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                                         Date: 19991001

                                         Dossier: IMM-4595-99


ENTRE:

     MARIA MAGDALENA HUEZO


     Demanderesse


     ET


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION


     Défendeur




     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE LEMIEUX


INTRODUCTION ET TOILE DE FOND


[1]      La demanderesse Maria Magdalena Huezo, citoyenne de Salvador née en 1918, vise l'obtention, dans le contexte d'une demande d'autorisation et demande de contrôle judiciaire, d'un sursis d'exécution d'une mesure d'interdiction de séjour (ordre de départ) émise par l'agent principal, Maurice Groulx. Cette mesure deviendra exécutoire, c.a.d. une mesure d'expulsion, si la demanderesse ne quitte pas volontairement le Canada avant le 2 octobre 1999.

[2]      L'agent principal prend cette mesure selon les dispositions du paragraphe 27(4) de la Loi sur l'immigration (la Loi) étant convaincu, selon les alinéas 27(2)e) et 26(1)c) de la Loi, que la demanderesse est une personne se trouvant au Canada autrement qu'à titre de citoyen canadien ou de résident permanent (je souligne) qui est entré au Canada en qualité de visiteur (je souligne) et y séjourne au-delà de la durée autorisée.

[3]      Les alinéas 27(4), 26(1)c) et 27(2)e) se lisent comme suit:

         27(4)      Sous réserve de l'article 28, dans le cas où une personne a fait l'objet de l'ordre prévu à l'alinéa (3)a) ou a été arrêtée en vertu du paragraphe 103(2), l'agent principal doit:
         a)      autoriser la personne à demeurer au Canada si l'octroi de cette autorisation ne contrevient pas à la présente loi ou à ses règlements;
         b)      prendre contre elle une mesure d'interdiction de séjour s'il est convaincu qu'elle est visée soit à l'alinéa (2)a), pour le motif prévu à l'alinéa 19(2)d), soit à l'alinéa (2)e), pour le motif prévu à l'alinéa 26(1)c), soit à l'un des alinéas (2)h) ou k).
         26.(1)c)      de séjourner au Canada au-delà de la durée autorisée;
         27(2)e)      est entrée au Canada en qualité de visiteur et y demeure après avoir perdu cette qualité;

[4]      Dans les faits, l'agent d'immigration Duval le 12 août 1999 conformément à l'article 27 complète un rapport au sous-ministre de la citoyenneté et de l'immigration invoquant les paragraphe 27(2)e) et 26(1)c) de la Loi à l'effet que la demanderesse était une personne visée par ces dispositions.

[5]      Sur réception d'un tel rapport, la Loi autorise le sous-ministre de prendre les mesures suivantes:

         27.3      Sous réserve du paragraphe (3.1) et des arrêtés ou instructions du ministre, le sous-ministre, s'il l'estime justifié dans les circonstances, transmet à un agent principal un exemplaire du rapport visé aux paragraphes (1) ou (2) et:
         a)      dans le cas où l'intéressé est visé soit à l'alinéa (2)a), pour le motif prévu à l'alinéa 19(2)d), soit à l'alinéa (2)e), pour le motif prévu à l'alinéa 26(1)c), soit à l'un des alinéas (2)h) ou k), il peut ordonner à l'agent principal de prendre une décision sur tel fait allégué dans le rapport; (je souligne)
         b)      dans tous les cas, le sous-ministre peut ordonner à l'agent principal de faire tenir une enquête.(je souligne)

[6]      En l'espèce, l'agent principal, Maurice Groulx, a agi selon les dispositions du paragraphe 27(4).

[7]      Il n'est pas nié en l'espèce que la demanderesse soit entrée au Canada à titre de visiteur le 8 mars 1998 pour une période de six mois et que cette période n'a pas été prolongée. De plus, la demanderesse, le 4 décembre 1998, dépose une demande de résidence permanente au Canada et recherche une exemption en vertu du paragraphe 114(2) de la Loi invoquant des motifs humanitaires et de compassion. Cette demande fut refusée le 12 août 1999.

