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Date : 20000608


Dossier : IMM-5312-99



ENTRE :



     KENNETH C.K. CHAN

     demandeur


     - et -



     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION

     défendeur



     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE HENEGHAN


[1]          Il s"agit d"une demande de contrôle judiciaire d"une décision datée du 23 septembre 1999 dans laquelle Raymond Gabin (l"agent des visas) a rejeté la demande de résidence permanente au Canada de Kenneth Chau Kam Chan (le demandeur).


[2]          Le demandeur a été évalué au regard de la Classification nationale des professions (la CNP) en tant que conseiller financier. Cependant, l"agent des visas a conclu que le demandeur n"avait pas les compétences requises aux termes de la CNP. Le demandeur a également été évalué en tant que représentant du service à la clientèle et a obtenu les points d"appréciation suivants :

     Âge                      10
     Facteur professionnel              00

     Préparation professionnelle spécifique

     ou facteur des études et de la formation      05
     Expérience                  02
     Emploi réservé                   00
     Facteur démographique              08
     Études                       15
     Connaissance de l"anglais et du français      08
     Points supplémentaires pour les parents aidés      00
     TOTAL                      48

Comme le demandeur n"a obtenu que 48 points d"appréciation, sa demande de résidence permanente a été rejetée.


[3]          Le demandeur est entré au Canada en 1991 pour fréquenter l"école secondaire et il réside en Ontario depuis lors. Après avoir obtenu son diplôme, il a travaillé à la Banque de Montréal grâce à un permis de travail de diplômé d'études supérieures valide pour une année et expirant le 12 janvier 2000.


[4]          Le demandeur prétend qu"un exercice favorable du pouvoir discrétionnaire était indiqué en l"espèce. Le ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration (le défendeur) soutient que rien ne prouve que le demandeur a demandé que le pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 11(3) du Règlement sur l"immigration de 1978 soit exercé favorablement.


[5]          Le paragraphe 11(3) du Règlement sur l"immigration prévoit :

A visa officer may

(a) issue an immigrant visa to an immigrant who is not awarded the number of units of assessment required by section 9 or 10 or who does not meet the requirements of subsection (1) or (2), or

(b) refuse to issue an immigrant visa to an immigrant who is awarded the number of units of assessment required by section 9 or 10, if, in his opinion, there are good reasons why the number of units of assessment awarded do not reflect the chances of the particular immigrant and his dependants of becoming successfully established in Canada and those reasons have been submitted in writing to, and approved by, a senior immigration officer.

L'agent des visas peut

a) délivrer un visa d'immigrant à un immigrant qui n'obtient pas le nombre de points d'appréciation requis par les articles 9 ou 10 ou qui ne satisfait pas aux exigences des paragraphes (1) ou (2), ou

b) refuser un visa d'immigrant à un immigrant qui obtient le nombre de points d'appréciation requis par les articles 9 ou 10, s'il est d'avis qu'il existe de bonnes raisons de croire que le nombre de points d'appréciation obtenu ne reflète pas les chances de cet immigrant particulier et des personnes à sa charge de réussir leur installation au

Canada et que ces raisons ont été soumises par écrit à un agent d'immigration supérieur et ont reçu l'approbation de ce dernier.

                                        

[6]          En l"espèce, le demandeur n"a jamais sollicité une évaluation fondée sur le paragraphe 11(3). Dans la décision Lam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration) (1999), 152 F.T.R. 316 (1re inst.), le juge Rothstein, alors qu"il siégeait à la Section de première instance, s"est dit d"avis que lorsque le demandeur veut que l"agent des visas examine s"il convient d"exercer favorablement le pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 11(3), il faut qu'il en fasse la demande sous une forme ou sous une autre. Le juge Rothstein a écrit :

