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Date : 20051102

Dossier : T-1439-04

Référence : 2005 CF 1483

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 2 novembre 2005

En présence de madame la juge Heneghan

 

ENTRE :

BANQUE ROYALE DU CANADA

demanderesse

et

 

DARLENE SIU

défenderesse

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

  • [1] La Banque Royale du Canada (la « demanderesse ») sollicite le contrôle judiciaire de la décision de M. Brian Noonan, siégeant en qualité d’arbitre (« l’arbitre ») nommé en application de l’article 242 du Code canadien du travail, R.S.C. 1985, ch. I-2, tel que modifié (le « Code du travail »). Dans cette décision, l’arbitre a conclu que la demanderesse avait congédié injustement Mme Darlene Siu (la « défenderesse ») de son emploi et a ordonné à la demanderesse de verser des dommages-intérêts pour perte de revenu et souffrance morale, de même que les intérêts avant jugement et les dépens. De plus, l’arbitre a ordonné à la demanderesse de remettre une lettre de référence à la défenderesse, en précisant ses trente années de service et en omettant toute référence à son congédiement.

  • [2] La décision avait été annoncée aux parties le 8 juillet 2004. La demanderesse a délivré son avis de demande le 6 août 2004 dans lequel elle sollicite la réparation suivante :
    [traduction]

  1. une ordonnance annulant la décision;


une ordonnance de rejet de la plainte ou, subsidiairement, le renvoi de l’affaire à un autre arbitre pour nouvelle décision, conformément aux instructions que la Cour estime appropriées dans les circonstances de l’espèce, pour déterminer si le congédiement de la défenderesse par la Banque était justifié dans les circonstances et, plus particulièrement, si la défenderesse a) a accepté des cadeaux en violation du code de déontologie de la Banque; et b) a fourni des explications fausses et évasives au sujet de ces transactions;

  1. toujours à titre subsidiaire, une ordonnance annulant la condamnation à des dommages-intérêts pour souffrance morale ou, subsidiairement, réduisant les dommages-intérêts pour souffrance morale;

  2. toujours à titre subsidiaire, une ordonnance annulant la condamnation à des dommages-intérêts pour la paie de vacances ou, subsidiairement, réduisant les dommages-intérêts pour la paie de vacances;

 

  1. les dépens, conformément à l’article 400 des Règles des Cours fédérales, 1998.

 

RÉSUMÉ DES FAITS

 

  • [3] La demanderesse est une banque à charte, constituée sous le régime des lois du Canada, qui compte des succursales un peu partout au pays, notamment une succursale à Comox, en Colombie-Britannique. La défenderesse était une représentante du service à la clientèle/agente de contrôle de la caisse, appelée familièrement caissier ou caissière, à la succursale de Comox. Suite à une plainte portée entre février et le 17 avril 2003, la défenderesse a été convoquée à une entrevue avec la gestionnaire de secteur, Mme Jane Black, et avec M. Paul E. Crowther, un membre des services d’enquête de la Banque Royale, le 17 avril 2004. La défenderesse a signé un formulaire de « reconnaissance de droits » le 17 avril 2003.

  • [4] La défenderesse a été interrogée par M. Crowther au sujet de ses rapports avec M. Allan Birchall, un client de la demanderesse, y compris au sujet de la réception de cadeaux de la part de M. Birchall et de l’implication de Mme Siu dans les opérations bancaires de M. Birchall. La défenderesse, en signant le formulaire de reconnaissance de droits, a renoncé à son droit d’être accompagnée d’un représentant.

  • [5] La demanderesse a aussi décrit l’historique et la nature de ses rapports avec M. Birchall. Elle l’avait rencontré, ainsi que son épouse, environ quatre ou cinq ans auparavant, c’est-à-dire en 1998-1999. Elle a été invitée à dîner à leur résidence et s’y est rendue à quelques reprises. Suite au décès de l’épouse M. Birchall en 2001, la demanderesse a continué de lui rendre visite et a dîné avec lui à sa résidence presque chaque jour ouvrable, pendant deux ans. Cela représente entre 400 et 500 visites au cours de la période de deux ans.

  • [6] La demanderesse a dit que M. Birchall avait parlé de lui remettre un cadeau mensuel en remerciement de ses visites. Lors de l’entrevue, la demanderesse a dit que M. Birchall avait soulevé cette question quelque 12 à 18 mois plus tôt. Au départ, M. Birchall parlait de laisser le cadeau dans son testament. La demanderesse a affirmé avoir dit à M. Birchall qu’elle ne lui rendait pas visite pour son argent, mais pour lui tenir compagnie. Elle a aussi déclaré lui avoir dit qu’elle n’était pas certaine de pouvoir accepter un tel cadeau. Elle a lu le code de déontologie et a conclu que le cadeau n’avait rien à voir avec son emploi auprès de la demanderesse et qu’il n’était pas [traduction] « relié à la banque ».

  • [7] Lors de l’entrevue, la demanderesse a aussi affirmé qu’elle avait consulté d’autres employés pour savoir s’il était convenable d’accepter un cadeau pécuniaire et qu’elle avait examiné avec ses collègues le code de déontologie. Elle a dit qu’elle n’avait pas consulté sa directrice. La demanderesse a reçu un chèque de 5 000 $ daté du 3 février 2003 et l’a encaissé le 3 février 2003, déposant l’argent dans son compte.

  • [8] Au cours de l’entrevue, on a également demandé à la demanderesse si elle avait reçu d’autres cadeaux de M. Birchall. Elle a reconnu avoir reçu des vêtements qu’il voulait jeter et de vieux bijoux, ainsi que d’un ornement en verre qu’elle a par la suite rendu. Elle a aussi précisé qu’elle avait donné à M. Birchall des cadeaux de Noël, notamment des CD. Elle n’a pas parlé de deux autres chèques, chacun de 200 $, datés du 7 juillet 2001 et du 18 octobre 2002, jusqu’à ce que M. Crowther lui pose des questions à leur sujet. La demanderesse a déclaré que le premier chèque était un cadeau d’anniversaire et que le deuxième était pour Noël. Elle a dit que tous les cadeaux en argent ne venaient pas de M. Birchall.

  • [9] On a également posé à la demanderesse des questions au sujet d’opérations bancaires qu’elle avait effectuées tant pour M. Birchall que pour des membres de sa famille. Elle apportait de l’argent à M. Birchall à sa résidence avant de lui faire signer les bordereaux de retrait, et elle prenait aussi des chèques de sa part pour les encaisser à la banque et rapporter l’argent à M. Birchall. La demanderesse a reconnu que ses actions relativement au traitement des chèques et des dépôts pour son fils étaient contraires à la politique bancaire.