L'affidavit de la demanderesse

[8]      En fait, l'histoire de la demanderesse est beaucoup plus compliquée. La demanderesse a déposé un affidavit à l'appui de sa demande de sursis dans lequel elle relate les faits suivants:

     a)      elle arrive au Canada de son pays natal le 29 octobre 1977; elle rejoint sa fille Morena qui habite le Canada.
     b)      le 23 janvier 1979, elle obtient son droit d'établissement au Canada. Son passeport est tamponné "résident permanent".
     c)      Elle a de la famille aux États Unis - une soeur et plusieurs enfants. Elle visite sa famille deux fois durant une période s'échelonnant entre décembre 1979 et le 2 novembre 1981.
     d)      Elle obtient sa résidence américaine. Elle part le 2 novembre 1981 pour les États Unis "pour visiter et aider sa famille", mais y demeure jusqu'en 1998.

    

De plus, voici ce qu'elle dit dans son affidavit:

         13.      Le 27 décembre 1980 je suis allée aux États-Unis, afin d'aider ma soeur qui était malade. Je suis revenue au Canada le 2 mai 1981;

         14.      Le 2 novembre 1981, je suis allée aux États-Unis pour la troisième fois              pour aller visiter et aider ma famille;

         15.      Lorsque j'ai remis ma résidence américaine ("green card") à l'agent d'immigration américain, ce dernier m'a demandé mon passeport salvadorien. Je lui ai donné. Quand l'agent d'immigration a remarqué que j'avais également la résidence canadienne, il m'a avisé que c'était interdit d'avoir deux résidences permanentes et il m'a demandé si j'étais au courant de cette règle;
         16.      Je lui ai dit que j'ignorais cette règle. Il s'est alors mis à rire de moi avec un autre agent et par la suite il a déchiré mon document de résidence permanente canadienne. Ensuite, il a coupé certaines pages de mon passeport salvadorien;
         17.      Par la suite, l'agent m'a menacé de me mettre en prison pour ce délit. Toutefois, comme j'étais âgée il m'a dit qu'il n'allait pas me donner d'amende ou me mettre en prison et il m'a lancer mon passeport à la figure;

         18.      À partir de ce moment j'ai cru, à tort je le sais maintenant, que j'avais perdu ma résidence permanente au Canada. Je ne savais pas que les agissements de l'agent d'immigration étaient illégaux et n'avait aucune incidence sur mon statut au Canada.
         19.      Je suis une personne âgée. De plus, vu la situation politique de mon pays, j'ai peur des militaires. Ainsi, le comportement de l'agent d'immigration américain m'a traumatisé et à fait en sorte que je ne me suis pas plaint de ce traitement croyant que cela ne pourrait qu'empirer les choses;
         20.      J'ai donc séjourné aux États-Unis malgré moi mais je suis toujours revenue au Canada à chaque année. D'ailleurs j'ai toujours eu un domicile au Canada tel que mentionné au paragraphe 10, et mes effets personnels y sont toujours restés;
         21.      Je ne me suis jamais considéré américaine, d'ailleurs bien que j'aurais pu le faire depuis longtemps, je n'ai jamais demandé la citoyenneté américaine;
         22.      Le 8 mars 1998, je suis revenue vivre au Canada puisque je n'avais plus aucune raison de séjournér aux États-Unis. En effet, je n'ai plus de domicile aux États-Unis, aucun de mes enfants ne pouvaient m'héberger et ma soeur que j'aidais a été placée dans un centre d'accueil pour les personnes âgées;
         23.      Comme je croyais, à tort, avoir perdu ma résidence permanente canadienne lorsque l'agent d'immigration américain l'a détruite, un conseiller en immigration m'a suggéré de remplir une demande de résidence permanente pour motifs humanitaires. Il m'a dit que de cette façon ma résidence permanente serait réactivée;
         24.      Malheureusement, on a refusé de réactiver ma résidence permanente et on m'a plutôt fait venir aux bureaux d'Immigration Canada pour me remettre une mesure d'interdiction de séjour qui deviendra une mesure d'expulsion si je ne quitte pas le Canada au plus tard le 2 octobre 1999;
         25.      J'ai tenté d'expliquer à l'agent d'immigration que j'avais obtenu la résidence permanente au Canada le 23 janvier 1979. Je lui ai même raconté comment l'agent d'immigration américain avait déchiré ma résidence canadienne. Je lui ai aussi mentionné que j'ai toujours eu l'intention de rester résidente permanente au Canada;
         26.      L'agent d'immigration, M. Groulx, m'a dit que tout cela ne valait rien et que je devais quitter le pays au plus tard le 2 octobre prochain;
         27.      Par la suite j'ai su que l'acte posé par l'agent d'immigration américain n'avait aucune valeur légale et que par le fait même je n'avais jamais perdu ma résidence permanente au Canada puisque mon intention a toujours été de rester ici;

L'affidavit de la défenderesse

[9]      L'agent principal, Maurice Groulx, dépose un affidavit en réponse à celui de la demanderesse. Il indique que le 2 septembre 1999, en présence d'une interprète français-espagnol, il a complété une entrevue avec la demanderesse et que suite à cette entrevue, il a pris une mesure d'interdiction de séjour contre la demanderesse qui était, à son avis, une personne décrite aux alinéas 27(2)e) et 26(1)c) de la Loi.

