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Date : 20010307

Dossier : T-1805-98

                                                                                       Référence neutre : 2001 CFPI 157

ENTRE :

RÉVÉREND FRÈRE WALTER A. TUCKER

ET RÉVÉREND FRÈRE MICHAEL J. BALDASARO

                                                                                                                            demandeurs

- et -

                                                  SA MAJESTÉ LA REINE

défenderesse

                                            MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE HENEGHAN

[1]                Sa Majesté la Reine (la défenderesse) sollicite une ordonnance de sursis à la présente action en attendant l'issue de certaines procédures judiciaires relatives à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, L.C. 1996, ch. 19 (la Loi), dont est maintenant saisie la Cour de justice de l'Ontario à Hamilton et auxquelles sont parties le Révérend Frère Walter A. Tucker et le Révérend Frère Michael J. Baldasaro (les demandeurs).

[2]                La défenderesse fonde sa requête sur l'alinéa 50(1)b) de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, qui est rédigé comme suit :



50(1) La Cour a le pouvoir discrétionnaire de suspendre les procédures dans toute affaire :

b) lorsque, pour quelque autre raison, l'intérêt de la justice l'exige.

50(1) The Court may, in its discretion, stay proceedings in any cause or matter,

(b) where for any other reason it is in the interest of justice that the proceedings be stayed.


[3]                Pour accorder un sursis en application de cette disposition, il faut déterminer si l' « intérêt de la justice » l'exige; voir Pearson c. Canada, [1999] A.C.F. no 1298.

[4]                Selon la défenderesse, comme les procédures judiciaires introduites en application de la Loi mettent en cause les mêmes parties et portent essentiellement sur la même question, soit la constitutionnalité de certaines dispositions de la Loi, il serait dans l' « intérêt de la justice » de surseoir à la prise d'autres mesures dans le cadre de l'action jusqu'à ce qu'il soit statué sur les procédures judiciaires à Hamilton. La défenderesse prétend qu'un sursis ne causerait pas un préjudice important aux demandeurs et permettrait d'éviter la conséquence indésirable que la Cour et la Cour de justice de l'Ontario rendent des décisions contradictoires.

[5]                Les demandeurs s'opposent à la requête en sursis de la défenderesse. Ils affirment que cette requête équivaut à une requête en radiation de la présente action et qu'ils ont déjà réussi dans leur défense à l'égard de telles requêtes en radiation. En outre, ils affirment que leurs libertés individuelles sont en jeu et qu'il est dans l'intérêt de la justice que la présente action suive son cours.


[6]                Les demandeurs prétendent également qu'ils sont autorisés à choisir leur tribunal. Ils soutiennent que, comme leur action devant la Cour porte sur l'interprétation d'une loi fédérale, ils sont autorisés à poursuivre la présente action, malgré les procédures judiciaires dont est maintenant saisi le tribunal à Hamilton.

[7]                Je conviens que les poursuites d'infractions en vertu de la Loi soulèvent des questions semblables aux questions soulevées en l'espèce parce qu'elles se rapportent à la légalité de dispositions de la Loi interdisant la possession et l'usage de certaines drogues et autres substances contrôlées. Les demandeurs prétendent que certaines dispositions de la Loi portent atteinte à leurs droits de pratiquer leur religion.

[8]                Il peut y avoir un certain chevauchement entre la preuve et les arguments juridiques dans les deux affaires. Toutefois, il existe une différence entre les procédures judiciaires à Hamilton et la présente action qui appuie la position des demandeurs.

[9]                Les procédures judiciaires à Hamilton concernent la poursuite d'infractions en vertu de la Loi. Elles ont été intentées à l'instigation de la Couronne. Le contrôle de celles-ci n'est pas entre les mains des demandeurs.


[10]            La Cour de justice de l'Ontario et la Cour fédérale du Canada sont deux tribunaux « compétent[s] » au sens de l'article 24 de la Charte canadienne des droits et libertés, lorsqu'il s'agit de déterminer si on a contrevenu à des droits constitutionnels. Voir Mooring c. Canada [1996] 1 R.C.S. 75, où la Cour suprême du Canada a conclu qu'un tribunal ne constituera « un tribunal compétent » au sens du paragraphe 24(1) que s'il a compétence (i) sur les parties, (ii) sur l'objet du litige et (iii) sur la réparation demandée. Ces conditions s'appliquent en l'espèce.

[11]            Quand il y a plusieurs procédures judiciaires portant sur des questions semblables devant différents tribunaux, il y a un risque que des décisions judiciaires contradictoires soient rendues. Il m'est impossible de prévoir l'issue des procédures judiciaires devant la Cour ou de celles devant la Cour de justice de l'Ontario. Il est loisible à la Couronne de demander qu'il soit sursis à ces procédures judiciaires si elle désire aborder uniquement une affaire à la fois.

[12]            Il convient de noter que dans la présente requête, la défenderesse prétend que les demandeurs ne subiront pas un préjudice « important » si la Cour sursoit à la présente action. Les demandeurs affirment qu'ils subiront un préjudice si le sursis est accordé.

[13]            Bien que je n'accepte pas l'argument des demandeurs selon lequel l'octroi d'un sursis en l'espèce équivaut à la radiation de leur action, j'estime qu'il y a un plus grand risque de préjudice pour les demandeurs que pour la défenderesse si la Cour sursoit à la présente action. Bien entendu, la défenderesse concède ce point comme nous l'avons noté précédemment.


[14]            L'intérêt de la justice milite en faveur de la poursuite du déroulement de la présente action devant la Cour. La requête en sursis de la défenderesse est rejetée et la présente action suivra son cours conformément au calendrier fixé dans l'ordonnance du juge Blanchard datée du 15 février 2001.

[15]            Il n'y aura aucune ordonnance quant aux dépens.

« E. Heneghan »

J.C.F.C.

Ottawa (Ontario)

Le 7 mars 2001

Traduction certifiée conforme

Julie Boulanger, LL.M.


COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NO DU GREFFE :                                             T-1805-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :                RÉVÉREND FRÈRE WALTER A. TUCKER et autre - c - SA MAJESTÉ LA REINE

LIEU DE L'AUDIENCE :                                 TORONTO (ONTARIO)

DATE DE L'AUDIENCE :                               LE 26 FÉVRIER 2001

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PAR :          MADAME LE JUGE HENEGHAN

DATE DES MOTIFS :                          LE 7 MARS 2001

ONT COMPARU :

Révérend Frère Walter A. Tucker                      POUR LEUR PROPRE COMPTE

Révérend Frère Michael J. Baldasaro                            

M. Eric Noble                                                   POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Révérend Frère Walter A. Tucker                      POUR LEUR PROPRE COMPTE

Révérend Frère Michael J. Baldasaro

Hamilton (Ontario)

Morris Rosenberg                                              POUR LA DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

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