  • [10] Au terme de l’entrevue, la demanderesse a congédié la défenderesse de son emploi, avec prise d’effet immédiate. La demanderesse a cité deux motifs de renvoi, le premier ayant trait à l’acceptation inappropriée de cadeaux par la défenderesse, en violation du code de déontologie de la demanderesse, et le deuxième ayant trait à la façon dont la défenderesse a répondu aux questions lors de l’entrevue. La demanderesse a conclu que la défenderesse ne disait pas la vérité et donnait des réponses évasives. Le congédiement a été confirmé dans une lettre datée du 25 avril 2003.

 

  • [11] La défenderesse a déposé une plainte en vertu de la Partie III du Code du travail le 30 juin 2003, alléguant qu’elle avait été injustement congédiée. Dans sa plainte, la défenderesse a décrit l’historique de ses rapports avec M. Birchall et les circonstances entourant les dons d’argent.

 

  • [12] La plainte a donné lieu à une audience devant l’arbitre à Campbell River, en Colombie-Britannique. Plusieurs témoins ont comparu, notamment la défenderesse, le client, un neveu du client, Mme Lachappelle, ainsi que Mme Barb Bonneville, une conseillère en ressources humaines auprès de la demanderesse. Les pièces déposées lors de l’audience comprenaient une transcription de l’entrevue réalisée le 17 avril 2003, des copies des chèques acceptés par la défenderesse et une copie du code de déontologie de la demanderesse.

 

  • [13] L’arbitre a décidé que la défenderesse avait été congédiée injustement et a accordé des dommages-intérêts. Il a conclu que la défenderesse avait consulté trois employés de niveau supérieur à la succursale de Comox de la Banque Royale, et qu’elle avait discuté avec eux pour savoir s’il convenait d’accepter le cadeau de 5 000 $ de M. Birchall. La défenderesse n’avait pas consulté sa directrice et l’arbitre a qualifié cette démarche de choix [traduction] « malavisé » de sa part, justifiant une réduction de 20 % dans l’octroi de ses dommages-intérêts. L’arbitre a conclu que le client de la banque avait été un témoin des plus impressionnants et il a conclu tout particulièrement que la défenderesse avait été une témoin crédible. Il n’a pas tiré de conclusions négatives quant à la crédibilité pour ce qui est d’autres témoins, mais dans ses motifs, il a mentionné en particulier M. Birchall et la défenderesse.

 

  • [14] L’arbitre n’a tiré aucune conclusion précise relativement au code de déontologie, mais il a conclu qu’en général, la demanderesse avait congédié injustement la défenderesse.

 

APERÇU DES OBSERVATIONS

i) La demanderesse

 

  • [15] La demanderesse a soulevé une question de procédure, à savoir un manquement allégué à l’équité procédurale du fait que l’arbitre n’avait pas permis d’entendre de nouveau un témoin, Mme Teri Lachappelle. L’avocat de la demanderesse avait demandé à cette personne si elle avait dit à la défenderesse que le code de déontologie ne s’appliquait pas aux caissiers. Mme Lachappelle a répondu par la négative. L’avocat de la défenderesse a ensuite demandé à Mme Lachappelle si elle pensait que certains articles, à savoir les articles 11 et 12, portaient à confusion, et la témoin a répondu par l’affirmative. L’arbitre n’a pas permis à l’avocat de la demanderesse de réinterroger sur ce point.

  • [16] La demanderesse soutient qu’il s’agit d’un manquement à l’obligation d’équité procédurale dans le déroulement de l’audience et soutient qu’il s’agit d’une erreur susceptible de révision selon la norme de la décision manifestement déraisonnable; elle s’appuie à cet égard sur la décision Air Canada v. Davis (1994), 72 F.T.R. 283 (T.D.).

  • [17] La demanderesse soutient en outre que cette erreur a été aggravée par le fait que l’arbitre s’est fondé sur la réponse de Mme Lachappelle en contre-interrogatoire. Au paragraphe 10 de sa décision, il a tiré la conclusion suivante :

[traduction]
J’accepte totalement les éléments de preuve non contredits de Mme Siu selon lesquels elle et ses supérieurs immédiats en qui elle avait confiance, les membres du personnel mentionnés plus haut, vers qui elle se tournait systématiquement et sur qui elle comptait jour après jour pour obtenir de l’aide et des conseils, ont conclu que les dispositions de la page 11 du code de déontologie étaient au mieux ambiguës.

 

  • [18] La demanderesse soutient que l’arbitre a tiré des conclusions de fait erronées, de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments de preuve dont il disposait. Plus particulièrement, la demanderesse soutient que la conclusion de l’arbitre selon laquelle M. Birchall était totalement crédible était abusive, compte tenu de la preuve claire et non contredite. Lorsque les éléments de preuve de deux témoins se contredisent directement, on ne peut pas conclure que les deux sont « totalement crédibles ».

  • [19] En l’espèce, les éléments de preuve fournis par la défenderesse et M. Birchall ont été directement en contradiction à plusieurs reprises au cours de l’audience. Par exemple, M. Birchall a dit dans son témoignage qu’il a rempli lui-même le chèque de 5 000 $, tandis que les éléments de preuve de la défenderesse indiquaient que c’était elle qui l’avait fait pour lui. M. Birchall a également dit dans son témoignage que c’est lui qui avait eu l’idée de rédiger la lettre de juin 2003 à l’appui de la défenderesse et que la lettre a été rédigée dans ses propres mots. Cependant, la demanderesse a déclaré dans son témoignage qu’elle avait demandé la lettre, d’après les conseils d’un avocat, et qu’elle avait rédigé la lettre que M. Birchall avait par la suite signée.

  • [20] De plus, la demanderesse soutient que des éléments de preuve prouvent clairement que le témoignage de M. Birchall était conçu précisément pour aider la défenderesse. À un moment donné au cours de l’audience, selon les notes de l’avocat, M. Birchall a répondu ce qui suit à l’avocat de la défenderesse :

[traduction]
Vous n’avez pas été satisfait de ma dernière réponse? Dites-moi ce que vous voulez et j’essaierai de vous donner satisfaction.

 

  • [21] La demanderesse soutient également qu’il y avait des contradictions entre les éléments de preuve de la défenderesse et ceux de Mme Lachappelle. La défenderesse a dit dans son témoignage que Mme Lachappelle l’avait informée que le code de déontologie ne s’appliquait pas aux caissiers. Toutefois, Mme Lachappelle n’a pas fourni un tel élément de preuve. La demanderesse soutient que l’arbitre a omis, dans sa décision, de tenir compte de ces éléments de preuve contradictoires.

  • [22] La demanderesse soutient en outre que les éléments de preuve de la défenderesse sont remis en question étant donné les réponses qu’elle a fournies à l’enquêteur de la Banque au cours de l’entrevue du 17 avril 2003. Plus précisément, la défenderesse a dit que le chèque de 5 000 $ était le seul cadeau qu’elle avait reçu de M. Birchall; cependant, lorsqu’elle a été confrontée à la preuve contraire, elle a reconnu avoir reçu de lui d’autres chèques et d’autres objets.