[10]      Au paragraphe 5 de son affidavit, Maurice Groulx dit ceci:

         J'ai pris connaissance du paragraphe 25 de l'affidavit de la demanderesse. Lors de l'entrevue du 2 septembre 1999, la demanderesse m'a indiqué qu'elle avait obtenu la résidence permanente au Canada. Toutefois, elle m'a indiqué que de 1980 jusqu'à son retour au Canada en 1998, elle avait vécu en permanence aux États Unis. Au surplus, elle ne m'a pas fait part de l'incident qui aurait impliqué un agent d'immigration américain.
[11]      Au paragraphe 6 de son affidavit, ce dernier indique :
         De plus, lors de l'entrevue du 2 septembre 1999, la demanderesse m'a apporté aucune preuve qui pouvait indiquer qu'elle avait résidé au Canada entre 1980 et 1998.

[12]      Et au paragraphe 7 de son affidavit, il complète les faits en indiquant:

         J'ai pris connaissance du paragraphe 26 de l'affidavit de la demanderesse. J'ai indiqué à la demanderesse que le fait qu'elle ait vécu en permanence aux États Unis de 1980 à 1998, qu'elle ait statut de résidence permanente aux États Unis depuis le 17 novembre 1980, ainsi que le dépôt de demande de résidence permanente au Canada en 1998, suffisait à me convaincre qu'elle n'était plus une résidente permanente au Canada au jour de l'entrevue.

[13]      Monsieur Groulx, dépose comme pièce "E" de son affidavit ses notes d'entrevue avec la défenderesse le 2 septembre 1999. Ses notes se lisent comme suit:

accompagnée de Reyna Morena, la fille de la cliente et interprète:

     1)      explication fournie sur la décision négative et nécessité de présenter demande à l'étranger;
     2)      explication sur le rapport 27(2)e), et les conséquences;
     3)      explications de la mesure d'interdiction de séjour et de l'obligation de quitter avant 30 jours ou alors - expulsion;
     4)      explication sur la procédure pour quitter le Canada remise de: M.I.S. et lettres explicatives.

ANALYSE

[14]      Les trois critères à être considérés pour l'obtention d'un sursis sont clairement établis par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt R.J.R. - MacDonald Inc. c. Canada (Procureur Général), [1994] 1 R.C.S. 311 et par la Cour d'appel fédérale dans la décision Toth v. Canada (1988), 6 Imm. L.R.(2d) 123. La demanderesse doit établir l'existence d'une question sérieuse à juger, sans le sursis qu'elle subirait un préjudice irréparable et que la prépondérence des inconvénients et l'intérêt public est en sa faveur.

i)      question sérieuse

[15]      Les juges Sopinka et Cory dans l'affaire R.J.R. - Macdonald, Supra indiquent l'approche à suivre pour résoudre cette question. Ils écrivent ceci à la page 337:

         Quels sont les indicateurs d'une question sérieuse à juger? Il n'exite pas d'exigences particulières à remplir pour satisfaire à ce critère. Les exigences minimales ne sont pas élevées. Le juge saisi de la requête doit faire un examen préliminaire du fonds de l'affaire ...
         Une fois convaincu qu'une réclamation n'est ni futile ni vexatoire, le juge de la requête devait examiner les deuxième et troisième critères, même s'il est d'avis que le demandeur serait probablement débouté au procès. Il n'est en général ni nécessaire ni souhaitable de faire un examen prolongé du fond de l'affaire.

