Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision


Date : 19990317


Dossier : IMM-373-98

OTTAWA (ONTARIO), LE 17 MARS 1999

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE McKEOWN

ENTRE :


SHAKILA SHAH,


demanderesse,


- et -


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,


défendeur.


ORDONNANCE

     La demande de contrôle judiciaire est accueillie. L'affaire est renvoyée à la Section d'appel de l'immigration (la SAI) pour réexamen par un tribunal différemment constitué et la SAI a pour instructions de déterminer si l'admission du père de la demanderesse au Canada entraînerait un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé.

     William P. McKeown

                                         Juge

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.


Date : 19990317


Dossier : IMM-373-98

ENTRE :


SHAKILA SHAH,


demanderesse,


- et -


LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION,


défendeur.


MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE McKEOWN

[1]      La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section d'appel de l'immigration (la SAI) a décidé, le 13 janvier 1998, de rejeter l'appel formé par la demanderesse sous le régime du paragraphe 77(3) de la Loi sur l'immigration (la Loi).

[2]      Les questions en litige sont celles de savoir si les médecins agréés ont omis de tenir compte de l'opinion de deux médecins en rendant leur décision et si la conclusion de fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé tirée par les médecins agréés s'appuyait non seulement sur la possibilité d'interruption du soutien de la famille, mais aussi sur l'état de santé du père et sur ses conséquences.

[3]      Voici un extrait de la lettre de l'agent des visas datée du 17 mars 1992 concernant les questions en litige :

         [Traduction] ... L'évaluation de votre examen médical par les médecins agréés de Santé et Bien-être social a révélé que vous souffrez de :         
         DIAGNOSTIC : ATROPHIE CÉRÉBELLEUSE         
         DESCRIPTION : Vous êtes atteint d'une affection neurologique évolutive du système cérébelleux qui devrait s'aggraver. Bien que vous soyez capable de vous nourrir, vous avez besoin d'aide pour vous déplacer et pour d'autres activités de la vie quotidienne. Advenant l'interruption du soutien de votre famille, vous seriez un candidat à l'admission dans un centre de soins de longue durée alors que de nombreux canadiens sont inscrits sur une liste d'attente pour être admis dans un tel centre. Vous êtes donc inadmissible par application du sous-alinéa 19(1)a) (ii).         

[4]      L'agent des visas a ajouté :

         [Traduction] Votre demande a aussi été examinée en regard des facteurs d'ordre humanitaire qui auraient pu jouer en votre faveur, mais aucun élément n'a pu être discerné, puisque vous êtes propriétaire d'une résidence et d'une terre agricole de valeur au Pakistan. De plus, vous vivez une vie normale avec un de vos fils et deux de vos deux filles au Pakistan. Compte tenu de ce qui précède, nous n'avons d'autre choix que de rejeter votre demande de résidence permanente au Canada.         

[5]      Les médecins agréés et l'agent des visas avaient en main les rapports de deux médecins. Le Dr Iqbal, généraliste, a conclu que l'état de santé du père de la demanderesse était [Traduction] " satisfaisant compte tenu de son âge; il souffre peut-être d'une dépression, qui se manifeste par la réduction de ses activités quotidiennes ". Son pronostic était [Traduction] " bon, dans l'ensemble ". Il a également mentionné une [Traduction] " faiblesse physique/musculaire généralisée; légèrement supérieure au niveau IV, mais inférieure au niveau V; il marche et peut rester debout avec un appui; aucun antécédent de maladie cérébro-vasculaire; dans l'ensemble, les résultats d'un examen du système nerveux se situent dans les limites de la normale, compte tenu de son âge. Sa seule anomalie évidente est un léger affaiblissement de la coordination ". À la suite de ce rapport, il a été dirigé vers un neurologue, le Dr Malik, qui a rédigé un rapport dont voici un extrait : [Traduction] " il ne manifestait ni faiblesse, ni aucune paralysie, aucun symptôme sensoriel ni autre symptôme neurologique; homme de 74 ans qui a l'air en santé et qui s'est présenté à la clinique en marchant avec un appui (une marchette). Privé d'appui, il marchait de façon maladroite en déviant de sa direction et ne pouvait absolument pas marcher en ligne droite. " Le Dr Malik a ajouté [Traduction] " Aucun trouble sensoriel " et a terminé son rapport en ces termes : [Traduction] " Opinion : atrophie cérébelleuse (aucun antécédent familial) ".

[6]      La SAI a confirmé l'opinion de l'agent des visas. Elle a formulé une remarque critique : [Traduction] " Bien que les questions d'inadmissibilité soient normalement tranchées au jour de l'audition de l'appel, l'inadmissibilité pour une raison médicale fait exception et doit être évaluée au jour où l'agent des visas a prononcé le refus. " La SAI n'a pas fait d'erreur en énonçant ainsi l'état du droit à cet égard. Elle a de plus souligné que la plupart des prétentions de la demanderesse visaient à contester le diagnostic d'atrophie cérébelleuse et non la conclusion portant sur le fardeau excessif pour les services sociaux et de santé et l'a réprimandée pour cette raison.