 

  • [23] Compte tenu de ces éléments, la demanderesse soutient que les conclusions factuelles de l’arbitre quant à la crédibilité de la défenderesse étaient clairement erronées et ont été tirées sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance. Cette erreur touche non seulement la conclusion quant à la crédibilité, mais aussi la conclusion de l’arbitre selon laquelle les motifs de renvoi, fondés sur la malhonnêteté et les réponses évasives de la défenderesse, n’étaient pas fondés.

  • [24] Ensuite, la demanderesse soutient que l’arbitre a commis une erreur susceptible de contrôle dans son évaluation des éléments de preuve de Noreen Galeazzi. Au paragraphe 9 de la décision, l’arbitre a conclu ce qui suit :

[traduction]
Selon son témoignage, elle a d’abord consulté Noreen Galeazi [sic] et elles ont ensemble examiné le code de déontologie et ont conclu que même s’il n’était pas clair, il ne semblait pas s’appliquer à la situation en question, parce que le cadeau était de nature personnelle et non bancaire. Cependant, Mme Galeazi [sic] a suggéré à Mme Siu d’obtenir d’autres opinions.

 

  • [25] La demanderesse soutient que les conclusions de l’arbitre ont été tirées de façon abusive ou arbitraire étant donné qu’aucun élément de preuve n’a été présenté à l’audience pour étayer une telle conclusion. Les éléments de preuve de Noreen Galeazzi faisaient partie d’un exposé conjoint des faits. Cet exposé des faits ne précise pas si la défenderesse et Mme Galeazzi ont étudié le code de déontologie et tiré de telles conclusions quant à son application. En outre, aucun élément de preuve à cet effet n’a été présenté dans les éléments de preuve de la défenderesse, ni en interrogatoire principal ni en contre-interrogatoire.

  • [26] Troisièmement, pour ce qui est du code de déontologie, la demanderesse soutient que la conclusion de l’arbitre selon laquelle la défenderesse et les personnes en qui elle avait confiance ont trouvé qu’il prêtait à confusion a été tirée de façon abusive ou arbitraire, sans tenir compte des éléments de preuve dont il disposait. La défenderesse a dit dans son témoignage que Mme Lachappelle l’avait informée que le code de déontologie ne s’appliquait pas aux caissiers. Cependant, la défenderesse n’a fourni aucun élément de preuve indiquant qu’un autre employé l’avait informée en ce sens. En outre, les éléments de preuve de la défenderesse sur cette question ont été clairement contredits par les éléments de preuve de Mme Lachappelle. La demanderesse soutient que l’arbitre, dans ses motifs, laisse entendre que plus d’un membre du personnel a informé la défenderesse que le code de déontologie ne s’appliquait pas aux caissiers, mais les éléments de preuve de la défenderesse indiquent que seule Mme Lachappelle a fait une telle déclaration.

  • [27] En outre, la demanderesse soutient qu’il était manifestement déraisonnable de la part de l’arbitre d’accepter cette proposition en dépit des éléments de preuve démontrant que la défenderesse recevait chaque année une copie du code de déontologie et devait signer un formulaire pour indiquer qu’elle l’avait lu. La demanderesse soutient qu’aucun élément de preuve n’a été présenté pour indiquer que le code de déontologie ne s’appliquait pas à la défenderesse.


 

  • [28] Quatrièmement, la demanderesse fait remarquer que l’arbitre a formulé un commentaire selon lequel l’entrevue de la défenderesse par la Banque s’assimilait à un [traduction] « interrogatoire policier conçu pour piéger un criminel plutôt qu’un employé ayant trente ans d’ancienneté… Mme Siu n’a pas eu le temps de se préparer au déluge de questions lors de l’intense contre-interrogatoire de deux heures ».

  • [29] La demanderesse soutient que la transcription de l’entrevue a été déposée en pièce lors de l’audience devant l’arbitre et qu’une lecture minutieuse indique que cette entrevue, d’une durée d’environ une heure et quinze minutes, était de nature tout à fait appropriée. On a posé à la défenderesse des questions directes et simples. En outre, on a demandé à la défenderesse si elle avait examiné le formulaire de reconnaissance de droits et si elle comprenait ce formulaire ainsi que l’objectif de l’entrevue. Elle a reconnu l’avoir lu et elle a dit comprendre la nature et l’objectif de l’entrevue. Lors de l’audience devant l’arbitre, la défenderesse a dit dans son témoignage qu’on lui avait remis un formulaire de reconnaissance de droits qu’elle avait signé, et qu’elle devait ainsi savoir qu’elle était libre de mettre fin à l’entrevue en tout temps.

[30]  La demanderesse soutient que l’arbitre a commis une erreur de droit en omettant d’examiner une question juridique centrale, à savoir si le fait que la défenderesse= ait accepté le cadeau en argent de 5 000 $ de M. Birchall contrevenait au code de déontologie. Appliquant l’approche pragmatique et fonctionnelle des articles 240 à 243 du Code du travail, la demanderesse soutient que les tribunaux ont toujours appliqué la norme de la décision manifestement déraisonnable aux questions relevant de la compétence d’un arbitre, y compris la question de [traduction] « l’existence de motifs valables de congédiement »; voir Air Canada, précité, et Rogers Cablesystems Ltd. c. Roe (2000), 4 C.C.E.L. (3d) 170 (C.F. 1re inst.).

[31]  En l’espèce, l’arbitre a omis de donner une interprétation du code de déontologie et n’a pas tranché s’il y avait eu violation par suite des actions de la défenderesse. Au contraire, il a conclu que la défenderesse et ses collègues de travail avaient jugé que les dispositions du code de déontologie prêtaient à confusion et que de telles dispositions ne s’appliquaient pas aux caissiers de façon générale. À cet égard, l’arbitre a conclu ce qui suit :

[traduction]
Si la Banque espère se fonder sur des documents comme celui-ci pour justifier le congédiement d’employés, en particulier des employés de longue date, elle doit alors s’assurer que l’employé est non seulement au courant du document, mais qu’il connaît et comprend sa teneur et son incidence; ceci nécessiterait presque certainement des ateliers ou des séances de formation. On fait valoir que le fait de remettre chaque année une copie du code de déontologie et d’indiquer à l’employé de le lire n’allégera pas le fardeau de la banque, en particulier s’il est possible qu’une incompréhension prouvée débouche sur un congédiement.

 

  • [32] La demanderesse soutient que le libellé du code de déontologie est clair. La disposition pertinente du Code est la suivante :

[traduction]
** • Vous pouvez offrir ou accepter des cadeaux, faveurs, divertissements ou services modestes, à la condition suivante :

 

    il ne s’agit pas d’argent, d’obligations ou de titres négociables.

