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                                                                                                                                 Date : 20041006

                                                                                                                    Dossier : IMM-3775-03

                                                                                                                Référence : 2004 CF 1374

ENTRE :

                                            THAMARAICHELVY LOGESWAREN

                                                      RUBIGAH LOGESWAREN

                                                   RUBAGANTH LOGESWAREN

                                                                                                                                        demandeurs

                                                                             et

                     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

                                                                                                                                           défendeur

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE JUGE PHELAN

NATURE DE L'INSTANCE

[1]                Les présents motifs ont trait aux ordonnances que la Cour a délivrées le 14 septembre 2004 et par lesquelles elle a accueilli la requête en réexamen que le défendeur avait présentée. Le réexamen était fondé 1) sur la compréhension erronée de la Cour quant au fondement juridique de la première requête en annulation du statut de réfugié et 2) sur le fait que la requête interlocutoire était théorique, étant donné qu'une décision finale avait été rendue par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission).


Les faits

[2]                Le ministre avait engagé une procédure visant à obtenir l'annulation du statut de réfugié au motif qu'il avait été obtenu par fraude et fausses déclarations. Le demandeur avait déposé une requête en rejet de la requête en annulation en invoquant la chose jugée - une autre requête en annulation ayant précédemment été rejetée.

[3]                La requête invoquant la chose jugée a été rejetée par la Commission. Une demande d'autorisation de contrôle judiciaire de cette requête interlocutoire a été accueillie et le contrôle judiciaire a été entendu le 15 mars 2004.

[4]                Le 22 juin 2004, la Cour a rendu sa décision dans laquelle elle a souscrit à la conclusion de la Commission quant au caractère non applicable du principe de l'autorité de la chose jugée dans ces circonstances. Toutefois, la Cour a renvoyé l'affaire à la Commission pour qu'elle rende une nouvelle décision sur le fondement de l'article 56 des Règles de la Commission.

[5]                En rendant sa décision, la Cour a conclu à partir des observations qui ont été faites que le ministre agissait en vertu de l'article 55 des nouvelles Règles et se fiait à l'article 57 concernant les documents qui doivent être examinés par la Commission.

[6]                Malgré que les motifs de l'ordonnance eurent été rendus, aucune ordonnance n'a été délivrée pendait que l'on attendait la réception des observations sur question certifiée.

[7]                Le ministre a présenté cette requête en réexamen et en réouverture car aucune ordonnance définitive n'a été délivrée.


[8]                Il est maintenant devenu évident que, avant l'audience de la Cour du 15 mars 2004, la Commission avait tenu son audience sur le bien-fondé de la demande visant à obtenir l'annulation de la demande présentée en vue de faire annuler la conclusion de statut de réfugié. Cet événement n'a pas été porté à l'attention de la Cour malgré le fait que l'avocat de Logeswaren ait eu une connaissance directe et personnelle que l'audience sur le bien-fondé de la demande visant à obtenir l'annulation avait été tenue.

[9]                Le même jour que se tenait à la Cour l'audience relative au contrôle judiciaire, mais après la fin de cette audience, Logeswaren et son avocat ont reçu la décision de la Commission qui accueillait la requête en annulation. Ce fait n'a été porté à l'attention de la Cour qu'au moment de la requête en réouverture déposée par le ministre.

L'analyse

[10]            La Cour a procédé sur une compréhension erronée quant au fondement juridique de la requête en annulation du statut de réfugié présentée par le ministre. Le ministre avait compétence en vertu de l'article 190 de l'ancienne loi (la Loi sur l'immigration). L'autorisation de présenter la requête en annulation a été accordée le 5 juillet 2001. Par conséquent, l'exigence que la Commission réexamine l'affaire en vertu de l'article 56 des Règles n'est pas pertinente.

[11]            Il est tout aussi important de souligner que la Commission a rendu une décision définitive accueillant la demande d'autorisation de contrôle judiciaire. Il est préférable d'examiner à l'audience du contrôle judiciaire de l'ordonnance définitive de la Commission toute question concernant l'ordonnance interlocutoire, dans la mesure où elle n'est pas devenue théorique.


[12]            Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire de la décision interlocutoire de la Commission sera rejetée sans préjudice au droit des parties de soulever toute affaire déjà examinée par la Cour en rapport avec la décision interlocutoire.