[16]      La demanderesse, à l'appui de ses prétentions d'une question sérieuse en droit invoque les arguments suivants: 1) l'ordre de départ est basé sur la conclusion de faits à l'effet que la demanderesse n'est pas résidente permanente au Canada; 2) Or, depuis le 23 janvier 1979 la demanderesse a reçu sa fiche d'établissement au Canada et est à ce titre une résidente permanente; 3) La demanderesse a toujours conservé son intention de résider au Canada même si pour des raisons familiales, elle a dû séjourner aux États-Unis à plusieurs reprises entre 1979 et 1998; 4) La demanderesse a toujours conservé un domicile au Canada; 5) La demanderesse n'a fait l'objet d'aucun rapport sous l'article 27(1) de la Loi, d'aucun avis comme quoi on voulait lui retirer sa résidence permanente ou de quelque avis que ce soit relativement à sa résidence permanente au Canada; 6) De plus, ledit agent n'a jamais voulu écouter les explications de la demanderesse à l'effet qu'elle avait obtenu sa résidence permanente au Canada en 1979 et les raisons pour lesquelles elle croyait avoir perdu son droit d'établissement. Il a donc failli à son obligation d'accorder à la demanderesse l'équité procédurale à laquelle elle avait droit.

[17]      La défenderesse prétend qu'il n'y a aucune question sérieuse à juger pour les motifs suivants:

     1)      la demanderesse est venue au Canada en 1998 à titre de visiteur et a dépassé son séjour. L'interdiction de séjour est clairement exigé par la Loi.
     2)      L'agent principal a satisfait aux exigences de l'équité procédurale lorsqu'il a rencontré la demanderesse le 2 septembre 1999 accompagnée d'une interprète et qu'il lui a donné des explications.

[18]      La défenderesse invoque essentiellement, les articles 2, 24 et 25 de la Loi et le jugement Canada c. Chanoine (1987), 15 F.T.R. 144 rendu par mon collègue le juge Dubé, pour démontrer que la demanderesse n'a pas le statut de résidence permanente au Canada.

[19]      La définition de "résident permanent" à l'article 2 de la Loi se lit comme suit:

         Personne qui remplit les conditions suivantes:
         a)      elle a obtenu le droit d'établissement;
         b)      elle n'a pas acquis la citoyenneté canadienne;
         c)      elle n'a pas perdu son statut conformément à l'article 24 ou 25.1;

    

[20]      Quant à la déchéance du statut de résident permanent, l'article 24 de la Loi prévoit:     

         24.(1)      Emportent déchéance du statut de résident permanent:
         a)      le fait de quitter le Canada ou de demeurer à l'étranger avec l'intention de cesser de résider en permanence au Canada;
         b)      toute mesure de renvoi n'ayant pas été annulée ou n'ayant pas fait l'objet d'un sursis d'exécution au titre du paragraphe 73(1).

            

         (2)      Le résident permanent qui séjourne à l'étranger plus de cent quatre-vingt-trois jours au cours d'une période de douze mois est réputé avoir cessé de résider en permanence au Canada, sauf s'il convainc un agent d'immigration ou un arbitre, selon le cas, qu'il n'avait pas cette intention.     

[21]      L'article 25 de la Loi se lit comme suit:

         25.(1)      Le résident permanent qui veut quitter le Canada temporairement ou qui séjourne à l'étranger peut demander à un agent d'immigration, dans les formes réglementaires, un permis de retour.
         (2)      Le fait d'être muni d'un permis de retour réglementaire établit, sauf preuve contraire, l'absence d'intetion de ne plus résider en permanence au Canada de la part de la personne absente du Canada pendant un certain temps.

[22]      Tel que j'en fait mention altérieurement, la défenderesse invoque le jugement Chanoine. Dans l'affaire Chanoine, l'honorable juge Dubé conclut que l'arbitre devait procéder à une enquête en vertu du paragraphe 27(2) de la Loi. Dans cette cause, monsieur Chanoine avait été accordé le statut de résident permanent le 19 mars 1983 et que, par après, il est retourné en Haiti, d'où il est revenu le 20 avril 1986. À cette date, il s'est présenté aux frontières canadiennes et n'a pas informé l'agent d'immigration qu'il avait été absent du Canada depuis 1983 et qu'un visa de visiteur lui avait été refusé le 1er avril 1986 par le consulat canadien à Boston aux États Unis.

[23]      Le juge Dubé conclut qu'en effet, un résident permanent déchu ne peut faire l'objet de rapport en vertu du paragraphe 27(1) mais ajoute ceci au paragraphe 5 de sa décision:

         En l'espèce, le premier devoir de l'arbitre était de décider si monsieur Chanoine était véritablement un résident permanent ou une personne autre qu'un citoyen canadien ou un résident permanent.