 

  • [33] La demanderesse soutient que le code de déontologie a été interprété et appliqué dans plusieurs décisions plaidées devant l’arbitre. Il a été déterminé qu’il faisait partie des conditions d’emploi des employés de la Banque Royale, en application de la décision dans Alleyne v. Royal Bank of Canada, [1998] C.L.A.D. no 804. La demanderesse soutient en outre que de nombreux arbitres ont conclu que la pratique de la Banque qui consiste à remettre le code de déontologie à ses employés tous les ans et à exiger qu’ils en accusent réception et qu’ils l’examinent suffit pour dire que les employés sont au courant de son contenu; voir M. v. Royal Bank of Canada, [2000] C.L.A.D. no 149; Cowan v. Royal Bank of Canada, [2003] C.L.A.D. no 292; Alleyne, supra; Evans v. Royal Bank of Canada, [1996] C.L.A.D. no 1125; et Hallingham v. Royal Bank of Canada, [1995] C.L.A.D. no 535.

  • [34] La demanderesse soutient que la décision de l’arbitre tient compte uniquement de la compréhension alléguée du code de déontologie par la défenderesse et n’offre aucune interprétation du document. La demanderesse soutient qu’il s’agissait là précisément de la question dont était saisi l’arbitre et que l’arbitre a commis une erreur susceptible de révision lorsqu’il a limité son analyse à l’état d’esprit subjectif de la défenderesse, au lieu d’examiner si elle avait contrevenu au code.

  • [35] Ensuite, la demanderesse soutient que l’arbitre a commis une erreur en omettant d’examiner si la défenderesse avait eu raison de ne pas consulter le code de déontologie concernant les deux chèques de 200 $ et les répercussions d’une telle omission sur une évaluation de sa crédibilité. De son propre aveu, la défenderesse n’a pas consulté le code de déontologie ou ses collègues de travail pour ce qui est d’accepter les deux paiements en argent de 200 $. De plus, au cours de son entrevue avec l’enquêteur de la Banque, la défenderesse a nié avoir reçu d’autres chèques ou sommes d’argent de M. Birchall, jusqu’à ce qu’elle soit confrontée à des éléments de preuve relatifs à ces paiements.

  • [36] La demanderesse soutient que l’arbitre n’a pas tenu compte des actions de la défenderesse pour ce qui est de ces chèques en déterminant si elle avait été injustement congédiée et, à la place, s’est concentré sur ses actions quant à l’acceptation du chèque de 5 000 $. La demanderesse affirme que cela constitue une erreur de droit.

  • [37] La demanderesse prétend que l’arbitre, ayant conclu que la défenderesse avait manqué à son obligation en tant qu’employée en omettant de consulter sa directrice, a commis une erreur de droit en omettant d’appliquer ce manquement à la question de savoir si elle avait été injustement congédiée par la Banque. L’arbitre s’est plutôt contenté d’appliquer ce manquement uniquement à la question du montant des dommages-intérêts, et a conclu ce qui suit :

[traduction]
De son propre aveu, Mme Siu a reconnu ne pas avoir suivi le conseil de l’une des personnes en qui elle avait confiance, à savoir de consulter la directrice. En rétrospective, cette décision était peut-être malavisée, mais il n’est pas déraisonnable de conclure qu’à ce moment-là, elle estimait avoir fait le tour de la question. Cependant, cette omission doit être prise en compte dans l’évaluation des dommages-intérêts.

 

  • [38] La demanderesse soutient qu’il incombait à la défenderesse d’être au courant des modalités du code de déontologie et que ce dernier suggère clairement aux employés de consulter leur directeur ou les personnes-ressources clés dont le nom est mentionné s’ils ne sont pas certains de la ligne de conduite à adopter. La demanderesse affirme que le fait que la défenderesse ait fait fi du libellé clair du code de déontologie et du conseil de son collègue, en qui elle avait confiance pour obtenir des conseils, constituait clairement une violation du code de déontologie, ce qui en soit justifie amplement son renvoi. Par conséquent, la demanderesse soutient que la position de l’arbitre consistant à réduire le montant des dommages-intérêts de 20 %, au lieu de maintenir le congédiement, était manifestement déraisonnable.

  • [39] La demanderesse déclare en outre que l’arbitre a commis une erreur de droit en accordant à la défenderesse des dommages-intérêts de 8 000 $ pour souffrance morale, en l’absence d’éléments de preuve établissant la souffrance morale et sans aucune preuve médicale. En examinant ce manque d’éléments de preuve, l’arbitre a écrit ce qui suit :

[traduction]
L’avocat de la Banque a soutenu que je dois disposer de preuves médicales professionnelles qui justifient ce montant. De tels éléments de preuve n’étaient pas disponibles au moment de l’audience. J’estime que les éléments de preuve de Mme Siu sont adéquats et je ne suis pas d’avis qu’une preuve médicale corroborante soit nécessaire en raison de la nature à court terme des ennuis de santé qui sont survenus.

 

  • [40] De même, la demanderesse soutient que l’arbitre a commis une erreur de droit en accordant des dommages-intérêts pour la paie de vacances en l’absence d’une preuve de perte de revenu ou de dépenses associées aux vacances perdues ou à une démonstration du fait que la défenderesse a effectivement perdu l’occasion de prendre des vacances au cours de la période de cessation d’emploi. Les seuls éléments de preuve présentés au moment de l’audience étaient que la défenderesse avait reçu cinq semaines de vacances à la Banque et que dans son nouvel emploi, elle recevait deux semaines.

OBSERVATIONS DE LA DÉFENDERESSE

  • [41] La défenderesse a soutenu qu’en raison de la présence d’une clause privative à l’article 243 du Code du travail, la décision de l’arbitre est susceptible de révision selon une norme très élevée, c’est-à-dire la norme de la décision manifestement déraisonnable. Se fondant sur Kelowna Flightcraft Air Charter Ltd. c. Kmet (1998), 149 F.T.R. 246 (T.D.), la défenderesse fait valoir que cette norme signifie que la décision devrait être maintenue, à moins qu’elle ne puisse pas être rationnellement étayée par une loi habilitante et que la justice exige l’intervention de la Cour. La norme de la décision manifestement déraisonnable est un critère très strict, comme il est indiqué dans Canada (Procureur général) c. Alliance de la fonction publique du Canada, [1993] 1 R.C.S. 941, et dans Paccar of Canada Ltd. v. Canadian Association of Industrial Mechanical and Allied Workers, Local 14 et al (1989), 62 D.L.R. (4th) 437 (C.S.C.).

  • [42] En réponse à l’argument de la demanderesse au sujet d’un manquement à l’équité procédurale découlant du refus par l’arbitre de permettre un contre-interrogatoire, la demanderesse a soutenu que Mme Lachappelle avait été appelée comme témoin en contre-preuve selon une base très limitée. En outre, la préoccupation soulevée par la demanderesse a trait aux éléments de preuve qui n’étaient pas significatifs pour la décision de l’arbitre.

