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     T-2184-96

Ottawa (Ontario), le lundi 8 septembre 1997

En présence de M. le juge Gibson

     AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur la citoyenneté

     L.R.C. (1985), ch. C-29

     ET UN APPEL de la décision d'un

     juge de la citoyenneté

     et

     KIN MAN HO,

     appelant.

     JUGEMENT

     L'appel est rejeté.

     FREDERICK E. GIBSON

     Juge

Traduction certifiée conforme :     
                     F. Blais, LL.L.

     T-2183-96

Ottawa (Ontario), le lundi 8 septembre 1997

En présence de M. le juge Gibson

     AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur la citoyenneté

     L.R.C. (1985), ch. C-29

     ET UN APPEL de la décision d'un

     juge de la citoyenneté

     et

     SHUN YEE AGNES CHAN,

     appelante.

     JUGEMENT

     L'appel est rejeté.

     FREDERICK E. GIBSON

     Juge

Traduction certifiée conforme :     
                     F. Blais, LL.L.

     T-2184-96

     AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur la citoyenneté

     L.R.C. (1985), ch. C-29

     ET UN APPEL de la décision d'un

     juge de la citoyenneté

     et

     KIN MAN HO,

     appelant.

     ET

     T-2183-96

     AFFAIRE INTÉRESSANT la Loi sur la citoyenneté

     L.R.C. (1985), ch. C-29

     ET UN APPEL de la décision d'un

     juge de la citoyenneté

     et

     SHUN YEE AGNES CHAN,

     appelante.

     MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE GIBSON

     J'ai entendu les présents appels à Toronto (Ontario) le 2 septembre 1997. Les appelants sont mari et femme et interjettent appel des décisions d'un juge de la citoyenneté, toutes deux datées du 6 septembre 1996, par lesquelles leur demande de citoyenneté était refusé pour le motif qu'ils ne respectaient pas les conditions de résidence pour les citoyens canadiens prévues à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté. Les appelants ont pris connaissance de ces décisions dans des lettres séparées. Néanmoins, le contenu des deux lettres est à toutes fins pratiques identique et le procureur des appelants a reconnu que les faits à la base des appels interjetés par ses deux clients sont pour l'essentiel identiques. Seul l'appelant Kin Man Ho a témoigné.

     D'après les éléments de preuve présentés au juge de la citoyenneté et à la Cour, les appelants ont quitté Hong Kong avec leur fils mineur pour émigrer au Canada. Ils sont arrivés au Canada en qualité d'immigrants reçus le 11 avril 1992. Avant de quitter Hong Kong, M. Ho a démissionné du poste de contrôleur financier qu'il occupait dans la société Paragon Films. Le propriétaire de Paragon Films était également propriétaire d'une société au Canada connue sous la raison sociale Golden Harvest Communications (Ontario) Ltd. M. Ho devait travailler pour Golden Harvest Communications. Les appelants ont acheté une maison à Vancouver avant de venir au Canada.

     Lorsqu'ils sont arrivés au Canada, les appelants et leur fils y ont séjourné une quinzaine de jours et sont ensuite repartis à Hong Kong où M. Ho a commencé à travailler pour Golden Harvest Communications. Depuis lors, il travaille pour cette société, ce qui, en général, l'oblige à rester à Hong Kong. Il n'a pas de bureau dans les locaux de Golden Harvest Communications et n'exerce aucune fonction pour cette société au Canada. Les requérants louent un appartement à Hong Kong en vertu d'un bail annuel. Leur fils qui aurait sept ans aujourd'hui fréquente l'école à Hong Kong.

     Les requérants ont tous deux demandé la citoyenneté canadienne en août 1995. Au cours des quatre années qui ont précédé leurs demandes, ils ont été tous les deux à l'extérieur du Canada pour un total de 1 112 jours. Au cours de la même période, ils se sont trouvés au Canada pour un total de 111 jours seulement, et il leur manque quelque 984 jours pour remplir les conditions de résidence prévues à l'alinéa 5(1)c) de la Loi sur la citoyenneté.

     Le juge de la citoyenneté a écrit ceci dans les lettres envoyées aux appelants pour leur faire part de sa décision :

     [TRADUCTION]         
         Je reconnais que la loi n'exige pas que les requérants soient physiquement présents au Canada pendant ces 1 095 jours mais une certaine présence physique est essentielle pour démontrer l'existence d'un minimum d'intérêt à vivre au Canada. C'est un aspect auquel j'attache une grande importance. Il me paraît évident que vous aviez un choix à faire avant d'émigrer au Canada, vous pouviez soit rester à Hong Kong soit venir au Canada pour y commencer une nouvelle vie.         
         Ces faits [reproduits en partie au début des motifs] m'ont amené à conclure que votre présence au Canada a pris la forme de visites ou de séjours temporaires. Cela ne me permet pas de conclure que vous avez centré au Canada vos habitudes de vie au cours des quatre dernières années précédant la date de votre demande et par conséquent, il est impossible de compter vos absences du Canada comme des périodes de résidence au Canada.         

Le juge de la citoyenneté cite à l'appui de sa conclusion l'arrêt Re : Koo1 et d'autres décisions de la Cour.