    

[24]      Il conclut, au paragraphe 8, comme ceci:

         [8]      Finalement, l'article 27 précité prescrit au paragraphe (1) que l'agent d'immigration doit adresser un rapport au sujet d'un résident permanent et au paragraphe (2) un rapport relativement à une personne autre qu'un citoyen canadien ou un résident permanent. En l'occurrence, il s'agissait ici de l'alinéa 27(2)g) à savoir que monsieur Chanoine est entré au Canada sous le couvert d'un document faux, soit par des moyens frauduleux ou grâce à une représentation erronée d'un fait important. Le fait imporant, évidemment, était qu'il était déchu de son statut de résident permanent. L'article 24 est déclaratoire à cet effet et monsieur Chanoine avait donc automatiquement perdu son statut de résident permanent, sauf s'il établissait le contraire devant l'arbitre.

[25]      Le défendeur soutient en l'espèce qu'il est manifeste que la demanderesse n'avait plus l'intention de demeurer au Canada après 1980 et qu'elle a, durant la période entre 1980 et 1998, vécu à l'extérieur du pays, plus précisément aux États-Unis. Le défendeur note que la demanderesse n'a jamais sollicité un permis de retour en vertu de l'article 25 de la Loi. Le défendeur fait valoir que la meilleure preuve de cette absence d'intention de résider en permanence au Canada et la demande de permis de visiteur faite par la demanderesse en mars 1998 est sa demande de résidence permanente déposée en avril 1998. Le défendeur note que la demanderesse a indiqué dans sa demande de résidence permanente qu'elle avait cessé de résider au Canada en 1980. Elle a écrit ceci:

         I was a Canadian resident from 1977 to 1980 but now I am a olderly woman and I need to live close to my sons, they love me and I feel too happy of that, because my family is in the United States don't have - time to take care of me.
         I came to Canada like visitor (I am here legally) but I would like to live here.

    

[26]      Le défendeur conclut que compte tenu de la preuve précitée, la demanderesse n'est plus résidente permanente au Canada depuis 1980 et que la décision de l'agent principal est conforme à la situation factuelle qui prévaut dans le présent dossier.

[27]      Je suis convaincu que la demanderesse a établi l'existance d'une question sérieuse à juger dans le cadre du présent dossier.

[28]      L'article 27 (1) et (2) de la Loi se lit comme suit:

         27.(1)      Rapports défavorables: résidents permanents - L'agent d'immigration ou l'agent de la paix doit faire part au sous-ministre, dans un rapport écrit et circonstancié, de renseignements concernant un résident permanent et indiquant que celui-ci, selon le cas

         ....

         27.(2)      Rapports défavorables: autres cas - L'agent d'immigration ou l'agent de la paix doit, sauf si la personne en cause a été arrêtée en vertu du paragraphe 103(2), faire un rapport écrit et circonstancié au sous-ministre de renseignements concernant une personne se trouvant au Canada autrement qu'à titre de citoyen canadien ou de résident permanent et indiquant que celle-ci, selon le cas:

         ......

[29]      Il appert du rapport à être remis au sous-ministre, fait par l'agent l'immigration, M. Duval en vertu de l'article 27(2) de la Loi que ce dernier a simplement assumé que la demanderesse ne possédait plus le statut de résidente permanente et ce, sans qu'aucun débat n'ait été fait et sans même faire mention dans son rapport du fait que la demanderesse détenait auparavant le statut de résidente permanente. En effet, l'agent d'immigration indique avoir basé son rapport sur les fait suivants:

     This report is based on information in my possession as follows:

     --Maria Huezo Escobar

     -She is a person to whom entry was granted on March 08, 1999 at Dorval as tourist for      a periode ending september 07, 1998

     - Did not receive any extension of his authorized period of stay

     -Remains in cda after the expiration of her authorized period of stay

    

[30]      Néanmoins, il appert de la preuve déposée au dossier de requête de la demanderesse que cette dernière n'est peut-être pas déchue de son statut de résidente permanente au Canada et ce, même si elle a quitté le Canada durant plus de 15 ans. C'est une question d'intention et la réponse dépend des faits et des circonstances particulières.