  • [43] Comme question préliminaire, la défenderesse fait remarquer les difficultés inhérentes à évaluer les conclusions de fait de l’arbitre en l’espèce, alors qu’il n’y a aucune transcription disponible. La défenderesse reconnaît que les notes préparées par l’avocat de la demanderesse au cours de l’audience sont disponibles, mais elle affirme que ces éléments de preuve sont naturellement énigmatiques et difficiles à interpréter pour des personnes autres que l’auteur.

  • [44] Pour ce qui est des conclusions de l’arbitre quant à la crédibilité, la défenderesse soutient qu’il faut faire preuve de beaucoup de retenue à cet égard. En sa qualité de juge des faits, le décideur est le mieux placé pour évaluer la crédibilité du témoignage d’un témoin; voir Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235. La défenderesse soutient que les contradictions entre les éléments de preuve de M. Birchall et ceux de la défenderesse lors de l’audience, sur lesquelles s’est fiée la demanderesse, sont des détails qui n’ont pas d’incidence sur les véritables questions en litige dont était saisi l’arbitre. Elle soutient que ce qui était crucial dans la décision de l’arbitre était de savoir pourquoi M. Birchall avait fait le cadeau et s’il cherchait à obtenir un avantage bancaire en faisant ce cadeau.

  • [45] La défenderesse soutient que le fait qu’il existe des variations mineures dans les éléments de preuve précis de l’une de ses collègues, à savoir Mme Lachappelle, n’enlève rien à la conclusion généralisée de l’arbitre selon laquelle elle avait parlé à trois de ses collègues et en était arrivée à la conclusion que le code de déontologie ne s’appliquait pas aux caissiers. En outre, en réponse aux arguments de la demanderesse au sujet de l’entrevue de la défenderesse avec l’enquêteur, on avance que l’arbitre a précisément parlé de ces éléments de preuve dans ses motifs. Il a décrit les circonstances de l’entrevue, y compris le fait que la défenderesse n’avait pas eu de temps pour se préparer. Il a conclu qu’au lieu d’être malhonnête dans ses réponses, la défenderesse était confuse et déroutée et qu’elle a fait de son mieux pour dire la vérité dans le cadre d’une expérience stressante.

  • [46] Quant aux éléments de preuve de Noreen Galeazzi, la défenderesse soutient que personne n’a dit dans son témoignage qu’elle et Mme Galeazzi avaient étudié ensemble le code de déontologie. Les éléments de preuve établissent clairement que la défenderesse a parlé avec Mme Galeazzi du fait qu’elle avait reçu le chèque de 5 000 $. Elle soutient que si l’arbitre a commis une erreur en nommant Mme Galeazzi, au lieu d’une autre de ses collègues, cela ne suffit pas à établir que ses conclusions de fait générales aient été tirées de façon abusive ou arbitraire.

  • [47] La défenderesse soutient que l’interprétation par l’arbitre du fait que la défenderesse et ses collègues ont conclu que les dispositions du code de déontologie ne s’appliquaient pas aux caissiers se limitait à l’acceptation de [traduction] « cadeaux d’affaires ». Elle soutient que l’on n’a nullement laissé entendre que l’ensemble du code de déontologie ne s’appliquait pas aux caissiers. En outre, elle soutient que, quoi qu’elle et ses collègues aient déterminé quant à l’applicabilité de ces dispositions du code de déontologie, cela ne tranche pas la question réelle dont était saisi l’arbitre, à savoir si son congédiement était injuste.

  • [48] Ensuite, pour ce qui est de l’entrevue avec l’enquêteur, la défenderesse soutient que selon son témoignage devant l’arbitre, consigné sous la forme de notes prises par l’avocat de la demanderesse, elle a confirmé son état d’esprit pendant l’entrevue avec l’enquêteur. Par conséquent, l’arbitre était libre de tirer les conclusions qu’il a tirées relativement au processus d’entrevue de la Banque.

  • [49] La défenderesse soutient que la question ultime pour l’arbitre était de savoir si son congédiement était injuste, et non de savoir s’il y avait eu violation du code de déontologie. L’arbitre a tenu compte de l’historique d’emploi de la défenderesse auprès de la demanderesse, des circonstances entourant le cadeau, de l’ambiguïté du code de déontologie et de la réaction de la Banque, et il a conclu que le congédiement était injuste. La défenderesse soutient que la décision de l’arbitre n’est pas insuffisante et n’a pas non plus été faite sans compétence, du simple fait qu’il n’a pas précisé expressément s’il y avait eu violation du code de déontologie.

  • [50] Quant à son acceptation des deux chèques de 200 $ sans consulter le code de déontologie, la


défenderesse soutient qu’il est évident que l’arbitre n’a pas conclu que les circonstances entourant l’acceptation de ces cadeaux justifiait son congédiement.

  • [51] La défenderesse soutient que la décision de l’arbitre de réduire de 20 % le montant qui lui était octroyé, au motif qu’elle avait contribué à la faute, n’était pas manifestement déraisonnable. La jurisprudence étaye le droit d’un arbitre de réduire les dommages-intérêts de façon à refléter la mesure dans laquelle un employé contribue partiellement à la faute dans le cas d’événements qui mènent à un congédiement; voir Hollett v. Air Atlantic Ltd., [1994] C.L.A.D. no 668.

  • [52] Quant aux dommages-intérêts octroyés pour souffrance morale, la défenderesse soutient que l’arbitre a conclu que son congédiement était [traduction] « précipité ». Il a conclu que le congédiement et les circonstances entourant l’interrogatoire ouvraient droit à une déclaration de souffrance morale. La défenderesse soutient que cette conclusion est conforme aux règles énoncées dans la jurisprudence présentée à l’arbitre au cours de l’audience, c’est-à-dire Wallace c. United Grain Growers Ltd. (1997), 3 R.C.S. 701 et Zorn-Smith v. Bank of Montreal (2003), 31 C.C.E.L. (3d) 267 (Ont. S.C.).

  • [53] La défenderesse soutient en outre qu’il est bien établi qu’un arbitre peut octroyer une indemnisation pour pertes qui ne serait pas disponible en common law, selon la notion de la période de préavis raisonnable. L’approche adoptée par l’arbitre est conforme aux objectifs de « réparation » du paragraphe 242(4) du Code du travail, et n’est pas manifestement déraisonnable.

ANALYSE

i) Norme de contrôle

  • [54] L’article 243 du Code du travail prévoit une clause privative couvrant les décisions d’un arbitre dans le contexte d’une plainte déposée en application de l’article 240. Dans le contexte du contrôle judiciaire de telles décisions, le tribunal de révision doit faire preuve d’une grande retenue. L’article 243 prévoit ce qui suit :

243. (1) Les ordonnances de l’arbitre désigné en vertu du paragraphe 242(1) sont définitives et non susceptibles de recours judiciaires.

(2) Il n’est admis aucun recours ou décision judiciaire C notamment par voie d’injonction, de certiorari, de prohibition ou de quo warranto C visant à contester, réviser, empêcher ou limiter l’action d’un arbitre exercée dans le cadre de l’article 242.

