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     Date: 20001110

     Dossier: IMM-5983-99


Entre :

     Mamoudou DIALLO

     Partie demanderesse

     - et -


     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

     ET DE L'IMMIGRATION

     Partie défenderesse



     MOTIFS DE L'ORDONNANCE


LE JUGE PINARD :

[1]      La demande de contrôle judiciaire vise une décision rendue le 18 novembre 1999 par la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié statuant que le demandeur n'est pas un réfugié au sens de la Convention, tel que défini au paragraphe 2(1) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. I-2 (la Loi) et concluant à l'absence d'un minimum de fondement à sa revendication en vertu du paragraphe 69.1(9.1) de cette même loi.

[2]      Le demandeur est d'ethnie Peule, originaire de la zone Kaporo-Rails en Guinée. Il a allégué devant la Section du statut de réfugié avoir été persécuté dans son pays en raison de ses opinions politiques et de son appartenance à un groupe social particulier (Peul).

[3]      Le tribunal a refusé de reconnaître au demandeur le statut de réfugié, jugeant que la crainte de ce dernier, soit celle d'être arrêté par les autorités pour avoir causé la mort de deux individus lorsqu'il fuyait une détention, n'est pas liée à ses opinions politiques réelles ou imputées. Le tribunal a conclu que le demandeur craignait effectivement d'avoir à répondre à des actes en vertu d'une loi d'application générale. À ce sujet, la Section du statut de réfugié a cité le passage suivant du Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (Genève, janvier 1979) :

         Il faut distinguer nettement la persécution d'avec le châtiment prévu pour une infraction de droit commun. Les personnes qui s'enfuient pour échapper aux poursuites ou au châtiment pour une infraction de ce genre ne sont normalement pas des réfugiés. Il convient de rappeler qu'un réfugié est une victime - ou une victime en puissance - de l'injustice, et non une personne qui cherche à fuir la justice.


[4]      Cette conclusion de fait du tribunal est supportée par la preuve. D'abord, interrogé sur le motif pour lequel il serait arrêté en Guinée, le demandeur a répondu :

         Q.      Mais s'ils vous arrêtaient, à votre retour, en Guinée, ça serait pour quel motif, selon vous? Qu'est-ce que les autorités vous reprocheraient présentement là?
         R.      Parce que ils vont dire que c'est moi qui a occasionné l'accident et il y a eu deux (2) morts suite à cet accident.
         [-]      Et... OK.
         Q.      Puis c'est vrai dans le sens que c'est vous qui avez agrippé le volant là, vous avez provoqué, sans le vouloir peut-être là, mais vous avez provoqué l'accident?
         PAR LA CONSEILLÈRE(à l'agent chargé de la revendication)
         -.      Oui.
         PAR L'AGENT CHARGÉ DE LA REVENDICATION(à la personne en cause)
         -.      Et c'est les raisons pour lesquelles on vous arrêterait probablement si vous retourniez.
         R.      Oui.


[5]      L'existence même de la loi d'application générale se présume de la preuve documentaire qui parle de l'existence d'un « Code pénal » et des réponses ci-dessus du demandeur qui ne réfère pas spécifiquement à ses opinions politiques et à son appartenance à un groupe social particulier pour justifier sa crainte.

[6]      Dans les circonstances, il n'appartient donc pas à cette Cour de substituer sa propre appréciation des faits à celle du tribunal spécialisé que constitue la Section du statut de réfugié.

[7]      Par ailleurs, il n'était pas suffisant au tribunal de se limiter à la considération pour laquelle il rejetait la demande de statut de réfugié pour automatiquement conclure à l'absence d'un minimum de fondement à la revendication en vertu du paragraphe 69.1(9.1) de la Loi, ne s'agissant pas ici d'une décision basée sur l'absence de crédibilité du demandeur. Or, la preuve révèle particulièrement qu'avant l'accident qu'il a provoqué et pour lequel il a dit craindre être arrêté, le demandeur était déjà sous arrestation pour être conduit au camp Alfayaya :

         Q.      Votre crainte à vous, elle est basée sur quoi Monsieur? Qu'est-ce que vous craignez présentement?
         [. . .]
         -.      Ce que je crains, c'est comme on nous avait arrêté, on était sur le point d'être envoyé à Alfayaya, au camp Alfayaya. Alors, si je vais là, je suis perdu.

[8]      Compte tenu que cette dernière arrestation a été effectuée à la suite d'une réunion de l'Union pour la nouvelle république tenue le 29 mars 1998 au marché de Kaporo-Rails, où les policiers seraient intervenus, des coups de feu auraient été tirés, des bombes lacrymogènes lancées, des personnes blessées et même tuées, et des arrestations effectuées, et compte tenu que la preuve documentaire, comprenant le Guinea Country Report on Human Rights Practice for 1998, daté du 26 février 1999, fait en outre grand état de la violation des droits humains à l'égard des détenus, le tribunal se devait, à mon sens, de considérer l'ensemble de la preuve, comprenant notamment les éléments précédents, avant de conclure s'il y avait ou non absence d'un minimum de fondement à la revendication du demandeur.

[9]      En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est accueillie en partie. L'affaire est renvoyée devant la Section du statut de réfugié différemment constituée pour nouvelle considération, à la lumière de l'ensemble de la preuve, de la seule question de l'absence d'un minimum de fondement à la revendication du demandeur en vertu du paragraphe 69.1(9.1) de la Loi.




                            

                                     JUGE

OTTAWA (ONTARIO)

Le 10 novembre 2000


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