[31]      Le procureur de la défenderesse prétend que la déchéance du statut de résident permanent se fait automatiquement lorsque les conditions prévues à l'article 24 de la Loi ne sont plus respectées. Toutefois, après analyse de la Loi, j'en viens à la conclusion contraire. En effet, compte tenu du libellé de l'article, il appert que pour en arriver à la conclusion qu'il y a effectivement déchéance du statut, il faut nécessairement qu'une enquête ait eu lieu sur cette question afin de permettre à la partie sur le point de se faire retirer son statut de résident permanent de faire valoir des faits et circonstances quant à son intention de demeurer ou non résident permanent.

[32]      D'ailleurs, et tel que j'en ai fait la remarque auparavant, le juge Dubé dans Chanoine indique qu'il appartient à l'arbitre de déterminer si la partie en question était bel et bien un résident permanent ou non. Or, si nous nous référons aux articles 29 et suivants de la Loi faisant référence au déroulement d'une enquête de l'arbitre, il appert clairement qu'il est question d'une enquête publique et que la partie risquant de perdre son statut de résidente permanente doit être représentée par avocat.

[33]      En conséquence, et compte tenu de la jurisprudence de la Cour suprême du Canada, et encore récemment dans l'arrêt Baker v. Canada, [1999] S.C.J. No. 39, quant aux règles d'équité procédurale, j'en conclu qu'il n'appartient pas à l'agent d'immigration agissant sous l'autorité de l'article 27 (2) de la Loi de déterminer le statut de la partie en cause.

[34]      Par ailleurs et tel que j'en ai fait la remarque précédemment, dans le cadre du présent dossier, ledit agent n'a nullement fait mention dans son rapport du fait que la demanderesse avait obtenu le statut de résidente permanente. Or, suivant cette omission de l'agent d'immigration, il me semble que le sous-ministre n'était pas en mesure de prendre une décision éclairée quant aux directives devant être transmise à l'agent principal ou à un arbitre pour la suite du dossier et ce, tel que le prévoit l'article 27 (3) de la Loi et que de surcroît, l'agent principal ne pouvait donc pas prendre valablement une mesure d'interdiction de séjour contre la demanderesse, tel que le prévoit l'alinéa 27(4) b) de la Loi puisque son mandat reçu du sous-ministre ne le lui permettait pas.


ii)      préjudice irréparable et balance des inconvénients

[35]      Vu que la procédure prévue à la Loi ne semble pas avoir été respectée, je suis satisfait que la demanderesse subirait un prejudice irréparable si elle n'obtenait pas un sursis à l'interdiction de séjour émise contre elle, qui deviendra automatiquement une mesure d'expulsion en vertu de l'article 32.02 de la Loi et que ce préjudice est nettement supérieur à celui subit par l'intérêt public. En effet, suite à cette décision, le droit de la demanderesse de demeurer au Canada est nié alors que si elle est réellement résidente permanente, elle a le droit de séjour au Canada. De plus, si dans ces circonstances son statut est en doute, elle a alors accès à un droit d'appel en vertu de l'article 70 de la Loi et un sursis à l'exécution en vertu de l'alinéa 49(1)a) de la Loi (voir à cet effet l'arrêt de la Cour d'appel fédérale Canada (M.I.C.) v. Selby, [1981] 1 F.C. 273 (C.A.F.).

[36]      En outre, il appert de la preuve que (1) la demanderesse est agée de 81 ans, (2) elle habite avec sa fille au Canada qui la supporte financièrement et émotivement et (3) qu'elle semble être en mauvaise conditions physiques.

CONCLUSION

[37]      La présente demande de sursis à l'exécution de la mesure d'expulsion est accordée.


    

     Juge

MONTRÉAL, QUÉBEC

le 1er octobre 1999






























     COUR FÉDÉRALE DU CANADA

     SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

     NOMS DES AVOCATS ET DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


NO DE LA COUR :      IMM-4595-99

INTITULÉ :      MARIA MAGDALENA HUEZO

     Demanderesse

     ET:

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION

     Défendeur


LIEU DE L'AUDIENCE :      Montréal, Québec

DATE DE L'AUDIENCE :      le 27 septembre 1999

MOTIFS D'ORDONNANCE DU JUGE LEMIEUX

EN DATE DU      1er octobre 1999



COMPARUTIONS :

Me Tammy Tremblay      pour le partie demanderesse

Me Daniel Latulippe      pour la partie défenderesse


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Tammy Tremblay     

Montréal, Québec      pour la partie demanderesse


Morris Rosenberg

Sous-procureur général

du Canada      pour la partie défenderesse

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