 

243. (1) (1) Every order of an adjudicator appointed under subsection 242(1) is final and shall not be questioned or reviewed in any court.

(2) No order shall be made, process entered or proceeding taken in any court, whether by way of injunction, certiorari, prohibition, quo warranto or otherwise, to question, review, prohibit or restrain an adjudicator in any proceedings of the adjudicator under section 242.

 

  • [55] Si l’arbitre, équitablement et sans partialité manifeste ou craintes manifestes de partialité, respecte l’intégralité de l’article 242, et en particulier les paragraphes 242(3.1) et (4), il se conforme à l’intention du législateur. L’article 243 du Code du travail exige que la décision d’un arbitre, malgré des erreurs mineures de procédure, de fait et de droit, en l’absence d’une décision manifestement déraisonnable, n’est pas susceptible de recours judiciaire. Dans Aziz v. Telesat Canada (1995), 104 F.T.R. 267 (C.A.F.), le juge Heald, au paragraphe 19, a résumé les normes de contrôle applicables dans le cas de décisions rendues par un arbitre, et ce, au terme d’une analyse de la jurisprudence pertinente à cet égard :

[traduction]
En résumé, la jurisprudence applicable montre clairement que le critère d’examen relatif aux erreurs de fait et de droit est le critère élevé, et même rigoureux, de la norme de la décision manifestement déraisonnable  Elle montre également que le critère moindre, c’est-à-dire la  norme de la décision correcte, s’applique lorsque les erreurs se rapportent à des dispositions qui définissent la compétence d’un arbitre.

 

  • [56] L’alinéa 242(2)b) du Code du travail énonce qu’un arbitre fixe lui-même sa procédure, sous réserve de donner à chaque partie toute possibilité de lui présenter des éléments de preuve et des observations. L’article 16 du Code du travail est pertinent et dispose ceci :

 

16. Le Conseil peut, dans le cadre de toute affaire dont il connaît_:

a) convoquer des témoins et les contraindre à comparaître et à déposer sous serment, oralement ou par écrit, ainsi qu’à produire les documents et pièces qu’il estime nécessaires pour mener à bien ses enquêtes et examens sur les questions de sa compétence;

a.1) ordonner des procédures préparatoires, notamment la tenue de conférences préparatoires à huis clos, et en fixer les date, heure et lieu;

a.2) ordonner l’utilisation des moyens de télécommunication qui permettent aux parties et au Conseil de communiquer les uns avec les autres simultanément lors des audiences et des conférences préparatoires;

b) faire prêter serment et recevoir des affirmations solennelles;

c) accepter sous serment, par voie d’affidavit ou sous une autre forme, tous témoignages et renseignements qu’à son appréciation, il juge indiqués, qu’ils soient admissibles ou non en justice;

[...]

f.1) obliger, en tout état de cause, toute personne à fournir les renseignements ou à produire les documents ou pièces qui peuvent être liés à une question dont il est saisi, après avoir donné aux parties la possibilité de présenter des arguments;

[...]

16. The Board has, in relation to any proceeding before it, power

(a) to summon and enforce the attendance of witnesses and compel them to give oral or written evidence on oath and to produce such documents and things as the Board deems requisite to the full investigation and consideration of any matter within its jurisdiction that is before the Board in the proceeding;

(a.1) to order pre-hearing procedures, including pre-hearing conferences that are held in private, and direct the times, dates and places of the hearings for those procedures;

(a.2) to order that a hearing or a pre-hearing conference be conducted using a means of telecommunication that permits the parties and the Board to communicate with each other simultaneously;

(b) to administer oaths and solemn affirmations;

(c) to receive and accept such evidence and information on oath, affidavit or otherwise as the Board in its discretion sees fit, whether admissible in a court of law or not;

[...]

(f.1) to compel, at any stage of a proceeding, any person to provide information or produce the documents and things that may be relevant to a matter before it, after providing the parties the opportunity to make representations;

 

 

  • [57] En l’espèce, l’arbitre a permis à la demanderesse d’appeler Mme Lachappelle à titre de témoin en contre-preuve, pour un motif très limité, après que la défenderesse eut fini de donner ses arguments. Même si l’arbitre avait un pouvoir discrétionnaire de permettre ou non la présentation d’une contre-preuve, ayant exercé ce pouvoir discrétionnaire, l’arbitre aurait dû permettre à la demanderesse d’aborder une question soulevée lors du contre-interrogatoire de Mme Lachappelle dans le contexte de la contre-preuve. L’arbitre a permis à la défenderesse de soulever la question de la confusion à l’égard du code de déontologie en contre-interrogeant Mme Lachappelle après la présentation de sa contre-preuve. Il s’agissait d’une nouvelle question en litige découlant du contre-interrogatoire et, à mon avis, le refus de l’arbitre de permettre un réexamen sur ce point équivaut à un manquement aux règles de justice naturelle.

  • [58] Dans la décision Noel, précitée, la Cour a conclu que des éléments de preuve inadmissibles qui ont été obtenus de façon irrégulière en contre-interrogatoire peuvent faire l’objet d’un nouvel examen. De même, dans d’autres compétences d’arbitrage des relations de travail, il a été déterminé que le refus de permettre un contre-interrogatoire ou l’exclusion d’éléments de preuve admissibles et pertinents constitue un motif de révision et peut donner lieu à une ordonnance annulant l’octroi de dommages-intérêts si une grave injustice en a résulté; voir Girvin and Consumers’ Gas Co. (Re) (1973), 40 D.L.R. (3d) 509 (Ont. Div. Ct.) et Ottawa Newspaper Guild, Local 205 and Ottawa Citizen (Re) (1965), 55 D.L.R. (2d) 26 (Ont. H.C.J.).

  • [59] La défenderesse soutient que même si l’arbitre avait exercé de façon irrégulière son pouvoir discrétionnaire à cet égard et que la demanderesse aurait dû pouvoir réexaminer les éléments de preuve découlant du contre-interrogatoire en contre-preuve de Mme Lachappelle, la décision ultime ne portait pas sur les éléments de preuve selon lesquels le code de déontologie portait à confusion. En réponse, la demanderesse affirme que l’erreur de l’arbitre était aggravée par le fait qu’il s’est fondé, dans les motifs de sa décision, sur la réponse de Mme Lachappelle.

  • [60] Dans sa décision, l’arbitre a fait les observations suivantes :

[traduction]
J’accepte totalement les éléments de preuve non contredits de Mme Siu selon lesquels elle et ses supérieurs immédiats en qui elle avait confiance, les membres du personnel mentionnés plus haut, vers qui elle se tournait systématiquement et sur qui elle comptait jour après jour pour obtenir de l’aide et des conseils, ont conclu que les dispositions de la page 11 du code de déontologie étaient au mieux ambiguës. Elles ont conclu que les dispositions ne s’appliquaient pas de façon générale aux caissiers ni aux agents de contrôle de caisse étant donné qu’ils n’étaient pas en mesure d’accorder aux clients un avantage au niveau des taux d’intérêt des dépôts, des prêts ou d’autres questions discrétionnaires.