[7]      La demanderesse a déposé une série de rapports médicaux visant son père, tous préparés de deux à trois ans après le refus. Ces rapports indiquent que son état de santé ne s'est pas aggravé. De plus, ils laissent croire qu'il s'est amélioré. Par ailleurs, le Dr Khitab, un médecin canadien, a résumé les opinions médicales exprimées depuis 1991, le 19 mars 1997. Il a souligné que la tomographie axiale transverse assistée par ordinateur de la tête effectuée en mai 1995 était normale et il a tiré les conclusions suivantes : [Traduction] " Les rapports susmentionnés semblent concorder sur les points suivants : a. M. Zaman présente certaines faiblesses musculaires; b. M. Zaman éprouve certaines difficultés dans certaines activités quotidiennes, mais il se débrouille pour fonctionner sans le soutien d'autres personnes; c. L'état de santé de M. Zaman ne s'est pas aggravé au cours des dernières années; d. Il n'a pas eu besoin de recourir à des médicaments au cours de cette période. " Le Dr Khitab mentionne aussi la conclusion d'atrophie cérébelleuse tirée par le Dr Malik et souligne : [Traduction] " Le Dr Malik n'a pas précisé le type particulier d'atrophie cérébelleuse dont M. Zaman est atteint ". Il explique ensuite les causes des affections cérébelleuses évolutives et précise qu'aucune d'elles ne s'applique au cas du demandeur.

[8]      La jurisprudence établit que la validité et la précision du diagnostic et du pronostic des médecins agréés concernant l'état de santé identifié, qui relèvent directement de l'expertise professionnelle des médecins, ne peuvent être vérifiées ni contestées par des non-médecins. En conséquence, en ce qui concerne la première question en litige, je confirme la conclusion de la SAI relativement au diagnostic et au pronostic des médecins agréés.

[9]      Toutefois, en ce qui a trait à la deuxième question en litige, l'opinion des médecins agréés sur le fardeau excessif pour les services sociaux et de santé est essentiellement une décision à caractère administratif, et je dois vérifier si elle est raisonnablement fondée, compte tenu de l'état de santé particulier de l'immigrant éventuel. L'opinion des médecins agréés quant au fardeau excessif est susceptible de contrôle et je peux exiger que son bien-fondé soit démontré.

[10]      Dans la décision Ismaili c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), (1995) 29 Imm. L.R. (2d) 1 (C.F. 1re inst.), le juge Cullen a déclaré, à la page 15 :

         ... La Cour d'appel a établi que, lorsqu'elle contrôle une décision d'un arbitre ou d'un agent d'immigration, la Section d'appel de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié a le pouvoir de vérifier le caractère raisonnable de la conclusion relative au fardeau qui sera probablement imposé aux services gouvernementaux.         

[11]      À la page 16, le juge Cullen mentionne la décision rendue par le juge Heald de la Cour d'appel dans l'affaire Ahir c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), (1983) 49 N.R. 185, dans laquelle il a tenu les propos suivants :

         Étant donné l'économie de la loi, l'arbitre d'abord et la Commission ensuite, quand il y a appel, doivent décider si, comme les médecins l'ont conclu, la possibilité que l'admission entraîne un fardeau excessif est " vraisemblable " ou non, compte tenu des circonstances de chaque cas particulier.         

[12]      Le juge Cullen enchaîne :

         La Cour d'appel a précisé son pouvoir d'enquête et indiqué qu'un agent des visas doit également décider s'il existe un lien entre la preuve de l'état de santé et la question de savoir si le requérant risquerait d'entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé.         
         ...         
         L'agent des visas -- tout à fait indépendamment de la décision des médecins agréés -- doit considérer si l'état de santé du requérant entraînerait un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé. L'agent des visas, sans mettre en doute l'opinion médicale et le diagnostic, doit considérer tous les éléments de preuve disponibles.         

[13]      En l'espèce, compte tenu de ce qui précède, je suis convaincu que la SAI n'a pas pris en considération tous les éléments de preuve pour rendre sa décision sur la question de savoir si le père de la demanderesse entraînerait effectivement un fardeau excessif pour les services sociaux et de santé. Les rapports des médecins, dont j'ai traité dans le paragraphe 7, soulèvent un doute quant à savoir si l'admission du père de la demanderesse au Canada entraînerait un fardeau excessif pour les services sociaux et de santé.

[14]      En conséquence, j'accueillerai la demande de contrôle judiciaire. L'affaire est renvoyée à la SAI pour réexamen par un tribunal différemment constitué et la SAI a pour instructions de déterminer si l'admission du père de la demanderesse au Canada entraînerait vraisemblablement un fardeau excessif pour les services sociaux et de santé.

     William P. McKeown

                                         Juge

OTTAWA (Ontario)

17 mars 1999

Traduction certifiée conforme

Laurier Parenteau, LL.L.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS ET AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

NUMÉRO DU GREFFE :          IMM-373-98

INTITULÉ DE LA CAUSE :      SHAKILA SHAH c. MCI

LIEU DE L'AUDIENCE :          Toronto (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :          4 mars 1999

MOTIFS DE L'ORDONNANCE PRONONCÉS PAR MONSIEUR LE JUGE McKEOWN

DATE DES MOTIFS :          17 mars 1999

ONT COMPARU :

Me Jesse Malik              POUR LA DEMANDERESSE

Me Lori Hendriks              POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Me Jesse J. Malik              POUR LA DEMANDERESSE

Hannon (Ontario)

Me Morris Rosenberg          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.