[13]            La Cour a porté à l'attention de l'avocat une question sérieuse concernant le comportement de l'avocat et l'omission d'informer la Cour d'événements importants qui sont directement liés aux questions dont la Cour est saisie. La Cour n'a pas été informée que la Commission avait tenu une audience sur le bien-fondé de la requête en annulation, pas même après l'audience; ce n'est que juste avant de rendre ses motifs que la Cour a été informée que la Commission avait rendu sa décision définitive. Si l'avocat avait révélé dans les plus brefs délais ces événements, on aurait pu épargner beaucoup de temps et d'énergie et la ponction exercée sur les ressources du client et de la Cour aurait pu être évitée.

[14]            Bien que le ministre fut techniquement au courant de ces événements parce qu'un agent responsable à Montréal était au courant de la tenue de l'audience et de la décision, l'avocate du ministre n'était pas au courant. En fait, ces questions ont été portées à l'attention de la Cour par cette avocate aussitôt qu'elle a su ce qui s'était passé. On ne peut lui faire aucun reproche.

[15]            Par contre, l'avocat de Logeswaren a eu personnellement connaissance de ces événements mais a décidé de ne pas les divulguer à la Cour. De son propre aveu, il était tenu d'informer la Cour s'il était au courant de la décision définitive de la Commission au moment de l'audience de la Cour. Il affirme que, en tant que fonctionnaire de la Cour, il était tenu de révéler ces événements avant le prononcé de la décision et non pas immédiatement après la tenue de l'audience. Il s'agit là d'une distinction vide de sens. Les obligations de l'avocat sont des obligations constantes.


[16]            L'avocat aurait probablement trouvé utile de consulter l'article 4 du Code de déontologie du Barreau du Haut-Canada (Les rapports avec l'administration de la justice) et plus particulièrement le paragraphe 4.01(1) en ce qui a trait aux devoirs de l'avocat.

[17]            La Cour, dans la décision Robitaille c. Canada (Procureur général), [2002] A.C.F. no 1563, a été saisie d'une question d'omission de divulgation de faits pertinents. Le juge Blais a affirmé ce qui suit en parlant de l'omission de l'avocat de divulguer :

Il est possible que le procureur ait ignoré que la décision avait été rendue quatre (4) jours auparavant, mais il était de son devoir d'en informer la Cour dans les plus brefs délais afin d'éviter toute confusion quant au développement du dossier.

[18]            Les obligations de divulgation de l'avocat en tant qu'officier de justice ont été examinées (relativement à une requête ex parte) par le juge Power de la Cour supérieure de justice de l'Ontario dans la décision Mueller-Hein Corporation c. Donar Investments Limited, [2003] O.J. no 2302. Son résumé des obligations s'avère particulièrement judicieux car il souligne que le devoir de divulgation constitue une partie importante de l'intégrité du processus judiciaire.

[traduction]

53.            Pour que notre système contradictoire fonctionne bien, les avocats doivent se comporter d'une manière professionnelle et les cours doivent être convaincues que c'est effectivement le cas. Les avocats doivent pouvoir présumer avec confiance que leurs collègues n'agiront pas de manière à tirer indûment avantage d'une situation dans le but d'obtenir un avantage.

54.            Les juges doivent pouvoir présumer que les mérites sur lesquels ils doivent se prononcer sont bien les mérites pertinents.

55.            Si ces principes ne sont pas respectés, c'est l'ensemble de l'administration de la justice qui est mise en doute. Il n'y a place à aucune tentative de la part des avocats de façonner les faits de manière à dénaturer ou à ne pas tenir compte de faits importants. De même, il n'y a pas lieu de faire le « malin » lors de l'exposé des faits à la cour.

56.            La considération première doit être d'éviter que l'intégrité du processus judiciaire fasse l'objet d'abus. Le droit d'une cour d'imposer des dépens à une partie ou à un avocat est un contrepoids que la cour possède et qui lui permet de contrôler ses procédures.


[19]            Comme l'avocat du ministre n'a pas parlé de la question des dépens, aucuns dépens ne seront adjugés. Toutefois, il s'agissait peut-être d'un cas propice à condamner personnellement l'avocat à payer des dépens sur la base avocat-client.

                                                                                                                           « Michael L. Phelan »          

   Juge

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B., trad. a.


                                                             COUR FÉDÉRALE

                                              AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                                  IMM-3775-03

INTITULÉ :                                                 THAMARAICHELVY LOGESWAREN et autres

c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

LIEU DE L'AUDIENCE :                           TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                         LE 14 SEPTEMBRE 2004

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :            LE JUGE PHELAN

DATE DES MOTIFS :                                LE 6 OCTOBRE 2004

COMPARUTIONS :

Kumar S. Sriskanda                                       POUR LE DEMANDEUR

Karen R. Wilding                                            POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Kumar S. Sriskanda                                       POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)                                                                                                                                 

Morris Rosenberg                                           POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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