 

[...]

 

Je conclus que la Banque a été inéquitable envers Mme Siu et son client, M. Birchall. Elle a manqué à ses obligations envers Mme Siu en ne la formant pas convenablement quant aux cadeaux qu’il est approprié de recevoir [...].

 

L’avocat de Mme Siu a laissé entendre, avec une pointe d’humour, que la compréhension du code de déontologie serait facilitée si le lecteur était un avocat de grande ville. Je ne suis pas tout en fait en désaccord avec lui. [traduction]
Si la Banque espère se fonder sur des documents comme celui-ci pour justifier le congédiement d’employés, en particulier des employés de longue date, elle doit alors s’assurer que l’employé est non seulement au courant du document, mais qu’il connaît et comprend sa teneur et son incidence; ceci nécessiterait presque certainement des ateliers ou des séances de formation.

 

  • [61] Il semble d’après ces paragraphes qu’une grande partie de la décision de l’arbitre portait sur la question de savoir si les employés de la Banque étaient correctement informés du contenu du code de déontologie. En l’absence d’une transcription des éléments de preuve présentés lors de l’audience, il est difficile d’évaluer la portée des éléments de preuve sur lesquels s’est fondé l’arbitre pour tirer sa conclusion selon laquelle le code de déontologie portait à confusion. Cependant, ce qui est clair, c’est que lors du contre-interrogatoire, Mme Lachappelle a mentionné directement ce point. La demanderesse n’a pas eu la possibilité de la contre-interroger sur sa déclaration, ce qui semble avoir été un point sur lequel l’arbitre s’est fortement appuyé pour tirer sa conclusion.

  • [62] Par conséquent, bien que j’accepte que l’arbitre ait un pouvoir discrétionnaire important pour ce qui est de l’aspect procédural de l’audience, l’argument de la demanderesse me persuade que ce refus de permettre un contre-interrogatoire sur un point qui n’avait pas été soulevé avant le contre-interrogatoire, et sur lequel il s’est clairement appuyé, s’apparente à un déni d’équité procédurale. Cependant, je continuerai d’examiner les autres motifs avancés par la demanderesse dans le cadre de la présente requête en contrôle judiciaire.

  • [63] Comme je l’ai déjà mentionné, la demanderesse a soutenu que certaines conclusions de fait essentielles avaient été tirées par l’arbitre de façon abusive ou arbitraire, et sans tenir compte des éléments dont il disposait. Il s’agit plus particulièrement de ses conclusions quant à la crédibilité de M. Birchall et de la défenderesse. Lorsque la crédibilité est remise en question, les tribunaux ont conclu que l’arbitre était le mieux placé pour évaluer la crédibilité; voir Simard v. Transport Aerien Royal (1996), 112 F.T.R. 64 (T.D.). En outre, un tribunal devrait conclure qu’une erreur manifeste et dominante a été commise avant d’intervenir avec des conclusions de faits ou des déterminations de crédibilité; voir Vantage Contracting Inc. v. Marcil (2004), 27 Alta. L.R. (4th) 262 (Alta. Q.B.).

  • [64] La demanderesse a fait remarquer que l’acceptation par l’arbitre des témoignages de M. Birchall et de la défenderesse comme étant non contredits n’est pas étayée par les éléments de preuve. La demanderesse a renvoyé à plusieurs exemples où le témoignage de la défenderesse était contradictoire et incompatible avec celui de M. Birchall. À son tour, la défenderesse soutient que de telles contradictions sont des détails qui n’ont finalement pas eu d’incidence sur les véritables questions en litige dont était saisi l’arbitre et, en outre, que l’on devrait faire preuve de retenue à l’égard de l’arbitre dans les déterminations de crédibilité.

  • [65] L’évaluation de la preuve et des témoins est au cœur du rôle de l’arbitre. La Cour fait preuve d’un niveau élevé de retenue à l’égard de la décision d’un arbitre sur de telles questions. Compte tenu de la norme de contrôle très discrétionnaire et de l’absence d’une transcription de l’audience devant l’arbitre, il est difficile d’évaluer si les conclusions quant à la crédibilité étaient manifestement déraisonnables.

  • [66] Cependant, je ferais remarquer que l’arbitre n’a même pas reconnu dans sa décision qu’il y avait des contradictions entre les témoignages de ces deux témoins. Ce silence est perturbant. De même, en ce qui concerne la contradiction entre les éléments de preuve de Mme Lachappelle et de la défenderesse, l’arbitre semble avoir accepté comme étant crédibles les éléments de preuve de la défenderesse, sans expliquer pourquoi il n’a pas tenu compte du témoignage de Mme Lachapelle qui n’aurait pas dit à la défenderesse que les dispositions pertinentes du code de déontologie ne s’appliquent pas aux caissiers. Enfin, aucune véritable contestation n’a été formulée quant à la véracité des notes prises par l’avocat, tenant lieu de transcription.

  • [67] La demanderesse a soutenu que l’erreur de l’arbitre en ce qui concerne son évaluation de la crédibilité de la défenderesse était au cœur de son évaluation de l’un des motifs pour lesquels la défenderesse a été congédiée, à savoir au motif de sa malhonnêteté et de ses réponses évasives. Je souligne en outre que l’arbitre s’est fié à sa conclusion selon laquelle la défenderesse avait été informée par des employés de niveau supérieur de la Banque que les dispositions pertinentes du code de déontologie ne s’appliquaient pas aux caissiers.

  • [68] Dans ces circonstances, malgré la très grande retenue que l’on doit à l’arbitre pour ce qui est de ses conclusions quant à la crédibilité, je conclus qu’il était manifestement déraisonnable qu’il n’examine pas les éléments de preuve contradictoires qui lui avaient été présentés et, en outre, qu’il omette d’expliquer en termes clairs et non équivoques pourquoi il avait préféré une version des événements à une autre. Plus précisément, je conclus qu’il est déraisonnable que l’arbitre n’ait pas reconnu le fait que Mme Lachappelle a affirmé dans son témoignage qu’elle n’avait pas dit à la défenderesse que le code de déontologie ne s’appliquait pas aux caissiers.

  • [69] Cette conclusion est liée à l’aspect le plus grave de la décision de l’arbitre, à savoir son omission de répondre aux questions juridiques centrales. L’arbitre avait pour tâche d’examiner le congédiement de la défenderesse par la Banque afin de déterminer si elle avait été injustement congédiée. Quant à la notion de congédiement injuste dans le Code du travail, précité, la Cour d’appel fédérale a discuté du mandat de l’arbitre relativement à un congédiement, dans Bell Canada et Hallé (1989), 99 N.R. 149 (C.A.F.), au paragraphe 10, comme suit :

La question qui se posait à lui était celle de savoir si l’intimée avait été injustement congédiée. Pour y répondre, il devait d’abord s’interroger sur la nature, la suffisance et le bien-fondé des motifs de congédiement. En l’espèce, l’arbitre aurait donc dû se demander si la requérante avait eu raison de se plaindre du rendement de l’intimée et s’il y avait là motif à congédiement. Si l’arbitre avait répondu affirmativement à ces questions, il aurait dû ensuite se demander si la procédure suivant laquelle l’employée avait été congédiée était juste.

