Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20051121

Dossier : IMM-10322-04

Référence : 2005 CF 1572

ENTRE :

                                                            JOEL LIMA TOLEDO

                                                                                                                                           demandeur

                                                                             et

                         LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                             défendeur

                                                  MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON

[1]                Dans la décision du 22 novembre 2004, la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention, ni une personne à protéger. En l'espèce, il demande le contrôle judiciaire de cette décision, et il invoque essentiellementtrois (3) motifs : L' « interrogatoire à rebours » du demandeur a-t-il nui à sa capacité de faire valoir ses arguments? Deuxièmement, la conduite et le comportement du président de l'audience soulèvent-ils une crainte raisonnable de partialité? Troisièmement, est-ce à bon droit que la Commission pouvait tirer ses conclusions défavorables quant à la crédibilité?

[2]                À l'ouverture de l'audience relative à la présente demande de contrôle judiciaire, le demandeur a signalé que, si l'audition de l'affaire s'est déroulée en deux sessions, ne figurait au dossier du tribunal que la transcription de la première session. Apparemment, aucune transcription de la deuxième session n'est disponible. Le demandeur a fermement fait valoir que l'absence de transcription de la deuxième session a gravement porté atteinte à sa capacité de faire valoir pleinement ses arguments devant la Cour à l'égard des questions de crainte raisonnable de partialité et de crédibilité. Il a donc invité la Cour à annuler la décision visée par la demande de contrôle et à renvoyer la demande d'asile pour réexamen et fait valoir qu'il n'est pas nécessaire pour ce faire d'examiner la demande de contrôle judiciaire au fond.

[3]                Le défendeur a contesté la position du demandeur au motif que, apparemment, la majeure partie de la déposition a été inscrite au dossier lors de la première session. Il fait instamment valoir que la deuxième session a été relativement brève, qu'elle a surtout été consacrée à la requête en récusation présentée par le demandeur visant le président de l'audience et aux plaidoiries orales de l'agent chargé de la protection des réfugiés et du demandeur. Il semble que seule une courte partie de l'audience ait été consacrée à la phase finale de l'interrogatoire du demandeur lui-même.

[4]                Après avoir examiné brièvement les observations des parties, je les ai informées que j'allais donner raison au demandeur; la Cour doit traiter équitablement non seulement le demandeur, mais également le président de l'audience, dont la réputation d'arbitre équitable et impartial a été mise en cause.


[5]                Ces dernières années, la Cour a souvent été saisie de la question de l'incidence d'une transcription incomplète sur les intérêts du demandeur dans le cadre d'instances en contrôle judiciaire[1]. Les observations suivantes faites par la juge Layden-Stevenson dans l'affaire Randhawa, reflètent le sentiment de mes collègues dans ces décisions :

Les parties conviennent qu'en l'absence d'un droit légal à l'enregistrement (ce qui est le cas en l'espèce), la Cour doit établir si la preuve dont elle est saisie lui permet de statuer convenablement sur la demande. Si c'est le cas, l'absence de transcription ne portera pas atteinte aux règles de justice naturelle. Il s'agit de déterminer si le demandeur serait privé d'un moyen de révision en raison de l'absence de transcription. La norme applicable est la possibilité sérieuse: _..._

_..._

Malgré l'argumentation claire et habile de l'avocat du défendeur, le demandeur m'a convaincue que les conclusions de la Commission quant à la crédibilité des témoins en question étaient d'une importance fondamentale pour la décision. Je tiens compte des commentaires du juge Evans (maintenant juge à la Section d'appel de la Cour) dans la décision Hassan c. Canada _..._, selon lesquels, compte tenu de la nature de l'audience d'annulation, l'intéressé a le droit de savoir avec certitude que la Commission a examiné équitablement l'ensemble de la preuve.    [renvois omis]

[6]                L'audience visée par la présente demande de contrôle n'était pas une « audience d'annulation » ; cependant, je conclus que les conséquences d'une audience relative à la détermination du statut de réfugié comme celle dont est saisie la Cour donnent tout autant droit aux intéressés d'avoir la pleine assurance que la Commission a fait un examen complet et équitable de la preuve.


[7]                En outre, je conclus qu'alléguer une crainte raisonnable de partialité est une chose sérieuse, qui peut éventuellement entacher la réputation et la confiance du décideur concerné, qu'il siège sur un tribunal ou qu'il soit un magistrat. Dans ses motifs, produits devant la Cour, le président de l'audience a fait, à la troisième personne, les observations suivantes :

Le Commissaire a rejeté la requête et il a expliqué en détail les motifs du rejet, lesquels figurent au dossier. Le tribunal ne tient pas à reproduire ici la décision au complet, telle qu'elle apparaît au dossier. Il suffit d'en mentionner les principaux points.

[8]                Malheureusement, la « décision au complet » ne figure pas dans le dossier. Je conclus que, en l'absence de la « décision au complet » , la Cour aurait beaucoup de mal à assurer une audience pleinement équitable, non seulement du point de vue des intérêts du demandeur, mais aussi de ceux du président de l'audience lui-même.

[9]                Pour ces motifs, la présente demande de contrôle judiciaire sera accueillie sans examen des questions de fond que le demandeur a soulevées. La décision visée par la présente demande de contrôle judiciaire sera annulée et la demande d'asile sera renvoyée à un tribunal différemment constitué de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié pour réexamen.


[10]            Lorsque les parties ont été informées de la décision de la Cour à la clôture de l'audience, aucune d'entre elles n'a demandé que soit certifiée une question. La Cour elle-même conclut que la présente affaire ne donne lieu à aucune question grave de portée générale. Aucune question ne sera certifiée.

                                                                         « Frederick E. Gibson »         

                                                                                                                           Juge

Ottawa (Ontario)

Le 21 novembre 2005.

Traduction certifiée conforme

François Brunet, LL.B., B.C.L.


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

                                                     

DOSSIER :                                           IMM-10322-04   

INTITULÉ:                                         JOEL LIMA TOLEDO           

        c.

        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE                 L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                  TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                 LE 17 NOVEMBRE 2005

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE:                      LE JUGE GIBSON

DATE DES MOTIFS :                      LE 21 NOVEMBRE 2005

COMPARUTIONS :                 

Rocco Galati                                      POUR LE DEMANDEUR     

Lorne McClenaghan                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :                        

Galati, Rodrigues, Azevedo & Associates                         POUR LE DEMANDEUR

Avocats

Toronto (Ontario)

               

John H. Sims, c.r.                                                                   POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)



[1]Voir par exemple : Vergunov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, [1999] A.C.F. no 584, (le juge Pelletier, aujourd'hui juge à la Cour d'appel fédérale); Goodman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, [2000] A.C.F. no 418 (le juge Lemieux); Randhawa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2003 CFPI 418, (la juge Layden-Stevenson); Pedro c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2003 CFPI 565 (le juge Campbell); Agbon c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2004 CF 356 (le juge O'Reilly); Ngugi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 432 (le juge Russell); Ortiz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) 2005 CF 346 (le juge Campbell).

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.