à l'appel formé contre la décision d'un juge de la citoyenneté

                     Entre

                     Le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration

                     et

                     Chi Leung Lau

DATE DE L'AUDIENCE :      Mardi 2 mars 1999

LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)

MOTIFS DU JUGEMENT PRONONCÉS PAR MME LE JUGE SHARLOW

LE :                      Mercredi 3 mars 1999

A COMPARU :

Mme Marianne Zoric                  pour l'appelant

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Morris Rosenberg                  pour l'appelant

Sous-procureur général du Canada

Chi Leung Lau                  pour l'intimé

3 avenue Highglen

Markham (Ontario) L3R 0L8

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     Date : 19990303

     Dossier : T-876-98

INSTANCE relative à la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. (1985), ch. C-29

ET à l'appel formé contre la décision d'un juge de la citoyenneté

Entre

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,

     - et -

CHI LEUNG LAU,

     MOTIFS DU JUGEMENT


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