 

  • [70] En l’espèce, il y avait deux motifs de renvoi : le premier, la conviction qu’avait la Banque que la défenderesse avait accepté de façon inappropriée des cadeaux en violation du code de déontologie de la Banque et, deuxièmement, le fait que la Banque estimait qu’elle ne disait pas la vérité et qu’elle donnait des explications évasives au sujet de ces transactions. Par conséquent, l’arbitre avait pour mandat de déterminer si la demanderesse avait eu raison de se plaindre des actions de la défenderesse et si ces actions constituaient des motifs suffisants de renvoi. Ce n’est qu’après avoir obtenu une réponse positive à ces questions que l’arbitre devrait examiner si la procédure menant au congédiement de la défenderesse était présente.

  • [71] La première question est de savoir si l’acceptation par la défenderesse du cadeau de 5 000 $ de M. Birchall contrevenait au code de déontologie. À mon avis, la demanderesse a raison lorsqu’elle soutient qu’à part inclure les articles pertinents du code de déontologie de la Banque dans sa décision, l’arbitre ne fait aucune mention des dispositions précises de cette politique. Le congédiement de la défenderesse portait fondamentalement sur le fait qu’elle avait reçu des cadeaux et la politique de la Banque à ce sujet est clairement énoncée dans le code de déontologie. La décision de l’arbitre montre qu’il a accepté l’explication de la défenderesse selon laquelle elle et Mme Lachappelle avaient conclu que le code de déontologie portait à confusion. Cependant, il n’a donné aucune conclusion claire selon laquelle l’acceptation par la défenderesse du chèque de 5 000 $ constituait un manquement au code de déontologie de la Banque.

  • [72] Au contraire, l’arbitre a discuté de la question de savoir si la décision de la Banque de mettre fin à l’emploi de la défenderesse était appropriée, dans les circonstances, et a conclu que des réparations moindres auraient été disponibles, notamment annuler les cadeaux. L’arbitre a implicitement conclu que la Banque n’avait pas correctement formé ses employés relativement au code de déontologie.

  • [73] Compte tenu de l’approche analytique abordée dans la décision Hallé, précitée, l’arbitre aurait dû au départ tirer une conclusion claire quant à savoir si l’acceptation par la défenderesse du cadeau de 5 000 $ constituait un manquement au code. Les dispositions pertinentes de ce document sont accompagnées de deux astérisques. Il s’agit d’une indication à l’intention des employés sur le fait qu’un manquement à ces conditions précises entraînerait fort probablement un congédiement. À mon avis, le congédiement de la défenderesse repose fondamentalement sur l’acceptation de cadeaux qui, de l’avis de la Banque, est contraire au code de déontologie. La défenderesse soutient que la décision ultime que devait rendre l’arbitre était de décider si son congédiement était juste, et non simplement s’il y avait eu violation du code de déontologie.

  • [74] Il est clair d’après ses motifs que l’arbitre a préféré le témoignage de la défenderesse à celui de Mme Lachappelle, même s’il n’a pas donné de motifs clairs quant à cette préférence. L’arbitre n’a tiré aucune conclusion quant à savoir si le code de déontologie ne s’appliquait effectivement pas aux caissiers. Il n’a tiré aucune conclusion quant à savoir si la défenderesse avait mal interprété l’applicabilité de ces dispositions concernant l’acceptation de cadeaux.

  • [75] La norme de contrôle applicable relativement à l’analyse qu’a faite l’arbitre du code de déontologie est la norme de la décision manifestement déraisonnable. Étant donné qu’il a omis d’examiner une question en litige fondamentale, à savoir si l’acceptation par la défenderesse du cadeau de 5 000 $ constituait un manquement au code de déontologie, je conclus que la décision de l’arbitre était manifestement déraisonnable. La jurisprudence appuie clairement la conclusion selon laquelle un arbitre rend une décision manifestement déraisonnable s’il omet de répondre à la question dont il est saisi; voir Fraser c. C.R.T.F.P., [1985] 2 R.C.S. 455. Cette décision est pertinente à mon avis, même si elle a été prise dans le contexte de l’arbitrage des relations de travail au sein de la fonction publique.

  • [76] Cette omission de la part de l’arbitre, conjuguée aux autres erreurs signalées plus haut, m’amène à conclure que l’effet cumulatif de ces erreurs justifie une intervention judiciaire en l’espèce.

  • [77] De même, je conclus que l’arbitre a commis une erreur lorsqu’il a tranché les questions en litige concernant l’acceptation par la défenderesse de deux chèques de 200 $. Il a omis de se poser la question de savoir si l’acceptation de ces cadeaux constituait un manquement au code de déontologie de la Banque, et il a omis de trancher cette question.

  • [78] Compte tenu de ma conclusion à l’égard de ces points, il est inutile d’examiner la conclusion de l’arbitre selon laquelle les actions reprochées à la demanderesse, découlant de son omission de consulter sa directrice, justifiaient une réduction de 20 % de ses dommages-intérêts. Dans la même veine, il est inutile d’examiner la question des dommages-intérêts.

  • [79] Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de l’arbitre est annulée et l’affaire est renvoyée devant un autre arbitre aux fins d’examen. Même si la demanderesse a demandé une ordonnance de rejet de la plainte de la défenderesse, aucune jurisprudence n’a été citée à l’appui d’une telle proposition et je refuse d’accorder une telle réparation.

  • [80] Si les parties ne peuvent pas s’entendre sur le montant des dépens, des observations peuvent être présentées.

ORDONNANCE

 

  La demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de l’arbitre est annulée et l’affaire est renvoyée devant un autre arbitre aux fins de nouvel examen. Si les parties ne peuvent pas s’entendre sur le montant des dépens, des observations peuvent être présentées.

 

 

« E. Heneghan »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

 

Avocats inscrits au dossier

 

 

DOSSIER :  T-1439-04

 

INTITULÉ :    BANQUE ROYALE DU CANADA

demanderesse

  et

 

  DARLENE SIU

défenderesse

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :  LE 2 MAI 2005

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :  LA JUGE HENEGHAN

 

 

DATE DES MOTIFS :  LE 2 NOVEMBRE 2005

 

 

COMPARUTIONS :

 

Howard Ehrlich

Ena Ackerman    POUR LA DEMANDERESSE

 

William E. Knutson, c.r.    POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Bull Housser & Tupper

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)  POUR LA DEMANDERESSE

 

Shapiro Hankinson & Knutson

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)  POUR LA DÉFENDERESSE

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