     [Le paragraphe 11(3)] ne dit pas dans quelles conditions l'agent des visas exerce le pouvoir discrétionnaire qui y est prévu. Rien ne l'empêche de l'exercer de son propre chef s'il le juge indiqué. Mais si c'est le demandeur qui veut qu'il l'exerce, il semblerait qu'il faut qu'il en fasse la demande sous une forme ou sous une autre. Bien qu'il n'y ait pas une formule réglementaire à employer, il devrait à tout le moins présenter quelques bonnes raisons pour soutenir que la décision relative aux points d'appréciation ne reflète pas ses chances d'établissement au Canada. Il n'y a eu aucune demande de ce genre en l'espèce.
     Le demandeur soutient qu'il ne pouvait savoir qu'il devait demander l'exercice du pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 11(3) qu'une fois informé que sa demande avait été rejetée faute de points d'appréciation du facteur professionnel, d'où la nécessité d'une entrevue. Cet argument est cependant hors de propos. L'agent des visas n'est pas tenu de donner au fur et à mesure des bribes de décision et d'en informer le demandeur à chaque étape, même en cas d'entrevue. L'attribution des points d'appréciation est la méthode conventionnelle par laquelle il décide s'il y a lieu de délivrer le visa d'immigrant. Le paragraphe 11(3) représente l'exception. Dans le cas où le demandeur a des raisons de penser qu'il pourra s'établir avec succès au Canada, abstraction faite des points d'appréciation attribués, il peut faire part de ces raisons à l'agent des visas pour lui demander d'exercer le pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 11(3)1.

[7]          Le juge McGillis a cité et approuvé ce raisonnement dans la décision Savvateev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l"Immigration) (1999), 170 F.T.R. 317 (1re inst.). Toutefois, le juge McGillis a également fait les commentaires suivants :

     Bien que je partage dans l'ensemble les observations ci-dessus du juge Rothstein, il faut noter que c'est dans le contexte de l'affaire dont il était saisi et où le demandeur n'avait absolument aucune expérience dans la profession envisagée, qu'il faut saisir cette conclusion que le demandeur qui veut que l'agent des visas exerce le pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 11(3) doit en faire la " demande sous une forme ou sous une autre ". En particulier, rien dans le dossier lui-même ne permettait de dire qu'il existait " de bonnes raisons de croire que le nombre de points d'appréciation obtenu ne reflète pas les chances du demandeur de s'établir avec succès au Canada ". Les faits soumis au juge Rothstein dans Lam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) sont différents des faits dans l'affaire en instance, où le demandeur avait non seulement les qualités requises pour la profession envisagée de réparateur de matériel électronique, mais aussi une offre d'emploi authentique2.


[8]          L"avocat du demandeur soutient que la présente espèce ressemble à l"affaire Savvateev , précitée, compte tenu de la lettre datée du 9 juin 1999 qui a été déposée en preuve. Cette lettre a été rédigée par Marie Sibley, cadre de direction au Service à la clientèle de la Banque de Montréal, et indique que le demandeur travaille à la banque depuis janvier 1999. La lettre indique également que le demandeur a des possibilités d"emploi auprès de la banque.


[9]          Néanmoins, après avoir examiné la lettre, j"estime qu"elle n"équivaut pas à une offre d"emploi et, en conséquence, je suis d"avis que l"agent des visas n"a pas commis d"erreur en n"examinant pas si un exercice favorable du pouvoir discrétionnaire était indiqué. En outre, je note que le demandeur a été jugé ne pas avoir les compétences requises pour exercer la profession envisagée de conseiller financier et qu"il n"a obtenu aucun point d"appréciation pour le facteur de la demande dans la profession lorsqu"il a été évalué en tant que représentant du service à la clientèle.


[10]          L"agent des visas n"a pas agi de façon abusive, arbitraire ou déraisonnable en n"exerçant pas favorablement le pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 11(3) du Règlement sur l"immigration. Les parties ont indiqué qu"elles n"avaient aucune question à faire certifier en l"espèce.


[11]          En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.     

     " Elizabeth Heneghan "

     J.C.F.C.


Traduction certifiée conforme


Julie Boulanger, LL.M.

COUR FÉDÉRALE DU CANADA

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE


AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


NO DU GREFFE :              IMM-5312-99
INTITULÉ DE LA CAUSE :      KENNETH C.K. CHAN
                         c.
                     MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION
LIEU DE L"AUDIENCE :          TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L"AUDIENCE :          LE 9 MARS 2000

MOTIFS DE L"ORDONNANCE DE MADAME LE JUGE HENEGHAN

DATE DES MOTIFS :          LE 8 JUIN 2000

ONT COMPARU :

M. T. E. Leahy                          POUR LE DEMANDEUR
M. B. A. Frimeth                          POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

M. Timothy E. Leahy                          POUR LE DEMANDEUR
M. Morris Rosenberg                          POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

__________________

1Ibid., aux pages 317 et 318.

2Ibid., à la page 319.

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