     Le procureur des requérants soutient que le juge de la citoyenneté a commis une erreur. Le procureur cite le fait que les requérants possèdent la preuve documentaire habituelle concernant leurs liens avec le Canada, qu'ils possèdent une résidence au Canada et n'en possèdent pas ailleurs et que M. Ho remplit ses déclarations canadiennes d'impôt sur le revenu en qualité de résident et que Revenu Canada n'a pas contesté ce statut. Le procureur soutient en outre que les requérants possèdent des permis de retour pour résidents permanents qui leur permettent d'entrer au Canada lorsqu'ils y retournent, ce qui devrait jouer en leur faveur.

     Malgré les arguments du procureur des requérants, j'en arrive à la même conclusion que le juge de la citoyenneté. Les éléments de preuve ne démontrent pas que les requérants ont centré leur mode de vie ici au Canada. Au contraire, je suis convaincu qu'ils vivent principalement à Hong Kong et j'accorde sur ce point une importance particulière au fait qu'ils y aient loué un logement sur une base annuelle et au fait que leur fils fréquente l'école à Hong Kong.

     Le procureur m'a cité un certain nombre d'affaires dans lesquelles des requérants qui avaient passé de longues périodes à l'étranger ont néanmoins été jugés avoir centré leur mode de vie au Canada. Il me paraît particulièrement important que, dans la plupart de ces affaires, l'appelant qui était amené à travailler à l'étranger pendant de longues périodes avait une femme et des enfants qui étaient établis au Canada et qui avaient eux-mêmes obtenu la citoyenneté canadienne.

     Le procureur des appelants fait remarquer que l'appelant a été entendu par le juge de la citoyenneté le 25 avril 1996 et que les lettres adressées aux appelants pour les informer de la décision les concernant sont datées du 6 septembre 1996.

     Le paragraphe 14(1) de la Loi sur la citoyenneté se lit en partie comme suit :

     14(1) Dans les 60 jours de sa saisine, le juge de la citoyenneté statue sur la conformité -- avec les dispositions applicables en l'espèce de la présente loi et de ses règlements -- des demandes déposées en vue de :         
     a)      l'attribution de la citoyenneté, au titre du paragraphe 5(1) [non souligné dans l'original]         

     Le paragraphe 14(3) énonce qu'en cas de rejet de la demande, le juge de la citoyenneté en informe "sans délai" le demandeur en lui faisant connaître les motifs de sa décision et l'existence d'un droit d'appel. Manifestement, le juge de la citoyenneté n'a pas respecté le délai impératif de 60 jours dans lequel il doit se prononcer sur la demande de citoyenneté présentée par les appelants et ni l'obligation d'informer "sans délai" les appelants du rejet de leur demande.

     Le procureur des appelants a informé la Cour que, selon la pratique habituelle, lorsque l'auteur d'une demande de citoyenneté n'est pas avisé des résultats dans les 60 jours, il peut normalement tenir pour acquis que sa demande a été acceptée.

     Le procureur se fonde sur cette prétendue pratique habituelle et sur le fait que le juge de la citoyenneté n'a pas respecté sur ce point les obligations fixées par la loi pour soutenir que les requérants avaient une expectative légitime d'obtenir leur citoyenneté, ce qui pourrait leur conférer certains droits.

     S'il est possible que le défaut de respecter le délai prescrit par le paragraphe 14(1) et l'obligation corrélative d'informer les auteurs de la demande puisse accorder un droit de nature procédurale, cette situation ne conférerait certainement pas un droit matériel, comme le droit à la citoyenneté canadienne quelle que puisse être la conclusion à laquelle en est arrivé finalement le juge de la citoyenneté. La notion d'expectative légitime a pour unique effet de créer des droits procéduraux et non pas des droits matériels.2 D'après les preuves qui m'ont été présentées, je ne peux conclure que la notion d'expectative légitime s'applique en la matière. En outre, au cas où la notion d'expectative légitime s'appliquerait, il ne m'a pas été précisé la nature des droits procéduraux qui pourraient en découler pour les appelants.

     Pour les présents motifs, les appels sont rejetés.

     FREDERICK E. GIBSON

     Juge

Ottawa (Ontario)

Le 8 septembre 1997

Traduction certifiée conforme :     
                     F. Blais, LL.L.

     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

Nos DU GREFFE :              T-2183-96 et T-2184-96

INTITULÉ DE LA CAUSE :      LOI SUR LA CITOYENNETÉ c.
                     SHUN YEE AGNES CHAN

LIEU DE L'AUDIENCE :          TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :      LE MARDI 2 SEPTEMBRE 1997

MOTIFS DU JUGEMENT DU      JUGE GIBSON

EN DATE DU :              8 SEPTEMBRE 1997

ONT COMPARU :

SHELDON M. ROBINS,                          POUR L'APPELANTE

PETER K. LARGE,                              À TITRE D'AMICUS CURIAE

PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER :

SHELDON M. ROBINS                          POUR L'APPELANTE

TORONTO (ONTARIO)

PETER K. LARGE                              À TITRE D'AMICUS CURIAE

TORONTO (ONTARIO)

__________________

1      [1993] 1 C.F. 286 (1re inst.).

2      Voir Parmar c. le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, no du greffe IMM-1133-96, 26 juin 1997 et la jurisprudence citée (non publiée) (C.F. 1re inst.).

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